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Dieu, principe du Bien et l’Être

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Dieu, principe du Bien et l’Être

Guilhem de Carcassonne, le 14 août 2022

Le catharisme présente une particularité unique au sein du christianisme qui est de considérer deux principes dont l’un est Dieu et l’autre Satan. Très mal comprise des chrétiens, cette conviction lui valut d’être traité de dualiste, ce qui n’a pas de sens. En effet, tous les christianismes et tous les monothéismes sont dualistes puisque tous proposent un système associant deux entités, l’une positive et l’autre négative, mais seule la première est parée de l’attribut divin. L’accusation de polythéisme est donc inadaptée, tant pour le catharisme que pour le manichéisme qui respectent tous deux cette différenciation. Le dualisme cathare est sans objet également, car non différenciant du catholicisme à l’exception du fait que chez les cathares le dualisme initial qui soumet l’homme aux deux principes, l’un dans sa nature spirituelle et l’autre dans sa prison charnelle cesse lorsqu’il obtient son salut. Dans le judéo-christianisme par contre, c’est l’inverse ; initialement moniste, le chrétien est soumis au diable et peut terminer par être damné éternellement, ce qui est une vue dualiste particulièrement négative et qui fait de Dieu un père pervers.

Mais la différence entre catharisme et judéo-christianisme va bien au-delà de cette notion dépassée. Je vais essayer de vous l’expliquer sans trop plonger dans des notions philosophiques qui peuvent en dérouter certains d’entre vous.

Le principe du Bien

Les cathares emploient indifféremment les termes Dieu et principe du Bien.

Si j’écris Bien avec une majuscule c’est pour le différencier d’un autre bien qui est en réalité un épiphénomène lié au Mal et qui s’oppose ponctuellement à un mal de même niveau.

Le Bien tel que l’entend un cathare, qu’il soit croyant ou consolé, désigne ce qui ne peut en aucune façon produire un mal, aussi minime soit-il et sous quelque forme qu’on puisse le considérer, prouvant ainsi sa nature originelle. Cela nous est clairement précisé par Matthieu quand il fait dire à Jésus : « Ainsi tout bon arbre fait de beaux fruits, et l’arbre pourri fait de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri porter de beaux fruits. Tout arbre qui ne fait pas de beau fruit sera coupé et jeté au feu. Et bien, vous les reconnaîtrez à leurs fruits[1]. » Cette tirade détaillée vient préciser ce qu’il avait fait dire à Jean baptiste, plus tôt dans son Évangile : « Déjà la cognée est à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne fait pas de beau fruit est coupé et jeté au feu[2]. » Il réitère son propos dans les mêmes termes en 13, 13. Luc aussi reprend ces deux présentations, ce qui faire penser à une copie[3].

Pourtant cette notion semble totalement hors du champ mondain tel que nous le connaissons. Ici-bas nous trouvons des fruits bons ou pourris sur le même arbre et aucun arbre n’a une propension particulière à produire tel type de fruit. Il s’agit donc d’une illustration évoquant le domaine du Bien et non notre monde.

Pour comprendre cela il nous faut rejoindre un philosophe bien connu et parfois redouté : Aristote. En effet, dans l’œuvre constituée de textes épars — qui ne pouvaient être attribués à un autre de ses thèmes favoris : l’éthique et la physique —, qui fut appelé Métaphysique (littéralement : à côté de la physique), il démontre le concept de principe.

Le principe est, selon Aristote, ce qui est à l’origine de tout ce qui est de même nature que lui. Le principe est la forme première dont tout découle. Il s’agit donc d’une compréhension relative à la nature et au temps. Le principe est le concept d’une nature pure dans son essence et unique dans sa composition. Le principe est univoque et sans la moindre corruption. Il est également à l’origine de tout ce qui relève de la même nature ; il est donc premier. Mais rien ne dit que, d’un principe donné — cause de tout ce qui relève de lui —, ne doit se produire quoi que ce soit d’identique. En effet, ce qui a pour cause un principe est au moins différent du lui sur le plan de la temporalité puisqu’il survient après lui. Rien n’interdit de penser qu’il puisse également être corruptible. Si on limitait le principe du Bien au concept principiel, rien n’interdirait que ce qui émane de lui puisse être corrompu par le Mal, comme semblent le croire une grande partie des religions que nous connaissons. Pour reprendre l’image néotestamentaire ci-dessus, le bon arbre peut produire de mauvais fruits tout en étant bel et bien le principe de ces fruits. Il faut donc réfléchir à un autre concept pour rendre cette image crédible. Ce qui fait que l’arbre et le fruit sont et ne peuvent être rien d’autre que bons, ce n’est pas la nature principielle de l’arbre, c’est sa substance unique.

L’Être, substance du bon principe

L’évêque cathare italien, Jean de Lugio, expliquait l’existence du Mal en faisant valoir qu’il était impossible qu’un être issu du Bien, qui n’avait d’autre référence que le Bien et ne connaissait rien d’autre, put se mettre à lui préférer le Mal qu’il ne connaissait pas. Il en tirait la conséquence logique qu’il fallait bien admettre alors qu’il devait y avoir une cause au Mal distincte de la cause du Bien[4].

Je voudrais essayer d’aller plus loin dans cette analyse.

Nous savons bien qu’il ne suffit pas qu’une chose nous soit inconnue à un moment donné, pour qu’une fois connue nous ne puissions pas la préférer à ce que nous connaissons. Jean de Lugio était un cathare appartenant initialement à une Église monarchienne[5], c’est-à-dire cherchant à unifier la vision catholique à la vision cathare, qui, lorsqu’il vint à remplacer son évêque changea totalement de point de vue et pencha pour une vision dyarchienne, c’est-à-dire dissociant totalement la vision cathare de la vision catholique. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait dans sa compréhension quelques éléments rattachés au catholicisme.

Non, ce qui importe dans notre lecture c’est de comprendre que le principe du Bien dispose dans sa propre substance spirituelle d’un attribut essentiel et unique que l’on appelle l’Être.

Le premier philosophe à avoir tenté d’expliquer l’Être est Parménide qui introduisit dans son explication un concept qui allait créer une branche de la philosophie que l’on appelle l’ontologie qui prétend étudier l’être en tant qu’être. Or c’est là qu’est la difficulté pour nos esprits humains limités. Parménide nous donne pourtant une piste intéressante : l’Être est ! Cela peut sembler abscons de prime abord, mais en réalité c’est lumineux. L’« Être est » suppose une permanence inaltérable et inamovible d’un état totalement étranger au monde. L’Être est la substance unique, profonde et permanente du principe du Bien et de toutes ses émanations qui lui sont consubstantielles.

L’Être ne connaît ni temporalité ni fluctuation. Rien de temporel ou de fluctuant ne peut émaner du principe du Bien, car l’Être leur assure la même stabilité et la même permanence qu’au principe lui-même.

Rapporté à notre arbre, on comprend mieux désormais que le fruit ne peut être que de la même substance que l’arbre lui-même, c’est-à-dire bon. De même ; l’émanation divine ne peut en aucune façon devenir mauvaise puisque son principe lui transmet de façon consubstantielle son Être qui est le Bien. L’hypothèse de Lucifer fils préféré de Dieu devenant jaloux de lui et choisissant le Mal est donc totalement absurde d’un point de vue cathare.

Par contre le Mal, qui est aussi un principe, ne dispose pas de l’Être. C’est même un néant d’Être, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir en lui la moindre parcelle d’Être, non pas en raison de sa substance maligne, mais surtout en raison de sa nature principielle qui ne peut être mélangée. C’est pourquoi les cathares comprennent le troisième verset de l’Évangile selon Jean de cette manière :

« Tout a existé par elle et rien de ce qui existe n’a existé sans elle[6]. »

Dieu, par son verbe est au principe de toute ce qui existe, c’est-à-dire qui dispose de l’Être, et rien peut disposer de l’Être en dehors de lui.

L’ontologie reste un domaine de la philosophie parménienne totalement insoluble par les strictes voies philosophiques, mais une approche ouverte sur la religion peut la résourdre.

Et Dieu dans tout ça ?

J’espère que vous avez tenu le coup jusqu’ici et que mes explications que j’ai voulues aussi abordables que possible pour le grand public vous ont permis de mieux comprendre ces concepts souvent abscons.

Maintenant, il nous reste le plus facile à expliquer : Qu’est-ce que Dieu ?

En fait Dieu est notre façon de dénommer une entité totalement étrangère et inconnue dans l’espace temporel et corruptible qu’est notre univers. Cette entité — terme que j’emploie faute d’en avoir un plus précis à proposer —, est principielle par nature et dotée de l’Être par substance.

Principielle en cela qu’elle n’émane de rien et existante en cela qu’elle est, sans passé et sans avenir, permanente et stable dans le Bien absolu de toute éternité.

C’est tout ce que nous pouvons dire de Dieu en n’oubliant pas d’ajouter que notre part spirituelle émane de lui et lui est consubstantielle.


[1] Évangile selon Matthieu : 7, 17-20.

[2] Évangile selon Matthieu : 3, 10.

[3] Évangile selon Luc : 3, 9 et 6, 43-44.

[4] Liber de duobus principiis (Livre des deux principes) in Écritures cathares – René Nelli et Anne Brenon, éd. du Rocher (Paris) 1996. Plusieurs éditions préalables signées de René Nelli, notamment chez Denoël (1959)

[5] Les cathares monarchiens et dyarchiens — improprement appelés mitigés et absolus —, avaient des divergences concernant les hypothèses cosmogoniques de la création du monde matériel : les monarchiens pensant que le Mal avait perverti une matière créée par Dieu et les dyarchiens considérant que rien en ce monde, y compris la matière, n’était l’œuvre de Dieu.

[6] Évangile selon Jean in Le nouveau Testament – Collection La Pléiade, éditions Gallimard (Paris) 1972.

Cosmologie cathare – 1

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Cosmogonie cathare

Prêche publié du 13 février 2022, par Guilhem de Carcassonne

Au Moyen Âge, les cathares ne disposaient pas des connaissances scientifiques et des hypothèses que l’astronomie nous offre aujourd’hui. Ils se basaient donc sur les éléments à leur disposition, composés pour l’essentiel de textes religieux juifs de la Torah. Sur cette base assez ténue, ils avaient essayé de calquer les éléments que leur conception doctrinale leur faisait valider. Mais aujourd’hui, nous pouvons essayer d’aller plus loin dans notre compréhension et proposer des hypothèses plus avancées en utilisant nous aussi les apports de la science et parfois même ceux de ses failles.

La cosmologie, la cosmogonie et les cathares

Le cosmos est l’espace hypothétique occupé par l’Univers — c’est-à-dire l’espace naturel contenant notre univers observable — et tout ce que nous ne pouvons pas observer, mais que nous supputons par raisonnement logique. En effet, depuis que nous observons notre univers nous avons remarqué que sa « naissance » s’est appuyée sur des phénomènes physiques qui devaient logiquement exister avant lui. Comment expliquer l’apparition de ces phénomènes sans imaginer qu’ils se sont créés et développés dans un espace plus grand ? L’autre raison est que notre univers est en expansion. Or, pour se dilater, notre univers a besoin d’un « contenant » plus grand que lui qui lui donne la place de sa dilatation.

La cosmologie est une science visant à étudier le cosmos et les corps qui s’y trouvent, y compris leur formation et origine. D’un point de vue étymologique, elle constitue un discours sur l’« ornement » (cosmos) céleste. Ce terme est donc généralement réservé à l’approche scientifique et athée du sujet.

La cosmogonie est une approche théorique expliquant la formation de l’Univers et des corps célestes le constituant. La séparation des termes est déjà une forme de discrimination entre une science, c’est-à-dire quelque chose de forcément fiable et impartial et une théorie, c’est-à-dire quelque chose de discutable donc d’imprécis.

La plupart des religions sont régulièrement en conflit avec la science, car elles essaient de faire coïncider leurs textes de référence sur la cosmogonie et les éléments factuels que propose la science. Or, cela s’avère difficile, voire impossible. Le cathare se distingue une fois de plus, car sa cosmogonie ne prétend pas proposer une vérité, mais simplement des hypothèses qui essaient d’être cohérentes et logiques. Cela fait que la, ou plutôt les, cosmogonies cathares ne sont jamais en porte-à-faux avec la science et qu’il leur arrive même de proposer des réponses à des situations que la science ne parvient pas à expliquer.

La grande et la petite perturbation

Quand la Torah juive, reprise dans l’Ancien Testament validé par l’Église catholique, imaginait un Dieu créateur de l’Univers et des êtres le peuplant, tout en faisant porter sur l’homme la responsabilité de l’imperfection de cette création, les cathares proposaient une lecture nettement différente.

L’ange, premier-né de la création divine, porteur de lumière (Lucifer), était accusé d’avoir préféré le Mal au Bien et d’avoir voulu égaler Dieu dans sa puissance, ce qui l’avait amené à le trahir.

Pour les cathares cela posait problème. En effet, ainsi que l’explique clairement Jean de Lugio, comment imaginer qu’une créature divine, forcément parfaite dans le Bien comme son créateur comme l’impose la philosophie des Principes d’Aristote, forcément ignorante du Mal, lequel est totalement absent de la sphère divine, aurait-elle pu préférer le Mal qu’elle ne connaissait pas au Bien qui constituait la totalité de son univers ?

Le libre arbitre des hommes est également rejeté puisqu’il suppose une relative imperfection de Dieu et de sa création qui est en totale contradiction avec la perfection absolue de Dieu. Donc, les cathares considéraient que Satan, Lucifer ou le diable, selon les façons de le désigner, était une créature du Mal, lui-même appelé Satan. Cet ange mauvais aurait créé un monde mauvais afin, soit de tenter d’égaler la création spirituelle de Dieu, soit de lui nuire. Mais cette création, contrairement à celle de Dieu, ne disposant pas de l’Être — état de permanence absolue transmise de Dieu à sa création par émanation —, était soumise à la corruption temporelle. C’est pour tenter de l’empêcher, ou tout au moins, de la retarder le plus possible que Lucifer eut l’idée de dérober une partie des esprits saints composant l’empyrée spirituel divine. En effet, ces esprits saints — formant un tout que nous appelons l’Esprit —, sont parfaits dans le Bien et éternel comme leur créateur dont ils partagent la substance.

Ce « rapt » réalisé par le diable fut suivi d’un mélange entre la part mondaine, constituée d’un corps matériel et d’une âme matérielle, et la part spirituelle, appelée âme spirituelle quand elle se trouve auprès de Dieu et esprit ou esprit saint quand elle est prisonnière dans le monde du Mal. La part de l’Esprit demeuré auprès de Dieu était considérée par les cathares comme le « corps » spirituel auprès duquel les esprits saints aspiraient à revenir, réalisant ainsi le mariage mystique.

L’organisation du Mal et l’apparition de Lucifer étaient nommées la première ou petite perturbation, alors que la chute des âmes spirituelles dans le monde du Mal était appelée la seconde ou grande perturbation.

Cette vision permettait d’expliquer les textes de référence universels, comme la Genèse qui fait état de deux créations distinctes de l’homme par Iahvé.

Tentative d’explication cosmogonique moderne

L’univers est la création du Mal

« Ainsi tout bon arbre fait de beaux fruits, et l’arbre pourri fait de mauvais fruits. » (Matth. 7, 17). Cette affirmation vise à illustrer le concept des principes que l’on trouve largement expliqué dans La métaphysiqued’Aristote. Ce concept pose comme incontournable le fait que tout se rattache à des principes qui sont uniques et ne peuvent produire que des conséquences elles aussi uniques. Ainsi, le principe du Bien ne peut produire que du bien et le principe du Mal ne peut produire que du mal. Tout composé peut et doit donc être rapporté aux principes dont émane chacune des parties qui le composent.

L’existence du Mal oblige donc à considérer l’existence d’un principe du Mal, ce qui ne veut pas dire que ce principe est l’égal du principe du Bien. En effet, si le Bien est éternel, le Mal l’est forcément aussi, mais le Bien dispose de par sa nature de la capacité à laisser émaner un Bien éternel, alors que le Mal n’a pas cette compétence, car il est dépourvu d’Être, ou plus précisément il est un néant d’Être. Ne pouvant laisser émaner du Mal, il doit le créer provoquant de ce fait l’apparition d’un phénomène corruptif que l’on appelle le temps. Or le temps, s’il signe l’apparition des choses il leur impose également une fin. Il en résulte que le Mal produit une création imparfaite, puisqu’émanant d’une absence d’Être et corruptible, puisque créée dans le temps.

Cette lecture est acceptable à notre époque, comme elle l’était au Moyen Âge, puisqu’il est facile de constater à la fois l’imperfection et la corruptibilité du monde où nous vivons. La problématique principale, qui était insupportable aux esprits catholiques, est l’idée que le diable ait pouvoir de création. Jean de Lugio l’expliquait fort bien dans son Livre des deux principes que vous pouvez retrouver dans l’ouvrage de René Nelli : Écritures cathares.

En fait, ce qui définit Dieu, c’est-à-dire le principe du bien n’est pas la faculté créatrice, mais la capacité à laisser émaner de l’Être, sorte de consubstantialité à la fois éternelle et incorruptible.

Dieu ou le principe du Bien

Les cathares appellent Dieu, le principe du Bien, mais on ne trouve quasiment aucune explication sur ce qu’il est. Déjà les cathares étaient très attachés à l’idée que Dieu est inconnu et étranger à notre monde. En outre, nul ne l’a connu sinon Christ qu’il a envoyé pour nous éveiller. Cela permet déjà d’invalider la divinité de Yahvé qui s’est donné à voir aux hommes à quelques occasions[1]. En effet, Christ nous dit clairement que « Tout m’a été livré par mon père, et personne ne sait qui est le Fils, sinon le Père ni qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le dévoiler. » (Luc 10,22). Ce dernier point introduit une interrogation sur le fait de savoir si Paul n’aurait pas eu la révélation du Père par le Fils comme semble être dit dans la seconde lettre aux Corinthiens (12, 2-5) ?  La volonté de modestie et d’humilité de Paul rend cependant le texte ambigu.

Donc, comme un Socrate moderne, tout ce que nous savons sur Dieu… c’est que nous ne savons rien et que Yahvé n’est pas Dieu puisqu’il s’est fait connaître des hommes alors que Christ nous affirme que jamais Dieu ne s’est fait connaître directement des hommes.

Alors, comment définir Dieu ? On pourrait dire qu’il est indicible, car il représente ce qui dépasse notre imagination la plus débridée : le Bien dans sa forme la plus pure et la plus absolue, ce qui n’existe pas ailleurs qu’en Dieu. En outre, comment définir ce qui n’obéit à aucune représentation compréhensible pour nous ? Un principe n’a pas de forme, or Dieu est le principe du Bien ce qui double l’impossibilité de le représenter.

Faute de pouvoir définir Dieu, peut-être pouvons-nous définir le Bien ?

Et là il faut éviter le piège béant de définir le Bien par rapport à notre conception personnelle. Le Bien n’est pas ce qui nous semble bien, mais ce qui est un bien universel et sans la moindre exception. Cela rend l’exercice infiniment plus délicat, car tel bien ici peut être un mal ailleurs. Je peux m’offrir ce qui me fait plaisir, c’est donc un bien, mais pour le fabriquer et me le fournir combien de personnes ont-elles dû souffrir d’une dégradation de leur environnement, de conditions de travail et de vie déplorables, de conditions de transport polluantes et d’un différentiel de niveau de vie injuste ? Tout ce qui ne m’est pas essentiel à ma vie lèse forcément la vie que quelqu’un de plus mal loti. De façon métaphorique Christ le dit aux apôtres qu’il envoie évangéliser : « Il leur dit : Ne prenez rien pour le chemin, ni bâton, ni besace, ni argent, et n’ayez pas chacun deux tuniques. » (Luc 9, 3). En effet, pour le voyage que nous entreprenons — celui qui nous mènera au salut par la grâce de Dieu —, nous devons avancer sans quoi que ce soit qui puisse entraver notre cheminement.

Finalement, nous sommes assez peu avancés dans la compréhension de ce qu’est Dieu et le Bien. C’est tout simplement que cela ne nous est pas nécessaire pour aller vers lui. Il nous suffit d’avoir compris son message de Bienveillance et de le mettre en pratique au quotidien.

Satan, principe du Mal et le diable

Définir le principe du Mal est difficile, mais peut-être pas impossible.

Lui aussi est principiel, donc sans apparence propre. Par contre, sa nature maligne et son caractère de néant d’Être peuvent s’approcher un peu plus. Quand Dieu est stable dans le Bien, le Mal semble être plus fluctuant, car si le Bien n’a qu’une possibilité d’être Bien, c’est-à-dire le Bien absolu, il semble exister de multiples façons d’être le Mal. Le Mal peut même, à l’occasion, se donner une apparence de bien que l’on peut détecter comme je vous l’ai expliqué au chapitre précédent.

Si le Bien absolu nous semble impossible à définir, ces variantes de Mal le sont plus facilement. Un grand ami, Yves Maris, disait en souriant : « Le Mal, c’est ce qui fait mal. ». C’est déjà une définition intéressante. Si quoi que ce soit est ressenti comme du mal par qui que ce soit, c’est forcément du mal. Mais le Mal c’est aussi le néant d’Être. On trouve, notamment dans la Genèse une description qui semble correspondre : « Au commencement Élohim créa les cieux et la terre. La terre était déserte et vide. Il y avait des ténèbres au-dessus de l’Abîme et l’esprit d’Élohim planait au-dessus des eaux. » (Gen. 1, 1-2). Que nous apprend ce texte ?

L’esprit d’Élohim plane au-dessus de l’Abîme qui contient les eaux et donc au sein des ténèbres qui enveloppent tout cela. Ces ténèbres et cet Abîme sont distincts de la terre et lui sont même antérieurs. Élohim ne semble pas en être le maître et il y a de bonnes raisons de considérer que ces éléments sont représentatifs de l’absence d’Être. Sont-ils le Mal, également appelé Satan ? Nous n’en savons rien, mais Élohim semble se mouvoir au-dessus d’eux sans problème. Ils ne sont donc pas antagonistes. Ces ténèbres et cet Abîme sont une représentation très convenable de l’idée que l’on se fait du néant. On peut même se demander si les ténèbres, l’Abîme et Élohim (dont je rappelle qu’il désigne un pluriel) ne seraient pas les émanations de ce principe du Mal.

Difficile d’aller plus loin, mais nous avons néanmoins jeté quelques bases intéressantes.

La première ou petite perturbation

La cosmogonie cathare médiévale s’appuyait pour partie sur la cosmogonie judéo-chrétienne du premier siècle. Elle fait donc référence à un ange déchu venu tenter des anges bons afin de les faire tomber dans le péché. Vous en trouverez aisément le détail dans les ouvrages de Anne Brenon et Jean Duvernoy.

Ce qui pose problème à un esprit d’aujourd’hui, comme cela fut le cas d’un esprit philosophique du 13e siècle, aussi brillance que celui de Jean de Lugio, évêque cathare italien, c’est qu’il y a une incohérence majeure dans cette vision des choses.

Si les émanations divines sont aussi parfaites que le principe du Bien, elles n’ont pas connaissance du Mal et des défauts qu’il induit dans nos consciences dominées par lui. Donc, pas d’envie, de jalousie ou d’envie de domination chez ces anges parfaits dans le Bien.

Ce n’est donc pas le diable, Lucifer ange de Dieu, qui aurait développé l’envie de se doter d’un empyrée puissant et toute à sa dévotion. C’est le Mal qui aurait donc chargé une de ses émanations de réaliser son œuvre. Là les choses sont plus logiques et cohérentes. Le principe du Mal veut s’opposer au Bien, au moins dans les œuvres, puisqu’il ne peut le faire autrement en raison de l’imperméabilité de leurs espaces propres. Il charge le diable de réaliser une création apte à lui donner matière à orgueil. Et c’est que fait le diable. Mais cette création est menacée de disparaître rapidement, car elle ne dispose pas de la permanence que donne l’Être. Et c’est pour compenser ce problème que le diable va chercher une solution que nous étudierons le mois prochain.

Je vous rappelle que la cosmogonie n’est rien d’autre qu’une réflexion personnelle visant à imaginer quelque chose de cohérent et de logique à propos d’un élément invérifiable ; chacun est donc parfaitement libre d’imaginer la sienne.


[1] Abraham : Genèse 18, 1-2, David : Genèse 32, 31, Moïse : Exode 33, 11

Qui est Dieu ?

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Il est courant de dire que le catharisme n’a pas recours à la théologie puisque la théologie est le discours que l’on tient à propos de Dieu. Or, dans le catharisme, Dieu est étranger au monde et, par conséquent inconnu.Read more

Lettre de Paul aux Hébreux – 1

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.

Lettre aux Hébreux

Chapitre 1

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Le Bien et le Mal

3-1-Doctrine cathare
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Le Bien et le Mal

Je publie ci-dessous un document rédigé par Antonin Gadal (fonds Charlier) sur un sujet central de la doctrine cathare.
Je ne cautionne pas cette analyse, mais je trouve important qu’elle puisse nous aider à mieux comprendre qui était ce personnage mal connu et souvent décrié.
Je réserve mes commentaires au compte Facebook.

« Les plus grandes, les plus profondes discussions religieuses et philosophiques ont roulé et roulent encore sur la question de « l’Origine du Bien et du Mal ». Cette origine est et restera un mystère incompréhensible pour celui qui ne se rend pas compte de « l’Origine et de la Fin des choses… »

Une morale qui ne se préoccupe pas des « suprêmes destinées de l’homme » peut être utilitaire ; elle reste « imparfaite ». En outre, la liberté humaine ne peut jamais exister chez ceux qui sont « esclaves de leurs passions ». Elle ne peut pas exister de « droit » pour ceux qui ne croient « ni à l’âme, ni à Dieu » ; pour qui la vie est un « éclair entre 2 néants ». Les premiers sont incapables de raisonner, ils sont enchaînés au vice et ne vivent que pour « l’assouvir » ; les seconds, dont l’intelligence est bridée, ne voient que la vie « matérielle », n’ont pas d’autres beaux désirs, le monde physique, seul, demeurant leur seule satisfaction.

Le vrai philosophe, l’homme vraiment religieux, mettent leur liberté au service de leur intelligence ; ils savent s’élever au-dessus de l’ordinaire « connaissance ». Ils voient avec « l’œil de l’Esprit », les 3 mondes qui nous enserrent : le monde de la matière, primitif, ténébreux, où encore domine l’animalité ; le monde invisible de l’Esprit, séjour des âmes affranchies, bienheureuses Vies de la Providence ; entre les 2, le monde de l’Humanité « libre », plongeant dans les « ténèbres », s’élevant vers la providence, erreur d’un côté, vérité de l’autre.

Dès le début de l’ère chrétienne, la grande question qui occupait les philosophes était de savoir d’où vient le mal dans le monde. Pour la résoudre, quelques uns avaient imaginé que l’Être suprême, infiniment bon par nature, n’avait pas créé le monde immédiatement par lui-même ; qu’il avait laissé ce soin à des intelligences inférieures auxquelles il avait donné « l’être » ; que le mal qui s’y trouve était venu de l’impuissance et de la maladresse de ces esprits secondaires.

Cette supposition ne faisait que reculer la difficulté. Pourquoi l’être infiniment bon, maître de créer le monde par lui-même,
 en aurait il donné la commission à des ouvriers dont il aurait
prévu l’impuissance et la maladresse ? Hermogène comme les Stoïciens, supposa la matière éternelle et incréée… Dieu a tiré le mal
ou de lui-même, ou du néant ; ou d’une matière préexistante. Il n’a 
pas pu le tirer de lui-même puisqu’il est indivisible et que LE MAL N’A JAMAIS PU FAIRE PARTIE D’UN ÊTRE SOUVERAINEMENT PARFAIT… Il n’a pas pu le tirer du néant : alors Il aurait été le maître de ne pas le produire, et il aurait dérogé à sa bonté en le produisant.… Donc le mal est venu d’une matière préexistante, coéternelle à Dieu et de laquelle Dieu n’a pas pu corriger les défauts.

Et de recourir a la Genèse pour étayer ce système, en traduisant ainsi le premier verset : « Du principe, ou dans le principe ». Dieu fit le Ciel et la terre… ». Ce qui revenait à dire que Moïse, comme les Stoïciens, avaient enseigné « l’éternité de la matière ».

Tertullien réfuta ce raisonnement en expliquant ; si la matière est éternelle et incréée, elle est égale à Dieu, nécessaire comme Dieu et indépendante de Dieu. Il n’est lui-même, souverainement parfait que parce qu’il est l’Être nécessaire, éternel, existant de soi-même… Et c’est encore pour cela qu’il est immuable.

Donc, on ne peut d’abord :
Supposer une matière éternelle et cependant pétrie de mal, une matière nécessaire et cependant imparfaite ou bornée… Autant voudrait-on dire que Dieu lui-même, quoique nécessaire et existant de
lui-même, est un être imparfait, impuissant et borné…

Ensuite :
Supposer que la matière est éternelle et nécessaire, et qu’elle n’est pas immuable, que ses qualités ne sont pas nécessaires comme elle, que Dieu a pu en changer l’état et lui donner un arrangement qu’elle n’avait pas. L’éternité ou l’existence nécessaire n’admet de changement ni en bien ni en mal.

L’hypothèse de l’éternité de la matière ne résout pas la difficulté de l’origine du mal. En effet si Dieu a vu qu’il ne pouvait pas corriger les défauts de la matière, il a dû plutôt s’abstenir de former des êtres qui devaient nécessairement participer à ces défauts. Car, enfin, que vaut il mieux dire :

Que Dieu n’a pas pu corriger les défauts qu’une matière éternelle ? Ou dire que Dieu n’a pas pu créer une matière exempte de défauts, ni des êtres aussi parfaits que lui ?

Dans le premier cas, on suppose que la puissance de Dieu est gênée ou bornée par un obstacle qui est hors de lui : ce qui est une absurdité… Dans le second cas, il s’ensuit, seulement que Dieu ne peut pas produire des êtres infinis ou égaux a lui-même… Ce qui est une vérité palpable.

Moïse n’a pas dit : Du commencement…, ni : Dans le commencement, comme s’il s’agissait d’une substance, mais il a dit : Au commencement…

Or, le commencement des êtres a été la création même. Si Dieu a
eu besoin de quelque chose pour opérer la création, c’est de sa sagesse,
éternelle comme lui, de son Fils qui est le Verbe, et le Dieu-Verbe,
puisque le Père et le Fils sont Un… Peut-on dire que cette sagesse n’est pas aussi ancienne que la matière ? Que celle-ci est supérieure à la Sagesse, au Verbe, au Fils de Dieu ? Que ce n’est plus lui
qui est égal au Père, mais la matière ? Absurdité et impiété…

On ne peut admettre une matière tantôt corporelle, tantôt incorporelle, tantôt mauvaise ; ni la supposer infinie et cependant soumise à Dieu. La matière est évidemment bornée puisqu’elle est renfermée dans l’espace ; il faut donc qu’elle ait une cause, puisque rien n’est borné sans cause. Quant à la « permission du mal », en supposant le monde tiré du néant par un être tout puissant, on constate que le « mal n’est contraire ni à la bonté, ni à la toute puissance de Dieu, puisqu’il y aura un temps où tout rentrera dons l’ordre »…

Nous avons vu ailleurs (Jésus, Paul, Augustin), que cette question de « l’origine du mal » se résumait, pour les premiers Pères de l’Élise, (Tertullien lui-même, Origène, St. Augustin…) dans la sexualité. Or, c’est un besoin de trouver un appui contre la sexualité, et d’en comprendre la puissance… « Principe ténébreux du mal, dont le christianisme ultérieur d’Augustin est resté obscurci ; en somme, Manichéisme mal expliqué…

Malebranche, de la congrégation de l’oratoire, ( 1638-1715), a enseigné l’optimisme : (dans le monde tout est au mieux. Dieu n’a
rien pu faire de plus parfait que ce qu’il a fait, eu égard à l’ordre général de l’univers… » Leibniz, (1648-1716) embrasse le
système que Malebranche. « La suprême sagesse jointe a une bonté
qui n’est pas moins infinie, n’a pu manquer de choisir le meilleur ; car, comme un moindre mal est une espèce de bien, de même un
moindre bien est une espèce de mal s’il fait obstacle à un bien
plus grand ; et il y aurait quelque chose à corriger dans les actions de
Dieu s’il y avait moyen de mieux faire… »

Concilier l’existence du monde le plus parfait avec l’existence du mal ; s’imaginer des mondes possibles sans péchés et sans
malheurs, serait découvrir des mondes fort, inférieurs en bien au
nôtre… Il est plus sage d’examiner le mal qui semble défigurer
le monde terrestre.
Le mal se divise : en métaphysique , en physique, et en morale.

Le mal métaphysique, qui n’est que l’imperfection même des créatures, doit subsister dans le monde le plus parfait puisque la création n’est pas susceptible de la perfection infinie qui est propre à Dieu.

Le mal physique, ou souffrance est un bien moral, en tant qu’il
est la punition du mal moral. Il est souvent aussi le principe d’une plus grande jouissance ; et, dans tous les cas, rien ne prouve qu’il n’ait pas actuellement, ou qu’il ne doive pas avoir un jour, une compensation surabondante : 3 considérations qui induisent a penser qu’il est plutôt un bien qu’un mal.

Le mal moral, ou le péché, n’est ni une nécessité absolue de la
création, ni un moyen effectif d’un plus grand bien ; mais il peut se faire que la manifestation des perfections divines exige de Dieu qu’il le permette. « C’est dans ce sens que Dieu permet le péché ; il manquerait à ce qu’il se doit, à ce qu’il doit à sa sagesse, à sa bonté, à sa perfection, s’il ne choisissait pas ce qui est absolument le meilleur… »

Ces réflexions supposent que Dieu est soumis à la règle du meilleur, qui ne souffre en lui ni exception ni dispense : obligation irréalisable, puisque, quelque bien que Dieu fasse, il peut toujours faire mieux. Il est impossible que dans ses ouvrages il y ait jamais un optimum qu’il ne puisse surpasser.

En parlant des Albigeois, les historiens de l’Église nous disent : « Ce nom désigne, en histoire, une confédération d’hérétiques du 12e siècle. Pétrobusiens, Henriciens, Arnaudistes, Vaudois, Cathares… » Un peu plus loin : « Les Albigeois proprement dits, …Manichéens, comme les Bulgares, ils avaient cependant modifié le système de Manès. Ils reconnaissaient un Dieu suprême, mais ils prétendaient que ce Dieu ayant produit Lucifer avec tous les anges, celui-ci s’était révolté et s’était fait l’auteur du mal. » L’an 1179, le concile de Latran dit anathème contre eux, (ci-dessus) et il ajouta : « Brabançons, Aragonnais, Navarrois, Basques, Cottereaux, Triaverdins… » La liste était assez longue pour mériter la terrible croisade des Albigeois… Et le mène auteur embarrassé pour trouver une excuse quelconque à ces horreurs, ajoute : « Dans ces derniers temps, (donc avant l’anéantissement du Catharisme pyrénéen, et ceci est assez troublant) les Manichéens, (les Cathares par conséquent) avaient abandonné le dogme fondamental de leur secte : l’hypothèse des 2 principes. Ils ne parlaient plus du mauvais principe que comme nous parlons du démon… » L’abbé Guyot, (Historien de la Sté St. Victor), dont nous citons quelques extraits de ses « Hérésies », nous ouvre précisément une voie qui nous est bien connue et bien chère : les Anges, le démon. Nous y entrons résolument, à la suite du Divin Maître, pour comprendre à notre tour l’origine du mal.

L’Épiphanie, nous le savons, est la manifestation de la Lumière, de cette Lumière qui crée la raison des âmes et qui émane de la Sagesse divine. C’est d’elle que vient la Science et elle fait naitre la Liberté. « Voici Adam devenu semblable à l’un de nous » dit Dieu dans la Genèse. Ce qui a été ainsi traduit : « Voilà que je suis seul dans le ciel et que l’homme est seul sur la terre… » St. Paul ne veut pas que nous nous préoccupions de ce qu’il appelle « Anitas fabulas » sur la généalogie des anges. Rien de tout cela n’appartenant ni à la Science, ni à la Foi ne saurait être accueilli par la poésie raisonnable. La chute originelle n’a été qu’une déchéance morale, semblable au faux pas de l’enfant qui s’essaye à marcher ; et quant aux anges, rappelons nous que les rois déchus ne sont plus des rois, que les chefs de brigands ne sont pas tolérés dans des états bien gouvernés.

Personne ne peut aimer le mal pour le mal. On aime le mal en le prenant faussement pour un bien :

Les anges rebelles ont été jaloux de Dieu, ils ont voulu créer ; la femme a été jalouse du Verbe, elle a voulu SAVOIR ; l’homme a été jaloux du Paraclet, il a voulu AIMER. Tous ont voulu marcher seuls, et Dieu a retiré sa main. Non pas par colère, mais par respect pour la volonté libre de ses créatures. Aussi a-t-il pris sur lui la responsabilité de leur péché, de leur mal, et a-t-il en la personne de son Fils, assumé l’immensité de l’expiation pour lui seul…

L’ange déchu s’appelle aussi Légion… Satan, c’est une grande multitude, mais non un personnage : c’est un esprit ou plutôt une manière d’être des esprits. Son véritable nom c’est l’Orgueil, l’Ambition, le Désir immodéré… C’est là le vrai feu de l’enfer, infini et sans pitié parce qu’il est la vie. Dieu seul est Esprit pur. Les démons, les diables ne peuvent exister dans notre atmosphère : ce sont des impuissances que la justice éternelle balance, jette, broie… suivant qu’elle en a besoin. Des impuissances, principe négatif, fantôme, ombre du « NON-ÊTRE », rayonnement obscur du « NÉANT » ; un principe négatif n’est pas un principe, c’est un non-sens, comme le hasard, le néant.

Il y aura un temps où tout rentrera dans l’ordre. Dieu est Amour… (Tertullien). « Par leur repentir, les âmes participent au bienfait de la Rédemption universelle. La bonté divine n’exclut pas même Lucibel » (Origène). « Par notre église, Lucibel lui-même, sera ramené au Père… » Donc, pas de principe négatif…

Le catholicisme rétrograde, nous l’avons vu, n’est qu’un manichéisme déguisé. Il n’y a pas 2 Princes de ce monde : le Roi Christ ne saurait partager la couronne avec le Roi Satan. « Le Prince de ce monde est déjà jugé », disait le Christ, il y a près de 20 siècles. Et ailleurs : « J’ai vu Satan tomber du ciel comme la foudre ». La foudre, en effet, est tombée du ciel pour illuminer la terre. Le diable est tombé du ciel avec la peur que l’ancien tonnerre nous faisait des dieux. « Il n’y a rien de commun entre moi et le diable, disait le maître. Le diable est menteur comme son père. » « Esprit d’aveuglement, de fatalité et de vertige… » La Lumière a pénétré maintenant dans l’antre, le diable est connu et il n’usurpera plus la place de Dieu. Car c’est ainsi qu’il faut expliquer la légende du combat livré dans le ciel :

Le Ciel c’est la Religion et c’est dans les esprits des hommes que le mensonge parvient à se faire adorer au lieu de la vérité… L’obstination humaine se croit infaillible… voilà comment le diable a sa raison d’Être. Le vrai diable, c’est la bête ou plutôt la bêtise humaine qui a ou qui aura toujours tort quand elle voudra raisonner avec l’Esprit.

Si Rabbi Jeschuth-Notzerith, ou Jésus le Nazaréen, avait été reconnu et avait été accueilli par la synagogue, le monde aurait marché de l’idolâtrie au Paraclétisme ou au Messianisme sans passer par les ombres sanglantes de la barbarie pseudo-chrétienne. Le diable n’eut jamais existé, car le diable (les démons) est le fils du Catholicisme et il est même tout le Catholicisme aux dires du Père Ventura, martyrisé affreusement puis brûlé… Il n’y a pas un mot eu diable dans le catéchisme des Hébreux. Le diable c’est le moyen-âge avec ses fantômes, ses croisades, ses bûchers…

Le diable c’est l’Inquisition torturant le génie et bâillonnant la Science. Combien de catholiques, « voire même de bons pères Chartreux, ceux qui vendent les chapelets, adorent encore le diable sans le savoir » comme osait le dire le brave Guillaume Postel aux Pères du Concile de Trente… Combien de temps « ce roi-fantôme » traînera-t-il encore à sa suite les partisans de l’ignorance ; ou plutôt, combien de temps l’ignorance des hommes fera-t-elle subsister cette absurde création du mensonge ? Personne ne saurait le dire.

Mais nous au moins, hommes de progrès, ne parlons plus d’aller à reculons, et n’ayons plus peur du vertige. « Je renonce à Satan » dit l’enfant ingénu à ses premiers pas dans le monde. Il ajoute : « Je m’attache à J.C. » Ces paroles sont les nôtres également, en les enrobant de quelques explications bien compréhensibles dorénavant : « Je renonce à Satan, au mal : orgueil, ambition, désirs immodérés ; « Je m’attache davantage si possible à J.C. : au Bien, à la recherche de l’exemple du divin Maitre sur le « Chemin du St. Graal, chemin de la Perfection… »

Avec le suprême commandement :

Fais le Bien, évite le Mal… »

Comprendre Paul de Tarse

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Comprendre Paul de Tarse

Pourquoi vouloir comprendre Paul de Tarse ?

Chercher à comprendre le christianisme authentique nécessite de comprendre ceux qui l’ont construit.
Sans chercher à trier le vrai du faux dans le déroulement des événements du premier siècle, il est clair que deux courants chrétiens s’opposaient alors sur quelques principes fondamentaux.
L’un, porté — semble-t-il — par Jacques (non pas le disciple mais le frère de Jésus) et Pierre, voulait réserver le christianisme aux juifs alors que l’autre, porté par Paul, voulait l’étendre à tous les hommes.Read more

Évangile selon Luc – Chapitre 12

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.

ÉVANGILE SELON LUC

Chapitre 12

1 – Cependant, comme la foule se rassemblait par dizaine de milliers, au point qu’on se piétinait, il commença à dire, d’abord à ses disciples : Prenez garde à la levure des pharisiens, c’est de la comédie.
2 – Il n’y a rien de voilé qui ne doive être dévoilé, ni de secret qui ne doive être connu.
3 – En revanche, tout ce que vous avez dit dans les ténèbres, on l’entendra dans la lumière et ce que vous avez dit à l’oreille, dans les resserres, sera proclamé sur les terrasses.

Mon analyse :
Je vois dans ces phrases deux indications : les enseignements donnés de façon restrictive sont vains et aucun enseignement ne peut rester secret. Quelles que soient les difficultés à transmettre le message, il sera diffusé car sa nature lui en donne la capacité.

4 – Et je vous le dis à vous mes amis : ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui n’ont après cela rien de plus à faire.
5 – Mais je vais vous montrer qui craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter à la géhenne. Oui je vous le dis, craignez-le.
6 – Ne vend-on pas cinq moineaux pour deux sous ? et pas un d’entre eux n’est oublié devant Dieu.
7 – Mais même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Ne craignez pas : vous valez plus que beaucoup de moineaux.
8 – Je vous le dis, quiconque m’avouera devant les hommes, le fils de l’homme l’avouera aussi devant les anges de Dieu ;
9 – mais celui qui me renie devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu.
10 – Et quiconque dit une parole contre le fils de l’homme, elle lui sera remise ; mais on ne remettra pas à celui qui blasphème contre le Saint Esprit.
11 – Et quand ils vous traîneront devant les synagogues, les principautés et les pouvoirs, ne vous inquiétez pas de ce que vous répondrez ni comment, ou de ce que vous direz,
12 – car le Saint Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faut dire.

Mon analyse :
Le pouvoir de Dieu est absolu et c’est cela qu’il faut prendre en compte car nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui compte pour nous. Aussi il importe de bien comprendre que nous devons avancer à la suite de Christ et nous garder de tout ce qui peut nous empêcher d’être dans sa suite. Rien ni personne en ce monde ne peut nous nuire véritablement si nous sommes des disciples de Christ.

13 – Quelqu’un de la foule lui dit : Maître, dis à mon frère de partager l’héritage avec moi.
14 – Il lui dit : Homme, qui m’a établi sur vous pour juger ou faire les partages ?
15 – Et il leur dit : Attention, gardez-vous de toute avidité ; on a beau être dans l’abondance, les biens ne sont pas la vie.
16 – Et il leur dit cette parabole : Il y avait un homme riche dont les terres avaient bien rapporté
17 – et il se demandait : Que vais-je faire ? car je n’ai plus où ramasser mes fruits !
18 – Alors il s’est dit : Voilà ce que je vais faire : je vais abattre mes granges et en bâtir de plus grandes et j’y ramasserai tout mon blé et mes biens ;
19 – et je dirai à ma vie : Ma vie, tu as là beaucoup de biens pour beaucoup d’années, repose-toi, mange, bois, fais la fête.
20 – Et Dieu lui a dit : Sot ! ta vie, on va te la redemander cette nuit; et pour qui sera ce que tu as apprêté ?
21 – Tel est celui qui amasse pour lui au lieu de s’enrichir pour Dieu.
22 – Et il dit à ses disciples : C’est pourquoi je vous le dis : Ne vous inquiétez pas pour la vie et de ce que vous mangerez, ni pour le corps et de quoi vous le vêtirez ;
23 – car la vie est plus que la nourriture, et le corps, plus que le vêtement.
24 – Considérez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont pas de resserre ni de grange et Dieu les nourrit. Vous valez bien plus que les oiseaux !
25 – Qui de vous, en s’inquiétant, peut ajouter à son âge une coudée ?
26 – Si vous ne pouvez pas la moindre des choses, pourquoi vous inquiéter du restant ?
27 – Considérez les lis : ils ne filent ni ne tissent ; et je vous dis que Salomon dans toute sa gloire n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
28 – Si Dieu habille ainsi l’herbe qui aujourd’hui est dans le champ et demain sera jetée au four, combien plus vous, gens de peu de foi !
29 – Ne cherchez pas, vous non plus, ce que vous mangerez et ce que vous boirez, ne vous exaltez pas.
30 – Tout cela, en effet, c’est ce que recherchent les nations du monde ; mais vous, votre père sait que vous en avez besoin.

Mon analyse :
Ce long passage insiste lourdement sur la nécessité de se dégager de l’emprise du monde et notamment des richesses matérielles qui empoisonnent nos vies. En outre, personne ne peut s’instituer juge des autres. Ce point nous importe beaucoup car, dans ce monde, nous avons de nombreuses occasions de juger les autres ; il faut s’en abstenir.

31 – Cherchez plutôt son règne, et ces choses-là vous seront ajoutées.
32 – Ne crains pas, petit troupeau, car votre père a trouvé bon de vous donner le Règne.
33 – Vendez vos biens et donnez l’aumône ; faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor indéfectible, dans les cieux, où le voleur n’approche ni la teigne ne détruit.
34 – Car, où est votre trésor, là sera aussi votre cœur.
35 – Que vos reins soient ceints et vos lampes ardentes ;
36 – et vous, soyez pareils à des gens qui attendent leur seigneur à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu’il viendra frapper.
37 – Magnifiques ces esclaves que le seigneur, à sa venue, trouvera réveillés ! Oui je vous le dis, il se ceindra, les mettra à table et passera les servir.
38 – Et s’il vient à la deuxième ou à la troisième veille et qu’il les trouve ainsi, ce sont des magnifiques.
39 – Sachez-le : si le maître de maison savait à quelle heure vient le voleur, il ne laisserait pas percer sa maison.
40 – Vous aussi soyez prêts, car à l’heure où vous n’y pensez pas, le fils de l’homme vient.
41 – Et Pierre dit : Seigneur, est-ce à nous que tu dis cette parabole, ou aussi à tous ?
42 – Le Seigneur dit : Quel est donc ce gérant fidèle et sensé que le seigneur va établir sur sa domesticité pour donner à temps la ration de blé ?
43 – Magnifique cet esclave que le seigneur, à sa venue, trouve ainsi occupé !
44 – Vraiment, je vous le dis, il l’établira sur tous ses biens.
45 – Mais si cet esclave dit en son cœur : Mon seigneur tarde à venir, et qu’il commence à taper sur les garçons et les filles, à manger, boire et s’enivrer,
46 – le seigneur de cet esclave sera là un jour qu’il ne s’y attend pas, à une heure qu’il ne sait pas, et il le coupera en deux, et il mettra sa part avec les mécréants.
47 – Et cet esclave qui, connaissant la volonté de son seigneur, n’a rien apprêté ni rien fait pour cette volonté, sera bien battu.
48 – Quant à celui qui, sans la connaître, fait des choses à mériter des coups, il sera peu battu. On attendra beaucoup de celui à qui on a donné beaucoup, et celui à qui on a confié beaucoup on lui demandera davantage.

Mon analyse :
Notre fortune nous viendra de notre fidélité à Dieu et de notre état de préparation à recevoir sa grâce. Nos fautes seront d’autant plus pardonnables qu’elles seront involontaires. Il faut donc s’attacher à être prêt et agir en pleine conscience et en toute honnêteté.

49 – Je suis venu jeter un feu sur la terre. Comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
50 – J’ai à être immergé d’une immersion. Comme je suis pressé d’en finir !
51 – Pensez-vous que je sois venu donner la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division.
52 – Car désormais, dans une maison de cinq personnes on sera divisé, trois contre deux et deux contre trois,
53 – on sera divisé, père contre fils, et fils contre père, mère contre fille et fille contre mère, la belle-mère contre sa bru et la bru contre la belle-mère.
54 – Et il disait aussi aux foules : Quand vous voyez un nuage se lever au couchant, aussitôt vous dites que la pluie vient, et c’est ainsi.
55 – Et quand le vent est du sud vous dites que cela va être de la chaleur, et en effet.
56 – Comédiens ! vous savez discerner la face de la terre et du ciel ; comment ne discernez-vous pas ce moment-ci !
57 – Et pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ?
58 – Ainsi, pendant que tu t’en vas devant le chef avec ton adversaire, donne-toi la peine, en chemin, d’en avoir fini avec lui, de peur qu’il te traîne chez le juge et que le juge te livre à l’exécuteur et que l’exécuteur te jette en prison.
59 – Je te le dis, tu ne sortiras pas de là que tu n’aies rendu le dernier centime.

Mon analyse :
Christ en nous révélant la vérité nous met en opposition avec le monde et avec ceux qui le servent. Cette division est inévitable car le monde exerce une force puissante sur ceux qu’il tient prisonniers. L’avenir sera donc difficile et nous aurons à souffrir nous aussi. Pour autant nous ne devons pas être la cause des conflits et nous devons tout faire pour les résoudre, y compris à notre désavantage.

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