Massabrac est un nom associé à l’histoire de Montségur. Bien qu’il apparaisse souvent dans le dramatique récit du siège du Pog (par les mentions de ses seigneurs) le castrum n’a jusqu’à présent jamais été localisé ; en désespoir de cause certains l’ont identifié avec Bénaix (09).Read more
D’Ax à Montaillou
le bon-homme Philippe d’Alayrac en Haute-Ariège.
Philippe d’Alayrac (ou Talayrac) originaire de Coustaussa (11), après avoir été ordonné en Sicile par le fils majeur Raymond Isarn, devint à son retour en Languedoc un des membres de l’Église cathare de la reconquête (1300-1310). Les obligations de son ministère, l’amèneront par deux fois à Montaillou (09), où il est signalé au cours de l’hiver 1305 et en 1308.
Devant se rendre en cette localité isolée mais n’en connaissant pas le chemin, Philippe d’Alayrac et son compagnon de marche Bernard Bélibaste, firent donc halte à Ax (-les-thermes 09) chez la fervente croyante cathare et actif agent de « l’entendensa del be »[1] Sibille Baille (ou Bayle), afin d’y trouver un guide.[2]
Aussitôt, pour répondre au désir de ses hôtes, Sibille sollicita le concours du berger Montallionois, Pierre Maury.
Celui-ci, au travers de sa déposition du 25 juin 1324 devant l’inquisiteur et l’évêque de Pamiers Jacques Fournier[3], nous dit :
« Alors une nuit d’hiver, […] Bernard Baille, le fils de Sibille, vint à moi, et me dit d’aller chez eux. Nous allâmes incontinent tous deux à la maison de Sibille, et quand nous y fûmes, Bernard resta en dehors de la maison […]. Moi je montai à l’étage, et je trouvai dans la foganha[4] de la maison, assis, l’hérétique Philippe d’Alayrac et Bernard Bélibaste. […]
[…] Elle (Sibille) me répondit qu’il fallait à tout prix que je revienne cette nuit-là, car ces gens-là (l’hérétique et Bernard) devaient repartir vers Montaillou. Ils ne connaissaient pas le chemin et c’est pourquoi il fallait que je les y mène.
[…] et vers l’aurore, nous nous levâmes tous […] Sortant de la maison, l’hérétique, Bernard Bélibaste et moi partîmes vers Sorgeat, puis montant par la côte que l’on appelle Lasitardor, nous allâmes vers Montaillou. »
C’est donc le trajet Ax-Montaillou par Sorgeat que je vais essayer de vous décrire.
Pour bien visualiser le cheminement de nos marcheurs, je conseille d’associer la description ci-dessous avec un suivi sur les cartes IGN Classiques et de l’état-major (1820-1866) du site Géoportail.
Cependant, il faut dire qu’il est difficile de retrouver les chemins qui ont pu être empruntés au moyen-âge ; la plupart ont disparu ou ont eu leur tracé modifié. L’idée n’est pas ici, de certifier un parcours, mais plutôt de proposer une possibilité, par une combinaison de différents sentiers figurant sur les cartes citées ci-dessus.
L’itinéraire grossièrement mesuré sur le site internet Géoportail (de l’IGN) étant d’un peu moins d’une quinzaine de kilomètres, et la vitesse moyenne d’un marcheur expérimenté en montagne étant de 4 kms/h [5], la durée du trajet de nos voyageurs, dû être — en prenant une bonne marge —, d’environ 5 heures, pour parcourir la distance d’Ax aux abords de Montaillou.
Pierre Maury ayant obtenu l’autorisation de son patron de pouvoir se rendre à Montaillou à la condition expresse qu’il fût revenu à none (neuvième heure du jour selon la liturgie chrétienne des heures, soit environ 15 heures chez les catholiques)[6] et sachant qu’il faut environ une dizaine d’heures pour faire l’aller-retour, le départ a donc eu lieu aux alentours de 5h00-5h30, « vers l’aurore, nous nous levâmes tous » nous a dit le berger.
Ainsi, en tout début d’une journée de l’hiver 1305 (il est à noter que le voyage se fera contrairement aux précautions prises à cette époque, de jour), par mauvais temps, Philippe d’Alayrac, Bernard Bélibaste et leur guide quittent le domicile des Baille et prennent la direction de Sorgeat (09).
Pour ce faire, ils montent par les lacets de l’actuelle D613 qui serpentent au milieu des quartiers modernes d’Ax du nom de, le Bosquet et les Cascatelles, puis, aux environs du lieu-dit la Calmeraie, suivent une sente qui les amène (d’après la carte d’état-major) directement — c’est à dire presqu’en ligne droite —, au bourg susnommé.
Après l’avoir traversée le trio emprunte, à la sortie Nord-Est de la localité, le chemin qui passe par le lieu-dit Pragelat. Parvenus à celui-ci, à quelques 850 m de la sortie de Sorgeat, l’hérétique et ses croyants prennent alors, à leur gauche, un chemin (dont il n’existe plus que le départ aujourd’hui) qui file vers le Nord. Puis, ayant marché près du bord Ouest du plateau rocheux de Teychounières, traversé le bois de Monafaille et doublé le Pla du Mont (1705 m.) par sa gauche, nos voyageurs arrivent au Col d’Ijou. Ce dernier franchi, 450 m. plus loin, la petite équipe bifurque vers l’Est et suit alors le sentier passant par le lieu-dit la Coume Fraiche, le bois de Sahuquet, et après avoir traversé le ravin ainsi que le ruisseau de ce même nom, rejoint le lieu où se trouve aujourd’hui le refuge « la cabane de Sorgeat » (1571 m.). De là, la sente sinue sur une zone désertique en direction du septentrion (Nord), au bout de laquelle se présente le Col de Balaguès, point de jonction des GR 107 et 7B. Le col traversé, le bon-chrétien et ses compagnons marchant alors sur le chemin GR 7B-GR 107 après être passés entre, à leur gauche le Sarrat d’Artuzet (1703 m.) et à leur droite, le Sarrat de l’Assaladou (1721 m.), pénètrent dans la forêt domaniale du pays d’Aillou. C’est à cet instant, après plusieurs heures d’une rude marche[7], que le berger et ses amis décident de faire une pause pour déjeuner à l’abri des arbres.
Voici ce que nous dit Pierre Maury au sujet de cet intermède :
« Quand nous fûmes en haut de la côte de Lasitardor[8], nous fîmes du feu, et nous déjeunâmes, car l’hérétique dit qu’il n’était pas bon que nous entrions dans Montaillou autrement que de nuit […] Au début de la table, il bénit le pain à la manière hérétique […] sans se lever et sans mettre un bout de serviette sur l’épaule, […] disant que dans les bois on doit être prudent, et se garder d’être vu de quelqu’un qui arrive subitement dans le bois. Et il ne prêcha pas car il avait des coliques. »
Le repas terminé, le trio attend sans doute la tombée du jour (ce qui au départ n’était pas prévu) sur le lieu même du pique-nique. Puis à nuit noire, le guide et ses amis reprennent le sentier qui longe alors le ruisseau de Balaguès et, après avoir parcouru les 2 kms restants, arrivent à destination.
Conclusion
La description du chemin menant d’Ax à Montaillou nous a permis de découvrir un des nombreux parcours suivis tant par la population de la Haute-Ariège que par les bons-hommes de la dernière Église cathare en Languedoc. Elle nous à également révélé que le col dénommé aujourd’hui de Balaguès était, au moyen-âge, appelé la côte de Lasitardor.
[3]Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier (évêque de Pamiers) 1318-1325, tome III, traduit et annoté par Jean Duvernoy, Mouton éditeur, Paris, La Haye, New-York 1978, les informations qui ont servi à l’écriture de cet article se trouvent dans les pages 948, 949, 950 et 951.
[7] « Nous ne rencontrâmes aucun croyant, et en chemin l’hérétique ne prêcha pas vu la dureté du chemin et le mauvais temps » Pierre Maury, déposition du 25 juin 1324, in Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier (1318-1325), tome III, page 950.
[8] On trouve aussi « Lasitardor ». Peut-être fautif pour Lasilador, ou Lasalador, actuellement mont l’Assaladou, lieu-dit de Sorgeat. Jean Duvernoy, in Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier (évêque de Pamiers 1318-1325), tome III, note n°58, page 1027. Il est à signaler que juste à côté du Sarrat (mont) de l’Assaladou, se situe le Col dénommé aujourd’hui de Balaguès, raison sans doute pour laquelle ce dernier devait être appelé, au moyen-âge, la côte de Lasitardor/l’Assaladou.
Cette exposition sera l’occasion pour Annie Cazenave (Dre en Histoire de l’art, Dre en Histoire, ancienne chercheuse au CNRS), Anne Brenon (Archiviste paléographe, ancienne directrice du Centre d’études cathares-René Nelli, auteure de nombreux livres sur le catharisme) et Jean-Louis Gasc (auteur de livres sur les cathares et Montségur, photographe, ancien guide-conférencier à la cité médiévale de Carcassonne), de tenir des tables-rondes pour faire le points sur les nombreuses activités négationnistes anti-cathares qui ont fleuri ces dernières années.
De la traversée clandestine des Corbières, par le bon-chrétien Jacques Autier…
Jacques, fils de Pierre Autier l’ancien de l’Église cathare de la reconquête (1300-1310), suivant fidèlement la voie de son père, reçoit de celui-ci le consolament[1] d’ordination en 1301. Devenu dès lors un « hereticus perfectus[2] » de grand talent (on disait qu’il prêchait comme un ange) il va visiter, prêcher et consoler inlassablement les croyants, jusqu’à son arrestation (fruit d’une vengeance) avec son socius Prades Tavernier au début de septembre 1305. Parvenus à s’évader de la prison inquisitoriale de Carcassonne (appelée le Mur), après une brève incarcération, on retrouve les fugitifs à Quié (Ariège : 09), Ax (09) et Arques (Aude : 11), en 1306.
Après que son compagnon, Prades Tavernier, l’eut devancé de quelques jours, Jacques Autier arriva une nuit à Arques. Alors que Pierre Maury était auprès des moutons de Raymond Peyre, ce dernier l’envoya chercher et lui fit dire de venir d’urgence à son domicile. Le berger de Montaillou (09) trouva alors à sa grande surprise, auprès du feu, l’hérétique et Pierre Montaniè, un croyant de Coutaussa (11), qui lui avait servi de guide, ainsi que Raymond Peyre lui-même, sa femme Sibille et la mère de celle-ci. Le maître de maison cachant déjà son condisciple, au moins épisodiquement, il fut sans doute décidé que le bon-homme nouvellement arrivé devait être amené chez un croyant sûr, en la localité de Rieux-en-Val (11).
C’est le trajet que je vais tenter de retracer.
Pour mieux découvrir le parcours, je conseille d’associer le texte ci-dessous avec un suivi sur les cartes IGN Classiques du site Géoportail.
Toutefois, il faut rappeler, que l’exercice consistant à retrouver les chemins et les sentiers empruntés au moyen-âge, relève de la gageure. La plupart ayant disparu, ou ayant eu leur parcours modifié, il est moins ici question d’affirmer un trajet que de d’ébaucher une probabilité.
En 1323, au travers de sa déposition devant l’inquisiteur et l’évêque de Pamiers Jacques Fournier[3], Pierre Maury nous dit :
« Longtemps avant le jour, nous nous levâmes, moi, Jacques l’hérétique, et Pierre Montanié. Raymond Peyre prêta un mulet à l’hérétique, et nous allâmes, moi, l’hérétique, et Pierre Montanié, à Rieux-en-Val (11220). Quand nous sortîmes de chez lui, Raymond Peyre, nous dit de saluer pour lui tous les amis. Nous allâmes par la Calm de Linas[4] à Rieux-en-Val, et vînmes chez quelqu’un de cette ville dont j’entendis dire par la suite qu’il s’appelait Guillaume de Rieux. Ce fut la première maison détruite de la ville quand Jacques Authié fut arrêté pour la seconde fois, après être sorti du Mur de Carcassonne. »
La distance, mesurée sur le site internet de l’IGN (Géoportail), entre les communes d’Arques et Rieux-en-Val est d’environ une vingtaine de kilomètres, à vol d’oiseau.
Mais pour tenir compte, au plus près, des réalités du terrain, j’ai rajouté la moitié de la distance mesurée, en détours et sinuosités, pour alors obtenir un total plus pertinent d’une trentaine de kilomètres.
La vitesse d’un piéton étant d’environ 5 km/h, le trio a donc dû parcourir la distance en 7 heures ou 7h30, c’est à dire 6 heures de marche au minimum, avec une 1 heure (ou moins) de pause.
En ces temps de traque intense, les trajets s’effectuaient intégralement de nuit par mesure de sécurité.
L’arrivée à Rieux-en-Val s’étant logiquement produite avant l’aube (5h30 heures ?), le départ d’Arques a donc dû s’opérer aux alentours de 22 heures (?), en tout cas « Longtemps avant le jour », comme le dit le berger de Montaillou dans sa déposition.
Au départ d’Arques, Jacques Autier et ses accompagnants montent par les lacets des (actuellement) D54 et D70 et débouchent, après une dizaine de kilomètres parcourus, sur la D129, près de la Font de Razouls[5].
Puis, de cette intersection, le trio chemine toujours sur la D129 quelques centaines de mètres vers l’Est, pour trouver à nouveau la D70 qui file vers Bouisse (11). Quelques 400 mètres plus loin, depuis le dernier embranchement, toujours sur la D70, l’équipage prend le chemin d’accès à la ferme las Esclauzes[6] se trouvant sur la gauche de la route et monte toujours vers le Nord-Est en passant par le lieu-dit la Rode qui se situe à l’Ouest de Bouisse. Poursuivant leur chemin, le bon-chrétien et ses guides, traversent ainsi le Milobre de Bouisse[7], contournent la Serre Male[8] et après l’avoir dépassée, bifurquent vers l’Est pour arriver au col de la Louvièro (ou Loubière).
C’est alors que s’effectue le passage par la Calm de Linas, comme déclaré par le berger ariégeois.
Dudit col, l’hérétique et ses amis suivent donc la piste qui longe la crête de la partie Ouest du massif de Lacamp[9]. Se faisant, ils traversent les lieux dits le Countadou et Porte Chéric, passent au pied du Pech Agut, pour arriver par le Pla de Vidalbe à la Calm de Linas ou plateau de Lacamp[10].
Après avoir franchi ledit plateau d’Ouest en Est, ils empruntent un sentier se trouvant sur la crête de la Serre de la Pène et filent vers le Nord par les lieux-dits le Roc troué et l’Arc d’en haut.
Puis comme confessé par Pierre Maury un peu plus loin dans sa déposition, le trio va gagner le vallon de Combe Gautier.
Pratiquement arrivés aux portes du bourg de Mayronnes (11), le berger, le croyant et le bon-chrétien, descendent alors dans la Combe Gautier[11] (à l’Est dudit bourg) et y font une halte pour déjeuner[12]
La pause terminée, le bon-homme et ses croyants, à la sortie de la ravine, suivent une sente jusqu’au ruisseau de Madourneille qu’ils traversent pour rejoindre à l’Ouest le lieu-dit les Plots où un chemin se dirige vers le Nord. Ce sentier passant entre les pechs de la Fage et Redonel, par les lieux-dits la Garrigue, la Farge, au pied de Serre longue et de l’Échine va les mener à proximité de leur destination.
Ne reste plus alors à la petite équipe, qu’à franchir le pont romain qui enjambe Le Sou, pour parvenir, quelques centaines de mètres plus loin, au castrum de Rieux-en-Val, but de l’expédition.
Conclusion
Retracer l’itinéraire nous a autorisé à voyager par la pensée dans le temps et l’espace, auprès des proscrits du XIVème siècle. Hormis le fait d’avoir pu partager pour quelques minutes ou quelques heures leur périple, la reconstitution du trajet a permis l’identification et la localisation précise du lieu-dit autrefois appelé la Calm de Linas.
Ainsi, vous aurez le privilège de compléter les travaux historiques tout en cheminant vraiment dans les pas des cathares, hors des « sentiers cathares » largement rebattus.
[1] Terme occitan que les scribes de l’Inquisiteur appelaient consolamentum et que nous appelons aujourd’hui la Consolation.
[2] D’où l’appellation de Parfait qui est inexacte mais régulièrement utilisée
[3]Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier (évêque de Pamiers 1318-1325), tome III, traduit et annoté par Jean Duvernoy, Mouton éditeur, Paris, La Haye, New-York 1978, pages 929.
[4] Jean Duvernoy indique n’avoir pas réussi à situer ce lieu.
[5] La Font de Razouls présente sur la carte de Cassini (1756- 1815).
[9] L’arête sommitale du massif de Lacamp étant infranchissable, c’est afin de contourner ce dernier que la piste a été empruntée.
[10] Linas (Le), anc. fief de l’abbaye de Lagrasse, cne de Saint-Martin-des-Puits. Linars 1099 (Mah., II, 613). In Calmo de Linariis, 1237 (arch. Aude, H, suppl.). Une montaigna appellada la Camp de Lynas, 1538 (ibid., H 10, f. 137). Montagne dite de la Camp de Linas, 1540 (ibid., f. 186).
Abbé Sabarthès. Dictionnaire topographique du département de l’Aude. Paris, Imprimerie Nationale, 1912 ; in-4° de LXXX p- 596 pages. Dictionnaire topographique du département de l’Aude : comprenant les noms de lieu anciens et modernes/réd. par l’abbé Sabarthès, Paris, imprimerie nationale, 1912. (Page 213 du document). Calm=Planòl=francès: plateau (fr) Lina n. f. (s. XIV…) linette (graine de lin), page 408 du document. Le lin pousse à l’état sauvage dans les climats tempérés à chauds (Wiki). La Calm de Linas = Le plateau aux lins, aujourd’hui le plateau de Lacamp.
[11] Souventrégion. Petite vallée encaissée (CNRTL).
[12] « En cours de route, quand nous fûmes au lieu-dit Combe Gautier où nous déjeunâmes… ». « Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier » tome III page 932.
Exposition : «Cathares», Toulouse dans la croisade
Du vendredi 5 avril 2024 au dimanche 5 janvier 2025, se tient à Toulouse, sur deux sites (Musée Saint-Raymond et Couvent des Jacobins) une exposition censée informer les visiteurs sur les événements historiques médiévaux concernant Toulouse et le catharisme.
Cette initiative, a priori plutôt positive, cache en fait une manœuvre du groupe négationniste anti-cathare qui a réussi à imposer son point de vue à la municipalité de Toulouse dont j’espère qu’elle est simplement victime dans cette affaire.
Les guillemets entourant le mot cathares fournit déjà une première indication qui lisse entendre que ce mot n’a pas de réalité concrète, ce qui est l’objectif des négationniste : faire croire que le catharisme n’a jamais existé.
C’est lors de la seconde partie de la visite, qui se déroule au Couvent des Jacobins que les choses se gâtent. Voici l’annonce faite sur le site de l’exposition :
Au Couvent des Jacobins
L’autre partie de l’exposition est centrée sur la question de l’hérésie dite « cathare », donc sur l’aspect religieux de la croisade contre les Albigeois : « chasse » à l’hérésie et aux hérétiques suite à la réforme de l’Église, lutte contre l’hérésie après la croisade et inquisition, qui était menée par les frères Dominicains (ou « frères Prêcheurs »), ordre religieux qui a bâti et occupé… le Couvent des Jacobins.
Cette partie de l’exposition revient également sur l’histoire et l’utilisation des termes « catharisme » et « cathares », sujets de nombreux débats entre historiens, ainsi que sur les mythes qu’ils suscitent encore aujourd’hui.
En fait, sous couvert d’information historique, le but des organisateurs est nier la réalité du catharisme en prétendant que les cathares n’étaient en fait que des hérétiques aux doctrines et pratiques diverses, donc ne pouvant pas relever d’une même religion.
C’est comme dire que les religions judéo-chrétiennes (catholicisme, orthodoxie et tous les protestantisme) au motifs des divergences qu’elles affichent entre-elles ne peuvent être considérées comme appartenant au même groupe religieux.
Si vous décidez d’aller visiter cette exposition, prenez la peine de préparer votre intellect à analyser ce que vous lirez à l’aune de ce que viens de vous indiquer.
Voici une première réaction de Annie Cazenave, Docteure en Histoire, Docteure en Histoire de l’art et anciennement chercheuse au CNRS :
L’Exposition de Toulouse
À Toulouse en ce moment une exposition se déploie somptueusement entre le Musée des Augustins et le Couvent des Jacobins. Consacrée à la ville « au temps des cathares » elle ferait figure d’oxymore, puisque ceux-ci étaient aniconiques, si précisément elle ne se référait pas à l’affirmation de certains médiévistes que « les cathares n’ont pas existé ».
Cependant, une Croisade a été menée contre eux, la seule en terre chrétienne. L’exposition porte sur le premier tiers du XIIIéme s., de 1209, date de l’arrivée des croisés, à 1229 ,année de la signature du traité de Lorris par le comte de Toulouse. Un panneau à l’entrée explique aux visiteurs que « dans sa définition traditionnelle le « catharisme » est présent comme un courant original à part entière. Apparu au XIIéme s. en Rhénanie il se serait propagé de l’Italie du nord jusqu’au midi occitan » (sic ). Escamotées les relations avec l’Orient !
Puis ce panneau se contente de nier la présence d’une hiérarchie cathare et donc d’une Église cathare, car celle-ci a été construite par des historiens en rapprochant des groupes dissidents. Cependant, il cite le rite du consolament, « à la fois ordination et extrême onction », en omettant la pose du livre (Nouveau Testament) sur la tête du consolé. Ensuite il se contredit en mentionnant l’existence d’évêques et de « diacres », mot catholique soi-disant mis à la place de « fils majeur » et « fils mineur ». Or ceux-ci, comme le diacre, sont inférieurs à la dignité de l’évêque, donc placés dans une hiérarchie.
Comme la contestation est une forme particulière de christianisme, exprimée dans des sources textuelles (celles sans doute ayant servi à la fabrication de la croyance), ce rapprochement de groupes dissidents a été commode pour éliminer les groupes contestataires.
Ainsi, effacée l’hérésie du dualisme, cause de la Croisade, l’alliance entre le roi et le pape prend une tournure essentiellement politique. Dans cette perspective le Languedoc est travaillé par des troubles séditieux, et exposé à la rivalité des pouvoirs. Peut-être cette lecture ignorant la puissance du religieux en dit-elle implicitement long sur la mentalité contemporaine.
Avec pertinence l’exposition a pris pour sujet l’époque où la société de langue d’oil importée par les capétiens était en train de s’imposer à la vieille culture de langue d’oc, pour finir par former une région de la France actuelle. Elle offre des costumes splendides, copiés sur des miniatures.
L’historienne met en avant plusieurs erreurs figurant dans l’exposition et portant des affirmations qui ont été largement et souvent réfutées par d’autres historiens et spécialistes que vous pouvez lire dans ce menu.
Fanjeaux, centre du catharisme et de sa répression
Le village de Fanjeaux se situe à l’Ouest du département de l’Aude en limite des micro régions du Lauragais, de la Piège et du Razès. Campé à 360m d’altitude au bord d’un plateau, qui domine le couloir de Castelnaudary à Carcassonne, il se trouve stratégiquement placé sur l’une des voies de communication reliant les Pyrénées à la Montagne Noire. Au XIIIème siècle le castrum a été un important foyer de l’hérésie cathare, le berceau de la prédication dirigée contre celle-ci, ainsi qu’un poste militaire croisé.
C’est aux alentours de l’année 1175 que la présence de cathares, est attestée à Fanjeaux. Aux environs de 1193 la Bonne Dame[1] Guillelme de Tonneins et son homologue masculin, Guilhabert de Castres sont établis dans la cité lauragaise. En ces temps favorables, la doctrine, étant de plus en plus partagée, le village devient une conséquente place de l’hérésie. Une décennie plus tard, en l’an 1204, le castrum sera le théâtre de la consolation d’ordination d’Esclarmonde de Foix et trois nobles dames de la région. En présence du comte Raymond-Roger et d’une nombreuse assistance, sa sœur et ses amies seront consolées par le charismatique Guilhabert de Castres. Toujours en cette même année, et toujours à Fanjeaux, Pierre-Roger de Mirepoix le père du futur chef militaire de Montségur en 1243-1244, gravement blessé lors d’une mauvaise rencontre recevra le Consolament des mourants, par le fameux hérésiarque, comme le nommait l’Église catholique. Cependant guéri, il reviendra au siècle et fêtera l’évènement en offrant un repas à tous les cathares revêtus de Mirepoix.
Inquiet depuis de longues années par la montée du péril cathare et faute d’avoir pu inciter le roi de France, Philippe-Auguste, à intervenir militairement dans le Midi, le souverain pontife donna son accord à la proposition de ses légats en Languedoc de lutter contre l’albigéisme par la prédication. C’est alors l’entrée en scène du chanoine Dominique de Guzman. Parti, avec ces compagnons en tournée en Lauragais, afin de prêcher à l’exemple des hérétiques occitans, il s’arrête à Fanjeaux à cause de mauvais temps et décide d’y passer l’hiver. Au cours de celui-ci (1206/1207) sera fondé avec l’aide de Foulques l’évêque de Toulouse, le monastère de Prouilhe (11) en réaction à la multiplication des maisons cathares dans la région.
Puis viendra la controverse entre Albigeois et catholiques, de Montréal (11) et son fameux « miracle du feu » dont nous vous expliquerons le détail dans une prochaine publication. Toutefois malgré, les prêches et l’agitation de ses envoyés, Innocent III constate que l’hérésie continue de prospérer et de s’enraciner en Languedoc.
C’est alors que l’assassinat du légat Pierre-de-Castelnau à Saint-Gilles (30) en janvier 1208, va donner au pape le prétexte au déclenchement de la croisade contre les Albigeois ; opération militaire, visant à éradiquer l’hérésie, qu’il appelait vainement de ses vœux depuis une dizaine d’années. Parmi les croisés français se trouvait un comte dont le nom deviendra tristement célèbre en Languedoc, Simon de Montfort. Ce dernier ayant pris la direction de l’ost croisé à la place du légat Arnaud Amaury, et après s’être emparé de la majeure partie de la vicomté de Carcassonne, marchera sur Fanjeaux, alors le plus haut lieu de l’hérésie cathare en Occitanie. Face à l’avancée de l’armée catholique, le castrum sera incendié lors de son abandon par la population ; l’illustre Guilhabert de Castres se réfugiant, en la circonstance, (une première fois) à Montségur. Fanjeaux, place stratégique, deviendra pour lors le quartier général du pourfendeur des hérétiques. À l’avenir, c’est à partir de la cité, idéalement située, que le condottière lancera, dans toutes les directions, maintes expéditions, et opérations militaires. Cependant le comte de Foix ne restera pas sans réaction aux prises de Simon de Montfort sur ses terres, et attaquera le castrum ; néanmoins, la place vaillamment défendue par la garnison française, malgré l’absence de son chef, restera aux mains de ce dernier. Le bourg recevra également des renforts en ses murs, preuve qu’il était une base arrière importante, voire à certains moments un refuge. Et c’est de celui-ci, le 10 septembre 1213, que Simon de Montfort part pour la ville de Muret, menacée par l’ost du roi Pierre II d’Aragon et ses vassaux occitans. Revenu vainqueur de la fameuse bataille, afin d’étendre politiquement sa toile par le jeu des alliances, il mariera alors à Carcassonne son fils Amaury avec Béatrice de Viennois. C’est frère Dominique venu de Fanjeaux, dont il était le nouveau curé, qui célèbrera les noces. La lutte contre l’hérésie, pour l’un par le verbe et pour l’autre par le fer, n’avait pas manqué de rapprocher les deux hommes. En 1218, le bourg verra son chevalier faidit, Pierre de Lahille, compté parmi les défenseurs de la ville de Toulouse alors assiégée. C’est au cours d’une attaque, lors de ce même siège, que « la pierre vint tout droit où il fallait[2] » tuant le chef de la croisade et libérant ainsi occitans et fanjuvéens de son joug. Dominique de Guzman perdant, à cette occasion, un ami, l’Église catholique romaine le généralissime de son armée. Après le second siège de Castelnaudary, vers 1222, les croisés ayant été récemment chassés de la contrée, Guilhabert de Castres devenu depuis peu évêque du toulousain, reviendra s’installer à Fanjeaux, preuve de l’importance de la cité pour l’Église interdite. Le bourg aura à ce moment-là, la particularité d’être le lieu de résidence d’un hérésiarque cathare, et le berceau de l’ordre des frères prêcheurs ou dominicains. Il va sans dire que n’ayant plus rien à craindre des troupes d’Amaury de Montfort alors en pleine déconfiture, nombre de Bonnes Dames et de Bonshommes s’empresseront de rouvrir leurs maisons, rendant à Fanjeaux sa place de haut lieu de l’hérésie. Ainsi du bourg reconquis, le catharisme — de par l’action de sa plus éminente personnalité —, Guilhabert de Castres, va rayonner plus grandement encore qu’avant l’arrivée des croisés. Toutefois cela ne durera guère. En 1229, après les croisades royales, le traité de Paris mettra fin à vingt ans de guerre, mais fera alors de la lutte contre l’hérésie, une priorité. En 1232, l’Inquisition devenant plus en plus menaçante obligera l’illustre Guilhabert à se réfugier, définitivement cette fois-ci, à Montségur. En 1233, le nom de Fanjeaux sera lié par le truchement de son bayle, à une étrange et sombre affaire qui se soldera par le bûcher (probablement à Toulouse) de quatre hérétiques revêtus, dont le Fils mineur Jean Cambiaire, arrêtés à Montségur ! Cette même année, sera appréhendé chez un habitant de Fanjeaux, avec trois de ses compagnons, le futur évêque hérétique Bertrand Marty. Une rançon versée au bayle du comte de Toulouse, leur permettra de retrouver la liberté. Trois ans plus tard, puis encore au début de 1242, le castrum recevra la visite de Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry lors de leurs tournées inquisitoriales en Lauragais. Les registres de cette enquête ayant été perdus, nous ne savons rien des interrogatoires menés à ces occasions. Sur cette période, de treize années (1229-1242), sont attestées la présence de plusieurs dizaines de Bonnes Dames et de Bonshommes, la plupart lors de passages, ou de haltes de quelques heures. Cependant quelques-uns, les natifs de Fanjeaux ou des environs, à l’instar du diacre Pierre Bordier, avaient leur résidence peu près permanente dans la cité. Tous ces ministres étaient épaulés par des réseaux clandestins de croyants dévoués, sans qui la résistance à la pression inquisitoriale n’aurait pu durer ; à l’exemple d’un fanjuvéen qui organisa conjointement avec un habitant de Mirepoix, une collecte de dons auprès des croyants de la région, au profit des membres de l’Église albigeoise. C’était le temps où les prêches devaient être donnés et les Consolaments conférés dans le plus grand secret. Malgré tout, cela n’empêchera pas le catharisme de se maintenir à Fanjeaux grâce notamment au concours de la noblesse locale. On compte en Lauragais, sur une quinzaine d’années (1230-1245) — d’après les registres d’Inquisition —, les croyants par centaines, pour plusieurs dizaines de familles distinctes et de rangs variés. De sorte que quelques mois après la chute de Montségur, à Castres, une sentence inquisitoriale condamnera quatorze nobles dont plusieurs étaient de Fanjeaux, à la prison perpétuelle. Par une ironie du sort, Pons Gary, le collègue de l’inquisiteur Ferrer qui mena cette enquête, était lui aussi issu du castrum. Puis dans les années 1250, suite à la répression de plus en plus efficace de l’Inquisition, les rangs des Bonshommes finiront fatalement par se clairsemer. Les fuites en Lombardie, les arrestations, les abjurations, les peines de prison, les bûchers, auront tôt fait de vider le Lauragais et Fanjeaux de leurs hérétiques cathares, croyants et consolés. Comme beaucoup de lauragaises et lauragais, pour échapper à l’Inquisition et pouvoir continuer de croire en la parole des bons chrétiens, des habitants du castrum émigreront en Lombardie. C’est ainsi, que le Bonhomme Guillaume Tournier attestera de la présence de croyants du bourg installés à Crémone. Enfin, l’Inquisition ayant aussi œuvré en Italie, l’Église cathare occitane moribonde, n’est alors plus représentée en cette fin du XIIIème siècle, que par quelques Bonhommes et le Fils majeur Raymond Isarn, possiblement originaire de Fanjeaux, réfugié en Sicile.
Les murs et les ruelles de Fanjeaux sont les témoins des séjours et des passages de grands personnages dans la cité. Aucun autre bourg peut-être, n’aura autant vu d’éminents acteurs du drame cathare en son sein. C’est à ce titre que la visite du village s’impose. C’est l’un des sites majeurs de l’Histoire du catharisme occitan, auquel il faut obligatoirement se rendre.
[1] Les cathares revêtus, c’est-à-dire baptisés par la Consolation (Consolament) peuvent être appelés Bonnes Dames et Bonshommes. L’Inquisition les appelait Parfaites et Parfaits (Perfectus hereticus), c’est-à-dire hérétiques convaincus.
[2] Citation tirée de La canso, récit de la croisade vue du côté occitan.
Le catharisme hors des chemins touristiques traditionnels
Guilhabert de Castres évêque cathare, au Pas de las Portas.
L’exposé qui va suivre comprend deux parties :
1/La localisation du lieu-dit «le Pas de las Portas»
2/Les réponses aux questions que ladite localisation entraine
L’épopée Albigeoise ; la topographie et la toponymie au service de son histoire
Essai de localisation du lieu-dit «le Pas de las Portas» (09)
Intrigué par le fait, révélé lors de mes lectures, qu’aucun auteur n’ait pu situer avec précision le lieu-dit «le Pas de las Portas», je me suis mis en quête d’élucider cette question.
Voici le résultat de mes recherches.
Devant l’impossibilité d’identifier un lieu-dit dont le nom ne figure plus sur les cartes, à savoir «le Pas de las Portas» lié à une étape dans la fuite de l’évêque cathare Guilhabert de Castres à Montségur en 1232, il m’a semblé pertinent de faire appel au tandem Topographie/Toponymie, pour tenter de retrouver ce site. La topographie venant confirmer la toponymie de l’époque et inversement.
Topographie défintion1: 1 Technique du levé des cartes et des plans de terrains. ➙ cartographie.
2 Configuration, relief (d’un lieu, terrain ou pays). Étudier la topographie d’un lieu.
Toponymie définition2:
1 Ensemble des noms de lieux d’une région, d’une langue.
2 Étude des noms de lieux, de leur étymologie
Les causes et première partie du récit de la fuite de Guilhabert de Castres à Montségur
1/ Tout d’abord quelques dates
– 1204-1206, quelques années avant la croisade, l’église cathare du Languedoc, sentant monter la menace, demande la reconstruction du castrum de Montségur à Raymond de Péreille.
– 1209, déclenchement de la croisade contre les albigeois.
– 1211-1219, séjour de Guilhabert de Castres au pog.
– 1229, Le Traité de Paris entérine la défaite de Raymond VII. Le concile de Toulouse instaure l’inquisition épiscopale. Louis IX donne la terre de Mirepoix au Maréchal de la Foi, Guy de Lévis.
– 1232, Mars, concile de Béziers, durcissement de l’inquisition épiscopale.
– 1232, Automne, Guilhabert de Castres et la hiérarchie cathare fait le choix de se réfugier à Montségur.
2/ Contexte
Mars 1232, devant l’échec de l’inquisition épiscopale, qui n’a pas donné les résultats escomptés, un concile sera convoqué à Béziers. Celui-ci rappelera énergiquement à la population du midi, des nobles aux laïcs en passant par les clercs, que tous avaient fait preuve de permissivité et de manque de zèle dans l’application des canons concernant la répression des hérétiques édictés au concile de Toulouse en 1229. Une plus grande détermination et sévérité dans les poursuites seront exigées.
3/ La fuite de Guilhabert de Castres
Automne 1232, ayant constaté l’accuentation de la répression, Guilhabert de Castres, ainsi qu’une partie de la hiérarchie de l’église cathare, prendra la décision de se réfugier à Montségur. De la forêt de Gaja-la-selve (11), lieu de rassemblement des fugitifs, partira un convoi sous escorte, qui, par mesure de sécurité, cheminera de nuit. Après avoir contourné, en catimini, toutes les localités de la terre du Maréchal se trouvant sur son trajet, la petite troupe se présentera au Pas de las Portas.
4/ Les témoignages
Nous disposons de deux témoignages sur le déroulement de l’arrivée de Guilhabert de Castres et des hérésiarques cathares au pog:
Témoignage du sergent Guillaume de Bouan:
«L’évêque des hérétiques, Guilhabert de Castres, manda à Raymond de Péreille de venir à sa rencontre. Raymond de Péreille et moi même, Pierre Vinade, Pairol, Raymond Fabas, Bernard Cogot d’Asella et d’autres dont je ne me souviens pas, nous allâmes donc à la rencontre de ces hérétiques au Pas de las Portas. Nous y avons trouvé Guilhabert de Castres et bien trente hérétiques avec lui. Il y avait aussi avec eux les chevaliers Isarn de Fanjeaux, Raymond-Sans de Rabat, Pierre de Mazerolles et d’autres que je ne connaissais pas, qui les avaient amenés là. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube. Quand ce fut l’aube, les trois chevaliers quittèrent les hérétiques et reprirent leur route. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous conduisîmes Guilhabert de Castres et les autres hérétiques à Montségur et les fîmes entrer dans le castrum, où ils restèrent… »
Témoignage du sergent Bernard de Joucou:
«Une nuit, moi même, Raymond de Péreille, Bertrand de Bardenac, Bertrand du Congost, Guillaume de Bouan, et Bertrand Marty (il s’agit du bayle de Raymond de Péreille), nous sommes sortis du castrum de Montségur et nous sommes allés près de l’église Saint-Quirc au Pas de las Portas. Nous y avons trouvé Isarn de Fanjeaux et Pierre de Mazerolles avec plusieurs de leurs compagnons, dont j’ignore les noms. Ils avaient amené là l’évêque Guilhabert de Castres avec vingt autre hérétiques. Quand Raymond de Péreille eut reçu ces derniers, Isarn de Fanjeaux et Pierre de Mazerolles s’en retournèrent avec leurs compagnons. Raymond de Péreille, moi même et tous ceux avec qui j’étais venu, nous avons adoré les hérétiques, aprés quoi nous les avons escortés et les avons conduits jusqu’à Montségur…»
Les localisations et suite et fin du récit de la fuite de Guilhabert de Castres à Montségur
1/ Localisation de l’église Saint-Quirc ou Saint-Cyr
Saint-Quirc = Saint-Cyr, c’est le même saint. Voici les éléments qui m’ont permis de localiser l’église Saint-Quirc
a/ Un extrait de l’opuscule suivant : Laroque-d’Olmes. Lacour, éditeur, place des Carmes – 25 bd amiral Courbet, Nîmes 1998. 24 pages.
Laroque-d’Olmes était jadis une ville dont la population est portée à dix-huit mille habitants (Berges). Elle était composée de quatre paroisses: Saint-Cyr, Saint-Pierre, Saint-Martin et Notre-Dame-du-Mercadal. On voit encore aujourd’hui des ruines des trois premières; la quatrième a été restaurée. Ré-édition de l’oeuvre originale imprimée fin XIXe siècle. Auteur anonyme.
b/ Un extrait du site internet suivant : http://laroquedolmes.com/lesfermeslaroque.pdf
À la page 2 : 25 – chemin de Saint-Cyr ou Saint-Quirc dit «le chemin des moulins battants» actuellement rue Denis Papin longeant le Bézal.
c/ La carte par Sylvane Pomiès sur le site : https://www.pyreneescathares-patrimoine.fr/laroque_dolmes.php? commune_id=5&ccPath=45&cbox_id=74
Sur le chemin de Saint-Cyr ou Saint-Quirc «dit le chemin des moulins battants» actuellement rue Denis Papin, on peut voir ce que j’ai identifié, après recoupement des informations, comme l’ancienne église Saint-Quirc à Laroque-d’Olmes. Photos n°1 et 2.
Il est à noter que je n’ai pas trouvé d’autre église Saint-Quirc ou Saint-Cyr, dans le Pays d’Olmes.
2/ Localisation du Pas de las Portas
Revenons un instant vers les témoignages. Nous constatons que si les deux sergents citent un lieu-dit appelé le Pas de las Portas, seul Bernard de Joucou nous dit: «nous sommes sortis du castrum de Montségur et nous sommes allés près de l’église Saint-Quirc au Pas de las Portas.»
C’est bien sur lui qui nous met sur la piste…
Et nous pouvons voir sur la carte IGN classique du site internet Géoportail, qu’il existe un lieu actuellement appelé l’Entounadou (en français l’entonnoir), au sud de Laroque-d’Olmes. C’est un passage entre deux montagnes au milieu duquel coule le Touyre, et passe aujourd’hui la D625. Nous sommes devant un Pas.
Définition de Pas3 : Passage étroit et difficile dans une vallée, dans une montagne. Ou selon une expression plus imagée, une Porte.
Mais les sergents nous parlent d’un lieu appelé «le Pas de las Portas». Pas de las Portas = seuil DES PorteS.
Poursuivons notre reconnaissance en prenant la direction de Montségur par la D625, nous arrivons alors à environ 3 kms du premier seuil, à une seconde Porte, le Pas de Lavelanet.
Nous sommes donc, sur une courte distance, en présence de deux Portes.
Nos ancêtres qui n’avaient pas manqué de remarquer cette particularité topographique, avaient donc appelé, tout naturellement pourrait-on dire, le Pas se situant au sud de Laroque-d’Olmes, près de l’église Saint-Quirc, «le Pas de las Portas», ou en français le seuil des Portes.
3/ Le Pas de Lavelanet
Le Pas de Lavelanet à, pour caractéristique, d’être singulièrement étroit, environ 150m à l’endroit le plus resserré (mesuré sur le site internet Géoportail) et encore faut-il retrancher de cet espace entre les bases des montagnes formant la porte, la largeur du cours du Touyre (couvert sur environ 200 mètres au début des années 50, c’est aujourd’hui, l’esplanade ou l’espace de la Concorde), ne laissant, que quelques dizaines de mètres entre celui-ci et le castrum, pour permettre la circulation.
C’est un goulet sur le trajet le plus direct pour se rendre en haut Pays d’Olmes. Ne pas l’emprunter condamne à un long détour, d’où son importance. C’est pourquoi, avant la croisade, il était surveillé et commandé par un château.
Selon une étude de J.J. Pétris4, la ville de Lavelanet naîtra au pied d’un château fort appelé «Castelsarrasin» ayant appartenu au comte de Foix (détruit en 1212 par les croisés de Simon de Montfort, reconstruit à la Renaissance).
Toutefois malgré l’absence d’un château en 1232, on ne voit aucune raison à ce qu’il n’y ait pas eu, sur place, une garnison du Maréchal Guy de Lévis, pour contrôler ce lieu stratégique.
4/ La demande de Guilhabert de Castres
Nous savons que Guilhabert de Castres, a résidé à Montségur entre 1211-1219, peut-être a-t-il fait, au cours de ce séjour, plusieurs allers-retours entre le pog et diverses destinations ? Toujours est-il qu’il avait connaissance, pour l’avoir traversé au moins deux fois (à l’aller en 1211 et au retour donc en 1219), de la particularité du passage de Lavelanet.
En considérant tous les éléments évoqués plus haut, est-il impossible de penser que l’évêque cathare ait demandé à Raymond de Péreille de venir le rejoindre au Pas de las Portas, afin qu’il l’aide à passer le dangereux goulet de Lavelanet ?
Évidemment non.
5/ L’arrêt à Massabrac et l’arrivée à destination
L’obstacle de Lavelanet éludé, c’est alors l’heure d’un contre-temps sans conséquences…
Extrait du témoignage du sergent Guillaume de Bouan: «Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube.»
Après prospection photographique, toujours au moyen du site internet Géoportail, il me semble possible d’avancer raisonnablement que le castrum de Massabrac est aujourd’hui, le domaine de Bigot, sur le territoire de la commune de Bénaix (09).
Cependant…
On sait que cet ancien castrum se situe sur le territoire actuel de Bénaix, mais les données actuelles ne nous permettent pas de le situer exactement. En effet, plusieurs endroits sur la commune comprennent aujourd’hui des vestiges de murs. C’est notamment le cas des lieux-dits Bigot (propriété privée) et la Tour, près de Mandrau5.
Enfin l’arrivée au pog, toujours selon le sergent de Bouan:
«Quand ce fut l’aube, les trois chevaliers quittèrent les hérétiques et reprirent leur route. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous conduisîmes Guilhabert de Castres et les autres hérétiques à Montségur et les fîmes entrer dans le castrum, où ils restèrent».
Conclusion
1/ Nous constatons que les pièces du puzzle s’imbriquent parfaitement.
2/ Cette imbrication nous permet d’affirmer que :
a/ L’église Saint-Quirc de Laroque-d’Olmes est bien celle citée dans le témoignage du sergent Bernard de Joucou.
b/ «Le Pas de las Portas» se situe au lieu-dit appelé aujourd’hui l’Entounadou (l’entonnoir) à Laroque-d’Olmes/Dreuilhe.
c/ Guilhabert de Castres à demandé l’aide de Raymond de Péreille, afin de franchir ou d’éviter le Pas (ou la Porte) de Lavelanet.
Mais par où sont-ils donc passés ?
Tout d’abord, il faut rappeller la difficulté presqu’insurmontable de retrouver les chemins et autres sentiers du moyen-âge. Hormis le fait que certains ont «toujours» existé, car «évidents», beaucoup ont disparus. Il est moins ici question de retrouver leurs tracés que d’indiquer une «possibilité».
Les alternatives, pour se rendre du Pas de las Portas à Montségur sont:…
Le chemin de crête
Le chemin de crête du cirque de Dreuilhe/Lavelanet, menant de Laroque-d’Olmes à Lavelanet. Les cavaliers venant de Gaja (-la-selve 11) arrivent en toute logique, après avoir évité Mirepoix, Labastide de Bousignac et Laroque-d’Olmes, du côté Est du Pas de las Portas.Pour emprunter le chemin de crête du cirque, ils doivent donc traverser le Touyre et monter par la pointe de la montagne côté Ouest du Pas de la Portas (ou de l’Entounadou). Après avoir parcouru le chemin de crête bordant le cirque, en passant par les lieux-dits Coulassou, l’Oustalet, près de Tarthie, au cap de Coume, et sur la Soula de Bensa, le convoi arrive à la chapelle de Sainte-Ruffine (IXème siècle) se trouvant sur la hauteur Ouest du Pas Lavelanet. Il ne lui reste plus alors pour descendre qu’à suivre le chemin desservant ladite chapelle. Mais arrivée au pied de la montagne, au delà du Pas certes, mais quand même assez près du castrum, la troupe se trouve toujours du côté Ouest du Touyre. Elle est donc obligée de traverser une deuxième fois la rivière pour aller prendre le chemin de Montségur.
On conviendra que ce n’est pas le trajet le plus aisé ni le plus évident, pour éviter Lavelanet, d’autant plus, je le rappelle, qu’il s’effectue de nuit.
Même si ce sentier existait à l’époque, je pense que l’on peut raisonnablement écarter l’idée, que l’escorte de Guilhabert de Castres ait pu l’emprunter.
La traversée de Lavelanet
On pourrait imaginer la traversée de Lavelanet, avec l’aide de complices dans la garnison de la place. Cependant, on peut argumenter avec justesse que l’opération aurait été trop longue et compliquée à monter en si peu de temps. Je rappelle que Guilhabert de Castres et ses compagnons étaient en fuite ou tout du moins effectuaient un départ précipité exigé par le contexte que l’on sait. Cette éventualité est, je crois, à mettre également de côté.
L’itinéraire qui mène du Pas de las Portas au plateau de Massabrac via L’Aiguillon
C’est le chemin le plus probant, celui qui semble offrir le moins de difficultés et être le plus sûr. Selon moi la colonne conduite par Raymond de Péreille est passée à l’Est de Dreuilhe et à emprunté (actuellement) le GR du Pays d’Olmes (allant de Dreuilhe à Ivry-sur-l’Hers) qu’elle va abandonner à peu près à mi-distance, pour «descendre» (en passant au ou près du hameau de Canterugue ? existait-il à l’époque ?) par de petits sentiers vers Lesparrou. Puis de cette localité par un des chemins longeant les rives de l’Hers, soit par (actuellement) la D16 [rive gauche] ou par (aujourd’hui) le GR 7 B [rive droite] gagner le village de l’Aiguillon.
L’Aiguillon (381 habitants en 2020) n’ayant pas l’importance de Lavelanet ne devait très certainement pas être surveillé. Les moyens financiers de Guy de Lévis ne lui permettaient probablement pas d’entretenir une garnison, si petite soit-elle, dans chacune ou dans une majorité de localités de son territoire (qui en comprenait 79). De l’Aiguillon la petite troupe va alors suivre ou continuer sur le GR 7 B passant par le Pas de l’Écluse (ici pas de voie navigable, pas de canal)6, pour aboutir au Nord-Est du plateau de Massabrac (Bénaix n’existait pas encore [cité au début du XIVème siècle]) au pied du Pog. Là, arrivés sur le plateau, alors que le convoi allait prendre le chemin pour se rendre à destination, le sergent Guillaume de Bouan nous dit: «Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube.». Le diable se cache dans les détails, dans l’emploi de «nous allâmes – jusqu’à – Massabrac», ne peut-on voir l’expression d’un écart du chemin qu’avait prévu de prendre le guide ?. Le domaine agricole dont le nom actuel est Bigot se trouvant à l’Ouest du plateau, au-delà de deux sentiers montant à Montségur, ne peut donc être que le castrum de Massabrac.
La distance et le temps…
Nous savons que le convoi est parti des environs de Gaja (-la-selve [11]) pour arriver au castrum de Massabrac et que le trajet s’est effectué au mois d’octobre, à cheval et de nuit. À partir de ces éléments on va pouvoir calculer la distance et le temps pour la parcourir. À l’aide de l’instrument de mesure du site Géoportail de l’IGN (Institut Géographique National) j’ai pu relever les distances (en ligne droite et arrondies au kilométrage supérieur) suivantes:
Gaja-la-selve – Queille = 20Kms, Queille – Le Pas de las Portas = 9 Kms, Le Pas de las Portas – Lesparrou = 5 kms, Lesparrou – L’Aiguillon = 2 Kms, L’Aiguillon – Bénaix = 4 Kms, Bénaix – Bigot/Massabrac = 2 Kms : Total: 42 Kms.
Je pense qu’il faut ajouter à ce résultat 21Kms (la moitié de la somme) en détours et sinuosités pour obtenir un kilométrage plus réaliste du parcours. Ce qui nous donne 42 + 21 = 63 Kms. L’allure au pas d’un cheval, généralement admise, est de 7 Kms/heure. Le trajet s’étant effectué de nuit, j’abaisserai celle-ci à 6 Kms/heure. Ce qui nous donne 63 Kms : 6 Kms/heure = 10,5, soit 10h30. Parti aux environs de 18 heures, voire plus tôt, de la forêt de Gaja-la-selve (la nuit tombe assez tôt au mois d’octobre – le trajet s’est-il effectué au début ou à la fin du mois ?) le convoi a dû arriver, à Massabrac, aux alentours de 4h30 du matin, soit avant le lever du jour.
Ce qui est confirmé par le témoignage du sergent Guillaume de Bouan qui nous dit:
«Et ils y restèrent [les chevaliers] avec lui [Guilhabert de Castres] jusqu’à l’aube.».
L’itinéraire Gaja-Massabrac par le Pas de las Portas, l’Aiguillon et le Pas de l’Ecluse peut donc être parcouru à cheval dans l’espace d’une nuit.
Ensuite…
Il est à noter que l’itinéraire partant de Montségur et passant par le Pas de l’Écluse, l’Aiguillon, Lesparrou (et au-delà), sera celui suivi après 1232 par les Bons Hommes qui se rendaient, ou revenaient de tournées pastorales, en Lauragais.
Il comportait deux étapes: Queille (qui se situe au nord de Léran) et Gaja (-la-selve [11]).
Michel Roquebert nous dit à leur sujet: «Il faut dire que Gaja-ses maisons, mais aussi sa grande forêt, est avec Queille plus au sud, l’un des deux relais obligés entre le Lauragais et Montségur.» [Histoire des Cathares, éditions Perrin, collection tempus, 2002, page 361.].
Voilà bien l’indication que le Pas de l’Ecluse, l’Aiguillon, Lesparrou, la Bastide-sur-l’Hers, n’étaient pas surveillés, et donc à contrario que Lavelanet, lui, l’était. Sinon pourquoi les bons hommes auraient-ils suivi ce trajet ? Et si Lavelanet n’avait pas été surveillée, après l’avoir traversée, pourquoi passer par Queille plutôt que de continuer sur l’axe classique Lavelanet-Mirepoix ? Ce qui amène à la déduction suivante: le chemin qu’empruntaient les bons hommes depuis 1232, fut, et ce pour la même raison, celui suivi, une décennie plus tard, jusqu’à Gaja à l’aller et depuis Mirepoix au retour, par le commando de Montségur lors de l’expédition punitive dirigée contre le tribunal de l’inquisition alors à Avignonet-Lauragais (31).
Conclusion
La surveillance du Pas de Lavelanet est l’élément déterminant qui permet d’avancer que:
Le contournement de Lavelanet, depuis le Pas de las Portas par l’Aiguillon, et le Pas de l’Ecluse est bien l’option que choisit l’escorte de Guilhabert de Castres, parce qu’elle est la plus plausible.
Le résultat du calcul du temps mis pour effectuer la totalité du trajet confirme la possibilité du fait.
L’itinéraire suivit en 1242, par le commando de Montségur pour aller commettre son forfait, ne peut être que celui pris invariablement depuis dix ans par les bonshommes pour se rendre en Lauragais et en revenir, car c’est le seul possible.
1 – https://dictionnaire.lerobert.com/definition/topographie 2 – https://dictionnaire.lerobert.com/definition/toponymie 3 – https://www.littre.org/ 4 – https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2F www.histariege.com%2Flavelanet.htm%23Approches%2520historiques#federation=archive.wikiwix.com&tab=url 5 – https://www.pyreneescathares-patrimoine.fr/benaix.php?commune_id=5&ccPath=33&cbox_id=39 6 – Pas de l’écluse est le toponyme déformé du Pas de la cluse : coupure encaissée perpendiculaire, dans une chaîne de montagnes. (Dictionnaire le Robert.)
Laurac, est une petite commune du Nord-Ouest du département de l’Aude. Elle se trouve en bordure de la vaste plaine du Sud-Ouest toulousain, sur le flanc sud d’une des premières collines de la micro-région de la Piège. C’était au Moyen-Âge un important castrum, capitale jusqu’au XIVème siècle de la région à laquelle elle a donné son nom, le Lauragais. Au cours des XIIème et XIIIème siècles, le castrum a été un haut lieu du catharisme.Read more
Castelnaudary, est une petite ville située au Nord-Ouest du département de l’Aude. On la considère depuis le XIVème siècle, à la suite de Laurac (-le-Grand [11]), comme la capitale du Lauragais. Elle se trouve au cœur de la vaste plaine du Sud-Est du Toulousain, entre les premiers contreforts de la Montagne Noire, et les collines de la Piège ; c’est un carrefour sur les axes Toulouse-Carcassonne, et Tarn-Ariège. Au cours du Moyen-âge, elle a été, comme toutes les localités alentour, un important foyer du catharisme, où de marquants évènements se sont déroulés lors de la fameuse « affaire Albigeoise » (1208-1329).
En 1211, pour éviter qu’elle ne serve de base et d’étape aux troupes croisées, la ville sera évacuée puis incendiée par Raymond VI qui tentera ainsi de freiner l’avance de l’ost catholique vers Toulouse. Cependant, Simon de Montfort, mesurant la valeur stratégique du bourg, s’emparera de celui-ci et en fera réédifier les murs afin d’y établir une garnison. À la fin de l’été de la même année, suite à l’échec, fin juillet, du siège de Toulouse par l’armée francilienne, la coalition occitane passera à la contre-attaque. Ce faisant elle viendra faire le siège de Castelnaudary où ses troupes et machines de guerre camperont en un lieu (aujourd’hui le quartier Mauléon) non loin du castrum ; ce dernier était alors occupé par la garnison de la place et les soldats croisés qui avaient abandonné Montferrand (11). La population de la cité, quant à elle, devant le danger, préfèrera fuir la ville et rejoindra l’armada languedocienne. Simon de Montfort, depuis Carcassonne, voulant en découdre au plus vite, fit route à marche forcée vers la ville qui subissait un vague blocus, et n’était pas, faute de plan de la part des occitans, réellement attaquée. Le comte français, dans l’attente de secours qu’il avait envoyé mander, décida, par choix tactique, de s’y laisser enfermer. Commença dès lors une guerre de positions. À la nouvelle que le comte de Monfort était, pensait-on, emprisonné dans le castrum assiégé, toute la région environnante se souleva et se libéra (pour quelques mois cependant) du joug des croisés. C’est alors que les renforts arrivant de Lavaur (81), seront interceptés par le comte de Foix. La bataille eut lieu (aujourd’hui signalée par un panneau didactique) entre les communes de Saint-Martin-Lalande (11) et Lasbordes (11), à quelques kilomètres de la cité chaurienne. Tournant dans un premier temps à l’avantage des coalisés, elle s’achèvera, après une intervention de chevaliers menés par l’intrépide chef catholique venus à la rescousse du convoi, sans vainqueur, ni vaincu. Presqu’aussitôt le comte de Toulouse, mettra un terme au siège, et par là même, à la contre-offensive qui l’avait amené sous les murs de la cité lauragaise, laissant ainsi Montfort maître de la place. Presque deux ans plus tard, Castelnaudary sera l’écrin d’un événement d’importance pour la famille de Monfort. Selon son souhait Amaury, son fils, y sera armé chevalier. Sous une grande tente dressée sur une vaste prairie qui s’étendait aux pieds des remparts regardant les Pyrénées (aujourd’hui, le grand bassin du Canal du Midi), le fils sera adoubé par son père le 24 juin 1213, jour de la Saint-Jean. Mais Amaury et Simon ne chevaucheront que peu d’années ensemble. Le 25 juin 1218 le chef de l’ost croisé sera tué au siège de Toulouse, laissant Amaury désemparé, et désormais chargé de la préservation des terres conquises ainsi que de la poursuite de la croisade contre les cathares. Cependant depuis 1216, les temps ont changé, les possessions des Montfort sont contestées par le jeune Raymond VII qui combat pour récupérer les domaines de ces ancêtres. C’est dans ce contexte de reconquista qu’au printemps 1220, ce dernier marche sur Castelnaudary et l’investit. Amaury de Montfort va réagir en venant assiéger la cité, dont il s’était auparavant retiré. et dans laquelle se trouve de nombreux hérétiques (chrétiens cathares) qui s’y étaient réinstallés. Parmi eux se trouvaient le célèbre hérésiarque (évêque cathare) Guilhabert de Castres, et le diacre du Sabarthès, Raymond Agulher, qui seront évacués par des chevaliers croyants, au vu du risque encouru pour l’Église cathare s’ils venaient à être capturés. Au cours d’un des combats, qui n’ont pas manqué d’émailler ces huit mois de siège, fut mortellement blessé le chevalier et croyant cathare Raymond de Roqueville, qui recevra le consolament des mourants (baptême cathare) par deux parfaits (chrétiens consolés) accourus à sa demande. En février 1221, de guerre lasse, Amaury lèvera le camp, pour se replier à nouveau sur Carcassonne. Cinq années passèrent. En 1226, le roi Louis VIII, décidant de rentrer à Paris, après avoir renoncé à prendre Toulouse, fit halte à Castelnaudary. Le bayle du comte de Toulouse d’alors, Pierre Marty, qui avait défendu la place lors du siège d’Amaury de Montfort, prit de panique, demandera l’asile à Bernard-Othon de Niort, qui le cachera quelques jours à Laurac, puis au donjon de Besplas. Il y rejoindra Guilhabert de Castres et quelques parfaits qui s’étaient cachés là dès l’annonce de l’arrivée de la croisade royale. Puis la guerre contre les Albigeois se terminera en 1229 par la signature du traité de Paris. Les clauses de celui-ci prévoyaient la démilitarisation du comté de Toulouse. Certaines de ses places fortes devaient être démantelées, les autres, dont Castelnaudary, devaient être neutralisées. Pour son compte, la cité chaurienne sera occupée par des troupes royales pendant dix ans. Dix-huit mois plus tard la ville servira cette fois de lieu d’entrevue entre l’évêque de Tournai, Gauthier de Marnis et Raymond VII. Le nouveau légat du pape Honorius III, y rappellera pour lors fermement au comte de Toulouse ses manquements dans l’observance les modalités, concernant la lutte contre les hérétiques, du traité qu’il avait pourtant signé quelques mois plus tôt. L’année 1233, suite à l’échec de l’Inquisition épiscopale établie en 1229, verra l’instauration de l’Inquisition papale confiée aux ordres mineurs. C’est au cours de leur tournée inquisitoriale en Lauragais, en janvier 1242, que les frères Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry, s’arrêteront à Castelnaudary. Ils se trouveront devant un véritable mur du silence de la part de la noblesse locale, qui avait pour s’assurer le mutisme de la population, lancé des menaces de mort à l’encontre de tout éventuel délateur qui serait démasqué. Malgré l’assassinat des inquisiteurs à Avignonet (28 mai 1242), Castelnaudary sera le théâtre, à Pâques 1243, du bûcher, sur condamnation de frère Ferrer, d’un homme et de son petit-fils, deux hérétiques cathares de Montgaillard (31). Cependant, la ville et la région ne comptaient pas seulement que des hérétiques ; l’inquisiteur Hugues Amiel, qui officia dans la seconde moitié du XIIIème siècle, était lui aussi natif du bourg. Enfin le nom de Castelnaudary apparaîtra une dernière fois dans « l’affaire Albigeoise ». En 1319, une partie du procès du révolté moine franscicain Bernard Délicieux, accusé d’avoir soulevé le peuple contre l’Inquisition au cours de « la rage carcassonnaise », se tiendra dans la future capitale du Lauragais…
Dans une tournée du Catharisme en Lauragais, Castelnaudary est une étape importante. Il faut pour ressentir l’ambiance qui régnait entre ses murs avant la croisade, se promener dans le quartier de la Baffe, où se trouvaient les ateliers tenus par les bons-hommes tisserands (métier de prédilection des cathares revêtus), qui dispensaient, tout en travaillant, l’enseignement de la « nouvelle » croyance. Puis votre déambulation dans la vieille ville, vous mènera peut-être près de l’endroit où la noble et célèbre bonne-femme Blanche de Laurac (11) administrait en personne une maison hérétique dans laquelle des novices féminines se préparaient à recevoir, au bout d’un long cheminement spirituel, le consolament d’ordination. Au contraire, se balader du côté du Présidial, c’est flâner où se dressait le château médiéval, c’est alors imaginer la fièvre, l’âpreté et la violence des sièges et des combats. Avoir aperçu les vestiges des remparts, c’est avoir eu la vision des affrontements et des assauts où tant d’occitans se battirent pour la défense de leur liberté, de leurs terres, de leur civilisation… mais aussi, pour certains, de leur foi.
Le bassin du port est le second en taille, après le lac de Saint-Ferréol, qui assure le niveau d’approvisionnement du canal du Midi. Vous pourrez y louer des pénichettes sans permis pour une promenade au rythme de l’eau, non sans avoir auparavant dégusté le cassoulet, dont la cité chaurienne considère qu’elle en est la créatrice.
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