Comprendre Paul de Tarse

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Comprendre Paul de Tarse

Pourquoi vouloir comprendre Paul de Tarse ?

Chercher à comprendre le christianisme authentique nécessite de comprendre ceux qui l’ont construit.
Sans chercher à trier le vrai du faux dans le déroulement des événements du premier siècle, il est clair que deux courants chrétiens s’opposaient alors sur quelques principes fondamentaux.
L’un, porté — semble-t-il — par Jacques (non pas le disciple mais le frère de Jésus) et Pierre, voulait réserver le christianisme aux juifs alors que l’autre, porté par Paul, voulait l’étendre à tous les hommes.
Cela appelait donc deux conceptions fondamentalement opposées. La première était clairement restrictive, réservant le christianisme à un peuple « élu » et l’inféodant au judaïsme. Le christianisme dominant d’aujourd’hui est issu de cette branche même s’il a renoncé au premier point (pour la plupart de ses courants du moins) tout en validant dans son corpus théologique le second point.
Le second courant fut mis en minorité et en déroute en raison de sa volonté de non domination et de non violence, ce qui ne l’a pas empêché de perdurer et de réapparaître ponctuellement comme nous le verrons.
Sa ligne théologique non dogmatique lui a permis d’évoluer sur le plan doctrinaire tout en conservant quelques fondamentaux aisément identifiables.

Rappel historique

Paul de Tarse a vécu aux environs des années 10 à 64-69 de notre ère, selon les sources. Il est donc né entre 6 et 10 à Tarse en Cilicie (ville de déportation de ses parents), ville du sud de l’actuelle Turquie, située presque en face de Chypre.
Ce contemporain de Jésus ne l’a pas connu, d’autant que — Juif zélé — il participe activement à la lutte antichrétienne de cette époque.
Mais en 33, sur la route de Damas, il décrit avoir été le témoin direct d’une révélation du Christ qui provoque son immédiate conversion. Il va alors devenir un apôtre d’un christianisme ressourcé face à un christianisme judaïsant.
Son apostolat le conduira de Damas à Iconium, Corinthe, Thessalonique, Bérée, Athène, Jérusalem, Antioche, Éphèse, Césarée et Rome où il mourra décapité sous Néron vers 64, selon uns, d’autres prétendant qu’il aurait continué à voyager avant de revenir à Rome vers 69.
Malgré un fragile accord passé avec les chrétiens judaïsant à Jérusalem — accord d’ailleurs rompu peu après par le disciple Pierre à Antioche — Paul est le porteur d’un message de rupture qui fait du christianisme une religion totalement indépendante du judaïsme.
Certaines de ses idées, notamment l’universalisme rejetant la notion de peuple « élu » seront finalement adoptées par les judéo-chrétiens après la chute de Jérusalem et la destruction du Temple en 70.

Les lettres de Paul

Paul était selon certains témoins un piètre orateur. On peut en douter à la lecture de ses lettres dont la qualité est indéniable.
Malheureusement, la volonté de faire « rentrer dans le rang » cet apôtre opposé à toute judaïsation du christianisme a amené les Pères de l’Église chrétienne de Rome à modifier son message en lui attribuant des écrits dont il n’était pas l’auteur.

Le premier à nous proposer une étude de l’activité épistolaire de Paul est sans conteste Marcion de Sinope. Son travail en ce domaine nous est parvenu de façon très incomplète à cause de la censure et de la répression exercée contre lui et ses disciples par une Église catholique devenu toute puissante.

Voici les lettres retenues par Marcion :
– Lettre aux Galates
– Lettre aux Corinthiens (1 et 2)
– Lettre aux Romains
– Lettre aux Thessaloniciens (1 et 2)
– Lettre aux Laodicéens (confondue avec la Lettre aux Éphésiens)
– Lettre aux Colossiens
– Lettre aux Philippiens

Même le très reconnu Monde de la Bible qui lui a dédié un numéro spécial en 2008, reconnaît que sa paternité ne porte guère que sur la moitié des écrits qui lui sont attribués.
Pour cette revue sept de ses épitres seraient authentiques :
– 1 Thessaloniciens, écrite de Corinthe en 50-51
– Philippiens, écrite en 52-54
– 1 Corinthiens, écrite d’Éphèse en 52-54
– à Philémon, écrite en 52-54
– 2 Corinthiens, écrite de Macédoine en 54-57
– Galates, écrite de Corinthe en 54-57
– Romains, écrite de Corinthe en 56-57

Les suivantes sont attribuées par cette revue, soit à un disciple pour la première, soit à une « école paulinienne » pour les autres :
– Colossiens, écrite vers 53-55 (ou 70-80)
– Hébreux (origine douteuse), écrite vers 60-90
– 2 Thessaloniciens, écrite vers 70-100
– Éphésiens, écrite vers 80-90
– 1 Timothée, écrite vers 80-100
– Tite, écrite vers 80-100
– 2 Timothée, écrite vers 80-100

Selon d’autres études, notamment la thèse de doctorat de philosophie d’Yves Maris « En quête de Paul », la répartition semble moins claire.
Les lettres aux Corinthiens seraient en fait un amalgame de plusieurs billets manipulés et non chronologiques dans leur présentation. Un mélange de feuillets semble également intervenu dans la lettre aux Romains.
Ces mélanges et manipulations semblent concerner à peu près l’ensemble de l’œuvre, excepté peut-être la lettre aux Galates et la lettre aux Philippiens.

Yves Maris retient donc comme authentiques :

– Lettre aux Galates
– Lettre aux Corinthiens (1 et 2)
– Lettre aux Philippiens
– Lettre aux Romains
– Lettre aux Thessaloniciens (1), vraisemblablement authentique mais co-signée par Paul, Sylvain et Timothée n’est donc pas retenue.

Il note également des interpolations destinées à modifier ou à amoindrir la qualité de certaines lettres (Rm. XIII, 1-7 ; 1 Co. XI, 2-16 ; XIV, 33b-34 ; Ga. II, 7-8).

Il semble donc difficile d’étudier chaque lettre indépendamment l’une de l’autre si l’on veut éviter de tomber dans le piège tendu par les manipulateurs de l’époque, le plus souvent motivés par le désir de rattacher l’œuvre incontournable de cet apôtre majeur, fondateur réel de la pensée chrétienne, à la ligne officielle ayant prévalu par la suite.
Cependant, c’est un travail indispensable. Comme le fit Marcion, avec les outils de son époque, nous devons étudier ces lettres afin d’y trouver les éléments clairement ou vraisemblablement pauliniens et ceux issus des scribes judéo-chrétiens, chargés d’infléchir l’attitude de l’apôtre, afin de faire rentrer dans le canon catholique romain une œuvre incontournable bien que jugée hérétique.

Paul et le christianisme

Quelle est la vraie place de Paul dans le christianisme ?

Si l’on en croit les évangiles, Jésus s’entoure de disciples pris pour la plupart dans la partie humble de la société de son époque.
Il dispense un enseignement qui semble ne pas avoir été saisi dans sa globalité par ces disciples vraisemblablement peu lettrés (du moins à cette époque).

Après la mort de Jésus, le Christ donne mission à ces disciples et l’on voit encore qu’ils semblent assez peu en phase avec cette mission.
De fait, très rapidement certains membres de cette communauté reviennent vers le judaïsme de façon plus ou moins complète.

Paul, lui, est d’une toute autre trempe. C’est un lettré de bonne famille ayant reçu les meilleurs enseignements.
Il est un bouillant défenseur du judaïsme au point de pourchasser ces hérétiques « nazaréens ».

Tout à coup, sans aucun signe annonciateur, il change du tout au tout malgré les risques et les dégâts que cela va occasionner dans sa vie.
Comment ne pas accréditer sa thèse d’une révélation brutale qui lui fait entrevoir l’inanité d’une religion basée sur des règles matérielles et la vérité d’un Dieu aimant et miséricordieux ?

Son talent d’écrivain, à défaut d’orateur, et ses compétences intellectuelles font de lui le véritable organisateur de cette religion face à un Jacques (frère de Jésus) très judaïsant et à un Pierre (Céphas) tout aussi indécis que pendant la passion.

C’est vraisemblablement la raison pour laquelle l’église chrétienne officielle n’a pu se séparer de ses textes et les a intégré dans son corpus canonique non sans tenter de les caviarder et en y rajoutant des documents pseudépigraphiques destinés à gommer l’essence réelle de ses propos.

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