De la démocratie à l’« athéocratie » ?

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De la démocratie à l’« athéocratie » ?

La démocratie un état politique et social virtuel ?

La démocratie est louée de tous côtés et dans le même temps, chacun passe son temps à en critiquer la mise en pratique selon sa compréhension intéressée, pour au final considérer que la démocratie n’existe pas.

Cette façon de voir et d’agir ne présente qu’une seule issue à mes yeux, qui est la mort de la démocratie. Nous savons que la démocratie n’a pas été le mode de gouvernement le plus courant sur la planète et qu’il est encore assez peu développé de nos jours, quand il n’est pas galvaudé selon les intérêts de tel ou tel autocrate qui rêve de s’éveiller.

Je ne vais pas revenir une troisième fois sur ce que j’ai déjà écrit concernant la laïcité et la liberté de penser et d’agir selon ses convictions selon qu’on le fait dans le cadre public, c’est-à-dire en tant que représentant d’un organisme ou d’une autorité qui n’a pas à émettre un choix spirituel ou philosophique précis, dans le cadre privé, c’est-à-dire en tant que représentant de soi même et de rien d’autre, ou dans le cadre intime, c’est-à-dire loin du regard des autres.

Ce que je voudrais évoquer dans ce texte c’est mon inquiétude de voir le monde qui, jusque là trouvait très bien de vivre dans un état de droit où la liberté individuelle était la règle, glisser petit à petit vers une recherche de dictature, comme si la liberté devenait insupportable dans un monde que l’on a de plus en plus de mal à appréhender. De ce fait, la démocratie pourrait bien révéler sa faille structurelle, son défaut de la cuirasse, son pied d’argile colossal : elle n’a de réalité que si le peuple à qui elle s’applique est adulte, responsable et démocrate !

Mais si le peuple se met à régresser mentalement, à espérer que d’autres prendront à sa place les décisions délicates et accepteront qu’il les critique, les malmène et les élimine de façon régulière et pendulaire, la démocratie ne peut plus fonctionner. En effet, comment s’appuyer sur un cadre quand il n’y en a pas ? Des peuples friands de gouvernements autoritaires, dirigistes, voire totalitaires, il n’en manque pas sur terre. En Europe, nous pourrions citer les Russes. Ils sont passés d’une dictature impériale à une dictature du prolétariat, rapidement devenue une autocratie de la Nomenklatura, puis une dictature sanguinaire et, depuis qu’ils s’en sont libérés, ils ont sauté dans les bras d’un autocrate mégalomane qui se rêve en nouveau tsar. Certes, ils votent, mais la longueur de la laisse est si courte que ce vote pose clairement question. Un peuple qui n’a jamais pu s’éduquer politiquement dans le pluralisme démocratique, qui est privé de médias libres et d’une opposition active, peut-il voter librement et fournir un résultat démocratique ? J’en doute.

Et de tels exemples je pourrais vous en proposer sur tous les continents. Je serais même tenté de dire que cela s’étend comme un lèpre et touche de plus les peuples qui jusque là avaient des habitudes démocratiques saines. La montée des populismes, l’amnésie des drames récents provoqués par les nationalismes, la menace des extrémismes, au lieu de pousser les peuples vers une plus grande volonté de liberté et de démocratie, semble les pousser vers celle d’un enfermement délétère dans des extrémismes contraires encore pires.

Alors je me demande si la démocratie existe vraiment, ou bien si elle n’est qu’un état éphémère comparable à l’équilibre des corps qui ne font que compenser en permanence des déséquilibres opposés et alternatifs.

L’« athéocratie » est-elle un nouveau mode de gouvernement autoritaire ?

Comme si nous n’avions pas suffisamment d’avatars de la bonne vieille tyrannie grecque, il semblerait que nous soyons en passe d’inventer, en France, un nouveau rejeton qui, au lieu de se baser sur un ou plusieurs individus ou sur une pensée sociale et politique, voire religieuse, aurait fait le choix d’imposer une point de vue philosophique à toute la population : l’athéisme !

Il faut dire qu’en France nous avons une double particularité. D’abord nous sommes, à ma connaissance, le seul pays qui ait légiféré sur la séparation des Églises et de l’État. Ensuite, notre population, difficile à interroger sur le fait religieux puisqu’il ne fait l’objet d’aucune statistique officielle, oscille selon les études entre 65 à 75% de personnes se disant attachées à une religion et 45 à 60% de personnes se disant étrangères à toutes les Églises existantes. Ce qui peut sembler paradoxal est en fait relativement compréhensible si l’on examine les termes avec attention. Les français s’affranchissent massivement du fait religieux organisé mais ils se sentent massivement concerné par le fait religieux global. Sans se sentir forcément croyants, ils se sentent en lien avec la religion ; sans renier leurs racines spirituelles, ils se veulent libres dans leurs croyances. Cet agnosticisme a permis l’acceptation de la loi de 1905, dont je parlais ci-dessus, et elle a permis que la Constitution de cinquième république, fasse du respect des opinions religieuses et philosophiques, un des fondements de notre pays.

L’articulation de ce système porte un nom : c’est la laïcité.

Contrairement à ce que de plus en plus de personnes ignares tendent à croire, elle ne signifie pas l’interdiction du fait religieux ou philosophique dans l’espace public, mais au contraire son expression libre à peine limitée par des contraintes d’intérêt général et de sécurité publique.

Or, pour les militants de la haine et de l’ostracisme, cette liberté est un outrage à leur volonté de domination, d’exclusion et d’asservissement des moins extrémistes qu’eux. C’est pourquoi, tout leur est bon quand il s’agit de rogner ces libertés au profit d’un système contraint qui mettrait sous le joug une population qui par ailleurs peine à faire valoir sa volonté de liberté. Comment ne pas reconnaître dans ces comportements les débordements de la Révolution française qui avait éliminé la religion et beaucoup de religieux afin d’imposer un athéisme qui finalement échoua si bien que Robespierre dû se résoudre à redonner un Être suprême à une population affamée de spiritualité.

De même que les extrémismes politiques de gauche comme de droite se nourrissent des difficultés économiques que nous traversons, la frilosité populiste et l’athéisme militant se nourrissent des extrémismes violents qui se parent d’une étiquette religieuse pour mieux s’en dissocier dans les actes. Fort de cette aubaine, l’athéisme s’en prend à des croyants, stigmatisés parce que fragilisés par les comportements ignobles de ceux qui prétendent agir au nom du même Dieu qu’eux, et cherchent à en faire des victimes expiatoires ce qui ne manquera pas de pousser à terme une partie d’entre eux dans les bras des extrémistes faute d’être acceptés ailleurs. C’est un phénomène récurrent dans l’Histoire et nous savons, nous croyants cathares, que c’est ainsi que les derniers cathares réfugiés en Bosnie ont préféré rejoindre l’Islam qui leur promettait une certaine liberté religieuse, plutôt que le christianisme oriental qui n’avait eu de cesse que de tenter de les éliminer. Contrairement aux vaudois qui trouvèrent dans le protestantisme un christianisme proche de leurs vœux, les derniers cathares abandonnèrent en partie le christianisme au profit de l’Islam à cause de l’attitude d’un autre christianisme !

La démocratie et la laïcité ont besoin de nous !

Il ne faut pas être timide et avoir peur de dire haut et fort qu’en défendant aujourd’hui les droits des musulmans à vivre leur foi en toute liberté, nous défendons notre droit demain à pratiquer notre religion face à des extrémistes qui n’ont plus grand chose à envier aux autres pour imposer leur vision étroite du vivre ensemble. Certes me direz-vous, contrairement aux islamistes exaltés et débiles, ils sont plutôt adeptes de la conception que Georges Brassens a si bien moquée : mourir pour des idées, mais de mort lente.

Alors je le dis clairement, oui nous avons le droit de nous habiller comme il nous sied, couverts des pieds à la tête, en rouge, vert ou noir, à la ville comme à la plage et les seules restrictions que l’on peut nous opposer sont celles qui visent au respect des bonne mœurs sociales, comme la non exhibition publique des organes génitaux et la non couverture du visage nécessaire à l’exercice des missions de sécurité publique. Que l’on porte la kippa, le voile, le béret la cornette ; que l’on soit en robe, en pantalon, en soutane ou tout de noir vêtu comme moi, rien ni personne n’a le droit de l’imposer ou de l’interdire tant que nous ne représentons que nous mêmes. Avoir de la pudeur n’est pas plus critiquable que d’en manquer totalement. Garder son corps à l’abri des regards n’est pas pire que d’exhiber ses seins ou sa raie fessière même si parfois on pourrait préférer qu’ils restent cachés.

Je le dis tout aussi clairement, nous avons le droit d’invoquer Iahvé, Dieu, Muhammad, Bouddha ou qui bon nous semble comme d’en nier l’existence et d’affirmer les mérites de l’utopie ou de l’anarchie. La liberté ne se segmente pas et nos prétendues racines chrétiennes baignent dans de telles mares de sang humain qu’il me semble plus intelligent de ne pas trop s’appesantir dessus.

Mais pour que toute cette belle liberté, si chèrement acquise, puisse d’épanouir, il faut que nous soyons capable de l’affirmer et de tenir à distance ceux qui veulent nous en priver. Certes, pas avec leurs moyens faits de vociférations et de provocations, mais par la calme détermination de notre éducation et de notre bon droit à être considérés comme des membres adultes et responsables d’une démocratie ferme et pondérée. Et ne croyons pas que nous pouvons faire preuve de mollesse car chaque pas perdu dans le respect des hommes et des idées est immédiatement remplacé par le godillot immonde de l’extrémisme et de la dictature.

Et pour en finir, je voudrais laisser de nouveau la parole à Brassens qui nous rappelait :

« Non certes elle n’est pas bâtie
Sur du sable sa dynastie
Il y a peu de chances qu’on
Détrône le Roi des cons. »

Éric Delmas, 16 août 2016.

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