1-Découvrir le catharisme

Au temps des cathares

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Au temps des cathares

Si l’on devait proposer, dans la série bien connue, un ouvrage intitulé «Le catharisme pour les nuls», cette série de vidéos, postée sur Youtube®, serait parfaitement adapté à la présentation simple, complète et adaptée au grand public de cette religion si souvent mal traitée, voire diffamée.
Je vous invite donc à visionner, à votre rythme, ces courtes vidéos thématiques, afin de vous faire une idée exacte et sans emphase de ce courant religieux qui vient de resurgir à l’aube du 21e siècle.

Au temps des cathares

Épisode 1 : Les origines
Épisode 2 : La société de l’époque
Épisode 3 : Développement de l’Église
Épisode 4 : La croisade
Épisode 5 : L’Inquisition
Épisode 6 : Montségur
Épisode 7 : La philosophie
Épisode 8 : Le rôle des femmes
Épisode 9 : Le catharisme aujourd’hui
Épisode 10 : Vrai-Faux sur les cathares

La qualité du contenu et de l’orateur ne souffre que très peu de remarques. Quelques sous-titres auraient gagnés à être relus pour éviter des fautes d’orthographe et l’utilisation mal à propos du terme parfait(e) aurait gagné à être remplacé par Consolé(e).

Il manque bien entendu le chapitre 0, traitant de la préhistoire du catharisme, mais vous la trouverez sur ma chaîne Youtube.

Félicitation pour ce travail de qualité, si rare à notre époque, notamment quand on voit la dernière publication (Dans les pas des cathares) qui regorge d’erreurs énormes.

Guilhem de Carcassonne, le 14 février 2024.

Le catharisme hors des chemins touristiques traditionnels

1-1-Tourisme culturel | 7-2-Activités culturelles
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Le catharisme hors des chemins touristiques traditionnels

Guilhabert de Castres évêque cathare, au Pas de las Portas.

L’exposé qui va suivre comprend deux parties :
1/La localisation du lieu-dit «le Pas de las Portas»
2/Les réponses aux questions que ladite localisation entraine

L’épopée Albigeoise ; la topographie et la toponymie au service de son histoire

Essai de localisation du lieu-dit «le Pas de las Portas» (09)

Intrigué par le fait, révélé lors de mes lectures, qu’aucun auteur n’ait pu situer avec précision le lieu-dit «le Pas de las Portas», je me suis mis en quête d’élucider cette question.
Voici le résultat de mes recherches.
Devant l’impossibilité d’identifier un lieu-dit dont le nom ne figure plus sur les cartes, à savoir «le Pas de las Portas» lié à une étape dans la fuite de l’évêque cathare Guilhabert de Castres à Montségur en 1232, il m’a semblé pertinent de faire appel au tandem Topographie/Toponymie, pour tenter de retrouver ce site. La topographie venant confirmer la toponymie de l’époque et inversement.

Topographie défintion1:
1 Technique du levé des cartes et des plans de terrains. ➙ cartographie.
2 Configuration, relief (d’un lieu, terrain ou pays). Étudier la topographie d’un lieu.

 Toponymie définition2:

1 Ensemble des noms de lieux d’une région, d’une langue.
2 Étude des noms de lieux, de leur étymologie

 Les causes et première partie du récit de la fuite de Guilhabert de Castres à Montségur

 1/ Tout d’abord quelques dates

 – 1204-1206, quelques années avant la croisade, l’église cathare du Languedoc, sentant monter la menace, demande la reconstruction du castrum de Montségur à Raymond de Péreille.
– 1209, déclenchement de la croisade contre les albigeois.
– 1211-1219, séjour de Guilhabert de Castres au pog.
– 1229, Le Traité de Paris entérine la défaite de Raymond VII. Le concile de Toulouse instaure l’inquisition épiscopale. Louis IX donne la terre de Mirepoix au Maréchal de la Foi, Guy de Lévis.
– 1232, Mars, concile de Béziers, durcissement de l’inquisition épiscopale.
– 1232, Automne, Guilhabert de Castres et la hiérarchie cathare fait le choix de se réfugier à Montségur.

2/ Contexte

 Mars 1232, devant l’échec de l’inquisition épiscopale, qui n’a pas donné les résultats escomptés, un concile sera convoqué à Béziers. Celui-ci rappelera énergiquement à la population du midi, des nobles aux laïcs en passant par les clercs, que tous avaient fait preuve de permissivité et de manque de zèle dans l’application des canons concernant la répression des hérétiques édictés au concile de Toulouse en 1229. Une plus grande détermination et sévérité dans les poursuites seront exigées.

3/ La fuite de Guilhabert de Castres

Automne 1232, ayant constaté l’accuentation de la répression, Guilhabert de Castres, ainsi qu’une partie de la hiérarchie de l’église cathare, prendra la décision de se réfugier à Montségur. De la forêt de Gaja-la-selve (11), lieu de rassemblement des fugitifs, partira un convoi sous escorte, qui, par mesure de sécurité, cheminera de nuit. Après avoir contourné, en catimini, toutes les localités de la terre du Maréchal se trouvant sur son trajet, la petite troupe se présentera au Pas de las Portas.

4/ Les témoignages

Nous disposons de deux témoignages sur le déroulement de l’arrivée de Guilhabert de Castres et des hérésiarques cathares au pog:

Témoignage du sergent Guillaume de Bouan:

«L’évêque des hérétiques, Guilhabert de Castres, manda à Raymond de Péreille de venir à sa rencontre. Raymond de Péreille et moi même, Pierre Vinade, Pairol, Raymond Fabas, Bernard Cogot d’Asella et d’autres dont je ne me souviens pas, nous allâmes donc à la rencontre de ces hérétiques au Pas de las Portas. Nous y avons trouvé Guilhabert de Castres et bien trente hérétiques avec lui. Il y avait aussi avec eux les chevaliers Isarn de Fanjeaux, Raymond-Sans de Rabat, Pierre de Mazerolles et d’autres que je ne connaissais pas, qui les avaient amenés là. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube. Quand ce fut l’aube, les trois chevaliers quittèrent les hérétiques et reprirent leur route. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous conduisîmes Guilhabert de Castres et les autres hérétiques à Montségur et les fîmes entrer dans le castrum, où ils restèrent… »

Témoignage du sergent Bernard de Joucou:

«Une nuit, moi même, Raymond de Péreille, Bertrand de Bardenac, Bertrand du Congost, Guillaume de Bouan, et Bertrand Marty (il s’agit du bayle de Raymond de Péreille), nous sommes sortis du castrum de Montségur et nous sommes allés près de l’église Saint-Quirc au Pas de las Portas. Nous y avons trouvé Isarn de Fanjeaux et Pierre de Mazerolles avec plusieurs de leurs compagnons, dont j’ignore les noms. Ils avaient amené là l’évêque Guilhabert de Castres avec vingt autre hérétiques. Quand Raymond de Péreille eut reçu ces derniers, Isarn de Fanjeaux et Pierre de Mazerolles s’en retournèrent avec leurs compagnons. Raymond de Péreille, moi même et tous ceux avec qui j’étais venu, nous avons adoré les hérétiques, aprés quoi nous les avons escortés et les avons conduits jusqu’à Montségur…»

 Les localisations et suite et fin du récit de la fuite de Guilhabert de Castres à Montségur

1/ Localisation de l’église Saint-Quirc ou Saint-Cyr

Saint-Quirc = Saint-Cyr, c’est le même saint. Voici les éléments qui m’ont permis de localiser l’église Saint-Quirc

a/ Un extrait de l’opuscule suivant : Laroque-d’Olmes. Lacour, éditeur, place des Carmes – 25 bd amiral Courbet, Nîmes 1998. 24 pages.

Laroque-d’Olmes était jadis une ville dont la population est portée à dix-huit mille habitants (Berges). Elle était composée de quatre paroisses: Saint-Cyr, Saint-Pierre, Saint-Martin et Notre-Dame-du-Mercadal. On voit encore aujourd’hui des ruines des trois premières; la quatrième a été restaurée.
Ré-édition de l’oeuvre originale imprimée fin XIXe siècle. Auteur anonyme.

b/ Un extrait du site internet suivant : http://laroquedolmes.com/lesfermeslaroque.pdf

À la page 2 : 25 – chemin de Saint-Cyr ou Saint-Quirc dit «le chemin des moulins battants» actuellement rue Denis Papin longeant le Bézal.

c/ La carte par Sylvane Pomiès sur le site : https://www.pyreneescathares-patrimoine.fr/laroque_dolmes.php?
commune_id=5&ccPath=45&cbox_id=74

Sur le chemin de Saint-Cyr ou Saint-Quirc «dit le chemin des moulins battants» actuellement rue Denis Papin, on peut voir ce que j’ai identifié, après recoupement des informations, comme l’ancienne église Saint-Quirc à Laroque-d’Olmes. Photos n°1 et 2.

Il est à noter que je n’ai pas trouvé d’autre église Saint-Quirc ou Saint-Cyr, dans le Pays d’Olmes.

2/ Localisation du Pas de las Portas

 Revenons un instant vers les témoignages. Nous constatons que si les deux sergents citent un lieu-dit appelé le Pas de las Portas, seul Bernard de Joucou nous dit: «nous sommes sortis du castrum de Montségur et nous sommes allés près de l’église Saint-Quirc au Pas de las Portas.»
C’est bien sur lui qui nous met sur la piste…

Et nous pouvons voir sur la carte IGN classique du site internet Géoportail, qu’il existe un lieu actuellement appelé l’Entounadou (en français l’entonnoir), au sud de Laroque-d’Olmes. C’est un passage entre deux montagnes au milieu duquel coule le Touyre, et passe aujourd’hui la D625. Nous sommes devant un Pas.

Définition de Pas3 : Passage étroit et difficile dans une vallée, dans une montagne. Ou selon une expression plus imagée, une Porte.
Mais les sergents nous parlent d’un lieu appelé «le Pas de las Portas». Pas de las Portas = seuil DES PorteS.

Poursuivons notre reconnaissance en prenant la direction de Montségur par la D625, nous arrivons alors à environ 3 kms du premier seuil, à une seconde Porte, le Pas de Lavelanet.
Nous sommes donc, sur une courte distance, en présence de deux Portes.
Nos ancêtres qui n’avaient pas manqué de remarquer cette particularité topographique, avaient donc appelé, tout naturellement pourrait-on dire, le Pas se situant au sud de Laroque-d’Olmes, près de l’église Saint-Quirc, «le Pas de las Portas», ou en français le seuil des Portes.

3/ Le Pas de Lavelanet

Le Pas de Lavelanet à, pour caractéristique, d’être singulièrement étroit, environ 150m à l’endroit le plus resserré (mesuré sur le site internet Géoportail) et encore faut-il retrancher de cet espace entre les bases des montagnes formant la porte, la largeur du cours du Touyre (couvert sur environ 200 mètres au début des années 50, c’est aujourd’hui, l’esplanade ou l’espace de la Concorde), ne laissant, que quelques dizaines de mètres entre celui-ci et le castrum, pour permettre la circulation.
C’est un goulet sur le trajet le plus direct pour se rendre en haut Pays d’Olmes. Ne pas l’emprunter condamne à un long détour, d’où son importance. C’est pourquoi, avant la croisade, il était surveillé et commandé par un château.

Selon une étude de J.J. Pétris4, la ville de Lavelanet naîtra au pied d’un château fort appelé «Castelsarrasin» ayant appartenu au comte de Foix (détruit en 1212 par les croisés de Simon de Montfort, reconstruit à la Renaissance).
Toutefois malgré l’absence d’un château en 1232, on ne voit aucune raison à ce qu’il n’y ait pas eu, sur place, une garnison du Maréchal Guy de Lévis, pour contrôler ce lieu stratégique. 

4/ La demande de Guilhabert de Castres

Nous savons que Guilhabert de Castres, a résidé à Montségur entre 1211-1219, peut-être a-t-il fait, au cours de ce séjour, plusieurs allers-retours entre le pog et diverses destinations ? Toujours est-il qu’il avait connaissance, pour l’avoir traversé au moins deux fois (à l’aller en 1211 et au retour donc en 1219), de la particularité du passage de Lavelanet.
En considérant tous les éléments évoqués plus haut, est-il impossible de penser que l’évêque cathare ait demandé à Raymond de Péreille de venir le rejoindre au Pas de las Portas, afin qu’il l’aide à passer le dangereux goulet de Lavelanet ?
Évidemment non.

5/ L’arrêt à Massabrac et l’arrivée à destination 

L’obstacle de Lavelanet éludé, c’est alors l’heure d’un contre-temps sans conséquences…

Extrait du témoignage du sergent Guillaume de Bouan: «Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube.»

Après prospection photographique, toujours au moyen du site internet Géoportail, il me semble possible d’avancer raisonnablement que le castrum de Massabrac est aujourd’hui, le domaine de Bigot, sur le territoire de la commune de Bénaix (09).
Cependant…
On sait que cet ancien castrum se situe sur le territoire actuel de Bénaix, mais les données actuelles ne nous permettent pas de le situer exactement. En effet, plusieurs endroits sur la commune comprennent aujourd’hui des vestiges de murs. C’est notamment le cas des lieux-dits Bigot (propriété privée) et la Tour, près de Mandrau5.

Enfin l’arrivée au pog, toujours selon le sergent de Bouan:

«Quand ce fut l’aube, les trois chevaliers quittèrent les hérétiques et reprirent leur route. Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous conduisîmes Guilhabert de Castres et les autres hérétiques à Montségur et les fîmes entrer dans le castrum, où ils restèrent».

 Conclusion

1/ Nous constatons que les pièces du puzzle s’imbriquent parfaitement.
2/ Cette imbrication nous permet d’affirmer que :
a/ L’église Saint-Quirc de Laroque-d’Olmes est bien celle citée dans le témoignage du sergent Bernard de Joucou.
b/ «Le Pas de las Portas» se situe au lieu-dit appelé aujourd’hui l’Entounadou (l’entonnoir) à Laroque-d’Olmes/Dreuilhe.
c/ Guilhabert de Castres à demandé l’aide de Raymond de Péreille, afin de franchir ou d’éviter le Pas (ou la Porte) de Lavelanet.

Mais par où sont-ils donc passés ?

Tout d’abord, il faut rappeller la difficulté presqu’insurmontable de retrouver les chemins et autres sentiers du moyen-âge. Hormis le fait que certains ont «toujours» existé, car «évidents», beaucoup ont disparus. Il est moins ici question de retrouver leurs tracés que d’indiquer une «possibilité».
Les alternatives, pour se rendre du Pas de las Portas à Montségur sont:…

Le chemin de crête

Le chemin de crête du cirque de Dreuilhe/Lavelanet, menant de Laroque-d’Olmes à Lavelanet. Les cavaliers venant de Gaja (-la-selve 11) arrivent en toute logique, après avoir évité Mirepoix, Labastide de Bousignac et Laroque-d’Olmes, du côté Est du Pas de las Portas.Pour emprunter le chemin de crête du cirque, ils doivent donc traverser le Touyre et monter par la pointe de la montagne côté Ouest du Pas de la Portas (ou de l’Entounadou). Après avoir parcouru le chemin de crête bordant le cirque, en passant par les lieux-dits Coulassou, l’Oustalet, près de Tarthie, au cap de Coume, et sur la Soula de Bensa, le convoi arrive à la chapelle de Sainte-Ruffine (IXème siècle) se trouvant sur la hauteur Ouest du Pas Lavelanet. Il ne lui reste plus alors pour descendre qu’à suivre le chemin desservant ladite chapelle. Mais arrivée au pied de la montagne, au delà du Pas certes, mais quand même assez près du castrum, la troupe se trouve toujours du côté Ouest du Touyre. Elle est donc obligée de traverser une deuxième fois la rivière pour aller prendre le chemin de Montségur.

On conviendra que ce n’est pas le trajet le plus aisé ni le plus évident, pour éviter Lavelanet, d’autant plus, je le rappelle, qu’il s’effectue de nuit.
Même si ce sentier existait à l’époque, je pense que l’on peut raisonnablement écarter l’idée, que l’escorte de Guilhabert de Castres ait pu l’emprunter.

La traversée de Lavelanet

On pourrait imaginer la traversée de Lavelanet, avec l’aide de complices dans la garnison de la place. Cependant, on peut argumenter avec justesse que l’opération aurait été trop longue et compliquée à monter en si peu de temps. Je rappelle que Guilhabert de Castres et ses compagnons étaient en fuite ou tout du moins effectuaient un départ précipité exigé par le  contexte que l’on sait. Cette éventualité est, je crois, à mettre également de côté.

L’itinéraire qui mène du Pas de las Portas au plateau de Massabrac via L’Aiguillon

C’est le chemin le plus probant, celui qui semble offrir le moins de difficultés et être le plus sûr. Selon moi la colonne conduite par Raymond de Péreille est passée à l’Est de Dreuilhe et à emprunté (actuellement) le GR du Pays d’Olmes (allant de Dreuilhe à Ivry-sur-l’Hers) qu’elle va abandonner à peu près à mi-distance, pour «descendre» (en passant au ou près du  hameau de Canterugue ? existait-il à l’époque ?) par de petits sentiers vers Lesparrou. Puis de cette localité par un des chemins longeant les rives de l’Hers, soit par (actuellement) la D16 [rive gauche] ou par (aujourd’hui) le GR 7 B [rive droite] gagner le village de l’Aiguillon.
L’Aiguillon (381 habitants en 2020) n’ayant pas l’importance de Lavelanet ne devait très certainement pas être surveillé. Les moyens financiers de Guy de Lévis ne lui permettaient probablement pas d’entretenir une garnison, si petite soit-elle, dans chacune ou dans une majorité de localités de son territoire (qui en comprenait 79). De l’Aiguillon la petite troupe va alors suivre ou continuer sur le GR 7 B passant par le Pas de l’Écluse (ici pas de voie navigable, pas de canal)6, pour aboutir au Nord-Est du plateau de Massabrac (Bénaix n’existait pas encore [cité au début du XIVème siècle]) au pied du Pog. Là, arrivés sur le plateau, alors que le convoi allait prendre le chemin pour se rendre à destination, le sergent Guillaume de Bouan nous dit: «Raymond de Péreille, moi même et les autres, nous allâmes ensemble avec les hérétiques jusqu’à Massabrac. Les chevaliers y firent entrer Guilhabert de Castres, qui avait froid, et ils y restèrent avec lui jusqu’à l’aube.». Le diable se cache dans les détails, dans l’emploi de «nous allâmes – jusqu’à – Massabrac», ne peut-on voir l’expression d’un écart du chemin qu’avait prévu de prendre le guide ?. Le domaine agricole dont le nom actuel est Bigot se trouvant à l’Ouest du plateau, au-delà de deux sentiers montant à Montségur, ne peut donc être que le castrum de Massabrac.

La distance et le temps…

Nous savons que le convoi est parti des environs de Gaja (-la-selve [11]) pour arriver au castrum de Massabrac et que le trajet s’est effectué au mois d’octobre, à cheval et de nuit. À partir de ces éléments on va pouvoir calculer la distance et le temps pour la parcourir. À l’aide de l’instrument de mesure du site Géoportail de l’IGN (Institut Géographique National) j’ai pu relever les distances (en ligne droite et arrondies au kilométrage supérieur) suivantes:
Gaja-la-selve – Queille = 20Kms, Queille – Le Pas de las Portas = 9 Kms, Le Pas de las Portas – Lesparrou = 5 kms,            Lesparrou – L’Aiguillon = 2 Kms, L’Aiguillon – Bénaix = 4 Kms, Bénaix – Bigot/Massabrac = 2 Kms : Total: 42 Kms.
Je pense qu’il faut ajouter à ce résultat 21Kms (la moitié de la somme) en détours et sinuosités pour obtenir un kilométrage plus réaliste du parcours. Ce qui nous donne 42 + 21 = 63 Kms. L’allure au pas d’un cheval, généralement admise, est de 7 Kms/heure. Le trajet s’étant effectué de nuit, j’abaisserai celle-ci à 6 Kms/heure. Ce qui nous donne 63 Kms : 6 Kms/heure = 10,5, soit 10h30. Parti aux environs de 18 heures, voire plus tôt, de la forêt de Gaja-la-selve (la nuit tombe            assez tôt au mois d’octobre – le trajet s’est-il effectué au début ou à la fin du mois ?) le convoi a dû arriver, à Massabrac, aux alentours de 4h30 du matin, soit avant le lever du jour.
Ce qui est confirmé par le témoignage du sergent Guillaume de Bouan qui nous dit:

«Et ils y restèrent [les chevaliers] avec lui [Guilhabert de Castres] jusqu’à l’aube.».

L’itinéraire Gaja-Massabrac par le Pas de las Portas, l’Aiguillon et le Pas de l’Ecluse peut donc être parcouru à cheval dans l’espace d’une nuit.

Ensuite…

Il est à noter que l’itinéraire partant de Montségur et passant par le Pas de l’Écluse, l’Aiguillon, Lesparrou (et au-delà), sera celui suivi après 1232 par les Bons Hommes qui se rendaient, ou revenaient de tournées pastorales, en Lauragais.

Il comportait deux étapes: Queille (qui se situe au nord de Léran) et Gaja (-la-selve [11]).

Michel Roquebert nous dit à leur sujet: «Il faut dire que Gaja-ses maisons, mais aussi sa grande forêt, est avec Queille plus au sud, l’un des deux relais obligés entre le Lauragais et Montségur.» [Histoire des Cathares, éditions Perrin, collection tempus, 2002, page 361.].

Voilà bien l’indication que le Pas de l’Ecluse, l’Aiguillon, Lesparrou, la Bastide-sur-l’Hers, n’étaient pas surveillés, et donc à contrario que Lavelanet, lui, l’était. Sinon pourquoi les bons hommes auraient-ils suivi ce trajet ? Et si Lavelanet n’avait pas été surveillée, après l’avoir traversée, pourquoi passer par Queille plutôt que de continuer sur l’axe classique Lavelanet-Mirepoix ? Ce qui amène à la déduction suivante: le chemin qu’empruntaient les bons hommes depuis 1232, fut, et ce pour la même raison, celui suivi, une décennie plus tard, jusqu’à Gaja à l’aller et depuis Mirepoix au retour, par le commando de Montségur lors de l’expédition punitive dirigée contre le tribunal de l’inquisition alors à Avignonet-Lauragais (31).

Conclusion

La surveillance du Pas de Lavelanet est l’élément déterminant qui permet d’avancer que:

  • Le contournement de Lavelanet, depuis le Pas de las Portas par l’Aiguillon, et le Pas de l’Ecluse est bien l’option que choisit l’escorte de Guilhabert de Castres, parce qu’elle est la plus plausible.
  • Le résultat du calcul du temps mis pour effectuer la totalité du trajet confirme la possibilité du fait.
  • L’itinéraire suivit en 1242, par le commando de Montségur pour aller commettre son forfait, ne peut être que celui pris invariablement depuis dix ans par les bonshommes pour se rendre en Lauragais et en revenir, car c’est le seul possible.

JOULIA Bruno pour Rencontre cathare de la résurgence (© 2023)


1 – https://dictionnaire.lerobert.com/definition/topographie
2 – https://dictionnaire.lerobert.com/definition/toponymie
3 – https://www.littre.org/
4 – https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2F www.histariege.com%2Flavelanet.htm%23Approches%2520historiques#federation=archive.wikiwix.com&tab=url
5 – https://www.pyreneescathares-patrimoine.fr/benaix.php?commune_id=5&ccPath=33&cbox_id=39
6 – Pas de l’écluse est le toponyme déformé du Pas de la cluse : coupure encaissée perpendiculaire, dans une chaîne de montagnes. (Dictionnaire le Robert.)

Laurac

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Laurac

Laurac, est une petite commune du Nord-Ouest du département de l’Aude. Elle se trouve en bordure de la vaste plaine du Sud-Ouest toulousain, sur le flanc sud d’une des premières collines de la micro-région de la Piège. C’était au Moyen-Âge un important castrum, capitale jusqu’au XIVème siècle de la région à laquelle elle a donné son nom, le Lauragais. Au cours des XIIème et XIIIème siècles, le castrum a été un haut lieu du catharisme.Read more

Castelnaudary

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Castelnaudary

Castelnaudary, est une petite ville située au Nord-Ouest du département de l’Aude. On la considère depuis le XIVème siècle, à la suite de Laurac (-le-Grand [11]), comme la capitale du Lauragais. Elle se trouve au cœur de la vaste plaine du Sud-Est du Toulousain, entre les premiers contreforts de la Montagne Noire, et les collines de la Piège ; c’est un carrefour sur les axes Toulouse-Carcassonne, et Tarn-Ariège. Au cours du Moyen-âge, elle a été, comme toutes les localités alentour, un important foyer du catharisme, où de marquants évènements se sont déroulés lors de la fameuse « affaire Albigeoise » (1208-1329).

En 1211, pour éviter qu’elle ne serve de base et d’étape aux troupes croisées, la ville sera évacuée puis incendiée par Raymond VI qui tentera ainsi de freiner l’avance de l’ost catholique vers Toulouse. Cependant, Simon de Montfort, mesurant la valeur stratégique du bourg, s’emparera de celui-ci et en fera réédifier les murs afin d’y établir une garnison. À la fin de l’été de la même année, suite à l’échec, fin juillet, du siège de Toulouse par l’armée francilienne, la coalition occitane passera à la contre-attaque. Ce faisant elle viendra faire le siège de Castelnaudary où ses troupes et machines de guerre camperont en un lieu (aujourd’hui le quartier Mauléon) non loin du castrum ; ce dernier était alors occupé par la garnison de la place et les soldats croisés qui avaient abandonné Montferrand (11). La population de la cité, quant à elle, devant le danger, préfèrera fuir la ville et rejoindra l’armada languedocienne. Simon de Montfort, depuis Carcassonne, voulant en découdre au plus vite, fit route à marche forcée vers la ville qui subissait un vague blocus, et n’était pas, faute de plan de la part des occitans, réellement attaquée. Le comte français, dans l’attente de secours qu’il avait envoyé mander, décida, par choix tactique, de s’y laisser enfermer. Commença dès lors une guerre de positions. À la nouvelle que le comte de Monfort était, pensait-on, emprisonné dans le castrum assiégé, toute la région environnante se souleva et se libéra (pour quelques mois cependant) du joug des croisés. C’est alors que les renforts arrivant de Lavaur (81), seront  interceptés par le comte de Foix. La bataille eut lieu (aujourd’hui signalée par un panneau didactique) entre les communes de Saint-Martin-Lalande (11) et Lasbordes (11), à quelques kilomètres de la cité chaurienne. Tournant dans un premier temps à l’avantage des coalisés, elle s’achèvera, après une intervention de chevaliers menés par l’intrépide chef catholique venus à la rescousse du convoi, sans vainqueur, ni vaincu. Presqu’aussitôt le comte de Toulouse, mettra un terme au siège, et par là même, à la contre-offensive qui l’avait amené sous les murs de la cité lauragaise, laissant ainsi Montfort maître de la place. Presque deux ans plus tard, Castelnaudary sera l’écrin d’un événement d’importance pour la famille de Monfort. Selon son souhait Amaury, son fils, y sera armé chevalier. Sous une grande tente dressée sur une vaste prairie qui s’étendait aux pieds des remparts regardant les Pyrénées (aujourd’hui, le grand bassin du Canal du Midi), le fils sera adoubé par son père le 24 juin 1213, jour de la Saint-Jean. Mais Amaury et Simon ne chevaucheront que peu d’années ensemble. Le 25 juin 1218 le chef de l’ost croisé sera tué au siège de Toulouse, laissant Amaury désemparé, et désormais chargé de la préservation des terres conquises ainsi que de la poursuite de la croisade contre les cathares. Cependant depuis 1216, les temps ont changé, les possessions des Montfort sont contestées par le jeune Raymond VII qui combat pour récupérer les domaines de ces ancêtres. C’est dans ce contexte de reconquista qu’au printemps 1220, ce dernier marche sur Castelnaudary et l’investit. Amaury de Montfort va réagir en venant assiéger la cité, dont il s’était auparavant retiré. et dans laquelle se trouve de nombreux hérétiques (chrétiens cathares) qui s’y étaient réinstallés. Parmi eux se trouvaient le célèbre hérésiarque (évêque cathare) Guilhabert de Castres, et le diacre du Sabarthès, Raymond Agulher, qui seront évacués par des chevaliers croyants, au vu du risque encouru pour l’Église cathare s’ils venaient à être capturés. Au cours d’un des combats, qui n’ont pas manqué d’émailler ces huit mois de siège, fut mortellement blessé le chevalier et croyant cathare Raymond de Roqueville, qui recevra le consolament des mourants (baptême cathare) par deux parfaits (chrétiens consolés) accourus à sa demande. En février 1221, de guerre lasse, Amaury lèvera le camp, pour se replier à nouveau sur Carcassonne. Cinq années passèrent. En 1226, le roi Louis VIII, décidant de rentrer à Paris, après avoir renoncé à prendre Toulouse, fit halte à Castelnaudary. Le bayle du comte de Toulouse d’alors, Pierre Marty, qui avait défendu la place lors du siège d’Amaury de Montfort, prit de panique, demandera l’asile à Bernard-Othon de Niort, qui le cachera quelques jours à Laurac, puis au donjon de Besplas. Il y rejoindra Guilhabert de Castres et quelques parfaits qui s’étaient cachés là dès l’annonce de l’arrivée de la croisade royale. Puis la guerre contre les Albigeois se terminera en 1229 par la signature du traité de Paris. Les clauses de celui-ci prévoyaient la démilitarisation du comté de Toulouse. Certaines de ses places fortes devaient être démantelées, les autres, dont Castelnaudary, devaient être neutralisées. Pour son compte, la cité chaurienne sera occupée par des troupes royales pendant dix ans. Dix-huit mois plus tard la ville servira cette fois de lieu d’entrevue entre l’évêque de Tournai, Gauthier de Marnis et Raymond VII. Le nouveau légat du pape Honorius III, y rappellera pour lors fermement au comte de Toulouse ses manquements dans l’observance les modalités, concernant la lutte contre les hérétiques, du traité qu’il avait pourtant signé quelques mois plus tôt. L’année 1233, suite à l’échec de l’Inquisition épiscopale établie en 1229, verra l’instauration de l’Inquisition papale confiée aux ordres mineurs. C’est au cours de leur tournée inquisitoriale en Lauragais, en janvier 1242, que les frères Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry, s’arrêteront à Castelnaudary. Ils se trouveront devant un véritable mur du silence de la part de la noblesse locale, qui avait pour s’assurer le mutisme de la population, lancé des menaces de mort à l’encontre de tout éventuel délateur qui serait démasqué. Malgré l’assassinat des inquisiteurs à Avignonet (28 mai 1242), Castelnaudary sera le théâtre, à Pâques 1243, du bûcher, sur condamnation de frère Ferrer, d’un homme et de son petit-fils, deux hérétiques cathares de Montgaillard (31). Cependant, la ville et la région ne comptaient pas seulement que des hérétiques ; l’inquisiteur Hugues Amiel, qui officia dans la seconde moitié du XIIIème siècle, était lui aussi natif du bourg. Enfin le nom de Castelnaudary apparaîtra une dernière fois dans « l’affaire Albigeoise ». En 1319, une partie du procès du révolté moine franscicain Bernard Délicieux, accusé d’avoir soulevé le peuple contre l’Inquisition au cours de « la rage carcassonnaise », se tiendra dans la future capitale du Lauragais…

Dans une tournée du Catharisme en Lauragais, Castelnaudary est une étape importante. Il faut pour ressentir l’ambiance qui régnait entre ses murs avant la croisade, se promener dans le quartier de la Baffe, où se trouvaient les ateliers tenus par les bons-hommes tisserands (métier de prédilection des cathares revêtus), qui dispensaient, tout en travaillant, l’enseignement de la « nouvelle » croyance. Puis votre déambulation dans la vieille ville, vous mènera peut-être près de l’endroit où la noble et célèbre bonne-femme Blanche de Laurac (11) administrait en personne une maison hérétique dans laquelle des novices féminines se préparaient à recevoir, au bout d’un long cheminement spirituel, le consolament d’ordination. Au contraire, se balader du côté du Présidial, c’est flâner où se dressait le château médiéval, c’est alors imaginer la fièvre, l’âpreté et la violence des sièges et des combats. Avoir aperçu les vestiges des remparts, c’est avoir eu la vision des affrontements et des assauts où tant d’occitans se battirent pour la défense de leur liberté, de leurs terres, de leur civilisation… mais aussi, pour certains, de leur foi.

Le bassin du port est le second en taille, après le lac de Saint-Ferréol, qui assure le niveau d’approvisionnement du canal du Midi. Vous pourrez y louer des pénichettes sans permis pour une promenade au rythme de l’eau, non sans avoir auparavant dégusté le cassoulet, dont la cité chaurienne considère qu’elle en est la créatrice.

Publié le 26/06/2023 par Bruno Joulia

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Saint Félix Lauragais

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Saint Félix Lauragais et le concile cathare de 1167

Le village de Saint-Félix-Lauragais (Caraman au Moyen-Âge), se situe au Nord-Est du département de la Haute-Garonne. Il est planté au bord d’un plateau qui domine la plaine lauragaise de Revel, face à l’extrême pointe Ouest de la Montagne Noire. Occupée de tout temps, la position, alors ancien castrum Wisigoth, verra au Xème siècle l’édification d’un château. Il sera constitué, comme beaucoup de forts de l’époque, d’un donjon qui permettait une surveillance de tous les horizons et de remparts, aux pieds desquels se formera un bourg.

Peut-être est-ce dans cette petite forteresse que se tint le concile cathare en 1167. Après constat de l’importance de la prégnance de la «nouvelle» spiritualité, il fallait que lors d’une rencontre de ses hérésiarques, décision fut prise d’instaurer, de structurer ou réorganiser de véritables églises.

Le choix du lieu de la tenue d’une l’assemblée se porta sur Saint-Félix en raisons, de sa position au cœur du Lauragais, à peu près à égale distance des importantes villes de Toulouse, Albi et Carcassonne et de sa sécurité qui pouvait être assurée par Guillaume, seigneur du lieu, vassal du Vicomte Trencavel, et fervent sympathisant cathare lui-même.

Sous la présidence du pope Nicétas (Niquinta) évêque des Églises bogomiles (ou cathares d’Orient) venu expressément de Constantinople. Il y fut réglé un problème de bornage d’évêchés, y fut créé de nouveaux diocèses, et y fut procédé à de nouvelles ordinations. Cependant le fait majeur qui résulte de ces assises, est la reconnaissance par les Églises cathares d’Orient, des Églises cathares occitanes. Dès lors l’ensemble de ces dernières sera perçu comme une sorte de contre-Église face à l’Église catholique romaine.

Mais le concile ne résume pas à lui seul l’histoire de la période cathare du village.

Malgré l’arrivée de l’ost croisé en 1209, le bourg est toujours en 1211, le siège d’un diaconat cathare dont le diacre, un certain Bouffil, originaire des Cassès, est  également le socius (compagnon) du diacre Guiraud de Gourdon, seigneur de Caraman.

Preuve du nombre important des croyants hérétiques à Saint-Félix et ses environs.

Peut-être est-ce le prétexte dont se saisit Simon de Montfort pour détruire le village et son château.

Celui-ci sera reconstruit ultérieurement.

Toutefois les habitants du bourg ne vont pas manquer de réagir dès la première occasion.

Quelques semaines plus tard, Saint-Félix et tout le pays alentour, apprenant la nouvelle du siège de Castelnaudary, dans lequel Simon de Monfort s’était laissé enfermé par choix tactique, se soulèveront et chasseront l’occupant français.

Néanmoins, la liberté retrouvée ne va durer que peu de temps ; au printemps 1212, les renforts reçus par les croisés, leur permettront de récupérer rapidement les localités qui s’étaient révoltées à l’automne de l’année précédente.

Et les campagnes militaires suivirent leurs cours.

En 1226, à l’annonce de l’arrivée de la croisade de Louis VIII en Languedoc, Saint-Félix, et une quinzaine de localités et châteaux de son terroir, feront l’objet d’un singulier marché.

Raymond VII comptant résister à l’ost royal, inféodera la contrée Saint-Félicienne au comte de Foix en contre-partie du ralliement de celui-ci à sa cause ; cela n’empêchera toutefois nullement le fier seigneur ariègeois d’aller offrir sa soumission au roi, assiégeant alors la ville d’ Avignon, qui… la refusera !

Puis, c’est en 1229, mettant fin à vingt ans de guerre, la signature de la paix de Paris.

La proclamation de celle-ci, suivie de la nouvelle de la venue du légat pontifical avec de nombreuses troupes à Toulouse, décidera le célèbre évêque hérétique Guilhabert de Castres, alors à Saint-Paul-Cap-de-Joux à prendre la fuite. Il sera amené clandestinement, par des passeurs, dans un cammas proche de Saint-Félix d’où il repartira accompagné et toujours sous protection, pour gagner le château d’Albédun (aujourd’hui le Bézu) dans le Razès.

Alors arrivera le temps de l’inquisition.

En 1242 les frères Guillaume Arnaud et Étienne de Saint-Thibéry en tournée inquisitoriale, passèrent à Saint-Félix comme dans la plupart des bourgs du Lauragais.

Malgré le danger, le village et ses alentours seront ultérieurement le terrain des tournées pastorales de Bernard de Mayreville descendu de Montségur, assurer la fonction de diacre du secteur.

L’année 1245, après le massacre des inquisiteurs (Avignonet 1242) et la chute de Montségur (1244), verra la reprise et la poursuite par le dominicain Bernard de Caux de la grande enquête d’Inquisition en Lauragais. Elle ne sera pas couronnée de succès concernant Saint-Félix, diaconat cathare ; sur cent soixante et onze personnes interrogées, seulement huit firent de maigres aveux.

Deux ans plus tard, le comte de Toulouse, Raymond VII, ayant récupéré ses droits sur le Lauragais, confiera à Sicard Alaman, administrateur de ses possessions, la tâche de reconstruire Saint-Félix selon les plans des bastides nouvellement crées, comme Tournon-d’Agenais ou Castelnau de Montmirail.

C’est la ville que nous voyons aujourd’hui, formée de deux rues parallèles et du nouveau château, érigé avec des parties de l’ancien.

Enfin en 1255 l’Église cathare occitane en exil en Lombardie, s’alarmant de l’absence totale de diacre en Lauragais, instituera dans cette fonction un certain Aymard qu’elle enverra aussitôt exercer en Vielmorès.

S’il est un site relatif au catharisme qu’il faut voir en Occitanie, c’est celui-ci. La visite du village de Saint-Félix est assurément indispensable. Au regard du concile qui s’y est tenu en 1167, certains considèrent l’endroit comme étant le berceau de l’hérésie en Occitanie. Pour qui adhère à la spiritualité Cathare, se rendre à Saint-Félix-Lauragais, c’est pourrait-on dire, réaliser en quelque sorte un pèlerinage.

Bruno Joulia, © 2023

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Verdun-Lauragais

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Verdun-Lauragais

Toujours dans le Lauragais, à huit kms à l’Est de Labécède se trouve planté sur une presqu’ile rocheuse, à l’instar de Minerve (34) et de Montolieu (11), cernée par la petite rivière le Tenten au Nord-Est et le ruisseau la Goutine au Sud-Ouest, le village de Verdun-Lauragais. Il se situe à 315 mètres d’altitude sur le flan méridional de la Montagne Noire, face aux Pyrénées et dominant la vaste plaine de Castelnaudary. Son relatif isolement n’empêchera nullement de le préserver de l’ancrage du catharisme lors des XIIème et XIIIème siècles, en faisant même, au contraire, un des derniers saillants de celui-ci en Lauragais au tout début du siècle suivant.

Ce n’est qu’en 1152 que les fils d’Hugues de Saissac, annoncent à leur suzerain Raymond Trencavel (le vicomte d’Albi, Carcassonne, Béziers) avoir pris la décision de la fondation d’un castrum au lieu de Verdun. Le site est alors entouré de remparts et pourvu de deux portes (que l’on devine encore de nos jours), la porte d’aval et la porte du Cers.

Le castrum aura, comme tous les castrums du Lauragais de cette époque, sa maison d’hérétiques cathares, où les jeunes gens du bourg venaient apprendre à tisser et s’instruire en religion.

L’opération militaire contre les albigeois (1209-1229) ne génèrera aucun événement à Verdun. Malgré les instaurations successives des inquisitions épiscopales (1229) et dominicaines (1233), il faudra attendre le début des années 1240, pour que le nom du castrum soit par l’entremise de son bayle, cité pour un acte de violence. Sur incitation de ce dernier et du collecteur de dimes, une dizaine d’habitants de Caraman tendront une embuscade au curé de Vitrac (81) et son clerc. Le prêtre parviendra à s’enfuir, mais le clerc sera assassiné et jeté dans un puits. Nous ne savons rien sur les suites (s’il y en a eu) de cette affaire. Faute d’informations, nous ne pouvons que supposer la quiétude du village et de ses abords immédiats, pour les quelques années qui ont suivi cet événement vengeur…

Néanmoins, nous apprenons, qu’en l’an 1254, Raymond Donati, de son nom en religion Montouty, diacre cathare de Toulouse, prêchait dans un bois proche de Verdun. La même année, peut-être à seulement quelques jours ou semaines de distance des prédications, hasard ou coincidence ?, l’inquisition perquisitionne le castrum. C’est alors, en ces tragiques moments, que des croyantes de Dreuilhe et de Verdun vont annoncer, aux parfaits du lieu qui se cachaient au bord de la rivière le Tenten, leur départ imminent pour l’Italie afin de s’y faire ordonner ; le Lauragais ne disposant plus à cet instant de diacre pour conférer le sacrement.
L’opération terminée, trois des « héréticus perfectus » qui s’étaient préservés de l’intervention inquisitoriale, sachant ne plus pouvoir retourner chez les croyants, seront cachés et ravitaillés pendant deux mois dans les environs du castrum. Puis l’un d’eux se terrera encore quelques temps au lieu-dit les Pierres Blanches, tout près du bourg. Il s’appelait Guillaume Carrère. Après avoir mené une douzaine d’années durant, la vie clandestine d’un parfait de son temps, découragé, il finira par abjurer volontairement sa foi hérétique auprès de l’inquisition.

La pression du tribunal de la foi s’accentuant, nombre de verdunois et verdunoises choisiront l’option d’aller chercher refuge en Lombardie, à l’exemple du natif du castrum, le parfait Bernard Ollier vu en la ville de Pavie, et que l’on retrouvera avec rang d’évêque, à Sirmione par la suite. Pour l’anecdote, il avait été de ceux qui avaient soutenu Guillaume Carrère, quand celui-ci se cachait dans les bois du village.

En 1305, une nouvelle et grande rafle sera ordonnée par l’inquisiteur Geoffroy d’Ablis, elle aboutira à l’envoi de dix-huit habitants du castrum au mur (prison inquisitoriale) de Carcassonne. Elle permettra également à l’enquête de se mettre sur la piste de l’église des frères Authier, dont les membres avaient rendu de fréquentes visites aux bons croyants et bonnes croyantes du bourg.
Quatre ans plus tard, la traque des disciples de Pierre Authié se poursuivant, c’est l’arrestation de l’un d’eux, Amiel de Perles, dans une borde dans les environs de Verdun. Parmi les soutiens actifs des bons chrétiens de la dernière église cathare occitane des frères Authié, figuraient trois fidèles issus du castrum, Guilhem Falquet, Pèire Bernier et sa femme Serdane, preuve, s’il en est, de la résistance de la population verdunoise à la répression inquisitoriale. Pèire Bernier, sera quant à lui, après avoir été arrêté et condamné comme relaps, les inquisiteurs disaient « comme un chien retourne à son vomi », un des cinq brûlés originaires de Verdun, des 25 cathares exécutés à Toulouse entre 1308 à 1321.

Verdun, nous venons de le voir, de par son histoire, est une étape incontournable pour qui voudrait sillonner « les routes du catharisme » en Lauragais. Sur place, vous pourrez y constater la configuration remarquable du castrum, dont les contours sont parfaitement adaptés à la topographie du lieu. L’hérésie albigeoise y a été particulièrement présente et ses adeptes singulièrement fervents. De grands noms du Catharisme, y ont séjournés, y ont prêché, y ont consolé, s’y sont réfugiés… 800 ans plus tard, l’endroit transpire encore leur présence. C’est un haut lieu du catharisme qu’il faut absolument visiter.

Bruno Joulia – Peyrens (11400) ©2023 (texte et photos)

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Le Mas-Saintes-Puelles

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Le Mas-Saintes-Puelles

Le Mas-Saintes-Puelles est aujourd’hui, une modeste commune située dans le département de l’Aude. Elle est nichée, à quelques kilomètres à l’Ouest de Castelnaudary, au pied des premières collines de la microrégion de la Piège, en bordure de la grande plaine lauragaise. Au cours des XIIème et XIIIème elle a été un haut-lieu de l’hérésie Albigeoise.

Rappels historiques

Dans l’occitanie, du XIIème et du tout début du XIIIème siècles, les prélats de l’église catholique romaine, prédateurs, corrompus, n’assurant plus leur tâche, permettront, en ne donnant plus l’exemple de la probité, du détachement du temporel et de la charité, l’implantation et la diffusion du catharisme.
La petite noblesse rurale d’alors, dans un large ensemble, se détournera de la grande Église et adhèrera par conséquent sans réserve à la secte prêchant la « nouvelle » foi. La famille seigneuriale du Mas ne fit pas exception à la règle ; comme nombre de membres de la caste nobiliaire de cette époque, la châtelaine Garsende, deviendra bonne femme, c’est à dire ordonnée dans la contre-Église Albigeoise, et tiendra maison hérétique en son fief. Sa vie terrestre s’achevera, après une long sacerdoce, sur le même bûcher que celui de sa fille Gailharde, elle aussi parfaite, peu avant 1245. C’est également dans son village natal que l’on verra officier un parfait du nom de Raymond du Mas, avant son départ, en raison de la pression grandissante de l’Inquisition, pour le refuge pyrénéen de Montségur. Il en descendra avec rang de diacre pour le Vielmorès, mais pour peu de temps, car sentant les filets du tribunal de la foi se resserrer dangereusement, il décidera de fuir en Lombardie (Italie). Quant aux seigneurs et chevaliers, qui n’avaient pas choisis la vêture, ils prendront le parti des armes. À l’image de Jourdain du Mas, le petit-fils de Garsende, ils résisteront aux envahisseurs croisés puis à l’inquisition. En 1242, la famille seigneuriale du Mas s’impliquera grandement, comme de juste, dans le massacre des inquisiteurs à  Avignonet (31). Afin que le chef du commando descendu de Montségur (09), Pierre-Roger de Mirepoix, puisse diriger l’opération en toute quiétude, elle mettra à sa disposition le petit castrum d’Antioche (proche de Payra-sur-l’Hers 11410). De là partira la troupe chargée de la besogne, dans laquelle seront compris le jeune noble du Mas et ses cousins massogiens, Jourdain et Bertrand de Quiders. Le forfait commis, le commando retournera à sa base emmenant avec lui Jordanet (surnom de Jourdain du Mas) vers son exil pyrénéen. Mais sa destinée va très vite le rattraper; il trouvera la mort en défendant le refuge cathare lors du siège de celui-ci par les troupes royales en 1244. Parmi les soixantes victimes connues, sur un peu plus de deux cent selon les témoignages, du bûcher qui suivit la chute du pog, figurent Raymonde Barbe, fille de dame Na Rica du Mas-Sainte-Puelles, et le parfait Pierre du Mas originaire du bourg éponyme. Par la suite, les enquêtes inquisitoriales menées après ce tragique épisode, révèleront que Jourdain le vieux, le père du jeune héros Jordanet, à été, également et évidemment pourrait-on dire, croyant des hérétiques. Bertrand de Quiders, pour sa part, affirmera plus tard s’être enfui en Lombardie grâce à l’argent que lui aurait donné le comte de Toulouse Raymond VII (soupçonné d’être le commanditaire des assassinats d’Avignonet) et Sicard Alaman (l’administrateur des possessions du comte). En 1285, pour réaffirmer son emprise trop longtemps contestée sur les âmes du Mas, l’Église catholique y fondera un couvent avec une grande Église, qu’occuperont des moines de l’ordre de Saint-Augustin. Preuve, s’il en est, de la place considérable qu’avait pris le catharisme dans le village. Le nom du bourg apparaîtra encore bien des fois dans les registres des enquêtes inquisitoriales qui se poursuivront jusqu’à la fin du XIIIème siècle et même après. Il résonnera à nouveau à l’occasion d’une péripétie qui se produira au début du XIVème siècle. En 1320 l’ancienne châtelaine de Montaillou (09), Béatrice de Planissolles, suspectée d’hérésie (cathare), sorcellerie, et blasphème sera sommée de comparaître devant le tribunal d’inquisition de Pamiers. Affolée, elle tentera désespérement de se soustraire des griffes de l’accusation en prenant la fuite; cependant recherchée avec zèle, elle sera retrouvée et arrêtée, au cœur du Lauragais, dans la petite localité du Mas-Saintes-Puelles où elle se cachait…

Sociologie du catharisme

L’histoire du catharisme est affaire de famille. La famille ou plutôt le clan seigneurial du Mas-Saintes-Puelles a été, peut-être plus que tous autres (Lanta, Laurac…), grandement empreint de l’hérésie Albigeoise. Plusieurs de ses membres ont même embrassé la «nouvelle spiritualité» au point de devenir des religieux de la contre-église hérétique. À leur exemple environ cinquante pour cent de la population du bourg a adhéré à la croyance dissidente. Un record absolu en Lauragais, mais aussi certainement au-delà. On ne peut prétendre avoir visité le Lauragais cathare, sans avoir fait une halte au Mas-Saintes-Puelles. Malgré les destructions qu’eut à subir le village au cours de son histoire, on peut encore y voir, comme menus témoins de cette époque, des vestiges du château, sur une partie desquels à été bâtie l’église (voir l’abside) et dont le sommet du clocher semble assis sur une des tours. Déambuler dans les rues du village (dont le nom de certaines nous rappelle le passé : rue des remparts, rue du couvent…), c’est marcher sur les pas des cathares, s’en rapprocher autant que faire se peut, sentir leur présence par delà les siècles… .Encore un site, pour qui s’intéresse à la célèbre hérésie, absolument incontournable.

© Bruno Joulia

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