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Les cathares, ça n’existe pas ! – Annie Cazenave

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Les cathares, ça n’existe pas !

On vient d’entendre, avec une surprise qui s’est changée en stupeur, une curieuse émission… sur France Culture !
Les deux personnes interrogées étaient universitaires, hélas ! Seule citée par eux,  malgré la quantité d’ouvrages publiés sur ce sujet, sauf l’inévitable Ch. Schmidt, édité  en 1849,  Monique Zerner, dont le colloque  de Nice date  aujourd’hui de vingt trois ans. C’est beaucoup pour un canular !

En effet, l’un et l’autre répètent, impavides, des phrases formulées alors sous forme interrogative et assénées depuis sans souci de nuance. En outre, l’emploi du terme « cathare »  est une  fois encore,  attribué au seul rhénan Eckbert de Schönau : aucune mention, entre autres, des travaux de Ch. Thouzellier ou de Ch. Puech. Et bien entendu de R. Nelli. En  fait, Julien Théry, aujourd’hui à l’université de Lyon, ce qui lui permet d’aller facilement à Paris pour figurer sur Médiapart,  a de l’histoire une vision politique, remontant sans le savoir, au-delà de Belperron, aux historiens anticléricaux de la IIIème République. Par exemple Innocent III «  offre la terre à ceux qui veulent  s’en emparer ». Théry s’intéresse au pouvoir, à la puissance et la possession des richesses, celles  des religieux et des laïques,  et scrute l’entente ou la lutte entre les deux pouvoirs. Il a publié une bonne étude sur  l’évêque d’Albi Bernard de Castanet. Il a aussi traduit Bernard Gui. Mais celui-ci traque les « moderni heretici », « hérétiques » de son temps, où  les « cathares «  (ou  manichéens et « dualistes » )  ne sont que des survivants, qui l’intéressent peu. En fait, les « hérétiques »  n’existaient pas  avant le XIIIème s., c’est à dire le début de l’Inquisition, et « les sources uniquement polémiques »  ont aux yeux de Théry  transformé les contestataires en hérétiques.

Les hérétiques « n’ont pas conscience d’être hérétiques », ce qui est parfaitement exact : à leurs yeux, ils sont « bons chrétiens », nom évidemment inadmissible pour l’inquisiteur : il reprend donc l’appellation familière du peuple : « bonnes gens », en latin « boni homines », ce qui permet aux sceptiques modernes de les confondre avec les notables du village. Alessia Trivellone assure, impavide, que « les interrogatoires d’Inquisition ne contiennent que les réponses, et non les questions » : celles-ci sont répertoriées dans le Manuel de l’inquisiteur  rédigé en 1243 par le maître général des frères prêcheurs Raimond de Penyafort, dont  l’inquisiteur suivait le schéma. À Pamiers, où c’était l’évêque qui présidait, la question est indiquée avant sa réponse.

On a l’impression que, comme les élèves cossards, ils ont fait l’impasse sur tout ce qui n’entrait pas dans leur champ de vision, né à Nice. Malencontreusement, ceux ci constituent la majorité des travaux publiés avant ou après ce fameux colloque. Plus simplement, ni l’un ni l’autre ne semble posséder de tournure d’esprit philosophique.  Alessia Trivellone est historienne de l’art, elle a soutenu à Poitiers une thèse remarquée.  Celle-ci portait sur les miniatures représentant des hérétiques qui ornaient  les manuscrits  germaniques possédés par  des bibliothèques bénédictines. Toutes représentent des « hérétiques », parfois  désignés, patarins, etc…, toujours placés en situation humiliée, repentants, à genoux, admonestés par un évêque, foulés aux pieds par les chevaux de cavaliers : ils glorifient le triomphe de l’Église aux yeux de moines qui n’en ont jamais vu. En fait, ce sont des « marginalia » :  c’est-à-dire qu’elles appartiennent à un genre particulier d’enluminures peuplant la  marge des manuscrits : des figures fantaisistes ou grotesques,  animaux exotiques, singe, éléphant, ou imaginaires, licorne,  parfois même lubriques : c’est  là, dans un manuscrit rhénan,  que se trouve le fameux chat noir dont, par jeu de mot,  les  hérétiques « cathari » baisent le derrière,, ainsi que la sorcière sur son balai qui surgira d’entre ces pages au XVème s.  L’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes  a réalisé, sous la direction de J. Dalarun, un inventaire des manuscrits enluminés  des archives et bibliothèques de France : aucune n’en contient de cette sorte,  ce qui les refoule dans une contrée où les hérétiques relèvent de l’imaginaire. Alessia Trivellone a donc étudié les fantasmes des bénédictins allemands.

Notre  universitaire montpelliéraine a constaté au micro de France culture que « les sources du dualisme sont purement polémiques, on n’en relève pas la moindre trace » . Nous nous contenterons  de lui signaler que dans son pays natal, à Florence, un certain dominicain, le père Dondaine, a découvert un manuscrit inédit, le Livre des deux principes, écrit de main cathare, peut-être par Jean de Lugio, qu’il a édité, et que René Nelli  a traduit  dans  Écritures cathares.

Enfin, la chartiste Anne Brenon, agacée par ces dénis, a organisé  au château de Carcassonne une exposition, malheureusement trop brève,  des vidéos de manuscrits provenant de Florence, Lyon, Prague,  Madrid et Paris,  incontestablement d’origine et de main cathare. Trop brève, mais à l’origine d’un travail monumental, d’une Somme de 420 pages, «  jalon d’un demi-siècle », qui amasse, traduit et présente  tout, enfin, presque tout, ce qui est connu  sur les œuvres et les personnes, Bons Chrétiens et croyants, qui ont cru en elles.  Nous lui emprunterons le mot de la fin : « loin de sceller les sépulcres ou d’apposer les sceaux de la fatalité, l’histoire est une école d’avenir ».

Annie Cazenave, docteure en Histoire, docteure en Histoire de l’art, retraitée du Centre National de Recherche Scientifique.

 

 

 

 

 

 

«L’invention du Catharisme» – Chantal Benne

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France Culture: «L’invention du catharisme»

Il y a des attitudes intellectuelles mortifères. Celle-ci en est une. Je reprendrai d’ailleurs à dessein l’expression de Guilhem pour dire que c’est une «escroquerie intellectuelle».

Avec Monsieur Théry, on s’aperçoit tout de suite du manque de sources adéquates nécessaires pour fournir une information historique fiable. Il affirme: «Le mot cathare n’est présent dans aucune source pendant la période des dissidences religieuses…»
M. Théry n’a donc jamais entendu parler du Concile de Latran (mars 1179), ni de la lettre d’Innocent III du 21 avril 1198? Comment peut-on être aussi affirmatif dans l’ignorance? Pourquoi accorderions-nous notre confiance à  une telle personne quand on sait que des historiens du catharisme ont déjà accompli un vrai travail sur le sujet?

Je reprends encore ses mots: «Il y a la conscience qu’il faut préserver cette identité du Midi. L’histoire des cathares devient le symbole de la destruction d’une civilisation qui aurait été autonome». Les termes imprécis d’«identité du Midi» et de «civilisation qui aurait été autonome» peuvent déjà nous permettre de  situer son auteur dans la mouvance médiévaliste. Pour la clarté de mon propos je dois rappeler ici la définition du Médiévalisme, tel qu’il a été défini par l’historien italien T. Falconieri, à savoir, c’est la projection dans le présent d’un ou plusieurs Moyen-Âge idéalisés. Ce phénomène très à la mode  dans la littérature (cf. la Fantasy), la musique (folk, skinhead, gothique), le cinéma (sur la saga arthurienne par exemple), la politique (mouvements nationalistes identitaires ou irrédentistes), les «nouvelles religions» ( ou religions néopaïennes), qui perdure sans faiblir depuis les années 1960, est une ré-appropriation du Moyen-Âge par l’utilisation d’évènements ou mouvements historiques (la chevalerie, les Templiers, les hérésies et notamment le catharisme, etc.), amalgamés à la symbolique médiévale (la recherche du Graal, la sorcellerie, l’alchimie, les vierges noires, etc.) afin d’édifier une «historisation» du «mythe médiéval». Nous ne sommes donc plus dans l’Histoire!

Dans les années 1960, le médiévalisme politique invente le concept de «Moyen-Âge identitaire». L’identification entre Moyen-Âge et origines des identités locales et/ou nationales représente une interprétation historique amplement diffusée et acceptée. Nous avons un exemple de ce revival médiévaliste dans les fêtes médiévales fleurissant dans nos villages chaque été. Mais cette «identité du Midi» ne participe en aucun cas de ce phénomène. En effet, dans cette région de France, il s’agissait de la nécessité de retrouver, de réhabiliter une identité étouffée sous une chape de silence vieux de 700 ans. Qui aujourd’hui peut se vanter d’avoir eu une leçon d’Histoire digne de ce nom sur la croisade Albigeoise? Derrière ce silence sur cette partie de notre Histoire, la puissante Église catholique romaine, bien à l’abri, eut le temps d’asseoir son pouvoir sans limite sur les consciences et de leur faire oublier cette période peu glorieuse de sa propre histoire.

Si le médiévalisme identitaire des années 1960 perdure aujourd’hui, il a été mis à mal dès les années 1970 par les progrès du Médiévisme (étude scientifique de la civilisation et de l’Histoire du Moyen-Âge avec l’appui de l’historiographie, l’archéologie, la paléographie, l’héraldique, etc.) ainsi que par la large diffusion de l’école des Annales (cf. «Le dimanche de Bouvines» de G. Duby, 1973 ; «Montaillou, village occitan» de Leroy Ladurie, 1975). La communication entre université et intérêt public s’ouvrit alors, faisant de certains travaux d’historiens, notamment sur l’Histoire médiévale de vrais best-sellers (cf. Duvernoy, Roquebert, premiers historiens du catharisme). Le devoir des intellectuels est de rappeler à notre conscience l’Histoire des pauvres, des marginaux, des «différents», des vaincus. L’histoire écrite par les vainqueurs n’est qu’une partie de l’Histoire.

Le Midi comme le nomme M. Théry, ou plus exactement l’Occitanie a donc pu, dans les années 1970, découvrir tout une période de son Histoire, à savoir une religion qui, de 1198 à environ 1230  fut pourchassée et dont les membres furent massacrés, torturés,  brûlés vifs, et ce  jusqu’à son éradication. Parallèlement à cette « découverte », l’Occitanie, comme d’autres « régionalismes » alors, reprenait goût à sa langue qui du Xe au XIIe siècles fut une langue de communication et de culture européenne (se rappeler le mouvement littéraire et philosophique des Troubadours, précurseurs de la Renaissance et de l’Humanisme) avant de perdre progressivement sa place dans l’écrit, dépréciée et malmenée du XIVe siècle jusqu’à la Révolution française, totalement dévalorisée au XIXe, pour finalement être privée d’école dès 1802. Ayant donc subi les dégâts collatéraux  de la mise en place de l’État français, cette «civilisation qui aurait été autonome» avait donc elle aussi disparu.  À ma connaissance, le mouvement Oc ne s’est jamais prétendu fils d’une « civilisation » comme le prétend M. Théry. Mais par contre, il est plus juste de parler d’une culture Oc, dans le sens défini par l’UNESCO  (Mexico, 1982). Je me permets de rappeler cette définition: «La culture dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances». La culture occitane du Moyen-Âge, comme la basque ou la bretonne,  fut bien réelle, n’en déplaise à tous ces détracteurs.

En niant l’existence d’une culture et d’une religion, les négationnistes participent à ce revival médiévialiste. Cette attitude est d’autant plus affligeante de la part d’intellectuels. Que l’on réinvente ou que l’on nie l’existence d’une culture ou d’une religion dans le Moyen-Âge « fourre-tout », il s’agit de toute façon, chaque fois d’une lecture anhistorique et mythique, ou pour le dire plus simplement une lecture fausse de l’Histoire.

Quant aux remarques de Mme Trivellone qui prétend que les accusation d’hérésie «viennent justifier des initiatives politiques», il me semble qu’elle prend le problème à l’envers. L’appel à la croisade par le pape Innocent III date de 1208, mais Philippe Auguste (1165-1223) refusa de prendre la tête de la «croisade des Barons» malgré les demandes réitérées du pape. C’est seulement en 1226 que Louis VIII, successeur de Philippe entreprit sa conquête royale (1229, Paix de Paris) plutôt pour rappeler au pape que ces régions du Sud lui revenaient de droit. Louis VIII n’avait aucun besoin de se justifier  religieusement pour  annexer  définitivement le Languedoc  au domaine royal capétien.

Quelle idée saugrenue de prétendre que l’Église catholique inventa l’hérésie cathare! Pourquoi se serait-elle tiré cette balle dans le pied? En dénonçant les exactions et la corruption d’une Église abusive, en prêchant une vie chrétienne authentique qu’ils mettaient eux-mêmes en pratique, les cathares avaient une aura inédite et devenaient un véritable danger pour l’Église catholique, alors  encore en train d’asseoir son pouvoir sur les populations. Cette dernière n’avait vraiment aucun intérêt à s’inventer un tel adversaire. Détruire cette hérésie fut son seul leitmotiv, son obsession et cela,  pendant plus d’un siècle (1198-1321), ne reculant devant aucun mal, pratiquant pendant près de 30 ans une guerre systématique de tueries barbares à coup de bûchers, de massacres parfois de populations entières (Béziers, 1209, où la totalité de ses habitants furent passés au fil de l’épée ou brûlés), d’anéantissement de cultures pour affamer les habitants de Toulouse (1213), guerre ensuite suivie par 50 ans d’Inquisition que l’on peut considérer comme une  guerre idéologique totalitaire appliquée à une population mise en fiches village par village (1252-1324) avec  utilisation de la torture cautionnée par les papes successifs et ce jusqu’à destruction de tous les réseaux sociaux des communautés, moyen terriblement efficace et encore une fois totalitaire pour mettre fin à l’hérésie. Tout cela au nom de son Dieu! Ce n’était pas le Dieu des cathares, pour sûr! Tout cela pour éradiquer une hérésie non-violente qui prêchait l’Amour! La démonstration d’une telle violence avait tout intérêt à être cachée, enfouie, oubliée pour l’Église catholique qui se dit chrétienne. Si l’absurdité humaine semble sans limite, la Vérité heureusement est têtue, on ne l’efface pas en la niant. Si le catharisme se trouve aujourd’hui inventé, c’est par un médiévalisme ambiant qui se moque totalement de l’Histoire, si sa réalité historique est niée, c’est pour de sombres raisons  politico-religieuses probablement insoupçonnées par ceux- mêmes  qui les véhiculent sans se soucier eux non plus de l’Histoire. Quoiqu’il en soit le catharisme, aujourd’hui comme hier, dérange. Il serait peut-être intéressant de se demander pourquoi.  Le temps n’est plus au bûcher, le temps est pour les cathares de parler et quelque chose me dit que ce sera encore dur de les faire taire.

Chantal Benne, croyante cathare de l’ecclésia de Carcassonne.

L’invention des cathares sur France Culture – Éric Delmas

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L’invention des cathares

France Culture a donné une heure de parole à Julien Théry et Alessia Trivellonne pour leur permettre de diffuser une fois encore leur théorie anti-cathare.

Vous en trouverez ici la présentation, le lien et quelques réactions.

Présentation de France Culture

L’histoire des cathares, hérétiques du Midi qui auraient prospéré puis disparu entre les XIIe et XIIIe siècles, est avant tout un mythe. Huit cents ans après leur existence supposée, le retour aux sources a dévoilé les mécanismes de cette invention, soutenue par le régionalisme occitan.

Avec
  • Julien Théry Archiviste-paléographe, professeur à l’Université Lyon 2, spécialiste de l’histoire des hérésies au Moyen Âge
  • Alessia Trivellone Maîtresse de conférences en Histoire du Moyen Âge à l’université Paul Valéry Montpellier 3

Dans la production d’ouvrages d’histoire, pour attirer le lecteur avide de révélations, tous les coups sont permis. Autant profiter de certains noms qui titillent l’imagination ; c’est le cas de « cathares ». Il suffit d’y accoler quelques adjectifs ou un mot sensationnel et le tour est joué : Le mystère des cathares, La tragédie des cathares, Le livre rouge des cathares, ou encore Top secret. Pourtant, rien n’est plus sensationnel qu’une enquête menée par des historiens et des historiennes, qui étudient les sources et qui démontent la construction d’un récit.

Les cathares, naissance d’un mythe ?

Au XIXe siècle, le théologien alsacien Charles Schmidt fait paraître son ouvrage Histoire et doctrine de la secte des Cathares ou Albigeois, dans lequel il situe les cathares dans le Midi. Fruit d’une confusion entre la description d’hérétiques par un moine allemand du XIe siècle et un traité de saint Augustin, il donne naissance au mythe d’une religion qui s’oppose à l’Église romaine. « Le mot cathare n’est présent dans aucune source produite par la répression des dissidences religieuses. (…) C’est dans les années 1160, en Allemagne, près de Cologne, qu’un moine décide d’employer le mot cathare – trouvé dans des traités de saint Augustin – pour désigner les gens qu’ils voyaient être envoyés au bûcher », explique l’historien Julien Théry.

Le régionalisme occitan et l’interprétation imprécise des sources de l’Inquisition laissent libre cours à l’invention d’un mouvement religieux écrasé par l’Église et la royauté française, victime de la croisade contre les albigeois entre 1209 et 1229, puis de l’Inquisition à partir des années 1230. Bien des siècles plus tard, dans les années 1960, l’histoire des cathares devient un récit populaire en Occitanie et participe à la construction de l’identité régionale. « Il y a la conscience qu’il faut préserver cette identité du Midi. L’histoire des cathares devient le symbole de la destruction d’une civilisation qui aurait été autonome », souligne Julien Théry.

Le rôle de l’Église romaine dans la fabrique des hérétiques

En 1998, l’ouvrage collectif Inventer l’hérésie ? publié par l’historienne Monique Zerner jette un pavé dans la mare. Le retour aux sources de l’Inquisition révèle que les récits dénonçant l’hérésie cathare étaient avant tout ceux de l’Église romaine, soucieuse de se fabriquer un ennemi là où le comté de Toulouse échappait encore à son autorité. L’historienne Alessia Trivellone souligne la dimension politique des accusations contre les hérétiques : « L’hérésie est un chef d’accusation. Les pouvoirs ecclésiastiques se servent de cette accusation pour asseoir leur force sur des territoires et des populations. Ces accusations se situent au cœur des dynamiques sociales et politiques de l’Occident. (…) Elles viennent justifier des initiatives politiques. »

Il s’agit depuis de faire la part des choses entre ce qui apparait comme l’invention d’une hérésie par la royauté et par Rome, leur permettant de justifier une répression qui a bien eu lieu, et l’existence réelle d’une résistance des habitants du Midi à la volonté de l’Église romaine d’étendre son pouvoir et sa doctrine grégorienne.

Pour aller plus loin
  • Alessia Trivellone, L’Hérétique imaginé : hétérodoxie et iconographie dans l’Occident médiéval, de l’époque carolingienne à l’Inquisition, Brepols, 2010
  • Julien Théry, Le Livre des sentences de l’inquisiteur Bernard Gui, CNRS, 2022

Références sonores

  • Extrait de l’émission La caméra explore le temps, mars 1966
  • Archive INA de René Nelli au sujet de la coiffure des cathares, France Culture, 1969
  • Lecture par Frédérique Labussière de la chanson de la croisade albigeoise, composée par Guillaume de Tudèle, entre 1208 et 1219
  • Extrait du film Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud, 1986
  • Archive INA d’un micro-trottoir sur la définition des cathares, France 3, 21 janvier 1998
  • Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020

Lien : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/heretiques-l-invention-des-cathares-1740738

Commentaires

Comme d’habitude, les négationnistes anti-cathares tentent à tout prix de noyer le public sous des informations biaisées et malhonnêtes, par le biais de médias grand public, comme l’audiovisuel et les expositions. Bien entendu, ils n’ont jamais accepté de se soumettre à la critique de leurs pairs et préfèrent attendre la mort de ceux qu’ils dénigrent (Duvernoy, Nelli, Roquebert) ou la retraite d’autres (Brenon, Cazenave, etc.) pour éviter de dévoiler leur escroquerie intellectuelle.

J’ajoute à mon propos quelques éléments d’analyse proposés par Michel Roquebert, historien du catharisme, amplement réputé :

 « À nous de méditer maintenant sur cette nouvelle méthode, celle de la nouvelle histoire,  qui consiste :

  1. à disqualifier a priori  la preuve, donc à ne rien en déduire, si ce  n’est le contraire de qu’elle semble dire.
  2. à  forger une thèse que l’on pose, non comme hypothèse, mais comme une vérité objective, si cohérente qu’elle semble être une conclusion déduite des sources alors qu’elle n’est qu’un pur a priori.
  3. à s’efforcer de couler dans ce moule préfabriqué (la non-existence de l’hérésie, si ce n’est comme simple effet du discours clérical)     tout le donné historique, y compris les sources, même si elle résistent comme un chat qu’on veut faire entrer dans une boite à chaussures, ce qui est le cas des sources inquisitoriales.

Cette méthode semble découler d’une curieuse manipulation du langage. »

Concernant l’appellation « cathare » qui fut largement employée par l’Église de Rome, comme le remarquent Mme Trivellonne et M. Théry, elle ne le fut effectivement pas par les cathares eux-mêmes qui s’appelaient « consolés », « revêtus » ou tout simplement « chrétiens ». Leurs croyants les appelaient communément « Bons chrétiens » ou « Bonhommes ».
Une fois de plus je cède la parole à M. Roquebert qui a recensé les utilisations du mot « cathare » pour désigner les hérétiques du Midi occitan.

Tout le monde sait, depuis longtemps, que les hérétiques de cette Provincia qu’on nommera Languedoc ou Midi de la France ne se sont jamais appelés entre eux « cathares ». De là à croire que personne ne les a appelés ainsi, il y a loin ! Rappelons les sources qui montrent que le mot était loin d’être inconnu quand il s’agissait de désigner les hérétiques du pays d’Oc :

1°) – Canon 27 du IIIe Concile œcuménique du Latran (mars 1179) : « Dans la Gascogne albigeoise, le Toulousain, et en d’autres lieux, la damnable perversion des hérétiques dénommés par les uns cathares (catharos), par d’autres patarins, publicains, ou autrement encore, a fait de si considérables progrès… » (Texte dans J.D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXII, 231 .Traduction française par Raymonde Foreville dans Histoire des conciles œcuméniques, Paris, l’Orante, 1965, t. VI, p. 222.)

2°) – Le 21 avril 1198, le pape Innocent III écrit aux archevêques d’Aix, Narbonne, Auch, Vienne, Arles, Embrun, Tarragone, Lyon, et à leurs suffragants : « Nous savons que ceux que dans votre province on nomme vaudois, cathares (catari), patarins… ». Or cette bulle pontificale s’adresse à des prélats qui sont tous en exercice au sud de la Bourgogne ; il est bien évident, comme le notent d’ailleurs les plus récents éditeurs allemands de la correspondance d’Innocent III, que le mot de ., catari est dès cette époque une Allgemeinbezeichnungfùr die Hâretiker des 12. und 13. Jh,, une appellation générique pour désigner les hérétiques des XIIe et XIIIe siècles, et appliquée ici à ceux du pays d’oc. (Texte dans Migne, Patrologie latine, t. 214, col. 82, et dansO. Hageneder et A. Haidacher, Die Register Innozens ‘III, vol. I, Graz/Cologne, 1964, bulle n° 94, p. 135-138. Cf. p. 136, note 4).

3°) – Dans le Liber contra Manicheos, attribué (sous les réserves formulées par Annie Cazenave) à Durand de Huesca, on trouve : « … les manichéens, c’est-à-dire les modernes cathares qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne… » (« … manichei, id est moderni kathari qui in albiensi et tolosanensi et carcassonensi diocesibus commorantur. » Texte édité par Christine Thouzellier, Une somme anti-cathare : le Liber contra manicheos de Durand de Huesca, Louvain, 1964, p.217.)

4°) – On a confirmation, à la fois, de l’emploi du mot « cathares » à propos des hérétiques languedociens, et de sa signification générique, puisqu’il s’adresse aussi aux cathares d’Italie et « de France », dans la Summa de Rainier Sacconi ; après avoir dénoncé les erreurs de l’Eglise des cathares de Concorezzo, l’ancien dignitaire cathare repenti, entré chez les Frères Prêcheurs, titre un des derniers paragraphes de son ouvrage : Des Cathares toulousains, albigeois et carcassonnais. Il enchaîne : « Pour finir, il faut noter que les cathares de l’Eglise toulousaine, de l’albigeoise et de la carcassonnaise tiennent les erreurs de Balesmanza et des vieux Albanistes » etc. (« Ultimo notendum est quod Cathari ecclesiae tholosanae, et albigensis et carcassonensis tenent errores Belezinansae.  », Summa de Catharis, édit. Franjo Sanjek, in Archivum Fratrum Praedicatorum, n° 44, 1974.)

5°) – On citera enfin le théologien cistercien Alain de Lille, qui enseignait à Paris, mais qui fit vers 1200 un séjour à Montpellier. Ce fut alors, vraisemblablement, qu’il écrivit sa Summa quadripartita, cette « Somme en quatre parties » intitulée Sur la foi catholique, qu’il dédia au seigneur des lieux, Guilhem VIII. S’il a pris soin, dans le Livre I de son ouvrage, de rechercher l’étymologie du mot cathare afin d’en saisir le sens exact, c’est que ce mot lui était familier, mais ne manquait pas de l’intriguer. Rien n’indique cependant, dans son texte, qu’il parle uniquement d’hérétiques étrangers au pays où il séjourne. Le plus probable même, c’est qu’il s’est intéressé à ce vocable parce qu’il l’a entendu prononcer à propos des hérétiques locaux.

La chaîne France Culture, comme l’Histoire et Historia avant elle, s’est laissée berner et diffuse une émission à sens unique.

 Éric Delmas, Président de Culture et études cathares.

Historia : Les cathares ont-ils vraiment existé ?

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Historia : les cathares ont-ils vraiment existé ?

Dans son mensuel n°915, cette revue de vulgarisation est passée dans la catégorie de vulgaire désinformation.

L’entrée en matière laisse entendre qu’elle donne la parole aux deux courants opposés à propos de cette question, mais oublie de préciser que sa partialité la pousse à restreindre fortement l’expression des historiennes (Anne Brenon et Pilar Jimenez) qui ont longuement et profondément étudié le sujet et qui ont successivement dirigé le Centre National d’Étude Cathares – René Nelli de Carcassonne au profit de quelques chercheurs qui essaie en vain depuis 1996 de nier jusqu’à l’existence du catharisme. Les premières n’ont droit qu’à moins de cinq pages d’expression quand les autres s’étalent sur treize pages !

Je vais vous présenter ici les réactions des historiens et chercheurs qui ont lu ces articles et qui les commentent. Cela me semble suffisant, aussi n’ai-je pas jugé utile de m’abaisser à financer cette revue pour faire les mêmes remarques. Je vous déconseille vivement de vous laisser aller à cette manipulation consumériste qui explique le choix du titre.

Réactions diverses

Annie Cazenave, Docteur(e) en histoire et Docteur(e) en histoire de l’art, chercheuse au CNRS (à la retraite). Courrier de réaction au rédacteur en chef de la revue :

«Bravo d’avoir flairé un bon tirage à partir d’un obscur colloque entre médiévistes à Nice (j’y étais) et merci de m’avoir offert l’occasion de m’avoir fait rire : René Lévy au lieu de Nelli et Carcassonne pour Muret, preuve d’une connaissance approfondie. M. Genieys aurait pu actualiser son livre, datant d’une dizaine d’années, pourfendant le Conseil Général de l’Aude. La perle étant : « se détourner du sujet FAUTE DE SOURCE ! », preuve d’une grande rigueur scientifique.
J’en rirais si je n’appartenais pas au CNRS.
Incidemment, M. Roquebert a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Pas mal pour un « romancier ».
Alessia Trivellone a soutenu, à Poitiers, une thèse remarquée, en histoire de l’art. Elle enseigne l’histoire à Montpellier. Celà  équivaut  pour un mathématicien à occuper une chaire de chimiste.
Vos illustrations sont très belles, je pense que vos lecteurs auront plaisir à les regarder. »
Annie Cazenave

Patrick du Côme, président de l’association Rencontres de Montségur :

«Cher Historia,
Cher Eric Pincas
Je vous fais ce jour une réponse de lecteur puisque vous nous préveniez  (nous, vos lecteurs) que le support ne prenait pas position dans ce débat éditorial or, cependant, il offre 13 pages et demie aux « historiens de la déconstruction » et consacre plus « chichement » aux historiennes :  1 page et demie pour Anne Brenon et 3 pages pour Pilar Jiménez Sanchez
Ce qui n’est pas le signe d’une grande objectivité d’autant que certains disent que les titres et sous-titres leur apparaissent tendancieux et rendent ambiguë la position de certains des auteurs.
Enfin, revenons à votre interview de William Genieys, qui aurait pu se montrer intéressant sur le sujet du patrimoine, mais hélas vous l’avez laissé délirer sur un René Lévy  ( !) qui n’a jamais existé autour d’un centre cathare et en le laissant affirmer sans honte que des auteurs, Roquebert et Anne Brenon, sont resté en dehors de l’université ! Quant à ce pauvre Michel Roquebert, il est ici relégué au rang d’auteur de roman de gare (romans historiques !) et votre « expert » qui connaît mieux la longueur des autoroutes que la précision historique confond la prise de Muret avec celle de Carcassonne. C’est dommageable, mais vous n’y êtes pour rien puisque l’interview renvoie à la responsabilité des propos de son auteur.
Moi, je tente, à ma mesure, de faire la part des choses entre la défense de la vérité historique et les tentatives conservatrices militantes de déstabilisation provenant de groupes actifs.
Je serai heureux que vos lecteurs puissent lire mon courrier ou partie de mon propos, si vous le voulez bien
Recevez, Cher Eric Pincas,  l’assurance de ma meilleure considération de lecteur.
Bien à vous»
Patrick duCome, fidèle lecteur 

Chantal Benne, croyante cathare :

«Monsieur le rédacteur en chef

Je ne reviendrai pas sur les erreurs de M . Genieys, déjà relevées par des personnes plus compétentes que moi en la matière (Anne Cazenave médiéviste et ancienne chercheuse au CNRS et Patrick du Come , Président des Rencontres de Montségur),Je désire juste vous transmettre mon immense déception au sujet de cet article.
De nombreuses méthodes peuvent être utilisées pour museler et diriger les esprits, fourvoyer la mémoire collective, tenter d’étouffer une pensée dérangeante, mais après les terribles méthodes inquisitoriales destructrices au Moyen-Âge d’un ensemble de réseaux sociaux et culturels propres à un peuple, cette méthode moderne du négationnisme me semble bien être la plus insidieuse , la plus pernicieuse et la plus dangereuse inventée à ce jour. Poser la question c’est déjà induire le doute. Induire le doute dans une Histoire qui est encore à réhabiliter c’est pérennniser une situation mensongère et antiscientifique qui dure depuis trop longtemps. C’est très décevant de la part de personnes qui se veulent dispensatrices d’un certain savoir pour tout public, mission des plus nobles à mes yeux que j’avais eu sottement l’innocence de vous attribuer. Le fait de se donner un nom à consonnance latine ne suffit pas à garantir la véracité du travail produit. Dans le cas d’un tel article, le nom «histoires» siérait mieux, il me semble.
Pour avoir une connaissance correcte de ce qu’a été le catharisme au XIIIème siècle, les documents sont assez nombreux aujourd’hui : les écrits de René Nelli, Emmanuel Leroy Ladurie, Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Anne Brenon, Anne Cazenave, pour ne citer que quelques-uns de ces spécialistes, historiens, médiévistes, diplômée de l’école des hautes études en sciences religieuses…ces écrits, donc ont contribué à la réalisation d’ un réel travail d’Histoire pour débarrasser le catharisme des interprétations charlatanes inventées par les divers marchands de vent, adeptes de religions ésotériques et autres occultistes fantaisistes qui depuis le XIXème siècle effectuaient ,en récupérant le catharisme la plus grosse escroquerie historique en empêchant tout un peuple de connaître, et de se réapproprier son Histoire.
Douter de l’existence d’une philosophie et d’une spiritualité cathare, c’est nier tout un pan de l’Histoire, c’est oublier la triste réalité de la croisade et des barbaries de l’inquisition, c’est du même esprit que considérer les chambres à gaz comme un détail de l’histoire. Qui oserait écrire par exemple aujourd’hui : « L’esclavage a-t-il existé?». Pour se réaliser un peuple a besoin de connaître son Histoire, aussi laide soit-elle. Les mensonges et les non-dits ont un rôle aussi destructeur que les autodafés ou les pillages organisés des bibliothèques et des archives (cf. les S.S, Alfred Rosenberg) qui finalement ont pour seul but de réécrire l’histoire.
En ce qui concerne le catharisme du XXIème siècle, l’association« Cultures et études cathares», créée en juin 2011 a un site sur internet qui est une mine d’informations importantes pour tous ceux qui sont intéressés par l’Histoire, ainsi qu’ un Forum de discussion qui permet à tout croyant de partager dans la Bienveillance et l’altérité, et enfin l’Église, issue de la résurgence du catharisme médiéval ayant son premier chrétien (consolé) depuis la pentecôte 2021, et son siège social à Carcassonne , a depuis la pentecôte de 2021 une vie dans la droite ligne de la philosophie et de la spiritualité cathare.»
Chantal Benne, croyante membre de la communauté cathare de France.

Annie Cazenave vient de me transmettre une réponse approfondie adressée à Historia :

De l’objectivité en histoire
« Puisque les Rencontres de Montségur m’ont fait l’amitié de me mentionner dans le débat portant sur le dernier numéro d’ Historia je me sens autorisée à intervenir ici. Je doute fort que ma lettre paraisse dans le prochain courrier des lecteurs d’Historia : elle était concise et sans ambigüité. Il est évident que cette revue a flairé un fort tirage, renouvelant l’exploit de l’Histoire en décembre 2016, et la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées. D’où mon titre.
Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l ’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à se débarrasser du trublion. Et celui-ci, en compulsant ses dossiers, a trouvé la faille : la grand mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne.. Etendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir qu’on éprouve après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à1273,, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.
Par hasard, au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre elles étaient rejetées, au motif que l’aïeul avait été pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !
Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner: il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son brûlot à prétention sociologique commis il y une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci en se parant du label « Pays cathare » a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Etudes cathares, hélas fermé depuis2011, qu’ il dote de membres ésotériques pour se contredire neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin ( ?) qui assimilent la croisade des Albigeois à une hérésie protestante. ». Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources » (exit le P.Dondaine) . Et Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : il a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens. Ignorant, entre autres, Nelli, permet d’interpréter en surface la réalité, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome.
Que l’adjectif « cathare » soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la naïve expression populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire .
Le moi est haïssable, surtout pour un historien ( c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre, j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que cette histoire, la nôtre, nous touche au cœur. Cet attachement n’empêche pas l’intégrité de la recherche,et de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos maîtres, dans mon cas l’Ecole des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allégrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance. Pourquoi ne se moque-t-on jamais des Corses, des Bretons ou des Basques ? parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?
Michel Roquebert, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ». Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction, énoncée par Derrida. Mais la recherche de celui-ci portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice D.Iogna-Prat avait émis une objection pertinente : constatant que les écrits concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs, il s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection est pertinente à propos des controverses, elle ne tient pas appliquée aux documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de coupables : les déposants le sont forcément devant le tribunal, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs juges se soucient uniquement de la gravité de leur faute. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Age la liberté de conscience était inconnue.
Passons des mœurs au langage . Il est exact que le mot « cathari » a été écrit vers 1167par le rhénan Eckbert de Schönau . Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi » c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse, écrit vers 1220, donc avant l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un manuscrit, on l’est moins de ne pas savoir que C.Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495) qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P.Dondaine. En fait, c’est un mot savant, appartenant au vocabulaire des hérésiologues, plus précis que « manichéen », emprunté à st-Augustin. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est celui du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ». Ce mot est inadmissible pour l’inquisiteur ! Il parle d’ « hérétique ». Mot récusé de nos jours.
Aujourd’hui le mot « cathare » est employé par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch.O. Carbonell : « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris au piège d’une double et perverse tentation, la recherche en paternité et le recours à l’analogie ». Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir de se réapproprier des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il a suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier, était pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire: leur enthousiasme l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans –tant pis pour eux. A Montségur j’ai été le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont remporté un grand succès entre les deux guerres, s ‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Effectivement, le lien entre le Graal et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme a pu être identifié à une quête de la puissance et de la surhumanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup.: je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998.
A savourer : la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ». Evidemment, surtout si son auteur s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage a faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne – dont la spécialité est l’histoire de l’art- énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps et éditer des manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia Anne Brenon est la seule auteur à avoir fait des éditions de textes.
L’ampleur du sujet peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIéme s. jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310 (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIéme s. la dissidence religieuse continue, concentrée sur le cœur du problème, la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes, auxquels les historiens de formation universitaire classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré H.von Döllinger, Ch.Puech, A.Dondaine, Ch.Thouzellier, H. Söderberg, R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.
Conclusion : achetez Historia… si vous avez un solide sens de l’humour. Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Annie Cazenave (réponse argumentée de façon plus précise avec indication des sources) :

« De  l’objectivité en histoire

Il est évident qu’Historia, bonne revue de vulgarisation, en titrant sur « les Cathares, vrai ou faux »  a espéré  un fort tirage, qui aurait  renouvelé  l’exploit de l’Histoire  en décembre 2016, car la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées.  D’où mon titre.

Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être  développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite  conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur. Cette révélation tonitruante renvoie en fait aux historiens qui l’ont commise, à la manière même dont leur esprit fonctionne.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à  se débarrasser du trublion. Et il a trouvé la faille en compulsant ses dossiers : la grand-mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le  cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne. Étendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir éprouvé après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à 1273, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.

Par hasard,  au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre-elles  avaient été  rejetées, au motif que l’aïeul  avait été  pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi  signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !

Dans son article Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à  qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner : il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son  brûlot à prétention sociologique commis il y  une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci  en se  parant du  label « Pays cathare »  a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Études cathares, hélas fermé depuis 2011, qu’il dote de membres ésotériques pour se contredire  neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin » ( ?)  qui  assimilent la croisade des Albigeois à une « hérésie  protestante. ».  Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources »  (exit le P.Dondaine). Et  Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : apparemment il ignore que l’Académie Française lui a décerné le Grand Prix Gobert d’histoire. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens et la recherche. Ignorant, entre autres, R. Nelli, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome, se contente d’interpréter  en surface la réalité.

 Que  l’adjectif « cathare »  soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la  naïve  expression  populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le  sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire.
Le moi est  haïssable,  surtout pour un historien  (c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera  cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre,  j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que  cette histoire, la nôtre, nous  touche au cœur. Cet attachement  n’empêche  pas l’intégrité  de la recherche, ni de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos  maîtres, dans mon cas l’École des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allègrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance — surtout quand on a été invitée par une université américaine. Certes, les  auteurs toulousains de livres d’histoire sont « journaliste » et « avocat ». Mais le journaliste  était licencié en philosophie, et le juriste docteur en droit,  ce qui les qualifiait fortement pour traiter de théologie et de procédure. En outre, l’enracinement porte à comprendre intuitivement l’univers mental de ceux qui nous ont précédés. Il fallait être né à Pamiers pour aller faire repentance à Montségur !

Pourquoi  ne se moque-t-on jamais  des Corses, des Bretons ou des Basques ?  parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?

Michel Roquebert, donc, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ».  Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction. Mais la recherche de Derrida portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice l’objection émise par D.Iogna-Prat , était pertinente : constatant que les écrits  concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs,  il  s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection  est pertinente à propos  des controverses, elle ne tient pas appliquée aux  documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de faits coupables : devant le tribunal les déposants sont forcément coupables, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs  juges  se soucient uniquement de la gravité de leur faute, assimilée à un péché. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Âge la liberté de conscience était inconnue.

Passons  des mœurs au langage. Il est exact que le mot « cathari » a été écrit  vers 1167 par le rhénan Eckbert de Schönau. Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi »  c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse,  écrit vers 1220, donc avant  l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme  titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un  manuscrit, on l’est moins  de ne pas savoir que C. Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495)  qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P. Dondaine. En fait, c’est un mot savant, venu du grec, appartenant au  vocabulaire des hérésiologues, alors que « manichéen » est emprunté à St-Augustin, lu par tous les clercs. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est  le mot du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ».  pour l’inquisiteur  ce mot est inadmissible  ! Il parle d’« hérétique ». Mot qui condamne, donc  récusé de nos jours.

Aujourd’hui le mot « cathare » est employé  par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch. O. Carbonell :  « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres  qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris  au piège d’une  double et perverse tentation, la recherche en paternité  et le recours à l’analogie ».  Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir  de se réapproprier  des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il  a  suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés  à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier,  était  pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire : leur enthousiasme  l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans — tant pis pour eux. À  Montségur j’ai été  le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont  remporté un grand succès entre les deux guerres, s‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Passé de mode, il est ignoré.

Effectivement, le lien entre le Graal  et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme  a pu être identifié à une quête de la puissance et de  la sur-humanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup. Je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998. À vrai dire, son titre seul indique le panorama de la recherche alors en cours. Il eut suffi de la rafraichir. Encore aurait-il fallu le connaître.

À savourer, la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ».  Evidemment, surtout si son auteure s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage à faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne  — dont la spécialité est l’histoire de l’art — énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps  et éditer des  manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia,  Anne  Brenon est la seule auteure à avoir  fait des éditions de textes.

L’ampleur  du sujet  peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIème s.  jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310  (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur  deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la  rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIème s. la dissidence religieuse continue dans la clandestinité, concentrée sur le cœur du problème : la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes,  auxquels les historiens de  formation universitaire  classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré  H. von Döllinger, Ch. Puech, A. Dondaine, Ch. Thouzellier, H. Söderberg,  R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.

Conclusion : achetez Historia, si vous avez un solide sens de l’humour.  Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Conclusion

Voilà qui me semble clair et qui vient poursuivre une navrante collusion de certaines revues bas de gamme désireuse d’augmenter leur tirage.

Venez en discuter sur le forum dédié.

Négation du catharisme

7-5-Controverses
688 vue(s)

Désinformation, négationnisme, « fake news »

Comme vous l’avez sans doute remarqué, la mode d’aujourd’hui est au négationnisme. Certes, pas celui qui vaudrait à ses auteurs de lourdes condamnations judiciaires, mais un autre pour lequel ils ne risquent rien, ce qui est — entre autre — la raison de leur acharnement.
C’est un mal profondément ancré dans notre société. Ce que l’on ne peut contrôler on cherche à le détruire.
Ce négationnisme est celui des cathares. Cela va de la mise en doute d’une structure ecclésiale organisée pour les plus prudents à l’affirmation de l’inexistence du catharisme, phénomène inventé de toutes pièces par l’Église catholique, dont nous savons tous qu’elle a besoin de justifier ses actes, comme l’histoire nous le montre au fil des siècles.
La disparition régulière des chercheurs qui ont révélé le catharisme sous ses facettes les mieux présentées et la prise d’âge de ceux et celles qui restent encore, a réveillé un courage prudent chez ceux qui veulent faire un sort à cette religion pour des raisons diverses. Peu enclins à sortir du bois eux-mêmes, ils se contentent en général d’envoyer au feu des étudiants ou des journalistes hâtivement brieffés et se gardent bien d’intervenir quand les spécialistes leur taillent des croupières en fournissant force documents et sources vérifiables.

Dans la mesure du possible, vous trouverez ici des études de publications et d’événements visant à porter atteinte au catharisme, mais contrairement à ce que font les médias traditionnels, ici nous laisserons aussi la parole à ceux qui répondent à ces comportements et qui le font avec des arguments et des sources, contrairement à ceux qui se drapent dans leur statut ou leurs diplômes pour tenter d’imposer leurs mensonges.

  1. « Les Cathares, une idée reçue », l’exposition qui démonte « le mythe » des Cathares – exposition itinérante de Alessia Trivelone, historienne de l’art de l’université de Montpellier. Réponses de : Michel Roquebert, Annie Cazenave, Roland Poupin, Michel Jas, Éric Delmas, Gilles Henri Tardy, Joël Lafaille, Dominique Dhenry, Anne Brenon et Pilar Jiménez.

  2. « Quelques notes sur les cathares et le catharisme » Bertran de La Farge fait un bilan du négationnisme dans un courrier adressé à l’administrateur du site.

  3. « Vers une nouvelle interprétation de l’histoire ? ! » et « Zoom sur un doublon ». Patrick du Come et Annie Cazenave commente une annonce de début de thèse à venir du groupe désormais dirigé par Julien Théry.

  4. Site d’étudiants de l’école des mines de Paris sur les polémiques autour du catharisme.

À suivre à n’en pas douter, malheureusement !

Vers une nouvelle interprétation de l’histoire ? ! ms 609

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Vers une nouvelle interprétation de l’histoire ? !

Polémique !

Jean-Paul Rehr/Julien Théry contre Annie Cazenave/Jean Duvernoy.

ms 609

Voilà qui promet un débat houleux !

D’un côté, cette information, sous forme de non-événement, où l’on apprend que Jean-Paul Rehr prépare une thèse à Lyon dan

s le cadre de Sciences Sociales sous la direction de Julien Théry à partir du Manuscrit 609 (bibliothèque municipale de Toulouse) et, de l’autre, les historiens qui ont déjà travaillé sur la ms609 dont Annie Cazenave, historienne agrégée, médiéviste et qui rappelle à  J.-P. Rehr ce que les historiens doivent à Jean Duvernoy, spécialiste incontesté de l’histoire et de la religion des Cathares et du ms609 en particulier.

Les données de recherches de J.-P. Rehr sont puisées dans le site de l’édition digitale de la bibliothèque municipale de Toulouse : De Heresi.

La ms609 et les documents connexes du XIIIe siècle constituent la base de la thèse en préparation de Jean-Paul Rehr dont le titre est « Hérésie, Inquisition, et politique Toulouse – ms609 et la Grande Inquisition de 1245-46 ».

Cet effet d’annonce d’un travail qui prétend souligner le contexte social des accusations pendant les premières décennies de l’inquisition apparaît immédiatement douteux puisque l’auteur conclut d’ores et déjà à l’instar des Théry et autre Biget, historiens révisionnistes du catharisme, que la vie personnelle, sociale et politique de ces personnes trouvées dans la SP 609 peut être tracée dans d’autres documents de la même période, mais attention ; JeanPaul Rehr, s’empresse d’affirmer que ses travaux devraient changer radicalement notre compréhension de la nature de l’inquisition. Vrai qu’il apparait à certains qu’il faille redorer le blason des inquisiteurs !

Sa transcription de la ms609 devrait être terminée au début de 2021, nous informe l’auteur qui arrive après la bataille puisque la ms 609 n’est pas la « trouvaille inédite » de Jean-Paul Rehr, loin s’en faut, et c’est bien à Jean Duvernoy qu’il faut rendre la paternité des traductions des textes, nous rappelle Annie Cazenave dont nous publions ci-dessous la contribution en forme de réponse à un auteur (J.-P. Rehr) qui selon elle a « l’outrecuidance de se targuer de travailler sur le Manuscrit 609, ce qui bien après les travaux reconnus de Duvernoy est ahurissant et confondant de prétention » !

Patrick du Come, Président de l’association Rencontres de Montségur

Zoom sur un doublon

Le registre d’enquêtes en Lauragais est un document unique, par son originalité et son ampleur, conservé à la Bibliothèque municipale de Toulouse sous la cote ms 609. Son originalité : comme la terre concernée a été déclarée « generaliter corrupta », à l’inverse des autres enquêtes, formées par les interrogatoires personnels de chaque témoin, les deux inquisiteurs procèdent, sur place, village après village, en questionnant tous les habitants, l’un après l’autre, les filles à partir de douze ans et les garçons à partir de quatorze. De ce procédé découle son ampleur. Il présente donc un intérêt exceptionnel.

Jean-Paul Rehr, étudiant de Julien Théry, a entrepris de mettre en ligne le ms 609, avec sa traduction en anglais. Il a présenté son œuvre, qui n‘en est qu’à son tout début, lors du dernier colloque de Fanjeaux. Petit problème : J. Duvernoy, dans son inépuisable générosité, a déjà mis le ms 609 en ligne : http://jean.duvernoy.free.fr/text/pdf/ms609_a.pdf ou http.jean.duvernoy.free.fr/text/listetexte.htm.accessed 2017-08-01

Il suffit de cliquer, on peut à son aise le consulter depuis son ordinateur.

« L’historien de profession » a traité avec hauteur « l’avocat toulousain » Il semblerait qu’un juriste soit précisément qualifié pour comprendre un document appartenant à l’histoire du droit. Cependant, l’historien se réclame du petit groupe apparu depuis le colloque de Nice de 1999 : « Inventer l’hérésie », ce qui le dispense d’une bibliographie sérieuse. À la suite de Pegg, « historien anthropologue », il adopte en effet une lecture originale pour « démontrer le rôle joué par les cisterciens dans la diabolisation d’une hérésie supposée ». Et nous montre ainsi les 5 500 habitants des 106 villages qui « ont voyagé à pied, à cheval ou en charrette » pour aller se faire interroger à Toulouse. En réalité, ce sont les inquisiteurs qui se sont déplacés : ils ont pris la suite, et le chemin, des inquisiteurs assassinés à Avignonet, justement pour éliminer le danger que leurs enquêtes représentaient aux yeux des insoumis. Les registres des tués ont disparu avec eux.

Les Occitans du XIIIéme s. ignoraient la persévérance de l’administration : ils ont eu droit à leurs successeurs. Ceux-ci commencent à enquêter en 1246, au lendemain de la chute de Montségur, dans une région sous le choc.

Jean-Paul Rehr s’intéresse au manuscrit « conservé dans les coffres de la Bibliothèque municipale de Toulouse ». Mais il rencontre son écueil : « le problème pour l’étude de l’Inquisition est que les Cathares n’ont pas existé ». Sic ! C’est du Ionesco.

Donc il a identifié les Cathares aux faidits. Et ils « n’étaient pas autorisés à entendre les accusations portées contre eux » : car les inquisiteurs « ont construit une contre église, avec ses propres évêques, et ses prêtres », dont ils ne trouvent aucune autre trace sinon  celles qu’ils ont fantasmées. Jean-Paul Rehr a lu les serments prêtés dans les villages en 1243 après l’échec de la rébellion et s’est demandé pourquoi Raimond VII ne s’est pas opposé à cette vaste enquête. Parce qu’il ne le pouvait pas !

Et il y a trouvé les mêmes noms de villageois, dont des boni homines, que la malveillance a transformé en hérétiques, et constaté, surpris, que dans ces villages les habitants étaient plus nombreux que les nobles. Ces « petits groupes de personnes » l’intéressent, à juste titre, et il s’interroge sur « l’orientation des inquisiteurs, qui recherchent des informations spécifiques sur des personnes très spécifiques ». Sic !

Il prend pour exemple la déposition d’Arnaud Granier, qui n’a d’autre intérêt que pratique : située au début du manuscrit, elle est donc connue de lui ; et il en tire une intéressante conclusion : « les formulaires des inquisiteurs deviennent limpides après la lecture de quelques dépositions !… les événements individuels sont pratiquement tous structurés selon le même schéma ! »

Annie Cazenave, Docteur en histoire, Docteur en histoire de l’art, retraitée du CNRS.

Pour en savoir plus sur la côte ms 609

Documents de l’hérésie et de l’Inquisition dans l’Europe du XIIIe siècle

Et la liste des personnes interrogées dans http://medieval-inquisition.huma-num.fr/MS609/list

De Heresi est le foyer de l’édition numérique de ms609 de la Bibliothèque municipale de Toulouse, le plus ancien document original existant de la première génération d’inquisition (inquisitio heretic pravitatis, ou « Inquisition dans la dépravation hérétique » ce manuscrit massif contient le registre de la « Grande Inquisition » de 1245-46, et présente les déclarations des interrogatoires de plus de 5 500 personnes de plus de 100 villages autour de Toulouse. Les dépositions couvrent un large éventail de sujets, de l’hérésie à la vie quotidienne au XIIIe siècle.

De Heresi contient l’édition numérique des sélections d’autres archives pour aider les chercheurs à mieux comprendre le contexte social des personnes soumises aux premières inquisitions. L’architecture de ce site permet aux chercheurs de retracer les personnes, les événements et les idées à travers différents documents.

Ces documents comprennent :

  •  phrases de la même inquisition, trouvées dans MS Latin 9992, Bibliothèque nationale ;
  • autres dépositions connexes du Fonds Doat, Bibliothèque nationale ;
  • chartes et serments du Trésor des Chartes, Archives nationales ;
  • chartes de diverses archives départementales dont la Haute-Garonne et l’Aude.

Tous les documents sont présentés comme des éditions critiques dans leur langue d’origine (latin, parfois occitan), ainsi que des traductions, avec des images haute résolution des documents originaux.

rencontresmontsegur 25/08/2020

Cathars in question – réactions diverses

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Le site Academia.edu publie un papier de Mme Alessia Trivellone qui suscite déjà des réactions que je vous propose ci-dessous.

Réaction de M. Michel Roquebert

Sur le site de l’AEC-René Nelli, dont il est le Président d’honneur, cet historien justement réputé publie cette analyse pertinente. Vous pouvez la lire en ligne directement : Dame Ava de Baziège s’est-elle « donnée aux hérétiques » ?

Réaction de Annie Cazenave

Annie Cazenave, qui a publié sa réaction sur le compte Facebook de Michel Jas (Cathares et protestants), m’a autorisé à la publier également ici afin que vous ayez une vue complète des différentes réactions. Je sais que Michel n’y verra aucun inconvénient et il peut faire de même s’il trouve certaines réactions que je publie dignes de son site.

Texte repris : Mon amie Annie Cazenave réagit à la recension, elle aussi agressive, d’Alessia Trivellone de Cathars in Question : « une évidence s’impose : l’enjeu de la controverse se situe au-delà de l’étude de l’hérésie médiévale et investit plus généralement la manière de faire l’histoire. En ce sens, il me semble surprenant de lire, dans une publication universitaire, tant d’études qui négligent les questionnements méthodologiques et épistémologiques les plus élémentaires et oublient de considérer les contextes sociaux et politiques dans lesquels des sources sont produites. Il est encore plus étonnant… de relever des fautes de traduction et d’interprétation dans des sources considérées comme centrales pour la démonstration. Il me semble qu’une telle insouciance envers le raisonnement et la méthode historique a de quoi décevoir non seulement les chercheurs qui étudient l’hérésie, mais tout historien ».

Après une telle tonitruante annonce nous attendons avec impatience la source inédite que Madame Alessia Trivellone ne manquera pas de nous offrir. Il nous semble que jusque là elle s’était contentée de commenter les travaux de ses prédécesseurs. Une telle assurance ne peut manquer de précéder une œuvre géniale. Et nous nous sentons sidérée devant cette assurance, totalement à l’opposé de l’enseignement reçu de nos professeurs : ils nous avaient appris que devant tout écrit l’historien, et particulièrement le médiéviste, devait adopter une attitude humble, scrupuleuse, attentive à tous ses aspects, extérieurs et internes, respectueuse du texte et du contexte, et occasionnellement consulter un collègue qui pourrait sembler plus érudit. Périmées, obsolètes, toutes ces précautions : désormais on claironne.

Annie Cazenave, médieviste ayant travaillé au laboratoire (CNRS) de Le Goff puis de de Gandillac.

Réaction de Gilles-Henri Tardy

La négation du catharisme et de l’unité bogomilo-cathare par Alessia Trivellone, maîtresse de conférence à l’université de Montpellier : « Si les choix de vocabulaire ne sont jamais anodins en histoire, appeler « cathares » les hérétiques du Midi a des inconvénients supplémentaires : cette dénomination en vient en effet à uniformiser les hérésies dénoncées en Italie du Nord, parfois désignées de cathares par les sources, et celles du Midi français, jamais qualifiées ainsi par les sources produites dans cette région. Utiliser le même nom en viendrait ainsi à créer, de manière arbitraire, un même phénomène hérétique cis- et transalpin – un piège dans lequel l’historiographie traditionnelle est déjà tombée maintes fois. »

Trivellone s’égare une fois de plus, son dernier article bien structuré à pour but de convaincre que les chercheurs qui n’ont, à juste titre, par sa vision sont dans la plus grande erreur… voici ce qu’elle en dit en forme de conclusion sans appel : « une évidence s’impose : l’enjeu de la controverse se situe au-delà de l’étude de l’hérésie médiévale et investit plus généralement la manière de faire l’histoire. En ce sens, il nous semble surprenant de lire, dans une publication universitaire, tant d’études qui négligent les questionnements méthodologiques et épistémologiques les plus élémentaires et oublient de considérer les contextes sociaux et politiques dans lesquels des sources sont produites. Il est encore plus étonnant de trouver des articles escamotant toute logique afin de contester des thèses le plus souvent mal comprises, ou de relever des fautes de traduction et d’interprétation dans des sources considérées comme centrales pour la démonstration. Il nous semble qu’une telle insouciance envers le raisonnement et la méthode historique a de quoi décevoir non seulement les chercheurs qui étudient l’hérésie, mais tout historien ».

C’est ainsi faire l’impasse sur les relations entre bonshommes d’Italie et les bogomiles, c’est faire aussi l’impasse sur les relations entre bonshommes d’Italie et d’Occitanie qui, eux-mêmes, avaient des relations en catalogne et en Rhénanie. En claire, je le dis tout net : Trivellone est soit incompétente soit une menteuse au service d’une idéologie passéiste de l’opus dei ou de je ne-sais-quoi de pas net chez les Cathos ! (G.H.Tardy)

 Les cathares en Occitanie, rattrapés par l’inquisition devait porter à vie cette croix jaune sur leur vêtement à hauteur d’épaule ; cela rappelle fâcheusement les fachos qui firent porter l’étoile jaune pendant la seconde guerre mondiale. (Porter la croix : ouf ! au moins on évitait le bûcher pour un temps… merci Trivellone de vouloir effacer cela de la mémoire collective, car en effet, c’est plus qu’abjecte et honteux).

Amistat,
Gilles-Henri
Info Humacoop- Amel-France
Humani Association
Tél. : 0033.(0)687265814

Réaction de Éric Delmas

Mme Trivellone a pour détestable habitude de reprocher aux autres ce qu’elle pratique en routine.

Elle reproche à deux auteurs de régler leurs comptes avec des écrivains dont elle considère les écrits comme importants. C’est son droit, mais je dois lui rappeler que ces auteurs n’ont rien fait d’autre à l’encontre des historiens du catharisme qui les avaient précédés. Quant à la valeur de leurs écrits, je signalerais, au moins pour M. Pegg qu’ils ont fait l’objet d’une critique qui a mis en avant les nombreuses erreurs qui les émaillaient. Certes, ayant elle-même l’habitude d’en commettre de même niveau, on ne s’étonne pas qu’elle n’ait pas vu les siennes.

Oui, les sources médiévales concernant les hérésies sont presque toujours d’origine religieuse. En effet, les nobles écrivaient peu et le peuple ne lisait pas la plupart du temps. Malheureusement, vous n’étiez pas née à l’époque Madame, ce qui nous prive de vos lumières pour nous raconter la Vérité.

Mais en quoi les sources religieuses seraient-elles si peu fiables ? Quand nous trouvons des sources dans d’autres domaines, sont-elles plus fiables ? La relation que nous fait Jules César dans La guerre des Gaules est-elle absolument fiable ? Pas du tout, car il a arrangé certains points selon ses intérêts personnels. La guerre qui a abouti à la chute de Jérusalem en 70, telle que nous la relate Flavius Josèphe dans La guerre des Juifs est-elle fiable ? Pas du tout pour les mêmes raisons.

C’est pour cela que l’on a inventé les historiens. Non pas pour jeter le bébé avec l’eau du bain, comme vous le faites, mais pour faire le tri et comparer avec d’autres sources pour voir ce que l’on peut retenir de fiable, ce que l’on garde avec prudence et ce que l’on rejette. Certes, ce n’est pas facile, mais c’est un métier.

Le fait qu’un texte douteux cite des faits démontrés par ailleurs, n’invalide pas les faits ; il signale simplement que son auteur doit être lu avec circonspection. La réalité des évêchés albigeois est démontrée, sinon pourquoi mettre en place une croisade, système lourd et organisé, s’il ne s’agissait que d’attraper quelques individus isolés ?

Le dualisme des chrétiens orientaux, manichéens et marcionnites par exemple, est également décrit par les auteurs arabes musulmans. Doit-on en conclure que les catholiques, les orthodoxes et les musulmans étaient liés afin de propager des erreurs que des historiens du 21e siècle allaient détecter sur la seule base de leur intuition personnelle ?

Oui, les auteurs médiévaux, peut soucieux de se compliquer la tâche en construisant des sommes anti-hérétiques adaptées aux cathares, les ont traités de manichéens car ils disposaient de la somme d’Augustin pour le faire. Et alors ? C’est notre rôle de faire la part des choses. Ce n’est pas parce qu’ils n’étaient pas manichéens qu’il faut croire qu’ils n’existaient pas. D’ailleurs les arabes faisaient clairement la différence entre manichéens et marcionnites, puisqu’ils avaient les deux groupes sous les yeux et qu’ils pouvaient comparer les doctrines.

De même, Pierre de Sicile commence son compte rendu en traitant les pauliciens de manichéens, puis il poursuit en montrant qu’au contraire ces derniers réfutent cette accusation.

Et l’étude de leur doctrine permet de le valider.

Donc quand Rainier Sacconi se prétend ancien cathare il ment, mais Augustin qui se prétend ancien manichéen ne ment pas ? Au passage, évitez de l’appeler saint Augustin, cela montre trop où penchent vos sympathies.

Que Sacconi exagère ou même mente parfois, comme le font souvent les nouveaux convertis pour prouver leur allégeance, personne n’en doute. Mais là encore, il suffit de croiser les documents pour relever ce qui tient de l’affabulation et ce qui est probable. Les confessions publiques devant le diacre étaient dans la règle monastique des cathares et leur nombre ne doit pas vous étonner, vu l’attrait que cette religion a eu dans la région.

Excusez-moi de vous faire remarquer que l’expression : exagération évidente est pour le moins douteuse si vous n’en apportez pas une contradiction argumentée. Une historienne compétente ne peut se contenter de son sentiment pour invalider un document. Et oui, faute de prouver une erreur, le témoignage d’une personne ayant vécu les fait a au moins autant de valeur que celle d’une personne vivant plusieurs siècles plus tard. Le mensonge est souvent motivé et rarement gratuit, car à l’époque Sacconi savait que l’on aurait pu facilement le ridiculiser sur des éléments majeurs s’il les avait pervertis de façon outrancière.

Je continuerais bien mon analyse point par point, mais je n’apporterai rien de plus dans ma démonstration de la légèreté de votre analyse. Moins vous connaissez un sujet, plus vous vous présentez comme experte. Vous avez le caractère de votre époque. Plus besoin de preuve ou d’argument sourcé ; il vous suffit d’avoir une conviction pour dénigrer le travail de vos prédécesseurs et pour asséner votre vérité. Ce n’est pas historienne que vous auriez dû choisir comme voie, mais journaliste ou romancière.

Éric Delmas, chercheur en catharisme, Président de Culture et études cathares, créateur de ce site et auteur de Catharisme d’aujourd’hui. Accessoirement, honteux représentant de la caste religieuse, dont les propos sont forcément faux quand on les compare aux vertueux historiens de Montpellier, Nice ou Toulouse.

Un mythe qui a la vie dure – Éric Delmas au Figaro Magazine

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Voici ma réponse aux deux articles publiés dans le Figaro-Magazine du 2 août 2019.

Madame, Monsieur,

Je vous adresse ce courrier pour demander un droit de réponse aux deux articles publiés dans votre édition du 2 août dernier concernant le catharisme, ou plutôt sa négation devrais-je dire.

Le texte de l’article « Splendeurs et mystères du Pays cathare », écrit par M. Nicolas Ungemuth est littéralement pitoyable. Ce monsieur a sans doute fouillé les poubelles du web pour se « documenter ». En effet, il fait encore référence à l’apparentement du catharisme au manichéisme, théorie amplement et brillamment démontée par M. Jean Duvernoy dans son ouvrage « La religion des cathares » paru en… 1976 ! Ses allusions nauséabondes sur l’intérêt des nazis pour le catharisme, mériteraient quant à elles la lecture de M. Christian Bernadac sur Otto Rahn.

Pour essayer de m’élever un peu au-dessus de cette boue, je voudrais rappeler à ce monsieur, qu’effectivement les cathares ne se sont jamais appelés ainsi eux-mêmes. De même que les premiers chrétiens ne s’appelaient pas chrétiens ou que les protestants des Cévennes n’avaient pas choisi le sobriquet de parpaillots qui leur fut attribué. Ces termes sont des insultes provenant de leurs ennemis qui finissent souvent par être adoptés quand les personnes concernées surmontent les obstacles jetés sur leur route. Le mot cathare vient effectivement des catholiques, plus précisément d’un moine rhénan — Eckbert de Schönau — qui fit un jeu de mot visant à associer les hérétiques qu’il avait en face de lui à des adorateurs du diable ! Mais ce mot fut repris à de nombreuses occasions par les responsables de l’Église catholique pour désigner une catégorie bien précise d’hérétiques dont la doctrine était fondamentalement opposée à la leur. Je vous signale à l’occasion que le terme chrétien n’était pas la propriété exclusive des catholiques dans les premiers siècles. Comme nous le dit Walter Bauer dans son livre « Orthodoxie et hérésie au début du christianisme » (éd. Du Cerf), à Édesse au 2esiècle, ce sont les marcionites que l’on appelait chrétiens, car ils étaient les plus nombreux. Les catholiques locaux étaient appelés palutiens, du nom de leur évêque (Palut). Comme quoi se baser sur un nom pour établir une réalité historique est un manque de jugeotte. Votre « journaliste » met involontairement le doigt sur le point crucial de la campagne négationniste que connaît le catharisme. La volonté de développer le tourisme dans une région, longtemps sinistrée, conduit à vouloir transformer le catharisme en produit de consommation, ce qui implique de lui ôter tout caractère de réalité gênante. En effet, que dirait-on si l’Allemagne organisait un tourisme autour de la Shoah ? Mais le catharisme n’a plus une population fortement choquée par son éradication pour le défendre. Aussi est-il moins risqué pour de courageux historiens, politiques et journalistes de s’en prendre à lui. Bien entendu le « Pays cathare » est une invention du département de l’Aude, peu soucieux de s’attribuer un phénomène qui s’est manifesté dans bien d’autres lieux (Ariège, Haute-Garonne, Hérault, mais aussi Champagne, Orléanais, Flandres, Rhénanie, Bosnie, etc.).

Le plus triste est l’intervention d’un autre journaliste, M. Jean Sévillia, sous le titre « Un mythe qui a la vie dure ».

Ce monsieur se réfère à une exposition itinérante, organisée par Mme Alissia Trivellone, universitaire à Montpellier, mais aussi membre d’un groupe actif dans la négation du catharisme, le GIS HéPoS (groupement d’intérêt scientifique Hérésie, Pouvoirs, Sociétés – Antiquité, Moyen Âge et Époque moderne) qui tente de poursuivre l’œuvre de révisionnisme amorcée à Nice par Mme Monique Zerner, largement démontée par MM. Duvernoy et Roquebert, entre autres. Comme elle, il joue sur les mots et tente de tromper le lecteur en faisant des raccourcis. Mme Trivellone a bénéficié de réponses hautement argumentées à ses assertions, auxquelles elle a évité de répondre dans le détail. On la comprend !

Si les cathares ne se sont jamais appelés cathares eux-mêmes — c’est l’Église catholique, pape en tête, qui les appelait ainsi —, l’étymologie grecque « katharos = purs » est douteuse, car on imagine mal les catholiques traiter leurs adversaires de purs, ce qui sous-entendrait que les autres chrétiens ne le sont pas ! Effectivement, les catholiques affublaient les cathares de noms variés et parfois fleuris, selon les régions où ils étaient repérés : piphles, tisserands, patarins, albigeois, bougres. Ces termes les désignant soit par leur activité principale, soit par leur zone géographique, voire en les traitant de menteurs (piphle = pipeau) ou de sodomites (bougre = bulgare = sodomite), permettait de les identifier et de les dissocier des groupes dissidents catholiques que la réforme grégorienne avait suscités, mais aussi de marquer l’incompréhension d’une religion dogmatique envers une religion disposant d’une certaine plasticité doctrinale. Mais notre culture judéo-chrétienne nous laisse croire que le christianisme est uniforme alors qu’il est divers depuis le premier siècle qui vit un schisme séparer ceux qui voulaient associer judaïsme et christianisme (judéo-chrétiens dont font partie les catholiques, les protestants et les orthodoxes d’aujourd’hui) et ceux qui voulaient ouvrir le christianisme à tous les peuples comme nouvelle religion émergente (pagano-chrétiens dont font partie les cathares).

Donc, oui les cathares sont des hérétiques si on les regarde du côté catholique de l’époque, mais ils ne sont pas des dissidents, car leur doctrine est depuis toujours fortement opposée sur beaucoup de fondamentaux, à celle des judéo-chrétiens. Si les cathares médiévaux n’avaient pas été une Église efficace et structurée, croyez-vous que les catholiques auraient ressenti la nécessité de créer des ordres religieux adaptés, comme les dominicains, pour s’opposer à eux sur le terrain des Écritures ?

Si votre journaliste avait lu M. Roquebert, il saurait que Simon de Montfort n’a pas mené la croisade, du moins pas avant Carcassonne où les conditions de la capture du vicomte Trencavel furent si peu glorieuses que les seigneurs, qui avaient prééminence sur lui, refusèrent tous ce cadeau jugé dégradant. Le légat a-t-il prononcé cette phrase ? nul ne peut l’affirmer ni le nier. Par contre, ce qu’il a dit aux chevaliers fut tout aussi clair à la vue du résultat sur la ville martyre de Béziers. Si la violence fut tout autant du côté des croisés que de celui des occitans, deux choses doivent être dites. D’une part la violence de l’agresseur est moins justifiable que celle des défenseurs, et d’autre part les cathares n’y ont jamais pris part, leurs vœux leur interdisant tout violence fut-ce à l’encontre d’un animal. Le valdéisme n’a pas remplacé le catharisme, car ils étaient concomitants ; il y eut même une dispute théologique les réunissant. Oui, la société médiévale, entièrement organisée autour du catholicisme, n’avait pas les moyens de répondre au catharisme qui prônait l’égalité des sexes, la non domination des classes sociales, le partage des biens, le travail de tous, etc. Ces idées, dont beaucoup sont encore utopiques de nos jours ne pouvaient obtenir de réponse et, les risques sociaux qu’elles faisaient encourir aux classes dominantes de l’époque portaient le germe de la violence qui s’est déchaînée contre elles.

Mais dire cela ne justifie pas le si piètre travail de gens dont la haute mission sociale est d’analyser et de présenter les choses de façon à éduquer la population, pas à servir ceux qui veulent l’abêtir pour libérer du « temps de cerveau » aux annonceurs publicitaires.

Je vous remercie de ne pas caviarder ma réponse.

Sincères salutations.

Éric Delmas, Président de Culture et études cathares, chercheur en catharisme et auteur de Catharisme d’aujourd’hui.

Vous avez dit « Cathare » ? – Michel Roquebert

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Voici, ci-dessous, la réaction de M. Michel Roquebert, historien du catharisme incontesté depuis  de longues années et également connu pour ses interventions à l’encontre des nombreuses tentatives révisionnistes anti-cathares qui deviennent maintenant du négationnisme à l’encontre de cette religion.

VOUS AVEZ DIT « CATHARE » ?

Sur quelques interviews d’Alessia Trivellone

Le 5 octobre 2018, trois mois après la parution chez Perrin de mon ouvrage « Figures du catharisme », Mme Alessia Trivellone, Maître de conférence en Histoire médiévale à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, donnait au quotidien L’INDEPENDANT une interview pour annoncer l’exposition qu’elle allait présenter du 6 au 13 dans les locaux de ladite université, sous le titre « Le catharisme : une idée reçue ». Car, explique-t-elle, ce n’est qu’un mythe né au XIXe siècle, les prétendus « cathares » ayant servi « comme catalyseurs d’une identité régionale ». Et Mme Trivellone de s’étonner qu’encore aujourd’hui tant de personnes se reconnaissent « dans ces figures d’une histoire fantasmée ». Elle revint à la charge le 28 octobre, dans les colonnes de LA DEPECHE DU MIDI, pour reprendre l’idée que l’histoire du catharisme est une pure « mythologie contemporaine », mais expliquant cette fois que le mythe « est né au Moyen Age même », le XIXe siècle n’ayant fait que le récupérer pour en nourrir en quelque sorte la quête, dans le Midi, d’une identité régionale

Si la position de Mme Trivellone est claire, les arguments sur lesquels elle s’appuie sont en revanche bien étranges.

Aucune source historique, affirme-t-elle, ne parle des « cathares » à propos du Midi ; les procès-verbaux de l’Inquisition parlent seulement d’« hérétiques », mais « c’est en extrapolant des données de ces procès-verbaux que des historiens ont voulu voir l’existence d’une Eglise hérétique organisée en communautés ». Ces procès-verbaux posent en effet un problème : « Il s’agit de dépositions d’accusés privés des droits fondamentaux de défense, extorquées parfois sous la torture, par des inquisiteurs à la fois accusateurs et juges. On a le devoir d’être sceptiques, d’autant plus que ces mystérieux « hérétiques » ne nous ont laissé aucune source de leur côté ».

Faut-il s’attarder à répondre aux deux derniers arguments, celui qui concerne le crédit à accorder aux sources inquisitoriales, et celui qui nie l’existence de sources « hérétiques » ? Personne ne croira jamais que Mme Trivellone ignore que quiconque est un peu familiarisé avec les interrogatoires conservés, qui s’étalent de l’enquête de Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre sur le Lauragais en 1245 et 1246 aux procédures conduites par Jacques Fournier en comté de Foix entre 1318 et 1325, sait à peu de choses près mesurer le degré de fiabilité des dépositions. Qui prendrait par exemple pour argent comptant toutes celles faites devant Jean Galand puis Guillaume de Saint-Seine, de 1283 à 1291 ? Qui récuserait Bernard de Caux ou Jacques Fournier sous prétexte qu’ils auraient pu, peut-être, faire torturer leurs « témoins » ? Mais admettons qu’une interview donnée à un quotidien ne laisse pas le temps d’entrer dans les détails et condamne peu ou prou à grossir le trait. A beaucoup plus de perplexité nous conduit l’affirmation péremptoire que les hérétiques « ne nous ont laissé aucune source de leur côté ». Mme Trivellone jette-t-elle donc aux orties le Livre des deux principes, le Traité cathare anonyme, le Rituel latin de Florence, édités et étudiés par Christine Thouzellier, le Rituel occitan de Lyon, le Traité de l Eglise de Dieu et la Glose du Pater, en occitan eux aussi, qui ont curieusement échoué à Dublin, tous textes savamment édités, traduits et étudiés par René Nelli, Jean Duvernoy, Anne Brenon, Enrico Riparelli et bien d’autres ? Mais comme il serait absolument impensable qu’elle n’en ait jamais entendu parler, essayons encore de lui accorder le bénéfice du doute : peut-être a-t-elle voulu dire que les hérétiques méridionaux qu’on appelle – à tort, selon elle – « cathares », n’ont laissé aucun écrit, tous les textes que nous avons cités provenant peut-être, dans son esprit, de pays autres que le Midi. Hélas ! il est impossible de lui faire cette concession, car d’où peuvent provenir les textes occitans, si ce n’est du pays d’Oc ? « Oublier » les preuves qui contredisent votre thèse est quand même une bien étrange pratique, surtout quand on prétend, comme les tenants de la « Nouvelle Histoire », avoir enfin découvert la vérité, ce qui rend définitivement obsolète tout ce qui a été écrit avant vous. Or c’est à propos de l’appellation même de « cathares » que Mme Trivellone commet les oublis les plus incompréhensibles.

Tout le monde sait, depuis longtemps, que les hérétiques de cette Provincia qu’on nommera Languedoc ou Midi de la France ne se sont jamais appelés entre eux « cathares ». De là à croire que personne ne les a appelés ainsi, il y a loin ! Rappelons les sources qui montrent que le mot était loin d’être inconnu quand il s’agissait de désigner les hérétiques du pays d’Oc :

1°) – Canon 27 du IIIe Concile œcuménique du Latran (mars 1179) : « Dans la Gascogne albigeoise, le Toulousain, et en d’autres lieux, la damnable perversion des hérétiques dénommés par les uns cathares (catharos), par d’autres patarins, publicains, ou autrement encore, a fait de si considérables progrès… » (Texte dans J.D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXII, 231 .Traduction française par Raymonde Foreville dans Histoire des conciles œcuméniques, Paris, l’Orante, 1965, t. VI, p. 222.)

2°) – Le 21 avril 1198, le pape Innocent III écrit aux archevêques d’Aix, Narbonne, Auch, Vienne, Arles, Embrun, Tarragone, Lyon, et à leurs suffragants : « Nous savons que ceux que dans votre province on nomme vaudois, cathares (catari), patarins… ». Or cette bulle pontificale s’adresse à des prélats qui sont tous en exercice au sud de la Bourgogne ; il est bien évident, comme le notent d’ailleurs les plus récents éditeurs allemands de la correspondance d’Innocent III, que le mot de ., catari est dès cette époque une Allgemeinbezeichnungfùr die Hâretiker des 12. und 13. Jh,, une appellation générique pour désigner les hérétiques des XIIe et XIIIe siècles, et appliquée ici à ceux du pays d’oc. (Texte dans Migne, Patrologie latine, t. 214, col. 82, et dansO. Hageneder et A. Haidacher, Die Register Innozens ‘III, vol. I, Graz/Cologne, 1964, bulle n° 94, p. 135-138. Cf. p. 136, note 4).

3°) – Dans le Liber contra Manicheos, attribué (sous les réserves formulées par Annie Cazenave) à Durand de Huesca, on trouve : « … les manichéens, c’est-à-dire les modernes cathares qui habitent dans les diocèses d’Albi, de Toulouse et de Carcassonne… » (« … manichei, id est moderni kathari qui in albiensi et tolosanensi et carcassonensi diocesibus commorantur. » Texte édité par Christine Thouzellier, Une somme anti-cathare : le Liber contra manicheos de Durand de Huesca, Louvain, 1964, p.217.)

4°) – On a confirmation, à la fois, de l’emploi du mot « cathares » à propos des hérétiques languedociens, et de sa signification générique, puisqu’il s’adresse aussi aux cathares d’Italie et « de France », dans la Summa de Rainier Sacconi ; après avoir dénoncé les erreurs de l’Eglise des cathares de Concorezzo, l’ancien dignitaire cathare repenti, entré chez les Frères Prêcheurs, titre un des derniers paragraphes de son ouvrage : Des Cathares toulousains, albigeois et carcassonnais. Il enchaîne : « Pour finir, il faut noter que les cathares de l’Eglise toulousaine, de l’albigeoise et de la carcassonnaise tiennent les erreurs de Balesmanza et des vieux Albanistes » etc. (« Ultimo notendum est quod Cathari ecclesiae tholosanae, et albigensis et carcassonensis tenent errores Belezinansae. », Summa de Catharis, édit. Franjo Sanjek, in Archivum Fratrum Praedicatorum, n° 44, 1974.)

5°) – On citera enfin le théologien cistercien Alain de Lille, qui enseignait à Paris, mais qui fit vers 1200 un séjour à Montpellier. Ce fut alors, vraisemblablement, qu’il écrivit sa Summa quadripartita, cette « Somme en quatre parties » intitulée Sur la foi catholique, qu’il dédia au seigneur des lieux, Guilhem VIII. S’il a pris soin, dans le Livre I de son ouvrage, de rechercher l’étymologie du mot cathare afin d’en saisir le sens exact, c’est que ce mot lui était familier, mais ne manquait pas de l’intriguer. Rien n’indique cependant, dans son texte, qu’il parle uniquement d’hérétiques étrangers au pays où il séjourne. Le plus probable même, c’est qu’il s’est intéressé à ce vocable parce qu’il l’a entendu prononcer à propos des hérétiques locaux.

Comme j’avais cité les quatre premières sources dans une «réponse» qu’a publiée L’INDEPENDANT, Mme Trivellone n’a pu éviter de les prendre en compte dans le texte qu’elle a donné ensuite à LA DEPECHE. Elle l’a fait dans les termes que voici :

« Les sources produites dans le Midi, comme les procès-verbaux des interrogatoires menés par l’Inquisition ou les chroniques de la croisade contre les Albigeois, ne parlent jamais de « cathares ». Face à ce silence, des « historiens du catharisme » essaient de faire valoir quatre ou cinq sources produites ailleurs. Une poignée de sources écrites ailleurs nomment en effet des cathares dans le Midi, mais ni les milliers de témoins qui parlent devant les inquisiteurs méridionaux ni les chroniqueurs qui suivent les croisés ne voient la trace de ces cathares… N’est-ce pas étonnant ? En réalité, plusieurs historiens ont démontré que ces quelques sources écrites ailleurs ne peuvent pas être prises au pied de la lettre. »

Qu’est-ce à dire ? En citant ces quatre sources, je ne cherchais pas à leur faire dire plus que ce qu’elles disent ; et elles disent clairement que les pères conciliaires de Latran III en 1179, la chancellerie pontificale en 1198, l’auteur du Liber contra Manicheos aux environs de 1225, et l’Italien Rainier Sacconi vers 1250, ont utilisé le mot de « cathares » pour désigner les hérétiques du Midi de la France. Qu’ils l’aient fait à tort, stricto sensu, dans la mesure où le mot n’était pas d’usage courant dans le Midi, où l’on parlait beaucoup plus volontiers d’ « albigeois », n’empêche pas qu’ils se sont crus autorisés à l’utiliser, ce qui est aisément explicable : c’est qu’ils savaient très bien quelles parentés profondes unissaient les églises hérétiques d’Italie — bien connues, elles, sous cette appellation de « cathares » — aux églises hérétiques du pays d’Oc. Ils savaient très bien qu’il s’agissait, à des nuances près, certes, aussi bien dans les positions dogmatiques que dans l’organisation ecclésiale, des variantes régionales d’un vaste mouvement d’évangélisme anti sacerdotal. L’histoire de l’émigration languedocienne en Lombardie sous l’Inquisition, sa vaine résistance aux côtés des cathares lombards à Sirmione, jusqu’à sa fin sur le bûcher de Vérone en 1278 — toutes choses auxquelles, pardonnez-moi Mme Trivellone, je consacre un long chapitre dans mes « Figures du catharisme » — disent assez l’impossibilité de ne pas prendre en compte, par-delà la diversité de fait, l’unité de principe qui n’a pas échappé aux contemporains.

Et puis, une chose encore oubliée par Mme Trivellone : sur la quarantaine d’ouvrages de polémique antihérétique qui nous sont parvenus, dont les rédactions s’étalent de la fin du XIIe siècle à la deuxième moitié du XIIIe, huit au moins s’intitulent Adversus catharos. Personne n’a jamais démontré, ni n’a d’ailleurs cherché à démontrer, qu’ils excluaient de leur attaques les hérétiques languedociens.

En fait, ce débat autour du mot « cathare » me paraît assez puéril. Tout le monde sait de quoi on parle quand on le prononce ou l’écrit. Mais certains auteurs très pointilleux le récusent parce que son emploi donnerait, paraît-il, l’illusion que l’Occident eut à faire face à un vaste mouvement unique de dissidence religieuse, de la Rhénanie et des Flandres à l’Italie et au Languedoc ; c’est-à-dire l’illusion que partout les « cathares » pensaient exactement la même chose et étaient organisés de la même façon, voire qu’ils appartenaient tous à une « Église » unique. C’est là, à coup sûr, une vision tout à fait caricaturale des choses. C’est comme si on pensait que tous les peintres que nous appelons « gothiques » avaient eu les mêmes maîtres et peignaient de la même façon, ou que toutes les églises ainsi nommées elles aussi répondaient à un modèle unique. Au demeurant, aucune dénomination n’est plus artificielle que ce mot de « gothique », ni plus injuste, car, postérieur aux temps « gothiques », il fut à l’origine très dépréciatif, voire méprisant.

Qui aurait cependant l’idée de demander sa suppression en Histoire de l’art ?

Michel ROQUEBERT – Novembre 2018

Quelques notes sur les Cathares et le Catharisme – Lettre de B. de la Farge

7-5-Controverses
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Voici un an, Bertran de La Farge m’adressait ce courrier :

« Bonjour Eric,

Je continue à patauger dans les em… ments, avec quelques hauts et beaucoup de bas ! J’essaye d’émerger. Tu trouveras ci-joint une note que j’avais commencée il y a quelques mois. Elle reflète simplement mes pensées sur les éternels semeurs de zizanies et d’anathèmes dont la devises est : « Moi, j’suis contre ! » Cette note se termine par une copieuse liste, volontairement en vrac, de personnes régulièrement visées par les habituels agresseurs pathologiques. J’ai dû involontairement oublier quelques noms « d’amis » et volontairement « oublier » quelques autres… Vérifie quand même cette liste.
Bertran de La Farge »

Voici donc cette note qui retrouve encore plus d’actualité au vu des événements de ces derniers mois.

« Depuis le début de notre XXIe siècle, quelques chercheurs, essentiellement français, s’efforcent de convaincre le public que les Cathares n’ont jamais existé !

Aussi, qu’il me soit permis de porter à leur connaissance un très intéressant document bibliographique, parmi d’autres qui semblent leur faire défaut alors que de tels documents sont archiconnus et authentifiés depuis pas mal de temps (!), par plusieurs générations « d’historiographes ».
Qui a dit ? : « qui de damnata Catharorum heresi sunt vehementer suspecti et graviter infamati » ?
Premier indice : ce document fut rédigé le 21 novembre 1202
Deuxième indice : son auteur a écrit d’autres missives traitant du même sujet avec le même vocabulaire. Et, qui plus est, à la même époque, il ne fut pas le seul. Ce qui devrait nous conduire à déduire que sept années avant la sinistre Croisade (des) Albigeois, l’usage pouvait être d’identifier, de manière indélébile, certains « hérétiques » par le nom de Cathares !
Troisième indice : l’auteur de ces missives rédigées en latin, en 1202, fut un certain Giovanni Lotario de Segni, plus connu sous l’appellation d’Innocent III, 176e Pape, de 1198 à 1216, qui fut, en particulier, tout simplement, l’instigateur de la Croisade (contre) les Albigeois (!) et qui, d’une part, devait savoir de qui et de quoi il parlait et qui, d’autre part, n’avait aucune raison de s’abstenir d’utiliser personnellement, pendant les dix-huit annnées de son pontificat, le mot Cathare (issu du grec et de sa traduction en latin). »

MAIS IL Y A D’AUTRES RAISONS PRINCIPALES, plus anciennes et hautement pertinentes, qui sont tout simplement issues de la langue utilisée par les rédacteurs et les traducteurs des évangiles, en particulier à partir des versions rédigées en grec par les quatre évangélistes et par quelques disciples du Christ. L’important n’est pas le nom donné à ce courant du Christianisme que nous appelons « Catharisme » ou « Christianisme cathare ». L’important est son contenu, Peu importent les noms qui lui sont donnés. Les premières écritures Saintes furent essentiellement rédigées en grec et il coulait de source que chaque fidèle vivant à cette époque s’exprimait alors en grec, ne serait-ce qu’afin de situer le niveau spirituel qu’il souhaitait atteindre ou qu’il avait atteint lors des étapes de l’enseignement de l’Évangile.
C’est ainsi que ce sont des mots grecs qui furent utilisés comme mots clés et comme codes, destinés à jalonner les importants « fils rouges » majeurs de l’Enseignement du Christ (La Bonne Nouvelle ; l’Évangile). L’un de ces CODES MAJEURS est destiné à l’enseignement du thème de la Purification de chacun. Le mot « pur », en français, est la traduction du mot grec « katharos ». Dans le Nouveau Testament, initialement en grec, quatre mots sont dérivés de katharos : katharizo, katharis, katharismos, katharotes (purifier, purification, etc.). Tout lecteur, tout disciple de l’Évangile, en grec, trouvera ce vocabulaire de 5 mots répartis 60 fois dans 60 versets, souvent liés à d’autres mots clés pertinents, comme kardia (cœur), téléios (parfait), ce dernier désignant celui qui a atteint le Salut, l’apothéose de la purification de tout son être et son retour en Dieu.

C’est ainsi, et entre autres, que, pendant les 3 premiers siècles de l’évangélisation, les disciples chrétiens qui étudiaient et pratiquaient la purification de l’être (corps, âme et esprit) étaient qualifiés, en grec, de « katharoï » (« purs ») et de « téléios » (parfaits), en français. C’est ainsi qu’en français, tout comme en anglais et dans d’autres langues, le mot « pur » (« pure ») a été progressivement transformé en un néologisme familier : « Cathare », « Cathar », etc.) d’où quelques siècles plus tard, les appellations de « Cathares », de « Parfaits » et de leurs dérivés.

DU GREC AU LATIN ET AUX LANGUES VERNACULAIRES. Pendant les premiers siècles de notre ère, l’écriture, l’enseignement et la pratique de l’évangile furent essentiellement dispensés en langue grecque. (accompagnés d’écrits en araméen-syriaque et en copte). L’usage quotidien des mots grecs katharos, katharoî et katharismos (cathare, cathares et catharisme) n’a rien d’exceptionnel. Quant au mot grec Téléios signifiant « Parfait », il éclaire significativement l’utilisation de « Pur» et de « Purification » dans 17 versets du Nouveau Testament. Lorsque le latin et d’autres langues vernaculaires vinrent remplacer le grec, les mots de katharos et de katharoï, cessèrent progressivement d’être utilisés et furent remplacés par leurs traduc- tions en diverses langues vernaculaires. Les premières traductions en langue latine apparurent timidement lors du IIe siècle et surtout lors du IVe siècle (Vetus Latina, de Stridon et Vulgate, de Jérôme). Mais d’autres mots prirent leurs places, en d’autres langues, Aussi est-il tendancieux et injustifié de s’acharner, aujourd’hui, contre les mots cathare et catharisme, Mais il est tout à fait acceptable d’utiliser d’autres définitions synonymes qui éclairent la signification de Cathares et de Catharisme, telles que Bons Chrétiens, Bonshommes, Bonnes Dames, ou Amis de Dieu, etc.

Le Catharisme, aujourd’hui et au cours des premiers siècles de la Chrétienté, est et fut un Courant du Christianisme. Mais de grâce, épargnons aux Cathares de tous temps les appellations et contre-sens malveillants et souvent calomnieux d’hérétiques et de dissidents car ils ne le sont ni ne le furent ! En effet les Chrétiens cathares, tout comme les Chrétiens catholiques, ont toujours affirmé leur Christianisme dont ils ne furent et ne sont ni les hérétiques ni les dissidents ! « Mais… qui veut tuer son chien, ne l’accuse-t-il pas de la rage ?! » Hélas !

Enfin, à ceux qui affirment obstinément que les mots Cathare et Catharisme sont des artefacts inventés au cours du XXe siècle par des farfelus qui n’ont aucune compétence en cette matière, nous rappellerons qu’en fait, le mot cathare et la plupart de ses synonymes ont, par exemple, été abondamment répertoriés et utilisés pour signifier : « on les appelait Cathares, c’est-à-dire Purs » (7 occurrences) par Bossuet (1627-1704) et, par quelques milliers de fois par des centaines d’autres chercheurs, théologiens, écrivains et historiens, de 1700 à… aujourd’hui, sans interruption, pendant 3 siècles ! Quant aux offensives actuelles contre le bien-fondé de ces mots, elles prennent, hélas, la forme de curieuses entreprises révisionnistes, négationnistes et même « complotistes » (puisque tout « cela » aurait été fomenté, selon eux, par l’Église catholique elle-même !) Machiavel n’est pas loin !

Rendons plutôt, ci-dessous, hommage aux hommes et aux femmes remarquables : historiens, chercheurs, religieux, philosophes, artistes, militants et romanciers qui, au cours des XIXe, XXe et XXIe siècles, par leur passion, leur foi, leur enthousiasme, leur persévérance, leurs travaux, leurs écrits et diverses réalisations, nous ont permis, nous permettent aujourd’hui et nous permettront demain, de connaître le « vrai visage des Cathares » :

« Déodat Roché, René Nelli, Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Zoé Oldenbourg, Anne Brenon, Francis Loubatières, Ylva Hagman, Beverly M. Kienzle, Maurice Magre, José Dupré, Lucienne Julien, Christine Thouzellier, Michel Jas, Jordi Ventura i Subirats, Flocel Sabaté, Francesco Zambon, Jordi Savall, Jean-François Laffont, Simone Weil, Édouard de Laportalière, Simone Hannedouche, Jordi Passerat, Marvyn Roy Harris, Peter T. Ricketts, Yvan Roustit, Peter Wunderli, Pilar Jimenez, Edina Bozoky, Krystel Maurin, Peter Vogt, M. le Duc de Lévis-Mirepoix, Bertran de La Farge, Henri Gougaud, Muriel Batbie-Castell, Olivier Cébe, Gérard Le Vot, Annie Cazenave, Jean-Philippe de Tonnac, Franjo Sanjek, Ernst Ulrich Grosse, Magali Husson, David Zbiral, Daniela Müller, Suzanne Nelli, Denis Crépin, Raoul Manselli, Jean Blum, Philippe Contal, Fabrice Chambon, Jean Clergue, Christian Salès, Georges d’Humières, Yves Rouquette, Dominique Baudis, Patrick Lasseube, Claude Sicre, Yves Maris, Fernand Niel, Fernand Costes, Emmanuel Le Roy-Ladurie, Claude Marti, Jean Villotte, Henri Corbin, Charles Delpoux, Alexandre Rougé, Raimonde Reznikov, Philippe Martel, Philippe Roy, Jean Blanc, Prosper Estieu, Stym-Popper, Enrico Riparelli, Roberto Berretta, Gilles-Henri Tardy, Napoléon Peyrat, Antonin Gadal, Auguste Teulié, Georgi Semkov, Arthur Guirdham, Malcolm D. Lambert, Yuri Stoyanov, James McDonald, Paul Lecour, Richard Loiret, Éric Delmas, Jean-Louis Gasc, Alèm Surre-Garcia, Jacques Berlioz, Arno Borst, Ruben Sartori, Martin Aurell, Monique Vidal, José Vidal Tolosa, Marie-Élise Gardel, André Czeski, Charles Schmidt, Roland Poupin, Werner Rhis, Uwe Brunn, Stephen O’Shea, Andrew Phillip Smith, René Weis, Malcolm Barber et bien d’autres (Selon un tri stochastique des listes passées, présentes et à venir, non exhaustives et non limitatives). »