Histoire

Historia : Les cathares ont-ils vraiment existé ?

7-5-Controverses
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Historia : les cathares ont-ils vraiment existé ?

Dans son mensuel n°915, cette revue de vulgarisation est passée dans la catégorie de vulgaire désinformation.

L’entrée en matière laisse entendre qu’elle donne la parole aux deux courants opposés à propos de cette question, mais oublie de préciser que sa partialité la pousse à restreindre fortement l’expression des historiennes (Anne Brenon et Pilar Jimenez) qui ont longuement et profondément étudié le sujet et qui ont successivement dirigé le Centre National d’Étude Cathares – René Nelli de Carcassonne au profit de quelques chercheurs qui essaie en vain depuis 1996 de nier jusqu’à l’existence du catharisme. Les premières n’ont droit qu’à moins de cinq pages d’expression quand les autres s’étalent sur treize pages !

Je vais vous présenter ici les réactions des historiens et chercheurs qui ont lu ces articles et qui les commentent. Cela me semble suffisant, aussi n’ai-je pas jugé utile de m’abaisser à financer cette revue pour faire les mêmes remarques. Je vous déconseille vivement de vous laisser aller à cette manipulation consumériste qui explique le choix du titre.

Réactions diverses

Annie Cazenave, Docteur(e) en histoire et Docteur(e) en histoire de l’art, chercheuse au CNRS (à la retraite). Courrier de réaction au rédacteur en chef de la revue :

«Bravo d’avoir flairé un bon tirage à partir d’un obscur colloque entre médiévistes à Nice (j’y étais) et merci de m’avoir offert l’occasion de m’avoir fait rire : René Lévy au lieu de Nelli et Carcassonne pour Muret, preuve d’une connaissance approfondie. M. Genieys aurait pu actualiser son livre, datant d’une dizaine d’années, pourfendant le Conseil Général de l’Aude. La perle étant : « se détourner du sujet FAUTE DE SOURCE ! », preuve d’une grande rigueur scientifique.
J’en rirais si je n’appartenais pas au CNRS.
Incidemment, M. Roquebert a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Pas mal pour un « romancier ».
Alessia Trivellone a soutenu, à Poitiers, une thèse remarquée, en histoire de l’art. Elle enseigne l’histoire à Montpellier. Celà  équivaut  pour un mathématicien à occuper une chaire de chimiste.
Vos illustrations sont très belles, je pense que vos lecteurs auront plaisir à les regarder. »
Annie Cazenave

Patrick du Côme, président de l’association Rencontres de Montségur :

«Cher Historia,
Cher Eric Pincas
Je vous fais ce jour une réponse de lecteur puisque vous nous préveniez  (nous, vos lecteurs) que le support ne prenait pas position dans ce débat éditorial or, cependant, il offre 13 pages et demie aux « historiens de la déconstruction » et consacre plus « chichement » aux historiennes :  1 page et demie pour Anne Brenon et 3 pages pour Pilar Jiménez Sanchez
Ce qui n’est pas le signe d’une grande objectivité d’autant que certains disent que les titres et sous-titres leur apparaissent tendancieux et rendent ambiguë la position de certains des auteurs.
Enfin, revenons à votre interview de William Genieys, qui aurait pu se montrer intéressant sur le sujet du patrimoine, mais hélas vous l’avez laissé délirer sur un René Lévy  ( !) qui n’a jamais existé autour d’un centre cathare et en le laissant affirmer sans honte que des auteurs, Roquebert et Anne Brenon, sont resté en dehors de l’université ! Quant à ce pauvre Michel Roquebert, il est ici relégué au rang d’auteur de roman de gare (romans historiques !) et votre « expert » qui connaît mieux la longueur des autoroutes que la précision historique confond la prise de Muret avec celle de Carcassonne. C’est dommageable, mais vous n’y êtes pour rien puisque l’interview renvoie à la responsabilité des propos de son auteur.
Moi, je tente, à ma mesure, de faire la part des choses entre la défense de la vérité historique et les tentatives conservatrices militantes de déstabilisation provenant de groupes actifs.
Je serai heureux que vos lecteurs puissent lire mon courrier ou partie de mon propos, si vous le voulez bien
Recevez, Cher Eric Pincas,  l’assurance de ma meilleure considération de lecteur.
Bien à vous»
Patrick duCome, fidèle lecteur 

Chantal Benne, croyante cathare :

«Monsieur le rédacteur en chef

Je ne reviendrai pas sur les erreurs de M . Genieys, déjà relevées par des personnes plus compétentes que moi en la matière (Anne Cazenave médiéviste et ancienne chercheuse au CNRS et Patrick du Come , Président des Rencontres de Montségur),Je désire juste vous transmettre mon immense déception au sujet de cet article.
De nombreuses méthodes peuvent être utilisées pour museler et diriger les esprits, fourvoyer la mémoire collective, tenter d’étouffer une pensée dérangeante, mais après les terribles méthodes inquisitoriales destructrices au Moyen-Âge d’un ensemble de réseaux sociaux et culturels propres à un peuple, cette méthode moderne du négationnisme me semble bien être la plus insidieuse , la plus pernicieuse et la plus dangereuse inventée à ce jour. Poser la question c’est déjà induire le doute. Induire le doute dans une Histoire qui est encore à réhabiliter c’est pérennniser une situation mensongère et antiscientifique qui dure depuis trop longtemps. C’est très décevant de la part de personnes qui se veulent dispensatrices d’un certain savoir pour tout public, mission des plus nobles à mes yeux que j’avais eu sottement l’innocence de vous attribuer. Le fait de se donner un nom à consonnance latine ne suffit pas à garantir la véracité du travail produit. Dans le cas d’un tel article, le nom «histoires» siérait mieux, il me semble.
Pour avoir une connaissance correcte de ce qu’a été le catharisme au XIIIème siècle, les documents sont assez nombreux aujourd’hui : les écrits de René Nelli, Emmanuel Leroy Ladurie, Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Anne Brenon, Anne Cazenave, pour ne citer que quelques-uns de ces spécialistes, historiens, médiévistes, diplômée de l’école des hautes études en sciences religieuses…ces écrits, donc ont contribué à la réalisation d’ un réel travail d’Histoire pour débarrasser le catharisme des interprétations charlatanes inventées par les divers marchands de vent, adeptes de religions ésotériques et autres occultistes fantaisistes qui depuis le XIXème siècle effectuaient ,en récupérant le catharisme la plus grosse escroquerie historique en empêchant tout un peuple de connaître, et de se réapproprier son Histoire.
Douter de l’existence d’une philosophie et d’une spiritualité cathare, c’est nier tout un pan de l’Histoire, c’est oublier la triste réalité de la croisade et des barbaries de l’inquisition, c’est du même esprit que considérer les chambres à gaz comme un détail de l’histoire. Qui oserait écrire par exemple aujourd’hui : « L’esclavage a-t-il existé?». Pour se réaliser un peuple a besoin de connaître son Histoire, aussi laide soit-elle. Les mensonges et les non-dits ont un rôle aussi destructeur que les autodafés ou les pillages organisés des bibliothèques et des archives (cf. les S.S, Alfred Rosenberg) qui finalement ont pour seul but de réécrire l’histoire.
En ce qui concerne le catharisme du XXIème siècle, l’association« Cultures et études cathares», créée en juin 2011 a un site sur internet qui est une mine d’informations importantes pour tous ceux qui sont intéressés par l’Histoire, ainsi qu’ un Forum de discussion qui permet à tout croyant de partager dans la Bienveillance et l’altérité, et enfin l’Église, issue de la résurgence du catharisme médiéval ayant son premier chrétien (consolé) depuis la pentecôte 2021, et son siège social à Carcassonne , a depuis la pentecôte de 2021 une vie dans la droite ligne de la philosophie et de la spiritualité cathare.»
Chantal Benne, croyante membre de la communauté cathare de France.

Annie Cazenave vient de me transmettre une réponse approfondie adressée à Historia :

De l’objectivité en histoire
« Puisque les Rencontres de Montségur m’ont fait l’amitié de me mentionner dans le débat portant sur le dernier numéro d’ Historia je me sens autorisée à intervenir ici. Je doute fort que ma lettre paraisse dans le prochain courrier des lecteurs d’Historia : elle était concise et sans ambigüité. Il est évident que cette revue a flairé un fort tirage, renouvelant l’exploit de l’Histoire en décembre 2016, et la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées. D’où mon titre.
Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l ’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à se débarrasser du trublion. Et celui-ci, en compulsant ses dossiers, a trouvé la faille : la grand mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne.. Etendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir qu’on éprouve après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à1273,, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.
Par hasard, au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre elles étaient rejetées, au motif que l’aïeul avait été pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !
Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner: il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son brûlot à prétention sociologique commis il y une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci en se parant du label « Pays cathare » a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Etudes cathares, hélas fermé depuis2011, qu’ il dote de membres ésotériques pour se contredire neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin ( ?) qui assimilent la croisade des Albigeois à une hérésie protestante. ». Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources » (exit le P.Dondaine) . Et Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : il a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens. Ignorant, entre autres, Nelli, permet d’interpréter en surface la réalité, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome.
Que l’adjectif « cathare » soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la naïve expression populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire .
Le moi est haïssable, surtout pour un historien ( c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre, j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que cette histoire, la nôtre, nous touche au cœur. Cet attachement n’empêche pas l’intégrité de la recherche,et de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos maîtres, dans mon cas l’Ecole des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allégrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance. Pourquoi ne se moque-t-on jamais des Corses, des Bretons ou des Basques ? parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?
Michel Roquebert, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ». Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction, énoncée par Derrida. Mais la recherche de celui-ci portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice D.Iogna-Prat avait émis une objection pertinente : constatant que les écrits concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs, il s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection est pertinente à propos des controverses, elle ne tient pas appliquée aux documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de coupables : les déposants le sont forcément devant le tribunal, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs juges se soucient uniquement de la gravité de leur faute. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Age la liberté de conscience était inconnue.
Passons des mœurs au langage . Il est exact que le mot « cathari » a été écrit vers 1167par le rhénan Eckbert de Schönau . Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi » c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse, écrit vers 1220, donc avant l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un manuscrit, on l’est moins de ne pas savoir que C.Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495) qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P.Dondaine. En fait, c’est un mot savant, appartenant au vocabulaire des hérésiologues, plus précis que « manichéen », emprunté à st-Augustin. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est celui du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ». Ce mot est inadmissible pour l’inquisiteur ! Il parle d’ « hérétique ». Mot récusé de nos jours.
Aujourd’hui le mot « cathare » est employé par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch.O. Carbonell : « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris au piège d’une double et perverse tentation, la recherche en paternité et le recours à l’analogie ». Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir de se réapproprier des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il a suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier, était pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire: leur enthousiasme l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans –tant pis pour eux. A Montségur j’ai été le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont remporté un grand succès entre les deux guerres, s ‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Effectivement, le lien entre le Graal et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme a pu être identifié à une quête de la puissance et de la surhumanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup.: je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998.
A savourer : la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ». Evidemment, surtout si son auteur s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage a faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne – dont la spécialité est l’histoire de l’art- énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps et éditer des manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia Anne Brenon est la seule auteur à avoir fait des éditions de textes.
L’ampleur du sujet peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIéme s. jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310 (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIéme s. la dissidence religieuse continue, concentrée sur le cœur du problème, la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes, auxquels les historiens de formation universitaire classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré H.von Döllinger, Ch.Puech, A.Dondaine, Ch.Thouzellier, H. Söderberg, R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.
Conclusion : achetez Historia… si vous avez un solide sens de l’humour. Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Annie Cazenave (réponse argumentée de façon plus précise avec indication des sources) :

« De  l’objectivité en histoire

Il est évident qu’Historia, bonne revue de vulgarisation, en titrant sur « les Cathares, vrai ou faux »  a espéré  un fort tirage, qui aurait  renouvelé  l’exploit de l’Histoire  en décembre 2016, car la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées.  D’où mon titre.

Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être  développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite  conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur. Cette révélation tonitruante renvoie en fait aux historiens qui l’ont commise, à la manière même dont leur esprit fonctionne.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à  se débarrasser du trublion. Et il a trouvé la faille en compulsant ses dossiers : la grand-mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le  cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne. Étendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir éprouvé après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à 1273, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.

Par hasard,  au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre-elles  avaient été  rejetées, au motif que l’aïeul  avait été  pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi  signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !

Dans son article Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à  qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner : il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son  brûlot à prétention sociologique commis il y  une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci  en se  parant du  label « Pays cathare »  a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Études cathares, hélas fermé depuis 2011, qu’il dote de membres ésotériques pour se contredire  neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin » ( ?)  qui  assimilent la croisade des Albigeois à une « hérésie  protestante. ».  Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources »  (exit le P.Dondaine). Et  Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : apparemment il ignore que l’Académie Française lui a décerné le Grand Prix Gobert d’histoire. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens et la recherche. Ignorant, entre autres, R. Nelli, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome, se contente d’interpréter  en surface la réalité.

 Que  l’adjectif « cathare »  soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la  naïve  expression  populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le  sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire.
Le moi est  haïssable,  surtout pour un historien  (c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera  cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre,  j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que  cette histoire, la nôtre, nous  touche au cœur. Cet attachement  n’empêche  pas l’intégrité  de la recherche, ni de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos  maîtres, dans mon cas l’École des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allègrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance — surtout quand on a été invitée par une université américaine. Certes, les  auteurs toulousains de livres d’histoire sont « journaliste » et « avocat ». Mais le journaliste  était licencié en philosophie, et le juriste docteur en droit,  ce qui les qualifiait fortement pour traiter de théologie et de procédure. En outre, l’enracinement porte à comprendre intuitivement l’univers mental de ceux qui nous ont précédés. Il fallait être né à Pamiers pour aller faire repentance à Montségur !

Pourquoi  ne se moque-t-on jamais  des Corses, des Bretons ou des Basques ?  parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?

Michel Roquebert, donc, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ».  Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction. Mais la recherche de Derrida portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice l’objection émise par D.Iogna-Prat , était pertinente : constatant que les écrits  concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs,  il  s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection  est pertinente à propos  des controverses, elle ne tient pas appliquée aux  documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de faits coupables : devant le tribunal les déposants sont forcément coupables, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs  juges  se soucient uniquement de la gravité de leur faute, assimilée à un péché. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Âge la liberté de conscience était inconnue.

Passons  des mœurs au langage. Il est exact que le mot « cathari » a été écrit  vers 1167 par le rhénan Eckbert de Schönau. Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi »  c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse,  écrit vers 1220, donc avant  l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme  titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un  manuscrit, on l’est moins  de ne pas savoir que C. Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495)  qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P. Dondaine. En fait, c’est un mot savant, venu du grec, appartenant au  vocabulaire des hérésiologues, alors que « manichéen » est emprunté à St-Augustin, lu par tous les clercs. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est  le mot du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ».  pour l’inquisiteur  ce mot est inadmissible  ! Il parle d’« hérétique ». Mot qui condamne, donc  récusé de nos jours.

Aujourd’hui le mot « cathare » est employé  par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch. O. Carbonell :  « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres  qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris  au piège d’une  double et perverse tentation, la recherche en paternité  et le recours à l’analogie ».  Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir  de se réapproprier  des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il  a  suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés  à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier,  était  pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire : leur enthousiasme  l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans — tant pis pour eux. À  Montségur j’ai été  le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont  remporté un grand succès entre les deux guerres, s‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Passé de mode, il est ignoré.

Effectivement, le lien entre le Graal  et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme  a pu être identifié à une quête de la puissance et de  la sur-humanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup. Je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998. À vrai dire, son titre seul indique le panorama de la recherche alors en cours. Il eut suffi de la rafraichir. Encore aurait-il fallu le connaître.

À savourer, la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ».  Evidemment, surtout si son auteure s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage à faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne  — dont la spécialité est l’histoire de l’art — énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps  et éditer des  manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia,  Anne  Brenon est la seule auteure à avoir  fait des éditions de textes.

L’ampleur  du sujet  peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIème s.  jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310  (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur  deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la  rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIème s. la dissidence religieuse continue dans la clandestinité, concentrée sur le cœur du problème : la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes,  auxquels les historiens de  formation universitaire  classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré  H. von Döllinger, Ch. Puech, A. Dondaine, Ch. Thouzellier, H. Söderberg,  R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.

Conclusion : achetez Historia, si vous avez un solide sens de l’humour.  Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Conclusion

Voilà qui me semble clair et qui vient poursuivre une navrante collusion de certaines revues bas de gamme désireuse d’augmenter leur tirage.

Venez en discuter sur le forum dédié.

Chronologie du catharisme

1-Connaître le catharisme
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Chronologie du catharisme

La plupart des chronologies du catharisme ne mettent en avant que la période médiévale. Cela fait l’impasse sur ses origines et sur sa filiation. C’est pourquoi je vous propose cette chronologie qui se pense plus complète.

Première inspiration christique

15 de Tibère Apparition de Jésus, apparence d’homme d’une trentaine d’années, au lac de Tibériade.
Ascension Jésus disparaît mystérieusement
Pentecôte Les apôtres reçoivent le baptême du Saint-Esprit sous forme de langues de feu
Étienne jeune apôtre est lapidé pour blasphème. Une partie de la communauté fuit en Judée, Samarie et même en Syrie. Pierre et Jean sont innocentés par le Sanhedrin. Jacques, frère de Jésus n’est pas convoqué.

Seconde inspiration christique

Paul de Tarse est appelé par Christ et se fait baptiser à Damas par Ananias membre de la communauté en exil.
Schisme d’Antioche Paul s’oppose à Pierre et à Jacques sur le baptême des non-Juifs. Un concile organisé à Jérusalem décide que Pierre, Jacques et Jean seront les apôtres des Juifs chrétiens et Paul des païens chrétiens.
Apollos de Corinthe (venu d’Alexandrie), disciple de Paul est critiqué par ce dernier. Peut-être son « radicalisme » par rapport à Paul pourrait faire d’Apollos l’auteur de l’Évangile selon Jean.

Filiation marcionnite

Satornil (Saturnin) enseigne que Dieu n’a pas créé le monde. Il sera le maître de Marcion et de Valentin.
140 Marcion de Sinope excommunié par la communauté judéo-chrétienne de Sinope s’installe à Rome et entreprend la rédaction de trois documents : les antithèses, l’Évangélion et l’Apostolicon faisant de Paul le premier évangéliste et démontrant l’opposition entre le Dieu des Juifs et celui de Christ.
144 Rejeté par la communauté judéo-chrétienne de Rome Marcion fonde sa propre Église selon la voie de Paul.
Valentin semble vouloir concilier l’approche pagano-chrétienne de Satornil et celle de l’Église de Rome. Il pourrait être l’auteur de l’Évangile selon Thomas. Après sa mort, ses disciples créent une religion mystique : le Gnosticisme.
324 Constantin Ier fait du christianisme romain sa religion personnelle. L’année suivante il organise le premier Concile œcuménique. Carcassonne est déjà entourée de murailles de pierre.
388 Théodose Ier fait du christianisme romain la seule religion de l’Empire et lui donne pouvoir de répression des « hérétiques ».
396 Priscillien d’Avila est décapité avec ses moines pour hérésie.
Ve siècle : Les Marcionites quittent les villes pour échapper à la répression. Ils disparaissent peu à peu d’Occident mais demeurent en Orient (Europe orientale).

Filiation paulicienne

Mi VIIe siècle Un diacre libéré de prison en Syrie convertit un païen à Mananalis et lui remet l’Évangile et l’Apôtre. Ce païen, Constantin, fonde une Église théologiquement proche du marcionisme : le Paulicianisme. Début de l’Islam (Égire).
VIIIe siècle Les Pauliciens, dont les chefs religieux portent des noms de disciples de Paul, luttent contre les chrétiens d’Orient et subissent une lourde défaite à l’issue de laquelle une partie d’entre eux est exilée en Thrace. Exil volontaire possible car accord sur l’iconoclasme. Ils luttent aussi contre les musulmans.
IXe siècle Les Pauliciens luttent contre les Chrétiens d’Orient devenus iconodoules.
En 878, ils sont vaincus et sont dispersés dans l’Empire. Le plus grand nombre est exilé en Thrace et à la frontière bulgare (Philippopoulos-Plovdiv).
Xe siècle Les Pauliciens au contact des païens locaux favorisent l’émergence d’une Église paulicienne bulgare qui serait à l’origine du Bogomilisme. Vers 969, Cosmas le prêtre dénonce la religion du prêtre Bogomile dont la doctrine ressemble beaucoup au paulicianisme. Les dernières traces du marcionisme apparaissent dans les écrits arabes.
Le bogomilisme peut avoir suivi les voies commerciales qui remontent en Allemagne et passent en Champagne et en Flandre.

Catharisme européen

Xe et XIe siècles Des foyers d’hérésie pouvant faire penser au catharisme sont décrits et combattus dans diverses régions du Nord de la France actuelles et se répandent jusqu’à Toulouse. Ils cohabitent avec des opposants au catholicisme qui eux n’ont pas la même doctrine.
1022 12 chanoines brûlés à Orléans, premier bûcher de l’histoire. Leur procès montre des éléments doctrinaux cathares.
1025 Bûchers à Turin, à Toulouse et en Aquitaine.

1095 – 1105 Première croisade. Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse intègre à son armée des troupes de l’empereur Alexis Ier Comnène dont certains éléments sont des Pauliciens. À sa mort, ces troupes ont pu revenir en toulousain. D’autres Pauliciens combattent en Italie du sud.
1135 Bûchers à Liège. Première mention de communautés cathares avec une hiérarchie épiscopale.
1145 Mission de Bernard de Clairvaux en Toulousain et Albigeois. Présence de communautés hérétiques dans les bourgades. Le nom d’albigeois est donné aux hérétiques réfractaires à la prédication de Bernard.
1157 Concile de Reims contre l’hérésie.
1163 Bûcher à Cologne. Eckbert de Schönau crée l’appellation cathare.
1165 Conférence de Lombers, en Albigeois. Présence d’un évêque cathare occitan (Sicerd Cellerier).
1167 Assemblée de Saint Félix en Laurageois. Organisation de quatre évêchés cathares occitans.
1178-1181 Mission cistercienne en Toulousain et Albigeois. Origine du nom albigeois attribué aux cathares.
1184 Décrétale de Vérone. Mesures anti-hérétiques à l’échelle européenne.
1194-1222 Raymond VI de Toulouse. Apogée du catharisme occitan.

Première croisade contre les albigeois

1198-1216 Pontificat d’Innocent III.
1206 Début de la contre-prédication de Dominique. Fondation du monastère de Prouille.
1208 Assassinat du légat Pierre de Castelnau. Appel du pape à la croisade contre les hérétiques.
1209 Début de la première croisade.
Massacre de Béziers, prise de Carcassonne, mort de Raymond Roger Trencavel. Simon de Montfort vicomte de Carcassonne. Bûcher de Casseneuil.
1210 Prise et bûcher de Minerve (140 victimes). Prise de Termes par Simon de Montfort.
1211 Victoire du comte de Foix à Montgey. Prise de Lavaur par Simon de Montfort. 80 chevaliers égorgés, 400 hérétiques brûlés. Bûcher des Cassés (60 brûlés) Bataille de Castelnaudary.
1212 Conquête de l’Agenais et du Quercy par Simon de Montfort.
1213 Hommage de Raymond VI de Toulouse au roi Pierre d’Aragon. Bataille de Muret. Mort du roi d’Aragon. Déroute occitano-aragonaise.
1215 Quatrième concile de Latran : investiture du comté de Toulouse à Simon de Montfort. Fondation de l’ordre des frères prêcheurs ou dominicains. Toulouse.
1216 Début de la reconquête de Raymond VI de Toulouse et de son fils.
1218 Simon de Montfort meurt en assiégeant Toulouse.
1219 Croisade du prince Louis de France, massacre de Marmande.
1220-1221 Reconquête du comté de Toulouse, rétablissement de l’Église cathare.
1221 Mort de Dominique à Bologne.
1222 Mort de Raymond VI, comte de Toulouse.
1222-1249 Raymond VII, comte de Toulouse.
1223 Reconquête de Carcassonne par Raymond Trencavel.
1224 Armaury de Montfort, vaincu, regagne Paris et cède ses droits à la couronne de France.

Seconde croisade contre les albigeois

1226 Croisade royale de Louis VII. Soumission de nombreux vassaux de Raymond VII.
Concile cathare de Pieuse et création de l’évêché de Razes.
Bûcher de Pierre Isarn, évêque de Carcassès, à Caunes Minervois.
Mort de François d’Assise.
1226-1270 Louis IX (Saint Louis) roi de France.
1227-1229 Guerres de Cabaret et de Limoux.
1229 Traité de Paris.
Fin de la croisade contre les albigeois. Capitulation de Raymond VII. Création de l’université de Toulouse, confiée aux frères prêcheurs et codification de la répression anti-hérétique.
Sénéchaussées royales françaises à Carcassonne, à Béziers, à Beaucaire, Nîmes. Les églises sont clandestines.
1232 À la demande de Guilhabert de Castres, Montségur devient «la tête et le siège» de l’Église interdite.

Inquisition pontificale

1233 Fondation par Grégoire IX de l’Inquisition confiée aux ordres mendiants. Deux tribunaux mis en place à Toulouse et Carcassonne.
1234 Soulèvements contre l’Inquisition à Toulouse, Albi et Narbonne.
1239 Le 13 mai : bûcher du Mont Aimé en Champagne (180 brûlés). Destruction de l’Église cathare de France.
1242 Attentat d’Avignonet contre l’Inquisition par les chevaliers de Montségur, signal de l’entrée en guerre de Raymond VII. Le pays se soulève.
1243 Les alliés de Raymond VII sont battus. Traité de Lorris. Début du siège de Montségur.
1244 Le 16 mars : bûcher de Montségur (225 brûlés). Fin des églises cathares organisées en Occitanie. Systématisation de l’Inquisition à partir de ses sièges de Carcassonne, Albi et Toulouse.
1249 80 croyants Cathares brûlés à Agen. Mort de Raymond VII, son gendre Alphonse de Poitiers lui succède.
1255 Chabert de Barbaira rend Queribus, dernière place forte cathare.
1258 Traité de Corbeil qui définit la frontière entre les royaumes de France et d’Aragon.
1270 Mort de Lois IX, lors de la huitième croisade, devant Tunis.
1271 Mort de Jeanne de Toulouse et d’Alphonse de Poitiers. Rattachement du comité de Toulouse au domaine royal.
1280-1285 Procédures irrégulières de l’Inquisition à Carcassonne et Albi. Complot contre les archives de l’Inquisition à Carcassonne.
1295 Pierre et Guilhem Authié rejoignent l’Église occitane en Italie où ils sont consolés et reviennent en Languedoc au début du 14e siècle.
Soulèvement contre l’Inquisition (rage carcassonnaise) sous l’égide de Bernard Délicieux.
Suspension de l’Inquisition par le roi. Mais après avoir démis Bernard Délicieux, l’Inquistion reprend son activité contre le sursaut de l’Église cathare mené par les frères Authié.

Reprise de l’apostolat en Languedoc

1300-1310 Tentative de la petite église des frères Authié.
1303 Geoffroy d’Ablis nommé inquisiteur à Carcassonne.
1307 Bernard Gui nommé inquisiteur à Toulouse.
1309 Jacques et Guilhem Authié, Arnaud Marty, Prades Tavernier, Amiel de Perles, Philippe d’Alairac et Raymond Fabre, capturés et brûlés.
Guilhem Bélibaste s’enfuit de l’autre côté des Pyrénées.
1310
Pierre Authié est brûlé à Toulouse.
1318-1325 Campagne d’Inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers.
1321 Bûcher de Guilhem Bélibaste à Villerouge-Termenes.
1325 Bûcher d’une croyante cathare à Carcassonne.
1329 Bûcher de 3 croyants cathares à Carcassonne.
1412 Dernières sentences contre les cathares italiens.

1463 Conquête de la Bosnie par les Turcs : fin du catharisme bosniaque.

Résurgence du catharisme ?

28 mars 2016 Annonce d’une maison cathare à Carcassonne et début de noviciat
23 mai 2021 ? Première Consolation de l’ère moderne ?

Les cathares se sont-ils nommés ainsi eux-mêmes ?

5-1-Histoire du catharisme
848 vue(s)

Les cathares se sont-ils nommés ainsi eux-mêmes ?

Le fond de la question

Les différents avis

Dans un courriel récent, Ruben Sartori, chercheur et exégète de qualité, nous rappelle sa position personnelle quant à l’origine du mot « cathare » attribué à ces chrétiens opposés sur le plan doctrinal aux judéo-chrétiens, que l’on a désigné un peu partout en Europe sous diverses appellations, le plus souvent locales. Je vous propose de la lire directement puisée dans ce courriel :

En ce qui concerne le mot cathares, et j’en terminerai là, beaucoup a été dit mais ce n’est pas la bonne piste à mon sens. Cathares est un mot bien connu qui appartient à littérature et à l’histoire chrétienne. Il désignait ceux qui au temps des persécutions romaines n’avaient pas abjurés la foi, ne l’avaient pas trahie. Il est donc bien normal que les cathares eux-mêmes se soient référés à ces illustres devanciers. Ils n’avaient pas trahie la vraie foi mais au contraire l’avaient courageusement maintenue en dépit des persécutions et des anathèmes. Cathares ou bons chrétiens, c’est le même sens et il n’est donc guère étonnant que les bons chrétiens se soient eux-mêmes désignés sous le terme de cathares comme l’attestent certaines sources.

Je rappelle qu’il s’agit du mot « catharos », qui signifie « purs » dont nous parle Ruben.

Cette opinion fait l’objet d’une controverse entre Christine Thouzellier — qui comme Ruben cite cette origine ancienne — et Jean Duvernoy qui valide la thèse du moine rhénan Eckbert de Schönau.
Je vous invite à la lire sur le site de Persée, car elle pose des problèmes non négligeables.
Notons cependant que cette interprétation est reliée systématiquement à des mouvement schismatiques judéo-chrétiens : les novatiens et les montanistes.

Deux autres sources nous sont connues à travers des textes qui nous sont parvenus.

La première et la plus connue, est due à un moine rhénan Eckbert de Schönau qui, dans un courrier adressé à l’archevêque de Cologne et chancelier de l’Empire, Rainald de Dassel, reprend un nom déjà connu à l’époque pour différencier une secte d’hérétiques d’une autre qu’il désigne comme les « partisans d’Hartwin1 » . Eckbert relate des éléments déjà connus par la révélation d’Évervin de Steinfeld. Il y eut bien deux groupes d’hérétiques, les premiers étaient des cathares et les seconds, sans doute des ancêtres ou une variante des vaudois.

Analyse de l’appellation

Ce que révèlent les sources c’est que ce nom n’a rien de savant. Eckbert de Schönau le dit clairement : « Ce sont eux qu’en langue vulgaire on appelle “cathares”… »

L’évêque de Cambrai parle lui de l’hérésie des Katter, que Jean Duvernoy propose de traduire par chats (cattorum) . Il poursuit sur le fait que ce mot ne dérive pas du latin, mais de l’allemand populaire. Initialement nommé Ketter, par Eckbert, il se dégrade en Ketzer, comme le Katte de l’évêque de Cambrai est devenu Katze.

Cette référence au chat ne doit rien au hasard, car le diable était alors désigné comme un chat blanc de la taille d’un veau.
Alain de Lille nous en donne l’explication : « Cathares, d’après catus, car, à ce qu’on dit, ils baisent le derrière d’un chat, sous la forme duquel, dit-on, leur apparaît Lucifer. » Il propose aussi deux autres étymologies, plutôt fantaisistes : une dérivée de « catha » qui voudrait dire écoulement, car le vice s’écoule d’eux comme le pus et « cathari » parce qu’ils se font chastes et justes.

Pour éviter tout rapprochement avec les novatiens, Eckbert proposait l’appellation « catharistes », nom d’une secte africaine combattue par Augustin d’Hippone.

Enfin, Jean Duvernoy précise clairement que de son point de vue, ni le corpus hérésiologique médiéval occidental, ni les cathares eux-mêmes n’ont compris ce mot comme signifiant « purs ». Ce terme est régulièrement employé par les polémistes catholiques et même par le pape Innocent III. Cela devrait nous convaincre qu’il ne peut s’agir d’un terme glorifiant, car on imagine mal leurs pires ennemis les parer d’un terme qui aurait pu les valoriser de quelque manière que ce soit.


Notes :

 

  1. Jean Duvernoy, La religion des cathares, in Les cathares, édition Privat 1976 (Toulouse), p. 14.
  2. Jean Duvernoy, ibid, p. 303

 

Cathars in question

7-5-Controverses
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Le site Academia.edu publie un papier de Mme Alessia Trivellone qui suscite déjà des réactions que je vous propose ci-dessous.

Réaction de M. Michel Roquebert

Sur le site de l’AEC-René Nelli, dont il est le Président d’honneur, cet historien justement réputé publie cette analyse pertinente. Vous pouvez la lire en ligne directement : Dame Ava de Baziège s’est-elle « donnée aux hérétiques » ?

Réaction de Annie Cazenave

Annie Cazenave, qui a publié sa réaction sur le compte Facebook de Michel Jas (Cathares et protestants), m’a autorisé à la publier également ici afin que vous ayez une vue complète des différentes réactions. Je sais que Michel n’y verra aucun inconvénient et il peut faire de même s’il trouve certaines réactions que je publie dignes de son site.

Texte repris : Mon amie Annie Cazenave réagit à la recension, elle aussi agressive, d’Alessia Trivellone de Cathars in Question : « une évidence s’impose : l’enjeu de la controverse se situe au-delà de l’étude de l’hérésie médiévale et investit plus généralement la manière de faire l’histoire. En ce sens, il me semble surprenant de lire, dans une publication universitaire, tant d’études qui négligent les questionnements méthodologiques et épistémologiques les plus élémentaires et oublient de considérer les contextes sociaux et politiques dans lesquels des sources sont produites. Il est encore plus étonnant… de relever des fautes de traduction et d’interprétation dans des sources considérées comme centrales pour la démonstration. Il me semble qu’une telle insouciance envers le raisonnement et la méthode historique a de quoi décevoir non seulement les chercheurs qui étudient l’hérésie, mais tout historien ».

Après une telle tonitruante annonce nous attendons avec impatience la source inédite que Madame Alessia Trivellone ne manquera pas de nous offrir. Il nous semble que jusque là elle s’était contentée de commenter les travaux de ses prédécesseurs. Une telle assurance ne peut manquer de précéder une œuvre géniale. Et nous nous sentons sidérée devant cette assurance, totalement à l’opposé de l’enseignement reçu de nos professeurs : ils nous avaient appris que devant tout écrit l’historien, et particulièrement le médiéviste, devait adopter une attitude humble, scrupuleuse, attentive à tous ses aspects, extérieurs et internes, respectueuse du texte et du contexte, et occasionnellement consulter un collègue qui pourrait sembler plus érudit. Périmées, obsolètes, toutes ces précautions : désormais on claironne.

Annie Cazenave, médieviste ayant travaillé au laboratoire (CNRS) de Le Goff puis de de Gandillac.

Réaction de Gilles-Henri Tardy

La négation du catharisme et de l’unité bogomilo-cathare par Alessia Trivellone, maîtresse de conférence à l’université de Montpellier : « Si les choix de vocabulaire ne sont jamais anodins en histoire, appeler « cathares » les hérétiques du Midi a des inconvénients supplémentaires : cette dénomination en vient en effet à uniformiser les hérésies dénoncées en Italie du Nord, parfois désignées de cathares par les sources, et celles du Midi français, jamais qualifiées ainsi par les sources produites dans cette région. Utiliser le même nom en viendrait ainsi à créer, de manière arbitraire, un même phénomène hérétique cis- et transalpin – un piège dans lequel l’historiographie traditionnelle est déjà tombée maintes fois. »

Trivellone s’égare une fois de plus, son dernier article bien structuré à pour but de convaincre que les chercheurs qui n’ont, à juste titre, par sa vision sont dans la plus grande erreur… voici ce qu’elle en dit en forme de conclusion sans appel : « une évidence s’impose : l’enjeu de la controverse se situe au-delà de l’étude de l’hérésie médiévale et investit plus généralement la manière de faire l’histoire. En ce sens, il nous semble surprenant de lire, dans une publication universitaire, tant d’études qui négligent les questionnements méthodologiques et épistémologiques les plus élémentaires et oublient de considérer les contextes sociaux et politiques dans lesquels des sources sont produites. Il est encore plus étonnant de trouver des articles escamotant toute logique afin de contester des thèses le plus souvent mal comprises, ou de relever des fautes de traduction et d’interprétation dans des sources considérées comme centrales pour la démonstration. Il nous semble qu’une telle insouciance envers le raisonnement et la méthode historique a de quoi décevoir non seulement les chercheurs qui étudient l’hérésie, mais tout historien ».

C’est ainsi faire l’impasse sur les relations entre bonshommes d’Italie et les bogomiles, c’est faire aussi l’impasse sur les relations entre bonshommes d’Italie et d’Occitanie qui, eux-mêmes, avaient des relations en catalogne et en Rhénanie. En claire, je le dis tout net : Trivellone est soit incompétente soit une menteuse au service d’une idéologie passéiste de l’opus dei ou de je ne-sais-quoi de pas net chez les Cathos ! (G.H.Tardy)

 Les cathares en Occitanie, rattrapés par l’inquisition devait porter à vie cette croix jaune sur leur vêtement à hauteur d’épaule ; cela rappelle fâcheusement les fachos qui firent porter l’étoile jaune pendant la seconde guerre mondiale. (Porter la croix : ouf ! au moins on évitait le bûcher pour un temps… merci Trivellone de vouloir effacer cela de la mémoire collective, car en effet, c’est plus qu’abjecte et honteux).

Amistat,
Gilles-Henri
Info Humacoop- Amel-France
Humani Association
Tél. : 0033.(0)687265814

Réaction de Éric Delmas

Mme Trivellone a pour détestable habitude de reprocher aux autres ce qu’elle pratique en routine.

Elle reproche à deux auteurs de régler leurs comptes avec des écrivains dont elle considère les écrits comme importants. C’est son droit, mais je dois lui rappeler que ces auteurs n’ont rien fait d’autre à l’encontre des historiens du catharisme qui les avaient précédés. Quant à la valeur de leurs écrits, je signalerais, au moins pour M. Pegg qu’ils ont fait l’objet d’une critique qui a mis en avant les nombreuses erreurs qui les émaillaient. Certes, ayant elle-même l’habitude d’en commettre de même niveau, on ne s’étonne pas qu’elle n’ait pas vu les siennes.

Oui, les sources médiévales concernant les hérésies sont presque toujours d’origine religieuse. En effet, les nobles écrivaient peu et le peuple ne lisait pas la plupart du temps. Malheureusement, vous n’étiez pas née à l’époque Madame, ce qui nous prive de vos lumières pour nous raconter la Vérité.

Mais en quoi les sources religieuses seraient-elles si peu fiables ? Quand nous trouvons des sources dans d’autres domaines, sont-elles plus fiables ? La relation que nous fait Jules César dans La guerre des Gaules est-elle absolument fiable ? Pas du tout, car il a arrangé certains points selon ses intérêts personnels. La guerre qui a abouti à la chute de Jérusalem en 70, telle que nous la relate Flavius Josèphe dans La guerre des Juifs est-elle fiable ? Pas du tout pour les mêmes raisons.

C’est pour cela que l’on a inventé les historiens. Non pas pour jeter le bébé avec l’eau du bain, comme vous le faites, mais pour faire le tri et comparer avec d’autres sources pour voir ce que l’on peut retenir de fiable, ce que l’on garde avec prudence et ce que l’on rejette. Certes, ce n’est pas facile, mais c’est un métier.

Le fait qu’un texte douteux cite des faits démontrés par ailleurs, n’invalide pas les faits ; il signale simplement que son auteur doit être lu avec circonspection. La réalité des évêchés albigeois est démontrée, sinon pourquoi mettre en place une croisade, système lourd et organisé, s’il ne s’agissait que d’attraper quelques individus isolés ?

Le dualisme des chrétiens orientaux, manichéens et marcionnites par exemple, est également décrit par les auteurs arabes musulmans. Doit-on en conclure que les catholiques, les orthodoxes et les musulmans étaient liés afin de propager des erreurs que des historiens du 21e siècle allaient détecter sur la seule base de leur intuition personnelle ?

Oui, les auteurs médiévaux, peut soucieux de se compliquer la tâche en construisant des sommes anti-hérétiques adaptées aux cathares, les ont traités de manichéens car ils disposaient de la somme d’Augustin pour le faire. Et alors ? C’est notre rôle de faire la part des choses. Ce n’est pas parce qu’ils n’étaient pas manichéens qu’il faut croire qu’ils n’existaient pas. D’ailleurs les arabes faisaient clairement la différence entre manichéens et marcionnites, puisqu’ils avaient les deux groupes sous les yeux et qu’ils pouvaient comparer les doctrines.

De même, Pierre de Sicile commence son compte rendu en traitant les pauliciens de manichéens, puis il poursuit en montrant qu’au contraire ces derniers réfutent cette accusation.

Et l’étude de leur doctrine permet de le valider.

Donc quand Rainier Sacconi se prétend ancien cathare il ment, mais Augustin qui se prétend ancien manichéen ne ment pas ? Au passage, évitez de l’appeler saint Augustin, cela montre trop où penchent vos sympathies.

Que Sacconi exagère ou même mente parfois, comme le font souvent les nouveaux convertis pour prouver leur allégeance, personne n’en doute. Mais là encore, il suffit de croiser les documents pour relever ce qui tient de l’affabulation et ce qui est probable. Les confessions publiques devant le diacre étaient dans la règle monastique des cathares et leur nombre ne doit pas vous étonner, vu l’attrait que cette religion a eu dans la région.

Excusez-moi de vous faire remarquer que l’expression : exagération évidente est pour le moins douteuse si vous n’en apportez pas une contradiction argumentée. Une historienne compétente ne peut se contenter de son sentiment pour invalider un document. Et oui, faute de prouver une erreur, le témoignage d’une personne ayant vécu les fait a au moins autant de valeur que celle d’une personne vivant plusieurs siècles plus tard. Le mensonge est souvent motivé et rarement gratuit, car à l’époque Sacconi savait que l’on aurait pu facilement le ridiculiser sur des éléments majeurs s’il les avait pervertis de façon outrancière.

Je continuerais bien mon analyse point par point, mais je n’apporterai rien de plus dans ma démonstration de la légèreté de votre analyse. Moins vous connaissez un sujet, plus vous vous présentez comme experte. Vous avez le caractère de votre époque. Plus besoin de preuve ou d’argument sourcé ; il vous suffit d’avoir une conviction pour dénigrer le travail de vos prédécesseurs et pour asséner votre vérité. Ce n’est pas historienne que vous auriez dû choisir comme voie, mais journaliste ou romancière.

Éric Delmas, chercheur en catharisme, Président de Culture et études cathares, créateur de ce site et auteur de Catharisme d’aujourd’hui. Accessoirement, honteux représentant de la caste religieuse, dont les propos sont forcément faux quand on les compare aux vertueux historiens de Montpellier, Nice ou Toulouse.

Un mythe qui a la vie dure

7-5-Controverses
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Voici ma réponse aux deux articles publiés dans le Figaro-Magazine du 2 août 2019.

Madame, Monsieur,

Je vous adresse ce courrier pour demander un droit de réponse aux deux articles publiés dans votre édition du 2 août dernier concernant le catharisme, ou plutôt sa négation devrais-je dire.

Le texte de l’article « Splendeurs et mystères du Pays cathare », écrit par M. Nicolas Ungemuth est littéralement pitoyable. Ce monsieur a sans doute fouillé les poubelles du web pour se « documenter ». En effet, il fait encore référence à l’apparentement du catharisme au manichéisme, théorie amplement et brillamment démontée par M. Jean Duvernoy dans son ouvrage « La religion des cathares » paru en… 1976 ! Ses allusions nauséabondes sur l’intérêt des nazis pour le catharisme, mériteraient quant à elles la lecture de M. Christian Bernadac sur Otto Rahn.

Pour essayer de m’élever un peu au-dessus de cette boue, je voudrais rappeler à ce monsieur, qu’effectivement les cathares ne se sont jamais appelés ainsi eux-mêmes. De même que les premiers chrétiens ne s’appelaient pas chrétiens ou que les protestants des Cévennes n’avaient pas choisi le sobriquet de parpaillots qui leur fut attribué. Ces termes sont des insultes provenant de leurs ennemis qui finissent souvent par être adoptés quand les personnes concernées surmontent les obstacles jetés sur leur route. Le mot cathare vient effectivement des catholiques, plus précisément d’un moine rhénan — Eckbert de Schönau — qui fit un jeu de mot visant à associer les hérétiques qu’il avait en face de lui à des adorateurs du diable ! Mais ce mot fut repris à de nombreuses occasions par les responsables de l’Église catholique pour désigner une catégorie bien précise d’hérétiques dont la doctrine était fondamentalement opposée à la leur. Je vous signale à l’occasion que le terme chrétien n’était pas la propriété exclusive des catholiques dans les premiers siècles. Comme nous le dit Walter Bauer dans son livre « Orthodoxie et hérésie au début du christianisme » (éd. Du Cerf), à Édesse au 2esiècle, ce sont les marcionites que l’on appelait chrétiens, car ils étaient les plus nombreux. Les catholiques locaux étaient appelés palutiens, du nom de leur évêque (Palut). Comme quoi se baser sur un nom pour établir une réalité historique est un manque de jugeotte. Votre « journaliste » met involontairement le doigt sur le point crucial de la campagne négationniste que connaît le catharisme. La volonté de développer le tourisme dans une région, longtemps sinistrée, conduit à vouloir transformer le catharisme en produit de consommation, ce qui implique de lui ôter tout caractère de réalité gênante. En effet, que dirait-on si l’Allemagne organisait un tourisme autour de la Shoah ? Mais le catharisme n’a plus une population fortement choquée par son éradication pour le défendre. Aussi est-il moins risqué pour de courageux historiens, politiques et journalistes de s’en prendre à lui. Bien entendu le « Pays cathare » est une invention du département de l’Aude, peu soucieux de s’attribuer un phénomène qui s’est manifesté dans bien d’autres lieux (Ariège, Haute-Garonne, Hérault, mais aussi Champagne, Orléanais, Flandres, Rhénanie, Bosnie, etc.).

Le plus triste est l’intervention d’un autre journaliste, M. Jean Sévillia, sous le titre « Un mythe qui a la vie dure ».

Ce monsieur se réfère à une exposition itinérante, organisée par Mme Alissia Trivellone, universitaire à Montpellier, mais aussi membre d’un groupe actif dans la négation du catharisme, le GIS HéPoS (groupement d’intérêt scientifique Hérésie, Pouvoirs, Sociétés – Antiquité, Moyen Âge et Époque moderne) qui tente de poursuivre l’œuvre de révisionnisme amorcée à Nice par Mme Monique Zerner, largement démontée par MM. Duvernoy et Roquebert, entre autres. Comme elle, il joue sur les mots et tente de tromper le lecteur en faisant des raccourcis. Mme Trivellone a bénéficié de réponses hautement argumentées à ses assertions, auxquelles elle a évité de répondre dans le détail. On la comprend !

Si les cathares ne se sont jamais appelés cathares eux-mêmes — c’est l’Église catholique, pape en tête, qui les appelait ainsi —, l’étymologie grecque « katharos = purs » est douteuse, car on imagine mal les catholiques traiter leurs adversaires de purs, ce qui sous-entendrait que les autres chrétiens ne le sont pas ! Effectivement, les catholiques affublaient les cathares de noms variés et parfois fleuris, selon les régions où ils étaient repérés : piphles, tisserands, patarins, albigeois, bougres. Ces termes les désignant soit par leur activité principale, soit par leur zone géographique, voire en les traitant de menteurs (piphle = pipeau) ou de sodomites (bougre = bulgare = sodomite), permettait de les identifier et de les dissocier des groupes dissidents catholiques que la réforme grégorienne avait suscités, mais aussi de marquer l’incompréhension d’une religion dogmatique envers une religion disposant d’une certaine plasticité doctrinale. Mais notre culture judéo-chrétienne nous laisse croire que le christianisme est uniforme alors qu’il est divers depuis le premier siècle qui vit un schisme séparer ceux qui voulaient associer judaïsme et christianisme (judéo-chrétiens dont font partie les catholiques, les protestants et les orthodoxes d’aujourd’hui) et ceux qui voulaient ouvrir le christianisme à tous les peuples comme nouvelle religion émergente (pagano-chrétiens dont font partie les cathares).

Donc, oui les cathares sont des hérétiques si on les regarde du côté catholique de l’époque, mais ils ne sont pas des dissidents, car leur doctrine est depuis toujours fortement opposée sur beaucoup de fondamentaux, à celle des judéo-chrétiens. Si les cathares médiévaux n’avaient pas été une Église efficace et structurée, croyez-vous que les catholiques auraient ressenti la nécessité de créer des ordres religieux adaptés, comme les dominicains, pour s’opposer à eux sur le terrain des Écritures ?

Si votre journaliste avait lu M. Roquebert, il saurait que Simon de Montfort n’a pas mené la croisade, du moins pas avant Carcassonne où les conditions de la capture du vicomte Trencavel furent si peu glorieuses que les seigneurs, qui avaient prééminence sur lui, refusèrent tous ce cadeau jugé dégradant. Le légat a-t-il prononcé cette phrase ? nul ne peut l’affirmer ni le nier. Par contre, ce qu’il a dit aux chevaliers fut tout aussi clair à la vue du résultat sur la ville martyre de Béziers. Si la violence fut tout autant du côté des croisés que de celui des occitans, deux choses doivent être dites. D’une part la violence de l’agresseur est moins justifiable que celle des défenseurs, et d’autre part les cathares n’y ont jamais pris part, leurs vœux leur interdisant tout violence fut-ce à l’encontre d’un animal. Le valdéisme n’a pas remplacé le catharisme, car ils étaient concomitants ; il y eut même une dispute théologique les réunissant. Oui, la société médiévale, entièrement organisée autour du catholicisme, n’avait pas les moyens de répondre au catharisme qui prônait l’égalité des sexes, la non domination des classes sociales, le partage des biens, le travail de tous, etc. Ces idées, dont beaucoup sont encore utopiques de nos jours ne pouvaient obtenir de réponse et, les risques sociaux qu’elles faisaient encourir aux classes dominantes de l’époque portaient le germe de la violence qui s’est déchaînée contre elles.

Mais dire cela ne justifie pas le si piètre travail de gens dont la haute mission sociale est d’analyser et de présenter les choses de façon à éduquer la population, pas à servir ceux qui veulent l’abêtir pour libérer du « temps de cerveau » aux annonceurs publicitaires.

Je vous remercie de ne pas caviarder ma réponse.

Sincères salutations.

Éric Delmas, Président de Culture et études cathares, chercheur en catharisme et auteur de Catharisme d’aujourd’hui.

Vous avez dit « Cathare » ?

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Voici, ci-dessous, la réaction de M. Michel Roquebert, historien du catharisme incontesté depuis  de longues années et également connu pour ses interventions à l’encontre des nombreuses tentatives révisionnistes anti-cathares qui deviennent maintenant du négationnisme à l’encontre de cette religion.

VOUS AVEZ DIT « CATHARE » ?

Sur quelques interviews d’Alessia Trivellone

Le 5 octobre 2018, trois mois après la parution chez Perrin de mon ouvrage « Figures du catharisme », Mme Alessia Trivellone, Maître de conférence en Histoire médiévale à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, donnait au quotidien L’INDEPENDANT une interview pour annoncer l’exposition qu’elle allait présenter du 6 au 13 dans les locaux de ladite université, sous le titre « Le catharisme : une idée reçue ». Car, explique-t-elle, ce n’est qu’un mythe né au XIXe siècle, les prétendus « cathares » ayant servi « comme catalyseurs d’une identité régionale ». Et Mme Trivellone de s’étonner qu’encore aujourd’hui tant de personnes se reconnaissent « dans ces figures d’une histoire fantasmée ». Elle revint à la charge le 28 octobre, dans les colonnes de LA DEPECHE DU MIDI, pour reprendre l’idée que l’histoire du catharisme est une pure « mythologie contemporaine », mais expliquant cette fois que le mythe « est né au Moyen Age même », le XIXe siècle n’ayant fait que le récupérer pour en nourrir en quelque sorte la quête, dans le Midi, d’une identité régionale

Si la position de Mme Trivellone est claire, les arguments sur lesquels elle s’appuie sont en revanche bien étranges.

Aucune source historique, affirme-t-elle, ne parle des « cathares » à propos du Midi ; les procès-verbaux de l’Inquisition parlent seulement d’« hérétiques », mais « c’est en extrapolant des données de ces procès-verbaux que des historiens ont voulu voir l’existence d’une Eglise hérétique organisée en communautés ». Ces procès-verbaux posent en effet un problème : « Il s’agit de dépositions d’accusés privés des droits fondamentaux de défense, extorquées parfois sous la torture, par des inquisiteurs à la fois accusateurs et juges. On a le devoir d’être sceptiques, d’autant plus que ces mystérieux « hérétiques » ne nous ont laissé aucune source de leur côté ».

Faut-il s’attarder à répondre aux deux derniers arguments, celui qui concerne le crédit à accorder aux sources inquisitoriales, et celui qui nie l’existence de sources « hérétiques » ? Personne ne croira jamais que Mme Trivellone ignore que quiconque est un peu familiarisé avec les interrogatoires conservés, qui s’étalent de l’enquête de Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre sur le Lauragais en 1245 et 1246 aux procédures conduites par Jacques Fournier en comté de Foix entre 1318 et 1325, sait à peu de choses près mesurer le degré de fiabilité des dépositions. Qui prendrait par exemple pour argent comptant toutes celles faites devant Jean Galand puis Guillaume de Saint-Seine, de 1283 à 1291 ? Qui récuserait Bernard de Caux ou Jacques Fournier sous prétexte qu’ils auraient pu, peut-être, faire torturer leurs « témoins » ? Mais admettons qu’une interview donnée à un quotidien ne laisse pas le temps d’entrer dans les détails et condamne peu ou prou à grossir le trait. A beaucoup plus de perplexité nous conduit l’affirmation péremptoire que les hérétiques « ne nous ont laissé aucune source de leur côté ». Mme Trivellone jette-t-elle donc aux orties le Livre des deux principes, le Traité cathare anonyme, le Rituel latin de Florence, édités et étudiés par Christine Thouzellier, le Rituel occitan de Lyon, le Traité de l Eglise de Dieu et la Glose du Pater, en occitan eux aussi, qui ont curieusement échoué à Dublin, tous textes savamment édités, traduits et étudiés par René Nelli, Jean Duvernoy, Anne Brenon, Enrico Riparelli et bien d’autres ? Mais comme il serait absolument impensable qu’elle n’en ait jamais entendu parler, essayons encore de lui accorder le bénéfice du doute : peut-être a-t-elle voulu dire que les hérétiques méridionaux qu’on appelle – à tort, selon elle – « cathares », n’ont laissé aucun écrit, tous les textes que nous avons cités provenant peut-être, dans son esprit, de pays autres que le Midi. Hélas ! il est impossible de lui faire cette concession, car d’où peuvent provenir les textes occitans, si ce n’est du pays d’Oc ? « Oublier » les preuves qui contredisent votre thèse est quand même une bien étrange pratique, surtout quand on prétend, comme les tenants de la « Nouvelle Histoire », avoir enfin découvert la vérité, ce qui rend définitivement obsolète tout ce qui a été écrit avant vous. Or c’est à propos de l’appellation même de « cathares » que Mme Trivellone commet les oublis les plus incompréhensibles.

Tout le monde sait, depuis longtemps, que les hérétiques de cette Provincia qu’on nommera Languedoc ou Midi de la France ne se sont jamais appelés entre eux « cathares ». De là à croire que personne ne les a appelés ainsi, il y a loin ! Rappelons les sources qui montrent que le mot était loin d’être inconnu quand il s’agissait de désigner les hérétiques du pays d’Oc :

1°) – Canon 27 du IIIe Concile œcuménique du Latran (mars 1179) : « Dans la Gascogne albigeoise, le Toulousain, et en d’autres lieux, la damnable perversion des hérétiques dénommés par les uns cathares (catharos), par d’autres patarins, publicains, ou autrement encore, a fait de si considérables progrès… » (Texte dans J.D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXII, 231 .Traduction française par Raymonde Foreville dans Histoire des conciles œcuméniques, Paris, l’Orante, 1965, t. VI, p. 222.)

2°) – Le 21 avril 1198, le pape Innocent III écrit aux archevêques d’Aix, Narbonne, Auch, Vienne, Arles, Embrun, Tarragone, Lyon, et à leurs suffragants : « Nous savons que ceux que dans votre province on nomme vaudois, cathares (catari), patarins… ». Or cette bulle pontificale s’adresse à des prélats qui sont tous en exercice au sud de la Bourgogne ; il est bien évident, comme le notent d’ailleurs les plus récents éditeurs allemands de la correspondance d’Innocent III, que le mot de ., catari est dès cette époque une Allgemeinbezeichnungfùr die Hâretiker des 12. und 13. Jh,, une appellation générique pour désigner les hérétiques des XIIe et XIIIe siècles, et appliquée ici à ceux du pays d’oc. (Texte dans Migne, Patrologie latine, t. 214, col. 82, et dansO. Hageneder et A. Haidacher, Die Register Innozens ‘III, vol. I, Graz/Cologne, 1964, bulle n° 94, p. 135-138. Cf. p. 136, note 4).

3°) – Dans le Liber contra Manicheos, attribué (sous les réserves formulées par Annie Cazenave) à Durand de Huesca, on trouve : « … les manichéens, c’est-à-dire les modernes cathares qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne… » (« … manichei, id est moderni kathari qui in albiensi et tolosanensi et carcassonensi diocesibus commorantur. » Texte édité par Christine Thouzellier, Une somme anti-cathare : le Liber contra manicheos de Durand de Huesca, Louvain, 1964, p.217.)

4°) – On a confirmation, à la fois, de l’emploi du mot « cathares » à propos des hérétiques languedociens, et de sa signification générique, puisqu’il s’adresse aussi aux cathares d’Italie et « de France », dans la Summa de Rainier Sacconi ; après avoir dénoncé les erreurs de l’Eglise des cathares de Concorezzo, l’ancien dignitaire cathare repenti, entré chez les Frères Prêcheurs, titre un des derniers paragraphes de son ouvrage : Des Cathares toulousains, albigeois et carcassonnais. Il enchaîne : « Pour finir, il faut noter que les cathares de l’Eglise toulousaine, de l’albigeoise et de la carcassonnaise tiennent les erreurs de Balesmanza et des vieux Albanistes » etc. (« Ultimo notendum est quod Cathari ecclesiae tholosanae, et albigensis et carcassonensis tenent errores Belezinansae. », Summa de Catharis, édit. Franjo Sanjek, in Archivum Fratrum Praedicatorum, n° 44, 1974.)

5°) – On citera enfin le théologien cistercien Alain de Lille, qui enseignait à Paris, mais qui fit vers 1200 un séjour à Montpellier. Ce fut alors, vraisemblablement, qu’il écrivit sa Summa quadripartita, cette « Somme en quatre parties » intitulée Sur la foi catholique, qu’il dédia au seigneur des lieux, Guilhem VIII. S’il a pris soin, dans le Livre I de son ouvrage, de rechercher l’étymologie du mot cathare afin d’en saisir le sens exact, c’est que ce mot lui était familier, mais ne manquait pas de l’intriguer. Rien n’indique cependant, dans son texte, qu’il parle uniquement d’hérétiques étrangers au pays où il séjourne. Le plus probable même, c’est qu’il s’est intéressé à ce vocable parce qu’il l’a entendu prononcer à propos des hérétiques locaux.

Comme j’avais cité les quatre premières sources dans une «réponse» qu’a publiée L’INDEPENDANT, Mme Trivellone n’a pu éviter de les prendre en compte dans le texte qu’elle a donné ensuite à LA DEPECHE. Elle l’a fait dans les termes que voici :

« Les sources produites dans le Midi, comme les procès-verbaux des interrogatoires menés par l’Inquisition ou les chroniques de la croisade contre les Albigeois, ne parlent jamais de « cathares ». Face à ce silence, des « historiens du catharisme » essaient de faire valoir quatre ou cinq sources produites ailleurs. Une poignée de sources écrites ailleurs nomment en effet des cathares dans le Midi, mais ni les milliers de témoins qui parlent devant les inquisiteurs méridionaux ni les chroniqueurs qui suivent les croisés ne voient la trace de ces cathares… N’est-ce pas étonnant ? En réalité, plusieurs historiens ont démontré que ces quelques sources écrites ailleurs ne peuvent pas être prises au pied de la lettre. »

Qu’est-ce à dire ? En citant ces quatre sources, je ne cherchais pas à leur faire dire plus que ce qu’elles disent ; et elles disent clairement que les pères conciliaires de Latran III en 1179, la chancellerie pontificale en 1198, l’auteur du Liber contra Manicheos aux environs de 1225, et l’Italien Rainier Sacconi vers 1250, ont utilisé le mot de « cathares » pour désigner les hérétiques du Midi de la France. Qu’ils l’aient fait à tort, stricto sensu, dans la mesure où le mot n’était pas d’usage courant dans le Midi, où l’on parlait beaucoup plus volontiers d’ « albigeois », n’empêche pas qu’ils se sont crus autorisés à l’utiliser, ce qui est aisément explicable : c’est qu’ils savaient très bien quelles parentés profondes unissaient les églises hérétiques d’Italie — bien connues, elles, sous cette appellation de « cathares » — aux églises hérétiques du pays d’Oc. Ils savaient très bien qu’il s’agissait, à des nuances près, certes, aussi bien dans les positions dogmatiques que dans l’organisation ecclésiale, des variantes régionales d’un vaste mouvement d’évangélisme anti sacerdotal. L’histoire de l’émigration languedocienne en Lombardie sous l’Inquisition, sa vaine résistance aux côtés des cathares lombards à Sirmione, jusqu’à sa fin sur le bûcher de Vérone en 1278 — toutes choses auxquelles, pardonnez-moi Mme Trivellone, je consacre un long chapitre dans mes « Figures du catharisme » — disent assez l’impossibilité de ne pas prendre en compte, par-delà la diversité de fait, l’unité de principe qui n’a pas échappé aux contemporains.

Et puis, une chose encore oubliée par Mme Trivellone : sur la quarantaine d’ouvrages de polémique antihérétique qui nous sont parvenus, dont les rédactions s’étalent de la fin du XIIe siècle à la deuxième moitié du XIIIe, huit au moins s’intitulent Adversus catharos. Personne n’a jamais démontré, ni n’a d’ailleurs cherché à démontrer, qu’ils excluaient de leur attaques les hérétiques languedociens.

En fait, ce débat autour du mot « cathare » me paraît assez puéril. Tout le monde sait de quoi on parle quand on le prononce ou l’écrit. Mais certains auteurs très pointilleux le récusent parce que son emploi donnerait, paraît-il, l’illusion que l’Occident eut à faire face à un vaste mouvement unique de dissidence religieuse, de la Rhénanie et des Flandres à l’Italie et au Languedoc ; c’est-à-dire l’illusion que partout les « cathares » pensaient exactement la même chose et étaient organisés de la même façon, voire qu’ils appartenaient tous à une « Église » unique. C’est là, à coup sûr, une vision tout à fait caricaturale des choses. C’est comme si on pensait que tous les peintres que nous appelons « gothiques » avaient eu les mêmes maîtres et peignaient de la même façon, ou que toutes les églises ainsi nommées elles aussi répondaient à un modèle unique. Au demeurant, aucune dénomination n’est plus artificielle que ce mot de « gothique », ni plus injuste, car, postérieur aux temps « gothiques », il fut à l’origine très dépréciatif, voire méprisant.

Qui aurait cependant l’idée de demander sa suppression en Histoire de l’art ?

Michel ROQUEBERT – Novembre 2018

Comprendre Paul de Tarse

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Comprendre Paul de Tarse

Pourquoi vouloir comprendre Paul de Tarse ?

Chercher à comprendre le christianisme authentique nécessite de comprendre ceux qui l’ont construit.
Sans chercher à trier le vrai du faux dans le déroulement des événements du premier siècle, il est clair que deux courants chrétiens s’opposaient alors sur quelques principes fondamentaux.
L’un, porté — semble-t-il — par Jacques (non pas le disciple mais le frère de Jésus) et Pierre, voulait réserver le christianisme aux juifs alors que l’autre, porté par Paul, voulait l’étendre à tous les hommes.Read more