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La vérité historique : Christ et Jésus

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La vérité historique : Christ et Jésus

Nous ressentons le besoin viscéral d’être assurés connaître toute la vérité sur tous les sujets. Cela en arrive même au point que, de nos jours, la remise en question de toute information — y compris quand elle est confirmée par les spécialistes du sujet —, est devenue un sport planétaire. Nous oscillons entre la peur de la manipulation et l’envie de disposer d’une information indiscutable.
L’homme est-il allé sur la Lune ? La terre est-elle ronde ou plate ? Fut-elle le fruit d’une évolution naturelle de type darwinien ou a-t-elle été créée en sept jours ?

Aujourd’hui je vais essayer d’ouvrir avec vous un dossier beaucoup plus épineux sans prétendre vous proposer une réponse univoque et encore moins vous faire adopter mon avis.

La vérité historique

Samuel Noah Kramer titre son ouvrage : « L’histoire commence à Sumer ».
La justification de cette affirmation tient au fait que cette science humaine permet de fixer la mémoire, d’un peuple, d’un pays, d’un continent, etc. Or, Sumer étant, en l’état actuel de nos connaissances, la région où est apparue la première forme d’écriture (vers – 3300), qui évoluera vers l’écriture cunéiforme, elle devient logiquement le premier lieu où les événements furent « fixés » par ce nouveau moyen de transmission de la mémoire.

La vérité historique repose donc sur deux éléments qui la définissent sans garantir en aucune façon l’authenticité de ce qu’ils affirment : l’honnêteté du récit qui est liée à la subjectivité de celui qui le raconte et l’existence d’un moyen de transmission fixe, l’écriture.

La fiabilité des sources

La fiabilité des sources est d’autant plus douteuse que l’un de ces deux éléments peut être pris en défaut. Les Romains comme les juifs, considéraient qu’un témoignage unique était sans valeur (testis unus testis nullus), ce qui nécessitait donc deux témoignages concordants pour avoir valeur de preuve. Donc, si un fait est relaté par un témoin unique, sa fiabilité est forcément douteuse, sans que cela soit un jugement de valeur sur le témoin. Pendant des siècles, nous avons eu des Gaulois l’image que nous en transmis par écrit un seul témoin Jules César, dans son ouvrage : La guerre des Gaules. Nous savons aujourd’hui, grâce à d’autres axes de recherche, que ce témoignage n’est pas fiable. De même, les sources orales ont toujours fait l’objet d’adaptations au fil du temps, ce qui leur ôte toute fiabilité.

Le concept de vérité historique

L’histoire est écrite par les vainqueurs. Cette affirmation de Robert Brasillach dans son livre Frères ennemis, pose en fait la volonté que l’histoire soit le ciment d’une nation et qu’elle doive donc proposer un récit univoque pour souder des peuples après des troubles. Mais, les vaincus ont leur propre histoire et la conservent sous différentes formes dans le but de ne pas laisser s’éteindre leur vérité historique.
La vérité historique se heurte souvent à des contradictions issues d’autres sciences, comme ce fut le cas de l’archéologie pour le récit de la Torah ou de la philologie pour l’attribution du contenu de certains documents écrits, comme les Lettres de Paul par exemple.
Ainsi, les peuples dominants ont souvent falsifié, de manière intentionnelle ou culturelle, le récit qu’ils ont retranscrit pour orienter l’image qu’ils voulaient donner des événements. Les juifs ont inventé une antériorité de leur histoire d’environ six siècles (- 1200 ans au lieu de – 600 ans), car l’ancienneté d’un récit renforçait sa validité. Aujourd’hui, la tendance s’est quasiment inversée. Il en va de même du christianisme qui est devenu l’histoire du groupe judéo-chrétien, institué comme groupe chrétien de référence par Théodose 1er et doté d’un droit de répression qui lui a permis de réduire, voire de détruire les groupes dissidents, généralement pagano-chrétiens. Ainsi, plus rien ne s’opposait à ce que leur vérité devienne la vérité de toute la chrétienté.

Le récit historique

Si l’utilisation de l’histoire est si importante pour un peuple c’est qu’elle permet de créer une cohésion basée sur des événements, réels ou fictifs, qui servent de socle à l’établissement d’un récit national. Or nous savons comment la référence nationale est toujours un ciment puissant pour les peuples en leur permettant de reconnaître ses membres et d’en exclure les autres. Cela fonctionne aussi dans la plupart des religions. Malheureusement, comme nous le voyons aujourd’hui, c’est aussi l’occasion de violences qui visent à imposer un état de fait qui ne s’appuie que sur ce récit historique, comme c’est le cas en Palestine ou en Ukraine.

La vérité historique doit donc rester à l’état de concept pour le chercheur, même si ses convictions personnelles le poussent à vouloir valider tel récit historique qui correspond à sa culture.

L’histoire chrétienne et Jésus

La situation du christianisme au premier siècle

Le proto-christianisme s’est développé dans une région où deux religions coexistaient : le judaïsme hébreu et le mithraïsme romain. Les populations concernées étaient juives et le judaïsme était composé de nombreux courants de pensée appelés sectes : pharisiens, saducéens, zélotes, esséniens, etc. L’apparition de ce nouveau courant, qui ne rejetait rien du judaïsme traditionnel n’a donc pas provoqué de choc culturel susceptible de justifier des écrits clairs et concordants, du moins jusqu’à ce qu’il devienne gênant et justifie des rétorsions. Du point de vue romain, une secte juive de plus ou de moins était sans intérêt.
On retrouve ce schéma avec le catharisme en Languedoc : tant qu’il est resté dans la discrétion de la vie quotidienne personne n’en parlait et il fallut attendre le 13e siècle pour qu’il apparaisse dans les textes, alors qu’il existait dans les écrits d’autres régions (Bulgarie, Cologne, Champagne, Orléanais, etc.) depuis un siècle, puisqu’il y a fait l’objet de répressions.
Le christianisme présente en outre la particularité d’être une religion dont les courants internes n’ont jamais cessé d’être en conflit pour s’imposer comme seule référence globale. Comme je l’ai expliqué dans mon livre[1], un premier schisme s’est produit en 49 quand Paul s’est insurgé de la volonté des représentants (colonnes) de Jérusalem d’imposer le strict respect des règles juives aux prétendants se réclamant de Christ. De ce schisme sont apparus deux groupes, le premier soumis au judaïsme (juifs-chrétiens puis judéo-chrétiens) et le second affranchi de tout lien avec le judaïsme (pagano-chrétiens). Bien entendu, ces termes ne furent employés qu’après l’attribution du sobriquet « chrétiens » aux marcionites d’Éphèse au début du 2e siècle[2].

Le personnage de Jésus

La tradition orale judéo-chrétienne était initialement centrée sur la Passion, incluant la crucifixion et la résurrection. S’adressant à des populations juives pour la plupart, bercées de récits fantastiques issus de la Torah, il se devait d’être au moins aussi merveilleux, d’autant qu’il évoquait un personnage falot, sans pouvoir et éliminé de la façon la plus misérable qui soit. Cela était bien éloigné du récit juif du Messie guerrier qui viendrait un jour délivrer son peuple prisonnier des ennemis de Iahvé ancré dans l’imaginaire juif.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le récit de la mort et de la résurrection soient empreints d’éléments extraordinaires. Sans oublier qu’à l’époque personne n’imaginait que deux millénaires plus tard des chercheurs disséqueraient ces textes pour y séparer la réalité des fantasmes.

Les hypothèses sur le Jésus historique

Si l’on prend au pied de la lettre le récit issu des évangiles synoptiques de Matthieu et de Luc, la conception, la naissance et la reconnaissance de Jésus comportent plusieurs éléments fantastiques plus proche des récits mythologiques grecs, romains et sumériens que de la réalité commune de l’époque. Tout y est assemblé de façon à faire de ce Jésus, un moins que rien, né dans les pires conditions d’une mère réprouvée puisque fille-mère. Cela est contrebalancé par les signes divins et l’affirmation de la virginité de Marie, nullement affectée par la naissance de Jésus !
Cet individu va se faire remarquer dans les textes jusqu’à son douzième anniversaire où il surprend les maîtres juifs du temple de Jérusalem, avant de disparaître sans laisser de trace pendant dix-huit ans. Certains ont bien essayé de combler ce vide gênant en inventant un voyage en Égypte ou un long séjour auprès des sectes juives des esséniens ou des thérapeutes. En fait, cette enfance semble très peu crédible, ce qui explique peut-être que deux des quatre évangélistes se soient abstenus d’en parler.
La vie adulte de Jésus, consacrée à sa prédication, dure de un à trois ans selon les auteurs qui la relatent, ce qui est un nouveau problème pour sa validité. Elle est l’occasion d’événements plus ou moins merveilleux qui peuvent être passés inaperçus pour les guérisons, mais dont on ne peut comprendre qu’ils n’aient laissé aucune trace pour les résurrections. Ajoutons les apparitions et disparitions de Jésus d’assemblées comptant des juifs opposants, les événements suivant la mort de Jésus en croix (atteintes du temple, résurrection des morts sortant des cimetières, etc.), sans parler de la résurrection qui aurait dû provoquer des rapports écrits des autorités juives et romaines. En fait le seul témoignage écrit concernant l’existence physique de Jésus vient du général juif Flavius Josèphe[3]. Mais ce document est largement considéré, soit comme une forgerie, soit comme une interpolation d’un scribe judéo-chrétien.
Donc, rien dans l’existence physique d’un Jésus historique n’est vérifiable, de très nombreuses incohérences émaillent son histoire et sa mort est elle-même plus proche d’une forme de mythologie chrétienne que d’autre chose. Je vous invite à lire l’ouvrage de Jacques Giri : Les nouvelles hypothèses sur les origines du christianisme, aux éditions Karthala (4eédition à Paris en 2011) qui fait le point de façon exhaustive sur tous ces éléments douteux.
L’hypothèse la plus réaliste sur l’origine de ce texte est celle d’une forgerie du 2e siècle, réalisée en opposition à Marcion de Sinope, dans son Evangelion, qui faisait de Jésus un être apparu miraculeusement à l’âge adulte (cf. Évangile selon Luc chap. 3).

Les hypothèses sur le Jésus mythique

Face aux incohérences et aux manipulations visant à donner un caractère historique à Jésus, de nombreuses voix se sont élevées pour faire de Jésus un personnage mythique destiné à porter la crédibilité du christianisme.
On pourrait les regrouper en trois catégories :
1 – Jésus est un homme dont l’attitude a justifié son élévation par Dieu (adoptianisme).
2 – Jésus est un homme ayant reçu l’inspiration divine et qui l’a reprise à son compte, se faisant passer ou étant assimilé au messager divin.
3 – Jésus est un personnage inventé ou calqué sur un personnage historique antérieur à la période considérée qui a servi de support à la prédication judéo-chrétienne.
Ce qui explique l’hypothèse d’un Jésus mythique, outre les nombreuses incohérences de son histoire figurant dans les textes judéo-chrétiens comme le Nouveau Testament, est le fait que Paul indique avoir été l’objet d’une inspiration divine sur le chemin de Damas qui va provoquer son éveil spirituel et sa conversion, suivis d’un baptême par imposition des mains, reçu d’Ananias, responsable de la communauté pagano-chrétienne de cette ville.
Donc, si Paul a pu recevoir le message de Christ sans jamais connaître Jésus et sans aucun intermédiaire, pourquoi les premiers disciples auraient-ils eu besoin d’un Jésus en chair et en os pour si mal comprendre le même message ?
Mais dire à l’époque que Jésus était un mythe conduisait sans aucun doute à la mort. C’est pourquoi apparut le concept d’adombration, c’est-à-dire d’apparition dans l’ombre d’autre chose, qui permettait de laisser croire à une apparence charnelle sans pour autant qu’elle existe. Nous qui voyons quotidiennement des illusionnistes réaliser des tours encore plus extraordinaires pouvons comprendre qu’une apparition divine ait pu facilement berner les hommes de l’époque.

Aujourd’hui, je préfère imaginer une inspiration divine à la façon de Paul, avec par ailleurs une construction mythique autour du message reçu ; car ce qui compte c’est le message et en aucun cas le messager.

Le Christ et Jésus de nos jours

Maintenant que les hommes sont suffisamment éduqués pour comprendre des concepts simples, il faut choisir des hypothèses réalistes plutôt que de céder à des fantasmes incohérents.
Imaginer un Jésus en chair et en os ou une apparition d’apparence humaine présente des inconvénients équivalents. Dans le premier cas, comment expliquer les phénomènes où la matière semble disparaître opportunément au profit d’une entité immatérielle, comme lorsqu’il échappe aux juifs en traversant les murs et les portes de lieux clos ? Dans le second cas, comment justifier qu’une entité immatérielle mange avec les disciples ? Comment expliquer la nécessité d’une forme apparente pour les disciples et pas pour Paul ?

Personnellement, l’hypothèse qui me convient le mieux — dans le champ cosmogonique cathare —, est celle d’une inspiration divine qui s’est manifesté chez une ou plusieurs personnes qui l’ont enjolivée d’une identité mondaine ou qui l’ont endossée à titre personnel, un peu comme fit Manès en son temps qui se prétendait nouveau Jésus. Paul n’a pas jugé utile d’user de tels artifices et a laissé les disciples à leurs choix, ce qui explique qu’il ai mis trois ans avant de revenir à Jérusalem où il n’en a rencontré que deux d’entre eux.
Par contre, je crois en la réalité d’un envoyé divin que j’appelle Christ qui fut porteur du message de Bienveillance et qui nous a laissé aux bons soins du Saint-Esprit paraclet pour nous guider vers notre salut.

Guilhem de Carcassonne.

Le 11 décembre 2022


[1] Catharisme d’aujourd’hui, Éric Delmas, éditions Catharisme d’aujourd’hui (2014-2015).

[2] Orthodoxie et hérésies aux début du christianisme, Walter Bauer, éditions du Cerf en 2009 (première édition en allemand en 1934).

[3] Antiquité juives, Livre 18, 63-64.

De Jésus à Paul

5-1-Histoire du catharisme
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De Jésus à Paul

Maintenant que nous comprenons que le catharisme n’est pas né au dixième siècle, étudions le christianisme des origines pour y rechercher des indices qui auraient échappés aux chercheurs. Cette idée fut celle d’un jeune chercheur, Ruben Sartori, que j’ai commencé par assister avant de le relayer pour développer son travail sur certains points qui me semblaient mériter de l’être.

Les affirmations ou hypothèses présentées ci-après sont argumentées et s’appuient sur des sources que vous trouverez listées dans les notes et en fin d’article.
Ainsi vous pourrez vérifier par vous-même la validité des propos tenus ici.

Les cathares disaient qu’ils étaient issus d’une longue filiation d’apôtres[1] qui remontait aux origines, comme le rapportait d’ailleurs Évervin, prévôt de Steinfeld[2] à Bernard de Clairvaux en interrogeant les hérétiques de Cologne.
Cette affirmation, identique chez les autres courants chrétiens, me parut d’abord un effet de propagande visant à asseoir la prééminence de chacun des courants par rapport aux autres. Mais je dus constater qu’elle n’était pas fantaisiste.

Le premier problème sera de vérifier la qualité des sources disponibles et d’apprécier si, selon leur validité, elles permettent de confirmer ou d’infirmer certaines affirmations présentées comme des vérités indiscutables.

Trois personnages vont dominer cette période de la première moitié du premier siècle de notre ère : Jésus, Étienne et Paul, mais nous allons en croiser bien d’autres, réels ou imaginaires.

De la qualité des sources ainsi que des faits et gestes avérés dépendront les bases de ce qui ne s’appelle pas encore le christianisme.

Cet élan spirituel est-il le fait d’un groupe bien défini ou faut-il considérer des différences majeures entre groupes se réclamant de la même source spirituelle ?
Et peut-on considérer l’incident d’Antioche, entre Paul et Pierre, ainsi que sa conséquence du concile de Jérusalem en 39 comme le premier schisme majeur de ce christianisme encore au berceau ?

Les sources

Ce que l’on peut dire des sources relatives à ce mouvement spirituel est qu’elles sont rares, fortement orientées et possiblement falsifiées.
En effet, les sources traitant de ces sujets sont rares, car nous disposons essentiellement de sources internes au mouvement qui ont fait l’objet de tris, de choix et d’adaptations.

L’ouvrage de référence n’a rien d’historique, puisqu’il s’agit de la réunion de textes, écrits a posteriori, réalisée tardivement par le groupe dominant en réaction à d’autres textes jugés concurrentiels et hérétiques.
Le Nouveau testament[3], composé initialement de vingt-huit livres, n’en compte depuis le septième siècle environ que vingt-sept. Il comporte des groupes de textes réunis par leur nature : les évangiles, les lettres de Paul et les lettres catholiques. Les autres textes se veulent historique (Actes des apôtres) et eschatologique (Apocalypse de Jean). Même la réunion de ces textes a évolué, sans doute pour en mettre certains en valeur au détriment d’autres.

Si les sources posent problème, la façon dont nous les utilisons est également source de distorsion. L’historien n’est pas un être désincarné qui saurait produire un document absolument neutre et fiable. Cela est vrai de ceux qui écrivent des ouvrages historiques, comme de ceux qui les interprètent de nos jours.

Jésus et le christ

Les problèmes de la Palestine à l’époque supposée de Jésus, quand Hérode gouvernait sous la coupe de Rome, expliquent sans doute la difficulté à disposer de sources fiables.

Le premier problème est celui d’attester de l’existence de Jésus. Les textes qui nous en parlent sont, soit d’origine chrétienne (Évangiles, Actes des apôtres), soit, quand ils sont d’origine externe et qu’ils paraissent valider son existence, ils semblent avoir fait l’objet d’interpolations visant à modifier sensiblement leur sens (Flavius Josèphe).
Les textes chrétiens sont apparemment incohérents entre eux. Ainsi, les évangiles ne sont pas d’accord sur tous les points relatifs à Jésus ; certains parlent de sa naissance, d’autres pas. Concernant ses actions, impossible de savoir si elles sont réelles ou symboliques.

Or, Paul, qui va recevoir christ de façon purement spirituelle, ne va pas chercher à se rapprocher immédiatement de ceux qui auraient connu Jésus en chair. Cela semble incroyable si Jésus avait été formellement attesté à l’époque.

Concernant Jésus, les textes extérieurs au groupe chrétien en sa faveur se résument à Flavius Josèphe. Les autres textes parlent de chrétiens ou de christ, mais pas de Jésus. En outre, certains sont jugés douteux, voire inventés de toute pièce. Le texte dit : « Vers le même temps vint Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler un homme. Car il était un faiseur de miracles et le maître des hommes qui reçoivent avec joie la vérité. Et il attira à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs). C’était le Christ. » [4]

Pour autant, si son historicité n’est pas prouvée, son caractère mythique non plus.

Ce qui semble avéré est que les premiers documents relatifs à Jésus étaient centrés sur la période de la Passion et de la résurrection. Le reste fut, semble-t-il ajouté au fur et à mesure par la suite.

Nous étudierons les liens entre christ et Jésus et l’historicité de ce dernier dans une autre vidéo.

Étienne, révélateur des deux courants chrétiens

Ce personnage, cité dans les Actes des apôtres, est intéressant. En effet, il fait l’objet d’un développement qui couvre presque deux chapitres.

Il apparaît d’abord à l’occasion d’une querelle entre les juifs hellénisants et les juifs hébreux, c’est-à-dire ceux de la diaspora et ceux de Jérusalem. Ces derniers semble-t-il ne traitaient pas les veuves des premiers sur un pied d’égalité avec les leurs lors du service à table. Pour couper court à ce problème sans devoir assurer eux-mêmes l’intendance, les hébreux réunirent les disciples pour choisir sept jeunes à qui confier cette charge. Étienne fut l’un d’eux (chap. 6). Cet épisode montre des dissensions liées aux origines des juifs se réclamant de christ.

On remarquera que sa condamnation pour le motif de blasphème de Iahvé et de Moïse, le même que celui reproché au christ, donnera lieu à une exécution publique immédiate par lapidation (chap. 7). Cela vient encore amoindrir la véracité de l’exécution de Jésus qui aurait été crucifié.

Mais ce qui interpelle le plus dans cette affaire, c’est ce qui se produit ensuite. L’exécution d’Étienne provoqua une grande persécution contre les membres de l’ecclésia de Jérusalem. Pourtant, ceux qui sont désignés comme les apôtres ne fuient pas. Ce sont sans aucun doute les cadres de ce groupe, ceux qui sont les plus proches de Jacques, Pierre et Jean qui restent sur place également.

Les autres, c’est-à-dire ceux du même groupe que le martyr, les hellénisants de la diaspora fuient en Judée et en Samarie.
Que faut-il penser de ceux qui restent ?
Face à une exécution sous l’accusation de blasphème il faut en conclure que ceux qui ont fui pensaient comme Étienne et ceux qui sont restés ne partageaient pas son point de vue.
Cela est confirmé par le fait que Pierre, mais aussi les autres apôtres évangélisent dans les synagogues des juifs orthodoxes venus de toutes les contrées de la diaspora. Pierre et Jean, emprisonnés en raison de leur prêche, sont finalement relâchés.
Le moins que l’on puisse dire est que les juifs du sanhédrin devaient n’avoir trouvé aucune entorse à la loi juive pour agir ainsi. Cela se reproduit au chapitre suivant. Mais Étienne, lui n’aura pas cette chance.
Il faut donc en conclure qu’il y avait bien deux sortes d’apôtres : ceux qui suivaient la vision de Jésus et qui, blasphémant le Dieu des juifs, risquaient la mort, et ceux qui, comme les disciples, étaient des juifs parfaitement respectueux des nombreuses obligations de cette religion, n’encouraient aucune peine.

Au chapitre suivant la mort d’Étienne on nous dit qu’un jeune juif était là et approuvait le meurtre, sans pour autant prétendre qu’il y avait participé activement. Cet homme, c’était Paul, appelé du nom juif qui lui est attribué, Saul.

Paul de Tarse, charnière du christianisme

Un juif romain aisé

Personne, à ce jour, ne connaît exactement la date de naissance de Paul. La fourchette varie entre l’an 3 à 13 de l’ère chrétienne (è.c.) qui correspond aux deux dernières validations de l’autorité d’Octave, petit-neveu et fils adoptif de César, sur la Cilicie dont la capitale est Tarse. D’autres ont resserré cet écart à la fourchette de 6 à 10 (è.c.) et finalement les historiens s’accorde sur une date unique de 8 de l’ère chrétienne[5].

Sur son lieu de naissance, si la plupart admettent que Tarse est bien la ville qui l’a vu naître, saint Jérôme — s’appuyant sur les dire d’Origène — prétend que c’est plutôt dans la ville de Gyscal en Galilée. Mais, cette affirmation est contredite par le fait que sa citoyenneté romaine qu’il tient de son père (elle était héréditaire), ne peut avoir été attribuée à ce dernier s’il était un déplacé forcé, comme l’affirme Origène. Elle remontait au moins à une génération de plus, ce qui impose que la famille était déjà clairement et durablement installée à Tarse. Cette ville, située à la limite entre l’Asie et l’Occident, présentait une particularité que nous relate Strabon le géographe et historien grec (- 60, 20 è.c.) : « Les habitants de Tarse sont tellement passionnés pour la philosophie, ils ont l’esprit si encyclopédique, que leur cité a fini par éclipser Athènes, Alexandrie et toutes les autres cités que l’on pourrait énumérer pour avoir donné naissance à quelque secte ou école philosophique[6]. » Nul doute que ce milieu a pu influencer le jeune Paul, même s’il n’y est vraisemblablement pas demeuré à l’âge adulte[7]. S’il est citoyen romain, ce qu’il affirmera toute sa vie sans être jamais démenti, il est aussi juif pharisien, hébreu d’Israël, de la tribu de Benjamin. Ces deux affirmations ne se contredisent pas et on connaît au moins deux autres juifs célèbres qui ont cumulé cette hérédité avec la distinction de citoyen romain : Hérode le grand et Flavius Josèphe.

Manifestement issu d’une famille aisée, Paul fut aussi relativement riche lui aussi, notamment en raison de son activité dont on nous dit qu’il fabriquait des tentes, ce qui doit se comprendre comme exerçant les métiers de tisserand et/ou de sellier.

L’homme aux deux cultures

Juif pharisien à l’ascendance revendiquée, Paul fut l’élève de Gamaliel, le rabbi à l’éducation tolérante, à Jérusalem.
Rappelons que Gamaliel était un Pharisien de renom. Son grand-père, Hillel l’Ancien, était à l’origine de l’un des deux principaux courants de la pensée pharisienne. Son approche était considérée comme plus tolérante que celle de l’école rivale, celle de Shamaï. Nul doute qu’avoir reçu un tel enseignement était une marque de qualité dans la maîtrise de la loi orale, ce dont Paul ne manquera pas de se servir.

Pourtant Paul renoncera aux avantages qu’une telle éducation lui promettait, appliquant peut-être en cela l’enseignement de ce grand maître : « prendre garde d’être trouvé en train de combattre en fait contre Dieu. »

De ses origines, Paul bénéficiera de la capacité à raisonner et à s’adresser aux païens dans le langage philosophique qu’ils reconnaissaient. Cela est particulièrement vrai dans les communautés grecques (Corinthe, etc.).

Paul, historiquement controversé

Les Actes des apôtres sont attribués à Luc, médecin et ami de Paul[8], paraît-il.

Pourtant, leur lecture montre un antagonisme envers Paul qui dure au moins jusqu’au chapitre 13 inclus :

  • Paul y est sans cesse ravalé à son rang de juif par l’emploi du nom Saul au lieu de celui de Paul qu’il revendique ;
  • Il est accusé d’avoir pris part, en quelque sorte à l’exécution d’Étienne ;
  • Le personnage de Simon le mage est considéré par quelques chercheurs comme une caricature de Paul ;
  • Il est montré comme soumis à l’autorité des « colonnes » de Jérusalem, ce qu’il nie ;
  • Son statut d’apôtre lui est contesté alors que son baptême d’esprit (imposition des mains) est validé sans immersion.

Ses positions vis-à-vis de la loi judaïque, notamment dans l’application des prescriptions alimentaires et de la circoncision pour les adeptes non-juifs, aboutissent à un antagonisme absolu avec Pierre et les envoyés de Jacques le juste[9]. La crise d’Antioche (49) provoquera le premier schisme qui séparera les judéo-chrétiens, jusque là seuls détenteurs de la légitimité chrétienne, et les pagano-chrétiens dont Paul fera une Église largement émancipée.

Ses lettres aux communautés fondées sous son autorité sont systématiquement manipulées, dès sa mort par les scribes judéo-chrétiens et les autorités de l’Église de Rome, au point que Marcion va se sentir obligé de les rétablir en 140.

Tertullien de Carthage, père de l’Église catholique du 3e siècle le traitera d’« apôtre des hérétiques ».

Pourquoi un tel personnage a-t-il été finalement intégré dans le Nouveau Testament ?

D’une part en raison du fait que sa correspondance, même réduite par les manipulations et amoindrie par les interpolations, demeure la plus abondante et la plus ancienne de cette époque[10].

D’autre part en raison du fait que son aura auprès des communautés chrétiennes du monde chrétien d’alors était immense, au point que son « disciple » Marcion n’aura aucun mal à les rallier à sa bannière un siècle plus tard, faisant de cette Église, la plus importante du monde selon les commentateurs judéo-chrétiens.

Nous verrons dans la prochaine publication en quoi sa prédication a ouvert la voie qui mena au catharisme.


[1] « Ceux qui ont été livrés aux flammes nous ont dit dans leur défense, que cette hérésie venait du temps des martyrs, et s’était, tenue secrète jusqu’à nos jours, mais qu’elle s’était conservée en Grèce et dans plusieurs autres endroits. », Évervin de Steinfeld (env. 1143).
[2] Anne Brenon, Les archipels cathares – Dissidence chrétienne dans l’Europe médiévale (t. 1) : éditions Dire (2000) – éditions L’Hydre (2003)
[3] La Bible – Nouveau Testament, Introduction par Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros, éditions NRF Gallimard, collection de la Pléiade (1971).
[4] Flavius Josèphe, Testimonium flavianum in Antiquités judaïques, § 63 et 64 du Livre XVIII (premier siècle de l’ère chrétienne).
[5] Alain Decaux, L’avorton de Dieu – Une vie de saint Paul, éditions Perrin/Desclée de Brouwer (2003).
[6] Ibid.
[7] Eugène de Faye, Saint Paul – Problèmes de la vie chrétienne, (3e éd.) librairie Fischbacher (1929).
[8] Le Nouveau Testament commenté, sous la direction de Camille Focant et Daniel Marguerat, éditions Bayard et Labor et fides (2012). Les Actes sont commentés par Daniel Marguerat.
[9] Jean Daniélou, L’Église des premiers temps – Des origines à la fin du IIIe siècle, éditions du Seuil (1963)
[10] Daniel Marguerat, Paul de Tarse – Un homme aux prises avec Dieu, éditions du Moulin (1999)

Lettre de Paul aux Hébreux – 7

4-2-Bible
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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.

Lettre aux Hébreux

Chapitre 7

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Lettre de Paul aux Hébreux – 3

4-2-Bible
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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.

Lettre aux Hébreux

Chapitre 3

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Le Bien et le Mal

3-1-Doctrine cathare
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Le Bien et le Mal

Je publie ci-dessous un document rédigé par Antonin Gadal (fonds Charlier) sur un sujet central de la doctrine cathare.
Je ne cautionne pas cette analyse, mais je trouve important qu’elle puisse nous aider à mieux comprendre qui était ce personnage mal connu et souvent décrié.
Je réserve mes commentaires au compte Facebook.

« Les plus grandes, les plus profondes discussions religieuses et philosophiques ont roulé et roulent encore sur la question de « l’Origine du Bien et du Mal ». Cette origine est et restera un mystère incompréhensible pour celui qui ne se rend pas compte de « l’Origine et de la Fin des choses… »

Une morale qui ne se préoccupe pas des « suprêmes destinées de l’homme » peut être utilitaire ; elle reste « imparfaite ». En outre, la liberté humaine ne peut jamais exister chez ceux qui sont « esclaves de leurs passions ». Elle ne peut pas exister de « droit » pour ceux qui ne croient « ni à l’âme, ni à Dieu » ; pour qui la vie est un « éclair entre 2 néants ». Les premiers sont incapables de raisonner, ils sont enchaînés au vice et ne vivent que pour « l’assouvir » ; les seconds, dont l’intelligence est bridée, ne voient que la vie « matérielle », n’ont pas d’autres beaux désirs, le monde physique, seul, demeurant leur seule satisfaction.

Le vrai philosophe, l’homme vraiment religieux, mettent leur liberté au service de leur intelligence ; ils savent s’élever au-dessus de l’ordinaire « connaissance ». Ils voient avec « l’œil de l’Esprit », les 3 mondes qui nous enserrent : le monde de la matière, primitif, ténébreux, où encore domine l’animalité ; le monde invisible de l’Esprit, séjour des âmes affranchies, bienheureuses Vies de la Providence ; entre les 2, le monde de l’Humanité « libre », plongeant dans les « ténèbres », s’élevant vers la providence, erreur d’un côté, vérité de l’autre.

Dès le début de l’ère chrétienne, la grande question qui occupait les philosophes était de savoir d’où vient le mal dans le monde. Pour la résoudre, quelques uns avaient imaginé que l’Être suprême, infiniment bon par nature, n’avait pas créé le monde immédiatement par lui-même ; qu’il avait laissé ce soin à des intelligences inférieures auxquelles il avait donné « l’être » ; que le mal qui s’y trouve était venu de l’impuissance et de la maladresse de ces esprits secondaires.

Cette supposition ne faisait que reculer la difficulté. Pourquoi l’être infiniment bon, maître de créer le monde par lui-même,
 en aurait il donné la commission à des ouvriers dont il aurait
prévu l’impuissance et la maladresse ? Hermogène comme les Stoïciens, supposa la matière éternelle et incréée… Dieu a tiré le mal
ou de lui-même, ou du néant ; ou d’une matière préexistante. Il n’a 
pas pu le tirer de lui-même puisqu’il est indivisible et que LE MAL N’A JAMAIS PU FAIRE PARTIE D’UN ÊTRE SOUVERAINEMENT PARFAIT… Il n’a pas pu le tirer du néant : alors Il aurait été le maître de ne pas le produire, et il aurait dérogé à sa bonté en le produisant.… Donc le mal est venu d’une matière préexistante, coéternelle à Dieu et de laquelle Dieu n’a pas pu corriger les défauts.

Et de recourir a la Genèse pour étayer ce système, en traduisant ainsi le premier verset : « Du principe, ou dans le principe ». Dieu fit le Ciel et la terre… ». Ce qui revenait à dire que Moïse, comme les Stoïciens, avaient enseigné « l’éternité de la matière ».

Tertullien réfuta ce raisonnement en expliquant ; si la matière est éternelle et incréée, elle est égale à Dieu, nécessaire comme Dieu et indépendante de Dieu. Il n’est lui-même, souverainement parfait que parce qu’il est l’Être nécessaire, éternel, existant de soi-même… Et c’est encore pour cela qu’il est immuable.

Donc, on ne peut d’abord :
Supposer une matière éternelle et cependant pétrie de mal, une matière nécessaire et cependant imparfaite ou bornée… Autant voudrait-on dire que Dieu lui-même, quoique nécessaire et existant de
lui-même, est un être imparfait, impuissant et borné…

Ensuite :
Supposer que la matière est éternelle et nécessaire, et qu’elle n’est pas immuable, que ses qualités ne sont pas nécessaires comme elle, que Dieu a pu en changer l’état et lui donner un arrangement qu’elle n’avait pas. L’éternité ou l’existence nécessaire n’admet de changement ni en bien ni en mal.

L’hypothèse de l’éternité de la matière ne résout pas la difficulté de l’origine du mal. En effet si Dieu a vu qu’il ne pouvait pas corriger les défauts de la matière, il a dû plutôt s’abstenir de former des êtres qui devaient nécessairement participer à ces défauts. Car, enfin, que vaut il mieux dire :

Que Dieu n’a pas pu corriger les défauts qu’une matière éternelle ? Ou dire que Dieu n’a pas pu créer une matière exempte de défauts, ni des êtres aussi parfaits que lui ?

Dans le premier cas, on suppose que la puissance de Dieu est gênée ou bornée par un obstacle qui est hors de lui : ce qui est une absurdité… Dans le second cas, il s’ensuit, seulement que Dieu ne peut pas produire des êtres infinis ou égaux a lui-même… Ce qui est une vérité palpable.

Moïse n’a pas dit : Du commencement…, ni : Dans le commencement, comme s’il s’agissait d’une substance, mais il a dit : Au commencement…

Or, le commencement des êtres a été la création même. Si Dieu a
eu besoin de quelque chose pour opérer la création, c’est de sa sagesse,
éternelle comme lui, de son Fils qui est le Verbe, et le Dieu-Verbe,
puisque le Père et le Fils sont Un… Peut-on dire que cette sagesse n’est pas aussi ancienne que la matière ? Que celle-ci est supérieure à la Sagesse, au Verbe, au Fils de Dieu ? Que ce n’est plus lui
qui est égal au Père, mais la matière ? Absurdité et impiété…

On ne peut admettre une matière tantôt corporelle, tantôt incorporelle, tantôt mauvaise ; ni la supposer infinie et cependant soumise à Dieu. La matière est évidemment bornée puisqu’elle est renfermée dans l’espace ; il faut donc qu’elle ait une cause, puisque rien n’est borné sans cause. Quant à la « permission du mal », en supposant le monde tiré du néant par un être tout puissant, on constate que le « mal n’est contraire ni à la bonté, ni à la toute puissance de Dieu, puisqu’il y aura un temps où tout rentrera dons l’ordre »…

Nous avons vu ailleurs (Jésus, Paul, Augustin), que cette question de « l’origine du mal » se résumait, pour les premiers Pères de l’Élise, (Tertullien lui-même, Origène, St. Augustin…) dans la sexualité. Or, c’est un besoin de trouver un appui contre la sexualité, et d’en comprendre la puissance… « Principe ténébreux du mal, dont le christianisme ultérieur d’Augustin est resté obscurci ; en somme, Manichéisme mal expliqué…

Malebranche, de la congrégation de l’oratoire, ( 1638-1715), a enseigné l’optimisme : (dans le monde tout est au mieux. Dieu n’a
rien pu faire de plus parfait que ce qu’il a fait, eu égard à l’ordre général de l’univers… » Leibniz, (1648-1716) embrasse le
système que Malebranche. « La suprême sagesse jointe a une bonté
qui n’est pas moins infinie, n’a pu manquer de choisir le meilleur ; car, comme un moindre mal est une espèce de bien, de même un
moindre bien est une espèce de mal s’il fait obstacle à un bien
plus grand ; et il y aurait quelque chose à corriger dans les actions de
Dieu s’il y avait moyen de mieux faire… »

Concilier l’existence du monde le plus parfait avec l’existence du mal ; s’imaginer des mondes possibles sans péchés et sans
malheurs, serait découvrir des mondes fort, inférieurs en bien au
nôtre… Il est plus sage d’examiner le mal qui semble défigurer
le monde terrestre.
Le mal se divise : en métaphysique , en physique, et en morale.

Le mal métaphysique, qui n’est que l’imperfection même des créatures, doit subsister dans le monde le plus parfait puisque la création n’est pas susceptible de la perfection infinie qui est propre à Dieu.

Le mal physique, ou souffrance est un bien moral, en tant qu’il
est la punition du mal moral. Il est souvent aussi le principe d’une plus grande jouissance ; et, dans tous les cas, rien ne prouve qu’il n’ait pas actuellement, ou qu’il ne doive pas avoir un jour, une compensation surabondante : 3 considérations qui induisent a penser qu’il est plutôt un bien qu’un mal.

Le mal moral, ou le péché, n’est ni une nécessité absolue de la
création, ni un moyen effectif d’un plus grand bien ; mais il peut se faire que la manifestation des perfections divines exige de Dieu qu’il le permette. « C’est dans ce sens que Dieu permet le péché ; il manquerait à ce qu’il se doit, à ce qu’il doit à sa sagesse, à sa bonté, à sa perfection, s’il ne choisissait pas ce qui est absolument le meilleur… »

Ces réflexions supposent que Dieu est soumis à la règle du meilleur, qui ne souffre en lui ni exception ni dispense : obligation irréalisable, puisque, quelque bien que Dieu fasse, il peut toujours faire mieux. Il est impossible que dans ses ouvrages il y ait jamais un optimum qu’il ne puisse surpasser.

En parlant des Albigeois, les historiens de l’Église nous disent : « Ce nom désigne, en histoire, une confédération d’hérétiques du 12e siècle. Pétrobusiens, Henriciens, Arnaudistes, Vaudois, Cathares… » Un peu plus loin : « Les Albigeois proprement dits, …Manichéens, comme les Bulgares, ils avaient cependant modifié le système de Manès. Ils reconnaissaient un Dieu suprême, mais ils prétendaient que ce Dieu ayant produit Lucifer avec tous les anges, celui-ci s’était révolté et s’était fait l’auteur du mal. » L’an 1179, le concile de Latran dit anathème contre eux, (ci-dessus) et il ajouta : « Brabançons, Aragonnais, Navarrois, Basques, Cottereaux, Triaverdins… » La liste était assez longue pour mériter la terrible croisade des Albigeois… Et le mène auteur embarrassé pour trouver une excuse quelconque à ces horreurs, ajoute : « Dans ces derniers temps, (donc avant l’anéantissement du Catharisme pyrénéen, et ceci est assez troublant) les Manichéens, (les Cathares par conséquent) avaient abandonné le dogme fondamental de leur secte : l’hypothèse des 2 principes. Ils ne parlaient plus du mauvais principe que comme nous parlons du démon… » L’abbé Guyot, (Historien de la Sté St. Victor), dont nous citons quelques extraits de ses « Hérésies », nous ouvre précisément une voie qui nous est bien connue et bien chère : les Anges, le démon. Nous y entrons résolument, à la suite du Divin Maître, pour comprendre à notre tour l’origine du mal.

L’Épiphanie, nous le savons, est la manifestation de la Lumière, de cette Lumière qui crée la raison des âmes et qui émane de la Sagesse divine. C’est d’elle que vient la Science et elle fait naitre la Liberté. « Voici Adam devenu semblable à l’un de nous » dit Dieu dans la Genèse. Ce qui a été ainsi traduit : « Voilà que je suis seul dans le ciel et que l’homme est seul sur la terre… » St. Paul ne veut pas que nous nous préoccupions de ce qu’il appelle « Anitas fabulas » sur la généalogie des anges. Rien de tout cela n’appartenant ni à la Science, ni à la Foi ne saurait être accueilli par la poésie raisonnable. La chute originelle n’a été qu’une déchéance morale, semblable au faux pas de l’enfant qui s’essaye à marcher ; et quant aux anges, rappelons nous que les rois déchus ne sont plus des rois, que les chefs de brigands ne sont pas tolérés dans des états bien gouvernés.

Personne ne peut aimer le mal pour le mal. On aime le mal en le prenant faussement pour un bien :

Les anges rebelles ont été jaloux de Dieu, ils ont voulu créer ; la femme a été jalouse du Verbe, elle a voulu SAVOIR ; l’homme a été jaloux du Paraclet, il a voulu AIMER. Tous ont voulu marcher seuls, et Dieu a retiré sa main. Non pas par colère, mais par respect pour la volonté libre de ses créatures. Aussi a-t-il pris sur lui la responsabilité de leur péché, de leur mal, et a-t-il en la personne de son Fils, assumé l’immensité de l’expiation pour lui seul…

L’ange déchu s’appelle aussi Légion… Satan, c’est une grande multitude, mais non un personnage : c’est un esprit ou plutôt une manière d’être des esprits. Son véritable nom c’est l’Orgueil, l’Ambition, le Désir immodéré… C’est là le vrai feu de l’enfer, infini et sans pitié parce qu’il est la vie. Dieu seul est Esprit pur. Les démons, les diables ne peuvent exister dans notre atmosphère : ce sont des impuissances que la justice éternelle balance, jette, broie… suivant qu’elle en a besoin. Des impuissances, principe négatif, fantôme, ombre du « NON-ÊTRE », rayonnement obscur du « NÉANT » ; un principe négatif n’est pas un principe, c’est un non-sens, comme le hasard, le néant.

Il y aura un temps où tout rentrera dans l’ordre. Dieu est Amour… (Tertullien). « Par leur repentir, les âmes participent au bienfait de la Rédemption universelle. La bonté divine n’exclut pas même Lucibel » (Origène). « Par notre église, Lucibel lui-même, sera ramené au Père… » Donc, pas de principe négatif…

Le catholicisme rétrograde, nous l’avons vu, n’est qu’un manichéisme déguisé. Il n’y a pas 2 Princes de ce monde : le Roi Christ ne saurait partager la couronne avec le Roi Satan. « Le Prince de ce monde est déjà jugé », disait le Christ, il y a près de 20 siècles. Et ailleurs : « J’ai vu Satan tomber du ciel comme la foudre ». La foudre, en effet, est tombée du ciel pour illuminer la terre. Le diable est tombé du ciel avec la peur que l’ancien tonnerre nous faisait des dieux. « Il n’y a rien de commun entre moi et le diable, disait le maître. Le diable est menteur comme son père. » « Esprit d’aveuglement, de fatalité et de vertige… » La Lumière a pénétré maintenant dans l’antre, le diable est connu et il n’usurpera plus la place de Dieu. Car c’est ainsi qu’il faut expliquer la légende du combat livré dans le ciel :

Le Ciel c’est la Religion et c’est dans les esprits des hommes que le mensonge parvient à se faire adorer au lieu de la vérité… L’obstination humaine se croit infaillible… voilà comment le diable a sa raison d’Être. Le vrai diable, c’est la bête ou plutôt la bêtise humaine qui a ou qui aura toujours tort quand elle voudra raisonner avec l’Esprit.

Si Rabbi Jeschuth-Notzerith, ou Jésus le Nazaréen, avait été reconnu et avait été accueilli par la synagogue, le monde aurait marché de l’idolâtrie au Paraclétisme ou au Messianisme sans passer par les ombres sanglantes de la barbarie pseudo-chrétienne. Le diable n’eut jamais existé, car le diable (les démons) est le fils du Catholicisme et il est même tout le Catholicisme aux dires du Père Ventura, martyrisé affreusement puis brûlé… Il n’y a pas un mot eu diable dans le catéchisme des Hébreux. Le diable c’est le moyen-âge avec ses fantômes, ses croisades, ses bûchers…

Le diable c’est l’Inquisition torturant le génie et bâillonnant la Science. Combien de catholiques, « voire même de bons pères Chartreux, ceux qui vendent les chapelets, adorent encore le diable sans le savoir » comme osait le dire le brave Guillaume Postel aux Pères du Concile de Trente… Combien de temps « ce roi-fantôme » traînera-t-il encore à sa suite les partisans de l’ignorance ; ou plutôt, combien de temps l’ignorance des hommes fera-t-elle subsister cette absurde création du mensonge ? Personne ne saurait le dire.

Mais nous au moins, hommes de progrès, ne parlons plus d’aller à reculons, et n’ayons plus peur du vertige. « Je renonce à Satan » dit l’enfant ingénu à ses premiers pas dans le monde. Il ajoute : « Je m’attache à J.C. » Ces paroles sont les nôtres également, en les enrobant de quelques explications bien compréhensibles dorénavant : « Je renonce à Satan, au mal : orgueil, ambition, désirs immodérés ; « Je m’attache davantage si possible à J.C. : au Bien, à la recherche de l’exemple du divin Maitre sur le « Chemin du St. Graal, chemin de la Perfection… »

Avec le suprême commandement :

Fais le Bien, évite le Mal… »

Comprendre Paul de Tarse

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Comprendre Paul de Tarse

Pourquoi vouloir comprendre Paul de Tarse ?

Chercher à comprendre le christianisme authentique nécessite de comprendre ceux qui l’ont construit.
Sans chercher à trier le vrai du faux dans le déroulement des événements du premier siècle, il est clair que deux courants chrétiens s’opposaient alors sur quelques principes fondamentaux.
L’un, porté — semble-t-il — par Jacques (non pas le disciple mais le frère de Jésus) et Pierre, voulait réserver le christianisme aux juifs alors que l’autre, porté par Paul, voulait l’étendre à tous les hommes.Read more