Les Cassés

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Les Cassés

Les Cassés est une commune se situant au nord-ouest du département de l’Aude, au cœur de la région appelée le Lauragais.

Au Moyen-Âge c’était un castrum, qui se ne trouvait pas où s’est fixé le village actuel, mais au sud-est de celui-ci, (en un lieu aujourd’hui appelé le Fort) en bordure d’un plateau dominant la campagne lauragaise, face à la terminaison occidentale de la Montagne Noire. On pourrait comparer son implantation à celle du castrum voisin (3,2 Kms au nord-est, à vol d’oiseau) de Saint-Félix-Lauragais situé au bord de ce même plateau. Comme la plupart des bourgs de la région, au XIIème et XIIIème siècles, Les Cassés a été un bastion du catharisme.

À la fin du XIIème siècle, la famille de la noblesse rurale des Roqueville, compte parmi elle une bonne dame, Alazaïs, mère des seigneurs des Cassés d’alors. Preuve de l’enracinement de l’hérésie albigeoise dans les familles nobles lauragaises en ce temps-là. Cette nouvelle spiritualité devenant un danger pour l’Église catholique romaine, celle-ci fera appel à une croisade pour l’éradiquer. C’est la croisade contre les albigeois (ou cathares) qui va se déchaîner contre le midi à partir de 1209. Au printemps 1211, pour venger le massacre de croisés allemands (attendus en renforts au siège de Lavaur) à Montgey, Simon de Montfort, chef de l’ost catholique, va conduire, après la chute de la cité tarnaise, une opération punitive à l’encontre des seigneurs de la contrée qui avaient appuyé la tuerie. Le château de Montgey fut pris sans coups férir, puis rasé, son propriétaire l’ayant abandonné, et Puylaurens, dont le seigneur avait pris la fuite, fera sa soumission sans avoir offert d’opposition. Seul Les Cassés, qui voulut résister fera l’objet d’un siège qui se soldera par sa rapide capitulation. La population, défenseurs compris, eurent la vie sauve, excepté les soixante bons hommes et bonnes femmes (dont la mère des seigneurs de la place), réfugiés dans le castrum, qui seront immédiatement brûlés avec « grande joie » selon le moine chroniqueur Pierre des Vaux de Cernay. Cela n’empêchera pas, quelques mois après, aux habitants du village, dès l’annonce du siège de Castelnaudary (dans lequel Montfort s’était laissé enfermer par ruse), de se révolter et de chasser, à l’instar d’autres localités de la région, la garnison française qui l’occupait. Cependant, au printemps 1212, les renforts reçus par l’ost croisé, donneront la possibilité à celui-ci de reprendre promptement et aisément, Les Cassés et les bourgs alentours. Bien des années passent sans évènements marquants pour le castrum. Entre 1226 et 1229, un croyant cathare de Toulouse du nom d’Arnaud Rougier, loua une maison à des hérétiques et croyants fuyant Les Cassés et Avignonet ; il prendra, quelques quinze ans plus tard, la succession de l’évêque Bertrand Marty, mort sur le bûcher du 16 mars 1244 à Montségur. En 1229, à la nouvelle de la signature du traité de paix de Paris et de l’instauration de l’inquisition épiscopale, l’évêque cathare du toulousain Guilhabert de Castres préférant s’éloigner du Lauragais, trop proche de la capitale raymondine, se fera escorter par le seigneur des Cassés, Raymond de Roqueville, lors de sa fuite vers le château d’Albédun, dans le Razès. Signe, s’il en est, de l’implication profonde et constante, malgré les épreuves, de la famille seigneuriale de la place, dans le catharisme. Puis, l’inquisition épicopale ayant montré ses limites, les tribunaux inquisitoriaux seront confiés en 1233 aux frères prêcheurs (ou dominicains). La pression exercée par la nouvelle institution ne va pas tarder à produire ses premiers effets ; vers la fin de l’hiver 1234-1235 une dénonciation permit d’arrêter sept bons hommes qui se cachaient dans le castrum. Identifié, le délateur sera assassiné. À la fin 1241 lors de l’étape aux Cassés de la grande tournée d’inquisition en Lauragais des frères Guillaume Arnaud et Etienne de Saint-Thibéry, les seigneurs Raymond et Bernard de Roqueville, imposèrent la loi du silence à la population. Pour n’avoir pas voulu répondre également, plus tard, à l’inquisiteur Bernard de Caux, ils seront condamnés à la prison perpétuelle. Entrés en clandestinité, après avoir refusé d’effectuer leur peine et avoir été saisis de leurs biens, ils partiront se faire ordonner en Lombardie. C’est alors que l’hérétique Raymond du Mas (Saintes-Puelles aujourd’hui), descendu de Montségur avec le rang de diacre, exercera son ministère dans le Vielmorès ainsi que dans la zone des Cassés, Cambiac, Caragoudes, Les Touzeilles, avant de partir, comme beaucoup, pour le refuge italien. Toutefois, l’Église interdite n’abandonnant pas ses croyants, ce sera au tour de l’hérétique Hugues Domergues, envoyé du pog pyrénéen tout juste avant le bûcher, de venir prêcher et consoler dans les environs du castrum, mais pour une poignée d’années seulement ; il sera capturé à l’orée des années 1250. Néanmoins, si la résistance à l’Inquisition est grande en ce coin de Lauragais, sur les quatorze parfaits attestés aux Cassés aux alentours de 1244 ; il n’en reste plus que sept aux environs de 1250. Toujours en 1250, ou 1251, le castrum verra le passage de Raymond Mercier, natif et diacre du village voisin de Montmaur, avant son départ, lui aussi, pour les terres lombardes. Puis aux alentours de l’an 1258, les frères et parfaits Ainard, qui officiaient dans les parages du bourg, décideront, au regard du danger, de suspendre leur carrière et prendront le chemin de l’exil lombard ; ce sera la dernière fois que l’on verra des hérétiques Cathares dans ce secteur du Lauragais. Enfin en 1333, le catharisme, étant depuis peu, mais définitivement éradiqué (le bûcher des derniers croyants cathares connus sera dressé en 1329 à Carcassonne), l’Église catholique réaffirmera son hégémonie en fondant (conjointement avec Marguerite de l’Isle vicomtesse de Caraman), un monastère de bénédictines (qui suivra la règle des Clarisses par la suite) aux Cassés, haut lieu du catharisme en terres lauragaises, épicentre de l’hérésie Albigeoise.

Depuis 2011, un mémorial cathare est érigé sur le site même du castrum des Cassés des XIIème et XIIIème siècles. Ce n’est pas un hasard ! Le village a été, comme on vient de le voir, un des fiefs du catharisme en Lauragais et eut à subir un des bûchers de la croisade (avec Minerve et Lavaur). Outre la vue que l’on a sur le sillon lauragais depuis l’emplacement du castrum, se rendre sur le lieu même où furent brûlés une soixantaine de bons hommes et bonnes femmes est une expérience émotionnellement parlante qu’il ne faut pas manquer !

© Bruno Joulia 2023

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