Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.
ÉVANGILE SELON LUC
Chapitre XXII
1 – La fête des azymes, c’est-à-dire la Pâque, approchait.
2 – Les grands prêtres et les scribes cherchaient la manière de le supprimer ; car ils craignaient le peuple.
3 – Et Satan entra en Judas, appelé Iscarioth, qui était du nombre des douze.
4 – Il s’en alla parler avec les grands prêtres et les officiers sur la manière de le leur livrer.
5 – Ils se réjouirent et convinrent de lui donner de l’argent.
6 – Il promit. Et il cherchait une occasion pour le leur livrer à l’écart de la foule.
7 – Vint le jour des azymes, où on devait immoler la pâque.
8 – Jésus envoya Pierre et Jean et leur dit : Allez nous apprêter de quoi manger la pâque.
9 – Ils lui dirent : Où veux-tu que nous l’apprêtions ?
10 – Il leur dit : Voilà : quand vous serez entrés dans la ville, un homme portant une cruche d’eau viendra à votre rencontre, suivez-le dans la maison où il entrera,
11 – et vous direz au maître de cette maison : Le maître te dit : Où est l’auberge où je pourrais manger la pâque avec mes disciples ?
12 – Et il vous montrera à l’étage une grande salle garnie. Faites-y les préparatifs.
13 – Ils s’en allèrent et ils trouvèrent tout comme il le leur avait dit ; et ils apprêtèrent la Pâque.
Mon analyse :
L’épisode de la trahison comporte une incohérence. Les Juifs cherchent un moyen de prendre Jésus sans soulever la colère du peuple. C’est donc un motif légitime qu’il leur faut. Or, que propose Judas ? Uniquement de désigner Jésus au moment opportun. Mais Jésus est connu et il ne manque pas de moments où il est en petite compagnie pour le prendre. Donc, l’intervention de Judas est sans intérêt pour les Juifs. Ce n’est qu’un élément narratif destiné à détourner la responsabilité de l’acte sur Satan et de fournir un coupable facile.
14 – Quand ce fut l’heure, il se mit à table, et ses apôtres avec lui.
15 – Et il leur dit : J’ai convoité de convoitise de manger cette pâque avec vous avant de souffrir ;
16 – car je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le règne de Dieu.
17 – Et recevant une coupe, il rendit grâces et dit : Prenez-la et partagez-la entre vous,
18 – car je vous le dis, je ne boirai plus désormais du produit de la vigne jusqu’à ce que vienne le règne de Dieu.
19 – Et prenant du pain, il rendit grâces, le rompit, le leur donna et dit : C’est mon corps, qui est donné pour vous ; faites cela en mémoire de moi.
20 – Et de même pour la coupe, après le dîner, il dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est répandu pour vous.
21 – Mais voilà que la main de celui qui me livre est à table avec moi.
22 – Car le fils de l’homme doit en passer par ce qui a été établi, mais malheur à l’homme par qui il est livré !
23 – Et ils commencèrent à se demander les uns aux autres quel était donc celui d’entre eux qui allait faire cela ?
Mon analyse :
Jésus confirme l’imminence de sa passion. Au verset 19 il demande que l’on partage le repas en mémoire de lui. C’est l’argument que retiendront les cathares pour ritualiser le partage du pain.
24 – Ils eurent aussi une rivalité, à savoir qui d’entre eux semblait être le plus grand.
25 – Il leur dit : Les rois des nations exercent sur elles leur seigneurie, et ceux qui y ont le pouvoir se font appeler Bienfaiteurs.
26 – Ne faites pas pareil. Au contraire, que le plus grand parmi vous devienne comme le plus jeune ; et le chef comme celui qui sert.
27 – Car, quel est le plus grand ? celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Et moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert.
28 – Vous autres, vous êtes demeurés avec moi dans mes épreuves ;
29 – et moi je dispose pour vous d’un règne, comme mon père en a disposé pour moi,
30 – pour que vous mangiez et buviez à ma table, dans mon règne, et que vous vous asseyiez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël.
31 – Simon, Simon, voilà que le Satan vous a réclamés pour vous passer au crible, comme le blé ;
32 – mais moi, j’ai demandé pour toi que la foi ne te lâche pas ; et toi, quand tu te seras retourné, affermis tes frères.
33 – Pierre lui dit : Seigneur, avec toi je suis prêt à aller en prison et à la mort.
34 – Et Jésus dit : Je te le dis, Pierre, le coq aujourd’hui ne chantera pas, que par trois fois tu n’aies nié me connaître.
Mon analyse :
Jésus rappelle le point essentiel qui échappe encore aux disciples : l’humilité !
35 – Et il leur dit : Quand je vous ai envoyés sans bourse ni besace ni chaussures, de quoi avez-vous manqué ? Ils dirent : De rien.
36 – Il leur dit : Mais maintenant, qui a une bourse la prenne, et de même une besace; et qui n’a pas de sabre vende son manteau pour en acheter un.
37 – Car je vous le dis, je dois finir aussi cette écriture : Et il a été compté avec les iniques. Car pour moi c’est la fin.
38 – Ils dirent : Seigneur, voilà ici deux sabres. Il leur dit : C’est bon.
39 – Il sortit et alla comme d’habitude au mont des Oliviers, et les disciples le suivirent.
40 – Arrivé en ce lieu il leur dit : Priez pour ne pas être mis à l’épreuve.
41 – Il s’arracha à eux et, à genoux à environ un jet de pierre, il priait,
42 – il disait : Père, si tu veux, écarte de moi cette coupe. Toutefois, que soit faite non ma volonté mais la tienne.
43 – Et il vit un ange du ciel, qui le revigorait.
44 – Entré en agonie il priait plus intensément ; et sa sueur se coagulait comme du sang et descendait par terre.
45 – Et il se releva de sa prière, vint vers les disciples et les trouva qui dormaient de tristesse ;
46 – il leur dit : Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas être mis à l’épreuve.
Mon analyse :
Jésus annonce aux disciples qu’en son absence ils devront se munir des moyens de leur propre protection. Mais les disciples ne sont toujours pas prêts pour la mission qui les attend et ils n’arrivent même pas à se tenir éveillé face à la situation qui se présente.
47 – Comme il parlait encore, voilà une foule que précédait celui qu’on appelait Judas, l’un des douze. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser.
48 – Et Jésus lui dit : Judas, livres-tu le fils de l’homme par un baiser ?
49 – Ceux qui étaient autour de lui virent ce qui allait arriver et dirent : Seigneur, si nous frappions du sabre ?
50 – Et l’un d’eux frappa l’esclave du grand prêtre et lui arracha l’oreille droite.
51 – Mais Jésus répondit : Laissez ; cela suffit. Il lui toucha l’oreille et le guérit.
52 – Et Jésus dît à ceux qui étaient venus contre lui, grands prêtres, officiers du temple et anciens : Est-ce contre un bandit que vous êtes sortis avec des sabres et des bâtons ?
53 – Alors que chaque jour j’étais avec vous dans le temple, vous n’avez pas tendu la main contre moi. Mais c’est votre heure et le pouvoir des ténèbres.
54 – Ils le prirent donc et l’emmenèrent, puis ils l’amenèrent dans la maison du grand prêtre. Et Pierre suivait de loin.
55 – Comme ils avaient allumé un feu au milieu de la cour et s’étaient assis ensemble, Pierre s’assit au milieu d’eux.
56 – Et une servante, le voyant assis à la lumière, le fixa des yeux et dit : Celui-là aussi était avec lui !
57 – Mais il le nia et dit : Femme, je ne le connais pas.
58 – Peu après, quelqu’un d’autre dit, en le voyant : Toi aussi tu es des leurs ! Mais Pierre dit : Homme, je n’en suis pas.
59 – Environ une heure plus tard, un autre encore insistait et disait : En vérité celui-là aussi était avec lui; c’est même un Galiléen !
60 – Mais Pierre dit : Homme, je ne sais pas de quoi tu parles. Et tout de suite, alors qu’il parlait encore, un coq chanta.
61 – Le Seigneur se retourna, regarda Pierre, et Pierre souvint de la parole du Seigneur, qui lui avait dit : Avant qu’un coq chante, aujourd’hui, tu me renieras trois fois.
62 – Il sortit et pleura amèrement.
Mon analyse :
Lors de son arrestation Jésus effectue son dernier miracle en soignant l’homme blessé. Pierre échoue face à la menace qu’il ressent et Jésus lui manifeste d’un regard qu’il le savait. Pierre prend alors conscience de sa réelle position.
63 – Et les hommes qui pressaient Jésus se moquaient de lui et le battaient.
64 – Ils lui mettaient un voile, puis ils le questionnaient : Prophétise ! Qui est-ce qui t’a frappé ?
65 – Et ils disaient contre lui beaucoup d’autres blasphèmes.
66 – Quand il fit jour, le Conseil des anciens du peuple, grands prêtres et scribes, s’assembla. Ils l’amenèrent à leur sanhédrin
67 – et lui dirent : Si c’est toi le christ, dis-le nous ! Il leur dit : Si je vous le dis, vous n’aurez pas foi,
68 – et si je vous questionne, vous ne répondrez pas.
69 – À partir de maintenant le fils de l’homme va être assis à la droite de la Puissance de Dieu.
70 – Ils dirent tous : C’est donc toi le fils de Dieu ? Et il leur dit : Vous le dites vous-mêmes, c’est moi.
71 – Ils dirent : Qu’avons-nous encore besoin de témoignages ? Nous l’avons entendu nous-mêmes et de sa bouche.
Mon analyse :
Le procès de Jésus est vite bâclé puisque le blasphème est attesté ce qui suffit devant la loi mosaïque.