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Dimanche de la Pentecôte

4-4-Année liturgique
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Lecture des textes de la liturgie catholique

Comme chaque Dimanche et pour les principales fêtes catholiques, je reprends la tradition cathare qui consistait en l’analyse des textes de la messe catholique et leur compréhension du point de vue cathare. Il n’y a là nulle intention malveillante mais un simple exercice de style visant à montrer que la compréhension des textes est aussi affaire de doctrine.Read more

Benoist, bougres de Mur-de-Barrez

5-1-Histoire du catharisme
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EXTRAIT INÉDIT DE BENOIST SUR LES BOUGRES DU MUR-DE-BARREZ EN 1211

Dans son Histoire des Albigeois et des Vaudois ou Barbets édité en 1691, Jean Benoist produit un court extrait d’un document inédit. Ce très court extrait « …que tous les Historiens n’ont point rapportées… » , expose la doctrine des « hérétiques bulgares » qui sévissaient à Mur-de-Barrez du temps de la croisade des Albigeois, en 1211 précisément. Il s’agit sans aucun doute possible de nos cathares, ceux qu’on nomma bougres. Il est curieux que cet extrait n’ait, depuis, attiré l’attention de quiconque. Personne ne s’est soucié de faire des recherches sur la pièce dont parle Jean Benoist ni de tirer un quelconque profit de l’extrait produit par ce dernier.

Dans son ouvrage, aux pages 39-41, Jean Benoist explique que la comtesse d’Auberoque lui remit un « titre » daté de 1375 qu’elle avait trouvé en son château de Tinnières. À ce que nous déduisons des propos de Benoist, ce document contenait les pièces d’un procès qui s’était tenu sous le règne de Charles V entre Bernard, comte de Rodez, et le comte d’Auberoque. Parmi ces pièces il y avait, entre autres, des lettres de Philippe Auguste. Le motif du procès portait sur des droits que le comte d’Auberoque disait posséder à Rodez et à Mur-de-Barrez. Il attestait que les seigneurs de Tinnières étaient les descendant d’un certain Jean de Beaumont, baron de Tinnieres, et que celui-ci avait pris le parti de Simon de Monfort du temps de la croisade des Albigeois. Il avait d’ailleurs rendu « …de grands services à l’Eglise dans le Païs de Roüergue. ». Il avait « …chassé les Bulgares de la Cité de Mur du Barroy… » et avait taillé « …en pieces les Albigeois, qui etoient venus pour se rendre maîtres de Rhodez »». Or, Jean Benoist repéra dans les liasses qu’il avait sous les yeux un court extrait qui se rapportait à la doctrine des « hérétiques bulgares » en question. L’extrait qu’il produit est à première vue déroutant parce que la doctrine exposée ne se retrouve pas telle qu’elle nous est habituellement connue mais elle ne la contredit nullement. Bien au contraire, « l’hérésie » dénoncée s’insère parfaitement dans ce que nous connaissons du catharisme. Tous les sacrements catholiques sont réfutés au motif qu’ils avaient été annulés par le don du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte. Ces « hérétiques bulgares » prêchaient par ailleurs « un Dieu seulement bon et non juste ». Un témoignage capital qui conforte ce que nos modestes travaux ne cessent de démontrer. Les cathares étaient les lointains descendant de la chrétienté qui se rangea derrière Marcion de Sinope en 144.

L’Église de Marcion fut une grande Église, la première à se constituer de manière organisée. C’est elle qui est à l’origine du Nouveau Testament. Marcion avait collationné les tous premiers écrits chrétiens pour constituer un corpus assuré de l’Évangile, à savoir le récit que Silas, un compagnon de l’apôtre Paul, avait écrit sur Jésus et les débuts de la communauté chrétienne, ainsi que les épîtres – les courriers – que l’apôtre Paul avait adressées aux premières assemblées. Marcion opposait ainsi un livre nouveau à celui de la Torah pour démontrer combien l’Évangile avait été détourné par ceux qui voulaient l’insérer dans le fil du judaïsme. C’est le génie théologique de Marcion qui lança le slogan de son Église : le dieu de Moïse est un dieu juste et non un dieu bon. Ce sont les antithèses de Marcion, opposant l’Évangile et la Torah, qui ont édifié ce christianisme si singulier dont nous voyons l’aboutissement chez les cathares médiévaux.

Cette chrétienté que Marcion a fédérée en Église constituée a été persécutée à mort par celle que Constantin mit au pouvoir à partir du IVe siècle. C’est d’ailleurs lui qui interdit formellement le « culte marcionite… », aussi bien public que privé[1]. Au fil du temps, la répression réduisit comme peau de chagrin cette chrétienté dont Justin disait en son temps, rageusement, qu’elle s’était répandue « … à travers le monde »[2]. Cependant, les coups ne tardèrent pas à la faire presque entièrement disparaître. C’est par village entier, à la pointe des glaives des légionnaires, qu’on procéda à la conversion de ces chrétiens nommés alors marcionites. C’est ainsi que Théodoret, l’évêque de Cyr, put se glorifier fort ironiquement d’avoir « amené à la vérité pour leur grande joie huit bourgs infestées par l’erreur de Marcion, ainsi que les régions avoisinantes »3. Des communautés marcionites parvinrent toutefois à se maintenir dans la clandestinité en ses foyers, là même où le christianisme était né : en Syrie, en Asie mineure et sans nul doute en Macédoine. Il faut tout de même rappeler que c’est là que l’apôtre Paul jeta toutes ses forces pour enraciner l’Évangile loin des « faux frères »[3] qui s’acharnaient à renverser les assemblées qu’il avait fondées et qui contrebattaient l’Évangile qu’il avait reçu du « Seigneur » lui-même[4]. N’oublions pas non plus qu’Aristarque, le Macédonien de Thessalonique, fut le compagnon le plus dévoué de l’apôtre Paul[5]. Mais il n’était évidemment pas le seul Macédonien à entourer l’apôtre Paul, il faut encore citer Secundus7, Gaius[6] et Sopatros[7]. Il est clair que la Macédoine fut le foyer privilégié des premiers chrétiens et que les Macédoniens furent le fer de lance du christianisme naissant. C’est aussi eux qui tinrent fermement l’Évangile prêché par l’apôtre Paul, celui-là même que Marcion revendiqua et porta aux nues. Faut-il alors s’étonner que des « hérétiques » soient mentionnés en Macédoine au Ve siècle qui se nommaient « eux-mêmes cathares, c’est-à-dire purs »[8] ? Purs au sens de vrais et bons chrétiens évidemment. Cela ne confirme-t-il pas ce que disaient les « hérétiques » entendus par Evervin quand ils disaient que leur « hérésie était demeurée cachée jusqu’à nos jours depuis le temps des martyrs et qu’elle s’était maintenue en Grèce et en d’autres terres » ? N’était-ce pas également ce que confirme Raniero Sacconi, un cathare passé au catholicisme, quand il dit dans sa Summa de Catharis que toutes les Églises cathares ont pour origine celles de Bulgarie et de Dragovitie ? Églises dont nous savons qu’elles étaient implantées en Macédoine, c’est-à-dire dans ce territoire associé à la Grèce. Il faut avoir les yeux et les tympans crevés par les aprioris et une conception totalement erronée de l’histoire et de la théologie chrétienne pour ne pas voir ce qui est éclatant et pour ne pas entendre ce qui est criant !

Maintenant venons-en à l’analyse du texte lui-même. Mais tout d’abord lisons la traduction que nous avons faite du texte latin que Benoist a édité afin que chacun puisse se faire ses propres idées avant de lire les nôtres.

« Ils disaient que le pouvoir de Dieu le Père dura aussi longtemps que dura la Loi mosaïque parce qu’il est écrit que lorsque les choses nouvelles arriveront, les anciennes seront rejetées. Après la venue du Christ tous les sacrements de l’Ancien Testament ont pris fin et la loi nouvelle est entrée en vigueur en ce temps dont ils prêchaient ces choses-ci : À ce temps-là, donc, ils disaient que les sacrements du Nouveau Testament prenaient fin et que le temps de l’Esprit Saint était advenu, et par conséquent le Baptême, la Confession, la Pénitence, l’Eucharistie et les autres sacrements sans lesquels il n’y a pas de salut, du reste ils n’avaient plus lieu d’être, désormais chacun ne pouvait être sauvé qu’intérieurement par la grâce du Saint Esprit, sans être inspiré par un quelconque acte extérieur. Ils ont amplifiés la vertu de la charité de telle manière que se serait un autre péché si cela était fait. Dans la charité il n’y avait plus de péché, et même de luxure, et autres plaisirs qu’au nom de la charité ils accomplissaient avec les femmes avec lesquelles ils péchaient, et avec les simples qu’ils trompaient, promettant l’impunité des péchés, ils prêchaient un Dieu seulement bon et non juste ».

______________

« Ils disaient que le pouvoir de Dieu le Père dura aussi longtemps que dura la Loi mosaïque parce qu’il est écrit que lorsque les choses nouvelles arriveront, les anciennes seront rejetées » :

Nous le savons bien, les cathares distinguaient très clairement le dieu néotestamentaire du dieu vétérotestamentaire. Ils identifiaient ce dernier au diable. Mais dans l’exposé des doctrines professées par les « hérétiques bulgares » cette distinction n’apparaît pas très clairement. Le dieu de l’Ancien Testament est appelé « Dieu le père ». Or, il n’échappera à personne que ce terme prête à confusion car c’était un terme que les cathares utilisaient couramment pour désigner le Dieu révélé par Jésus, celui que ce dernier appelait précisément père. Faut-il donc entendre que les « hérétiques » du Mur-de-Barrez considéraient que le dieu de Moïse était le dieu auquel ils croyaient ? Certes pas ! Le terme n’était pas propre aux cathares. C’était un vocable unanimement employé et son emploie n’est le fait ici que du rédacteur. C’est lui qui considérait que le dieu de la Loi, le dieu de Moïse, était Dieu le père, père, naturellement, parce qu’il était le créateur de toutes choses. Le rédacteur rapporte les doctrines des « bougres » d’après ses convictions. C’est là toute la difficulté d’un peu tout le texte si on n’a pas repéré cette subtilité. Ceci étant dégagé, la suite du propos épinglé ne pose aucune difficulté. Les « hérétiques » du Mur-de-Barrez bornent le pouvoir du dieu de la Loi à la Loi elle-même puisque, comme le dit le texte lui-même, les « choses nouvelles » ont rejetées les « anciennes ». Les choses nouvelles sont évidemment ce qu’annonce le Nouveau Testament et les choses anciennes sont tout aussi évidemment ce que l’Ancien Testament a institué. Autrement dit le pouvoir du dieu de la Loi s’est arrêté quand Jésus est descendu sur terre. C’est lui qui mit fin à la Loi. C’était là la grande conviction de l’apôtre Paul que Marcion de Sinope a défendu bec et ongle : « Christ est la fin de la Loi »[9]. C’est aussi cette destitution du dieu de la Loi, du haut de son piédestal, qui fit dire à Jésus : « j’ai vu Satan tomber du ciel comme l’éclair »[10]. Sa prédication avait foudroyé l’imposteur qui s’était révélé à Moïse et qui s’était joué de lui en lui montrant son cul. C’est en effet de dos qu’il se montra. Mais que voulait-il donc dissimuler en cachant ainsi sa face ? Son véritable visage ? Peine perdue. Comme le déclara Jésus « il n’est rien de caché qui ne doive être découvert, rien de secret qui ne doive être connu et mis au jour »[11].

« Après la venue du Christ tous les sacrements de l’Ancien Testament ont pris fin et la loi nouvelle est entrée en vigueur en ce temps dont ils prêchaient ces choses-ci : A ce temps-là, donc, ils disaient que les sacrements du Nouveau Testament prenaient fin et que le temps de l’Esprit Saint était advenu, et par conséquent le Baptême, la Confession, la Pénitence, l’Eucharistie et les autres sacrements sans lesquels il n’y a pas de salut » :

La suite confirme l’énoncé qui le précède : « tous les sacrements de l’Ancien Testament ont pris fin et la loi nouvelle est entrée en vigueur ». La « loi nouvelle », c’est évidemment les impératifs évangéliques : tu ne jureras pas[12], tu ne mentiras pas[13], tu ne convoiteras pas la femme que tu regarderas[14] (appel à l’abstinence sexuelle et non l’interdit de l’adultère), tu ne te coucheras pas sans avoir pardonné celui qui t’aura fait offense[15] etc… la liste est longue. Ce qui peut paraître encore une fois étonnant, c’est la suite du propos quand il est question de la suppression des « sacrements du Nouveau Testament […] sans lesquels il n’y a pas de salut », c’est-à-dire « le Baptême, la Confession, la Pénitence, l’Eucharistie et les autres sacrements ». Mais là encore, c’est le fait du rédacteur, c’est lui qui considère que les sacrements mentionnés sont utiles au salut. Les cathares avaient évidemment le point de vue diamétralement opposé. Les preuves sont là en abondance et à commencer par le texte lui-même puisqu’il annonce aussi la fin des sacrements associés au Nouveau Testament. Nous disons bien associés et nullement ceux du Nouveau Testament car c’étaient des impostures catholiques. C’est pourquoi les cathares récusaient et niaient avec force tous les sacrements que l’Église catholique jugeait utiles au salut. L’argument des « hérétiques bulgares » ici rapporté est puissant de par sa simplicité même. Comprenons-le bien : « Dieu le Père » – et là il faut se placer du point de vue des cathares eux-mêmes pour entendre la subtilité de leur propos – a mis fin aux « sacrements » juifs et aux sacrements catholiques en envoyant Jésus. Précisons même un peu mieux en prenant soin d’inscrire leur proposition dans la logique de leur argument : De même que les « sacrements » de l’Ancien Testament ont prit fin avec la venue de Jésus (fait admis du catholicisme),  les sacrements du Nouveau Testament (ceux que l’Église catholique disait se rattacher au Nouveau) ont pris également fins avec la venue du Saint Esprit. Autrement dit, le don du Saint Esprit supplante tout. Argument aussi imparable que percutant.

« du reste, ils n’avaient plus lieu d’être, désormais chacun ne pouvait être sauvé qu’intérieurement par la grâce du Saint-Esprit, sans être inspiré par un quelconque acte extérieur ».

Nous l’avons vu, les sacrements, à savoir « le Baptême (celui d’eau bien entendu), la Confession, la Pénitence, l’Eucharistie » et les autres sornettes du même genre jugés utiles au salut, pour paraphraser un peu le propos, non plus lieu d’être depuis que le Saint Esprit a été donné aux plus fidèles des disciples de Jésus le jour de la Pentecôte[16]. Le salut ne dépend plus d’un acte extérieur signifié par un tiers, c’est-àdire les sacrements délivrés par les prêtres, mais par la seule grâce que donne le Saint Esprit quand l’homme le reçoit en lui. Nous avons là une évocation claire de la grâce qu’opère le consolamentum, le seul et unique sacrement cathare, qui infuse le Saint Esprit par imposition des mains. Là encore l’argument est très fort. Il annihile tout intérêt d’aller trouver un quelconque prêtre pour le salut de son âme. L’argument laisse clairement entendre que le baptisé d’eau, par exemple, ne pouvait point tomber sous la grâce de Dieu parce que celle-ci était liée à la réception de l’Esprit Saint, c’est-à-dire au sacrement de l’imposition des mains des bons et vrais chrétiens. Là encore, manifestement, l’inspiration a été tirée de ce que l’apôtre Paul avait déclaré au sujet de ceux qui demeuraient attachés à la Loi mosaïque : « Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la Loi ; vous êtes déchus de la grâce ». Il était par conséquent facile de faire le même constat pour ceux qui restaient attachés à des impostures néotestamentaires. Les baptisés d’eau se séparaient du Christ et étaient exclus de la grâce tout autant que ceux qui se faisaient encore circoncire. La Pentecôte est bien le « temps » de la bascule dont il est question dans le propos.

« Ils ont amplifiés la vertu de la charité de telle manière que se serait un autre péché si cela était fait ».

Mieux encore que ce que nous avons vu. Aller quérir un quelconque sacrement auprès d’un quelconque prêtre pour son salut, c’est commettre un péché parce que c’est rejeter la grâce de Dieu, à savoir l’Esprit Saint. On ne peut faire plus dissuasif n’est-ce pas ? Il n’est d’ailleurs nullement impossible que ce péché évoqué soit le fameux péché contre l’Esprit si présent dans la pensée chrétienne. Ce péché mortel dont les évangiles disent qu’il ne peut être remis « en ce monde, ni dans l’autre »[17] du fait même que l’Esprit Saint est bafoué et méprisé. Or, il est patent, comme nous l’avons dit, qu’en persistant à baptiser d’eau en lieu et place de la transmission de l’Esprit Saint par imposition des mains, le Saint Esprit était bafoué et était méprisé, et de ce fait tout baptisé d’eau était exclu de la grâce de Dieu. Il était par ailleurs patent pour les cathares que le baptême d’eau était totalement inefficient. Il n’était bon qu’à laver la couenne comme le disait si bien Bélibaste. L’eau croupit et pue ajoutait-il. L’eau ne détient pas l’inaltérabilité du Saint Esprit. Elle ne pouvait donc pas sanctifier. Il était par ailleurs patent que le baptisé d’eau ne suivait aucunement la voie étroite des impératifs évangéliques. Il ne vivait pas saintement. Il ne vivait pas selon l’Esprit de Dieu. Il n’était pas un bon homme, c’est-à-dire un bon et véritable chrétien. Il en était tout autrement pour celui qui recevait l’imposition des mains des bons et véritables chrétiens. L’efficience n’était pas que théologique chez les cathares, elle était concrètement visible. La règle de vie des chrétiens et chrétiennes cathares en témoignait. À l’inverse du baptême d’eau, l’imposition des mains n’était pas du pipeau.

« Dans la charité il n’y avait plus de péché, et même de luxure, et autres plaisirs qu’au nom de la charité ils accomplissaient avec les femmes avec lesquelles ils péchaient, et avec les simples qu’ils trompaient, promettant l’impunité des péchés ».

Que dans la charité il n’y a plus de péché, c’est là le cœur de l’enseignement de l’apôtre Paul, car c’est la Torah qui créée de toute pièce le péché. Le péché est en effet la désobéissance aux commandements d’Adonaï. Or en Christ, comme le disait l’apôtre Paul, l’homme, autrement dit le chrétien, n’est plus sous la Loi de Moïse mais sous la grâce du Saint Esprit. La Loi n’est plus et par conséquent les péchés qu’elle institue ne sont plus non plus. Devant le dieu bon nul n’est coupable de péché. Cela n’empêcha pas pour autant les cathares d’avoir une conscience très vive du péché, c’est-à-dire du mal car, pour eux, le péché c’est le mal. Ce n’était nullement la désobéissance à la Loi mosaïque. Face au péché et au désarroi que celui-ci pouvait infliger à celui qui le commettait, l’Église cathare n’avait qu’une attitude : signifier sans relâche la bénédiction et la grâce de Dieu. Dieu relève. Il n’enfonce pas. Les cathares suivaient encore en cela l’apôtre Paul : là ou le péché abonde, la grâce doit surabonder[18] et une grâce qui ne pouvait souffrir d’aucune restriction ou condition. La déposition de Géraud de Rodes, de Tarascon, en témoigne parfaitement : « Je les ai entendus parler de la pénitence, disant que ni les prêtres ni les prélats ni les religieux ne peuvent absoudre les péchés, mais eux seuls, les hérétiques, peuvent remettre les péchés. Ils disaient en effet que quel que soit le degré où l’on soit de grands péchés, que l’on soit usurier ou meurtrier, ou dans des péchés quelconques, ils vous absoudraient sans pénitence ni compensation »[19]. C’est cette « impunité des péchés » prêchée sans équivoque par les « hérétiques » que le rédacteur appelle tromper « les simples ». Le rédacteur commet ensuite une nouvelle confusion quand il accuse les « bougres » de commettre les pires débauches « au nom de la charité ». Il pense encore d’après son modèle où toute la société est sensée être chrétienne du fait que tout le monde était baptisé à la naissance ! Mais il n’en était pas ainsi chez les cathares. L’Église cathare ne donnait le consolement qu’aux adultes, et de préférence aux adultes bien avancés dans la vie. Le gros des effectifs n’étaient donc pas chrétiens. C’était une minorité qui l’était. Les « hérétiques bulgares », pour reprendre le terme, se répartissaient en deux statuts bien distincts. Les chrétiens et les catéchumènes qui étaient appelés croyants. C’est la raison pour laquelle ces derniers n’étaient pas tenus d’observer la règle de vie des bons et véritables chrétiens. Ils n’étaient pas chrétiens. Les croyants étaient par conséquent libres d’agir à leur guise. D’autant plus que leur Église ne jugeait pas, ne condamnait pas et contraignait moins encore. L’Église cathare ne mariait pas non plus, c’était l’affaire des notaires, et elle ne codifiait pas les rapports entre hommes et femmes. L’Église cathare, contrairement à l’Église catholique, n’avait pas vocation à régenter la société et elle ne cherchait pas à lui imposer ses vœux. C’est la raison pour laquelle les « hérétiques bulgares », au sens général, sont accusés d’immoralités et de débauches. Une accusation des plus infondées. Les chrétiens et les chrétiennes cathares observaient la chasteté la plus stricte. C’étaient des saints hommes et des saintes femmes. Quant aux croyants, rien ne nous montre qu’ils aient été plus libidineux ou dépravés que les fidèles catholiques, même s’ils jouissaient de fait d’une liberté plus grande que ces derniers, nous l’avons vu. Mais il faut retourner la politesse. La prostitution était galopante dans la société catholique. Elle était l’exutoire des contraintes que l’Église faisait peser sur la société en matière sexuelle. D’Augustin d’Hippone à Thomas d’Aquin la prostitution ne cessa en fait d’être justifiée comme un moindre mal. L’Église catholique l’intégra totalement. En 1046, par exemple, le pape Clément II n’hésita pas à tirer profit de la prostitution en ses États en levant pour le Saint-Siège un impôt pour chaque rencontre que faisait une prostituée avec un nouveau client. Voici la sainte mère Église devenue mère maquerelle. Ce ne fut malheureusement pas un fait isolé. La prostitution fut encadrée et organisée par l’Église catholique. C’est la raison pour laquelle, entre autres, les cathares jugeaient l’Église catholique corrompue jusqu’à la moelle. Ils l’identifiaient d’ailleurs à la « grande prostituée » de l’Apocalypse, celle qui était coupable d’être « ivre du sang des martyrs »[20].

« ils prêchaient un Dieu seulement bon et non juste ».

Comme nous l’avons déjà dit dans l’introduction, nous avons-là le slogan propre à Marcion de Sinope. Un slogan qui doit être explicité. Marcion disait que le dieu de Moïse était seulement juste mais non bon. Mais pourquoi précisément seulement juste et non bon ? Parce que la bonté est tout simplement hors de ce qui est juste et hors de toute justice. La bonté est littéralement hors la Loi. C’est bien pourquoi Jésus fut exécuté. Comprenons bien, le dieu de la Loi mosaïque est un juge et il juge d’après la Loi qu’il a transmise à Moïse. Or, étant donné que la désobéissance à la Loi est un péché, tout contrevenant est coupable de péchés ; et le péché, nous le savons bien, c’est la mort ; et comme tout homme contrevient d’une manière ou d’une autre à la Loi, il est coupable de mort devant son Législateur. C’est précisément pour ne pas exterminer les hommes jusqu’au dernier pour leurs menus péchés, les plus gros eux étant bel et bien sanctionnés par lapidation, pendaison ou bûcher, qu’Adonaï, « l’Éternel des armées », institue les sacrifices et autres holocaustes dont l’odeur lui est si fort agréable[21]. La culpabilité des hommes est déportée sur un bouc émissaire : les malheureux animaux que l’on égorge et brûle à la place des coupables. Ce n’est pas sans raison que Jésus s’opposa aux sacrifices en prétextant que le temple ne pouvait être qu’une maison de prière. Les autels étaient les bouches de l’enfer ! Nous l’avons en tous cas compris, puisque Adonaï juge et rétribue les hommes selon la Loi, c’est indéniablement un dieu juste. Il fait droit aux justes (les observateurs de la Loi) et condamne les injustes (les transgresseurs de la Loi). C’est donc bien un dieu juste. Il rétribue en fonction des mérites ou des fautes. Dans la Torah il déclare en effet haut et fort « rendre à l’homme selon ses œuvres et rétribuer chacun selon ses voies »24. Le dieu de Jésus vu par Marcion est au contraire un dieu injuste puisqu’il ne condamne pas les pécheurs et ne récompense pas les saints. Lui, comme le disait Jésus, faisait « lever son soleil sur les méchants et les bons ». Il ne rétribue pas en fonction des œuvres. Il fait grâce, totalement grâce, de toute la force de sa dilection. Autrement dit c’est un dieu bon et seulement bon. Il ne juge ni ne condamne. Il aime.

Nous l’avons suffisamment développé en introduction. Les cathares sont les descendants directs de ces premiers chrétiens qui étaient appelés marcionites. Benoist, à la seule lecture de l’extrait qu’il publia le comprit immédiatement. Il fit le lien avec ceux que l’on nomma bogomiles et ceux que l’on nomma marcionites. Bien sûr, il est toujours facile de démonter ce lien en raison de l’extrême faiblesse des sources, mais le faisceau d’indices est bien là et ne peut-être balayé d’un revers de main. Il s’agit bien pour nous d’une seule et même Église qui fut connue sous deux noms différents dans le cours de l’histoire, et même sous trois noms principaux, si nous voulons être plus précis en ajoutant celui des pauliciens. Nous attendons toujours que l’on nous propose une explication plus pertinente que la nôtre. Que l’on nous oppose des arguments contraires, nous saurons y répondre.

En tout état de cause, la doctrine qui nous est donnée ici à voir est la plus belle de celle qui nous ait été donnée d’entendre sur les cathares. Il est bien regrettable que personne n’en ait tenu cas. La simplicité de son argumentaire, la force de ses idées exprimée en quelques mots serrés, énergiques et bien liés, si on excepte les commentaires et autres points de vue du rédacteur bien entendu, est un témoin inestimable du génie de la prédication cathare. Un génie qui n’avait rien à envier à celui de Marcion de Sinope. Elle s’inscrit d’ailleurs dans le droit fil de la théologie de ce dernier. C’est toute la beauté et la grandeur de la foi cathare qui s’exprime là avec force et conviction. Une foi qui s’enracinait en ce Dieu bon qui répand son Esprit de dilection sur ceux qui le reconnaissent pour père.

ANNEXE

Jean Benoist, Histoire des Albigeois et des Vaudois ou Barbets, volume 1, Paris, 1691, pp. 39 – 41 :

[…]De tous les titres qui servent à prouver la vérité de cette histoire, je n’ay rien vû de plus curieux que des lettres de Philippe Auguste, rapportées dans un titre de 1375 que Madame La Contesse  d’Auberoque a trouvé dans son Château de tinnieres. Cette Dame me l’ayant communiqué, j’ay reconnu qu’il étoit passé sous le Regne de Charles V Roy de France, & que le sujet fut une contestation entre Bernard Conte de Rhodez, & le Conte d’auberoque, pour des droits appartenans à ce dernier sur les villes de rodez & de Mur du Barroy. Les lettres dont ce titre fait mention sont de 1211 & portent que Jean de Beaumont Baron de Tinnieres a chassé les Bulgares de la Cité de Mur du Barroy, & garenti la ville de Rhodez contre ces heretiques […] On voit par l’acte de verification qui en a esté fait, que les Seigneurs de tinnieres descendent de ce Jean de Beaumont, qui ayant pris le parti de Simon de Monfort, rendit de grands services à l’Eglise dans le Païs de Roüergue, sur tout lors qu’il tailla en pieces les Albigeois, qui etoient venus pour se rendre maîtres de Rhodez. On y void encore quelques erreurs de ces hérétiques, que l’on a ignorées jusqu’à cette heure : j’ai mis cet acte dans les preuves, qui pour faire connoïtre que ces erreurs ont été tirées de la secte des bogomiles, dont le chef étoit un nommé Basile Medecin, & des Marcionistes, qui pour mieux établir l’impunité des peschez, prêchoient un dieu seulement bon, & non pas juste. […]

Jean Benoist, Histoire des Albigeois et des Vaudois ou Barbets, volume 1, Paris, 1691, pp. 267 – 268 :

[…]Extrait de l’acte du Sieur de tinnieres passé en 1375 par lequel on découvre quelques erreurs des albigeois, que tous les Historiens n’ont point rapportées.

Dicebant quod potestas Dei Patris duravit quamdiu duravit Lex Mosaïca, & quia scriptum est quod novis supervenientibus abjicientur vetera, postquam Christus venit absoluta sunt omnia veteris Testamentis Sacramenta & viguit nova lex usque ad illud tempus quo talia paedicabant : illo ergo tempore dicebant novi

Testamenti Sacramenta finem habere, & tempus sancti Spiritus advenisse, & ideo Baptismum, Confessionem, Poenitentiam, Eucharistiam, & alia sacramenta sine quibus non est salus ; de caetero non habere locum, sed unumquemque per gratiam sancti Spiritus tantum interius sine aliquo exteriori actu inspiratam posse salvari, charistatis virtutem sic ampliabant ut ide quod alias peccatum esset, si fieret : in charitate iam non esset peccatum, stupra, etiam adulteria, caetesque voluptates in charitatis nomine committebant mulieribus, cum quibus peccabant & simplicibus quos decipiebant, impunitatem pecati promittentes Deum tantummodo bonum, & non justum praedicabant.

Ruben de Labastide. 27 août 2022 (revu et corrigé le 11 juin 2025).


[1] Eusèbe, Vita, III, lxiv.
[2] « Marcion du Pont, qui enseigne encore aujourd’hui, professe la croyance à un dieu supérieur au Créateur. Avec l’aide des démons, il sema le blasphème à travers le monde ». Apologie I, 26. 3 Patrologia Graeca 83, 1261 c.
[3] Galates 2 : 4
[4] Cf. Galates 1 : 11-12.
[5] Voir à ce sujet Actes 19 : 29,  20 : 4, 27 : 2, Colossiens 4 : 10, Philémon 1 : 24, II Timothée 4 : 11 et Colossiens 4 : 10. 7, Actes 20 : 4.
6] Actes 19 : 29.
[7] Actes 20 : 4.
[8] Yves de Chartres, Prologue, Cerf, 1997, p. 95, § 31a.
[9] Romains 10 : 4.
[10] Luc 10 : 18.
[11] Luc 8 : 17.
[12] C.f. Matthieu 5 : 34-37.
[13] C.f. Éphésiens 4 : 25.
[14] C.f. Matthieu 5 : 28.
[15] Cf. Éphésiens 4 : 26.
[16] Actes 2 : 1-4.
[17] C.f. Matthieu 12 : 32.
[18] C.f. Romains 5 : 20.
[19] Ms 4269 f° 3 v°.
[20] C.f. Apocalypse 17 : 1-6.
[21] C.f. Lévitique 4 : 31. 24 Job 34 : 1.

7e Dimanche de Pâques

4-4-Année liturgique
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Lecture des textes de la liturgie catholique

Comme chaque Dimanche et pour les principales fêtes catholiques, je reprends la tradition cathare qui consistait en l’analyse des textes de la messe catholique et leur compréhension du point de vue cathare. Il n’y a là nulle intention malveillante mais un simple exercice de style visant à montrer que la compréhension des textes est aussi affaire de doctrine.

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Visitation de la vierge Marie

4-4-Année liturgique
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Lecture des textes de la liturgie catholique

Comme chaque Dimanche et pour les principales fêtes catholiques, je reprends la tradition cathare qui consistait en l’analyse des textes de la messe catholique et leur compréhension du point de vue cathare. Il n’y a là nulle intention malveillante mais un simple exercice de style visant à montrer que la compréhension des textes est aussi affaire de doctrine.

Messe de la Visitation de la vierge Marie

Cette fête fut établie en 1263 par saint Bonaventure pour les franciscains. Elle fut étendue à toute l’Église en 1379 par le pape Urbain VI. Le concile de Bâle, lors de sa session du 10 juillet 1441, la confirma, car elle n’avait pas été initialement acceptée par certains États fidèles aux antipapes lors du Grand Schisme.
Cette fête était autrefois célébrée le 2 juillet conformément à l’évangile de Luc qui rapporte que Marie serait restée chez Élisabeth jusqu’à la naissance de Jean le Baptiste (et en supposant qu’elle y soit restée les huit jours supplémentaires correspondant aux rites de l’imposition du nom). Toutefois, le calendrier liturgique a abandonné cette date traditionnelle, pour placer la fête au dernier jour de mai, c’est-à-dire à la fin du mois marial.
Elle commémore la fête de deux enfants à naître, Jésus et son cousin Jean-Baptiste. Par la fête de la Visitation, la mission de Jean-Baptiste est confirmée, sa vocation prophétique est de préparer et d’annoncer la venue de Jésus parmi les hommes en tressaillant dans le sein de sa mère. C’est aussi à cette occasion que Marie, remplie de l’Esprit-Saint prononce le Magnificat qui souligne le lien profond entre l’Espérance (vertu) et la Foi. (source Wikipedia)

Cette invention tardive vise à conforter à la fois le caractère divin de Jésus : annonce angélique, réaction in utéro de Jean-Baptiste et son caractère mondain : grossesse « normale » de Marie et naissance classique. Son introduction tardive montre comment l’Église catholique a voulu adapter ses écrits au message qu’elle voulait transmettre. Certes les textes relatant cet épisode sont beaucoup plus anciens, mais en les validant à cette époque, on comprend la volonté de couper court aux hérésies dont elle se sentait menacée, à commencer par celle des cathares qui niaient la naissance de Jésus. Au mieux évoquaient-ils une naissance « par l’oreille » ce qui à l’époque signifiait en esprit.

1re lecture :

Sophonie : 3, 14-18

14 – Pousse des cris de joie, fille de Sion, poussez des cris d’allégresse, gens d’Israël, réjouis-toi et exulte de tout cœur, fille de Jérusalem !
15 – Iahvé a retiré tes condamnations, il a écarté ton ennemi, Iahvé, le roi d’Israël, est dans ton sein, tu ne verras plus le malheur.
16 – En ce jour-là on dira à Jérusalem : Ne crains rien, Sion, que tes mains ne défaillent pas!
17 – Iahvé, ton Dieu, est dans ton sein,
c’est un héros qui sauve, il exulte de joie à cause de toi, il te renouvelle son amour, il pousse des clameurs joyeuses à cause de toi, comme aux jours de fête.
18 – J’enlèverai loin de toi la menace, l’opprobre qui pèse sur toi.

Mon commentaire :
La « récupération » du texte vise à faire croire que l’AT annonce la naissance de Jésus, alors qu’il n’en est rien.

Lettre de Paul aux romains : 12, 9-16b

9 – Que la charité soit sans comédie : répugnez au mal, attachez-vous au bien,
10 – aimez-vous en frères, tendrement, les uns les autres, honorez-vous les uns les autres avec prévenance,
11 – ne soyez pas paresseux pour l’effort, soyez bouillants d’esprit, asservissez-vous au Seigneur,
12 – réjouissez-vous par l’espérance, résistez à l’affliction, persévérez dans la prière,
13 – prenez part aux besoins des saints, exercez l’hospitalité.
14 – Bénissez vos persécuteurs ; bénissez, ne maudissez pas ;
15 – réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent,
16 – tendez à l’unanimité, ne tendez pas à la supériorité, soyez entraînés par les humbles,…

Mon commentaire :
On voit apparaître, peu à peu au début, puis plus régulièrement le calame judéo-chrétien qui vient modifier ou renforcer certains points. Du verset 9 au verset 12, il n’y a rien à redire. Le verset 13 laisse sous-entendre que les membres de la communautés qui guident les autres (les saints) devraient être pris en charge matériellement. Ce n’est pas la lecture cathare qui rappelle que nul n’est au-dessus des autres et que tous doivent prendre leur part des charges. Ensuite, il n’y a rien à redire.

Livre d’Isaïe : 12, 2-3, 4bcd, 4e-5, 6

2 – Voici le Dieu de mon salut : j’aurai confiance, je n’aurai pas peur, car ma force et mon chant, c’est Iahvé, il a été pour moi le salut.
3 – Vous puiserez de l’eau avec allégresse aux sources du salut,
4 – […] adressez des louanges à Iahvé, invoquez son nom, faites connaître parmi les nations ses actes, rappelez que son nom est exalté.
5 – Chantez Iahvé, car il a fait preuve de majesté, cela est connu sur toute la terre.
6 – Exulte et crie de joie, habitante de Sion, car grand est au milieu de toi le Saint d’Israël.

Mon commentaire :
Ce passage est utilisé pour valider l’annonce faite à Marie, mais il n’est pas du tout en rapport direct avec cela.

Évangile selon Luc : 1, 39-56

39 – Ces jours-là, Marie se leva, se rendit à la montagne avec empressement, vers une ville de Juda,
40 – et, entrée dans la maison de Zacharie, elle salua Élisabeth.
41 – Quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressauta dans son ventre, et Élisabeth fut remplie de l’Esprit saint,
42 – elle poussa un grand cri et dit : ô bénie entre les femmes ; et béni, le fruit de ton ventre !
43 – D’où me vient que la mère de mon Seigneur vienne vers moi ?
44 – Quand la voix de ta salutation m’est arrivée aux oreilles voilà que l’enfant dans mon ventre a sauté d’allégresse.
45 – Magnifique celle qui a eu foi ! car ce qui lui a été dit je la part du Seigneur s’accomplira.
46 – Et Marie dit : Mon âme célèbre le Seigneur
47 – et mon esprit exulte en Dieu mon sauveur
48 – parce qu’il a regardé l’humilité de son esclave ; car voilà que désormais toutes les générations me diront magnifique
40 – parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses et son nom est saint
50 – et sa miséricorde va de génération en génération à ceux qui le craignent.
51 – Il a dominé à la force de son bras, dispersé les hommes au cœur outrecuidant,
52 – détrôné les souverains, haussé les humbles,
53 – rassasié de biens les affamés et renvoyé sans rien les riches.
54 – Il a secouru Israël son serviteur en souvenir de cette miséricorde,
55 – dont il parlait à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa semence au long des âges.
56 – Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois et s’en retourna dans sa maison.

Mon commentaire :
Le détail des scènes qui précèdent vise à leur conférer un parfum d’authenticité et donc à nous convaincre de la réalité de la naissance de Jésus. Bien entendu, le rattachement à la tradition judaïque y est affirmé afin de faire taire la voix de Paul qui remettait en doute ce rattachement.

Voici comment je reçois ces textes.

Guilhem de Carcassonne.

Ascension du Seigneur

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Lecture des textes de la liturgie catholique

Comme chaque Dimanche et pour les principales fêtes catholiques, je reprends la tradition cathare qui consistait en l’analyse des textes de la messe catholique et leur compréhension du point de vue cathare. Il n’y a là nulle intention malveillante mais un simple exercice de style visant à montrer que la compréhension des textes est aussi affaire de doctrine.Read more

6e Dimanche de Pâques

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Lecture des textes de la liturgie catholique

Comme chaque Dimanche et pour les principales fêtes catholiques, je reprends la tradition cathare qui consistait en l’analyse des textes de la messe catholique et leur compréhension du point de vue cathare. Il n’y a là nulle intention malveillante mais un simple exercice de style visant à montrer que la compréhension des textes est aussi affaire de doctrine.

6e Dimanche de Pâques

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L’attrait du nid

8-4-ecf- cultes publics
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L’attrait du nid

L’être humain a la particularité d’être à la fois extrêmement explorateur et dans le même temps extrêmement casanier. En effet, tous les recoins de la planète qui ont pu être accessibles à l’homme ont été visités à un moment où à un autre, car ce dernier ressent ce besoin irrépressible de découvrir ce qui lui est inaccessible a priori. Ainsi, il n’y a quasiment pas de zone sur la surface de la Terre que l’homme n’a pas explorée et il a également visité les surfaces maritimes et une partie des grands fonds. Et il est actuellement en pleine exploration de l’espace.

Pour autant, s’agissant de sa personne, il a tendance à vouloir rester dans un environnement rassurant, quitte à s’interdire toute interrogation et toute recherche, pour essayer d’avancer dans ses savoirs, afin de ne pas courir le risque de remettre en question ce qu’il considère comme acquis une fois pour toutes.

Cette apparente contradiction entre le désir d’exploration lointaine et la volonté de ne pas s’appesantir sur des sujets plus personnels, montre en fait les deux facettes de l’être humain qui correspondent à deux parties totalement distinctes que les cathares considèrent être la part mondaine et la part spirituelle.

Aujourd’hui, je voudrais étudier avec vous cette seconde facette, afin de voir si cette part spirituelle peut s’émanciper de notre vivant.

La peur de la liberté

Dans son dernier roman, « Les frères Karamazov »[1], Fiodor Dostoïevski, nous montre Yvan Karamazov, qui raconte à son frère Aliocha un texte qu’il a écrit et qui s’intitule « Le grand inquisiteur ».

L’action se déroule à Séville en Espagne au XVIe siècle. Le personnage qui nous est décrit sans qu’il ne soit jamais cité de façon claire est évidemment le Christ qui aurait choisi de revenir sur terre lors d’un des pires moments de l’humanité, à l’époque où s’allumaient les bûchers de l’Inquisition espagnole. Ce personnage est décrit en train de traverser la ville jusqu’à arriver devant la grande cathédrale. Sur son passage, tous le reconnaissent et lui font un signe, obtenant quand c’est nécessaire une guérison miraculeuse comme c’est le cas d’un aveugle. Il s’arrête sur le parvis de la cathédrale au moment où l’on apporte un petit cercueil blanc dans lequel repose une enfant de sept ans. À la supplique de la mère de l’enfant, il ressuscite celle-ci devant l’ecclésiastique en charge des obsèques, médusé. Témoin de la scène, le cardinal, grand inquisiteur, observe de loin et désigne du doigt le personnage aux gardes, afin de le faire arrêter. Le peuple soumis ne s’interpose pas.

Dans la prison, lors de l’interrogatoire qui suit, l’inquisiteur s’adresse à ce personnage, à qui d’ailleurs il interdit de se nommer précisément, car il sait très bien de qui il s’agit et lui fait le reproche suivant.

La liberté que tu avais promise aux hommes, ils n’ont pas su en profiter. C’est nous qui, au fil de quinze siècles de dur labeur, avons instauré cette société qui convient à nos buts, mais sache que jamais les hommes ne se sont crus aussi libres qu’à présent, et pourtant leur liberté initiale, ils l’ont déposé à nos pieds. L’inquisiteur se vante donc d’avoir supprimé la liberté des hommes dans le dessin de les rendre heureux. En effet, leur nature les pousse naturellement à la révolte. Ce passage nous fait comprendre que pour les personnes qui veulent diriger le monde, la liberté est une chose à laquelle les hommes ne sont pas préparés et qu’ils sont prêts à abandonner au profit de la sécurité et de la tranquillité. Cette peur de la liberté nous habite toujours. En effet, la liberté, c’est la décision de ne pas suivre la voie commune et de se diriger là où l’on pense que se trouve la réponse à nos questions. Or, les hommes préfèrent refuser de faire des choix et d’avoir à les assumer. On a même construit pour expliquer cela le mythe de la prison dorée qui n’est rien d’autre qu’un enjolivement du confort de la soumission.

Si nous y regardons bien, nous observons que les hommes ont un comportement que l’on appelle grégaire, qui consiste à préférer vivre au sein d’un groupe plutôt que seuls. Ce choix est sécurisant, même s’il impose de se soumettre à des règles communes qui parfois vont à l’encontre des désirs individuels. Ces choix s’imposent à nous, depuis que nous avons quitté notre statut d’homme des cavernes vivant dans un environnement strictement familial pour rejoindre des communautés de vie qui nous ont permis d’obtenir la sécurité et le recours à l’alimentation plus facile. Ce choix s’est imposé par le biais de la religion qui n’a d’autre but que de permettre à la société de fonctionner sereinement en imposant de la part d’une autorité supérieure, donc insurmontable, la transcendance, une obligation comportementale qui n’est en fait que d’origine humaine.

Être soumis ou résister

Ce que nous apprend le catharisme, c’est que nous ne pouvons en aucune façon obtenir pour notre salut, un cheminement simple, sécurisant et confortable. Mais comme nous le rappelle René Girard dans son œuvre[2], sortir de la voie commune et vivre différemment, provoque un rejet du groupe qui peut aller jusqu’à la mise à mort. C’est ce qu’on va voir avec les cathares et bien d’autres chrétiens avant eux.

Aujourd’hui, rien n’a changé pour nous. Nous devons choisir d’être soumis ou de résister. Être soumis, c’est suivre la règle que la société et l’Église nous imposent en échange d’une promesse de tranquillité et de salut qui suffit largement à la plupart d’entre nous. Pour reprendre l’allégorie de la caverne de Platon[3], être soumis, c’est rester enchaîné à son rocher, en regardant le mur sur lequel défilent des silhouettes dont l’ombre projetée par la lumière du feu leur donne une apparence de réalité. Or, nous savons que le salut appartient à celui qui se détache et qui sort de la caverne, uniquement guidé par le point de lumière qu’il voit au bout d’un long tunnel sombre. Ce choix est douloureux, dangereux et surtout antisocial. Ce point est important, car celui qui veut juste résister à la pression commune se retrouve très vite qualifié de terroriste en cela qu’ils met en danger l’ordre social dans sa totalité. Il s’agit donc d’un choix radical qui ne permet pas le retour en arrière, sans en subir les conséquences, que le groupe ainsi menacé ne manquera pas de nous faire subir. Pour avoir voulu affirmer notre liberté naturelle, nous devenons des terroristes.

Cela permet de comprendre qu’entre la situation d’un sympathisant, qui trouve le catharisme très attirant et très sympathique, et celle d’un croyant qui va s’engager dans la foi cathare de façon assidue, il se trouve une articulation extrêmement difficile à mettre en place pour un choix de vie radicalement différent et pour lequel aucune garantie ne peut être accordée. Et pourtant cette articulation est absolument nécessaire dans la mesure où il est impossible de passer de sympathisant à croyant sans se trouver en permanence en butte aux contraintes d’un monde dans lequel nous sommes prisonniers jusqu’à ce que notre corps nous libère à sa mort.

Le risque du lâcher-prise

C’est là qu’intervient une notion que le catharisme met en avant et qui s’appelle le lâcher-prise. J’emploie souvent l’image de deux hommes tombés dans un torrent tumultueux, accrochés à une grosse branche et qui sont inexorablement attirés vers un gouffre qu’ils ne peuvent deviner tant la nuit est noire et sans lune. L’un des hommes va s’agripper à la branche, pensant qu’ainsi il peut éviter la noyade, quand l’autre, pris d’une intuition que rien ne justifie, fera le choix de lâcher cet appui ferme pour nager latéralement dans l’espoir d’atteindre la rive. Ce que la religion officielle et la société nous demandent de faire c’est de rester accroché à la branche, car leur rôle est de nous permettre ainsi d’atteindre un lieu de secours ou tout au moins de rester dans la ligne comportementale admise. La foi cathare, elle, nous demande de lâcher la branche et de suivre notre intuition, car cette dernière vient de notre part spirituelle et même si ses objectifs ne nous apparaissent pas immédiatement, c’est par cette voie que nous obtiendrons notre salut. Ce qui nous est caché, c’est que la société est en fait dirigée par une entité qui nous veut du mal. Dès lors, tant que nous lui restons soumis, nous courrons de mal en pis vers notre malheur et nous sommes condamnés à revivre sans cesse une vie identique.

Le choix cathare ne nous promet rien de précis, mais il nous laisse entrevoir que nous ne sommes pas des animaux guidés par leur seul instinct et leur intellect et qui n’agissent qu’avec une anticipation très limitée de leur devenir. Nous sommes habités par une part divine, régie par le Bien, et cette part divine nous guide, afin de nous permettre d’être définitivement libérés du monde maléfique dans lequel nous sommes emprisonnés.

C’est pourquoi je dis toujours aux personnes qui m’interrogent à ce sujet que le passage du statut de sympathisant à celui de croyant est, à mes yeux, le moment le plus difficile du cheminement au sein du catharisme. Et ce passage, nous ne pouvons le faire que seuls, car nous ne disposons d’aucun référentiel qui puisse nous aider à le franchir de façon sécurisée.

Il est facile de comprendre que dans ces conditions, la remarque que l’on trouve dans l’Évangile, selon laquelle il y a de beaucoup d’appelés, mais peu d’élus[4] est parfaitement adaptée à notre situation.

Quitter le nid

Pourtant, notre vie quotidienne, pour peu que nous ayons pris un peu d’âge, nous montre que nous devons à tout propos faire des choix plutôt radicaux qui nous obligent à abandonner un confort apparent en vue d’obtenir une situation plus intéressante que celle que nous quittons. C’est ce que nous appelons : quitter le nid. Croyez-vous que l’oisillon, juché sur la bordure de ce qui a constitué son univers, depuis qu’il a fracturé sa coquille, ne ressent pas la douleur de cet abandon pour une promesse que seuls ses parents lui ont proposée sans jamais lui en fournir ni preuve ni démonstration ? Et on ne connaît pas de cas d’oisillon qui ait, à ce jour, refusé de quitter le nid. Ce qu’ils font par instinct, notre intellect et nos savoirs nous poussent à le refuser. C’est en grande partie, il faut le reconnaître, parce que nous, nous devons accepter un choix que tous nous déconseillent, à part quelques individus, largement dénigrés, voire poursuivis pour leurs idées « terroristes » au regard des intérêts de la société dans laquelle nous vivons.

Mais je ne peux rien vous proposer de mieux ici, car je suis moi-même de ceux que la société moque à la fois pour leurs idées et pour leurs choix de vie personnelle. Je ne peux rien vous démontrer, je ne peux rien prouver, je ne peux rien garantir.

La seule force que je puisse mettre en œuvre est faiblesse au regard du monde, mais force invincible pour l’esprit. Vous devrez donc décider par vous-même s’il vaut mieux vous accrocher à votre nid ou si vous êtes prêt à vous éloigner des lumières du monde, pour celle bien plus pâle de l’empyrée divin dont nous sommes issus. C’est pour cela que vous ne pouvez vous appuyer que sur la force de votre foi pour espérer faire le bon choix et abandonner tout ce qui en ce monde a constitué votre vie jusqu’à ce jour et que vous devez considérer comme déjà mort et pourriture.

Guilhem de Carcassonne


[1] Les frères Karamazov, Fiodor Dostoïevski (1879-1880).

[2] René Girard (1923-2015), Des choses cachées depuis la fondation du monde, Le livre de poche (1983)

[3] Platon, La République, Livre VII.

[4] Évngile selon Matthieu : 22, 14

5e Dimanche de Pâques

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4e Dimanche de Pâques

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3e Dimanche de Pâques

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