La dictature de l’athéisme

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La dictature de l’athéisme

En écoutant ce matin un chroniqueur politique, M. Christophe Barbier, qui s’exprimait sur le port du voile dans l’espace public, j’ai compris que l’athéisme venait de franchir une nouvelle étape.

Je me suis déjà exprimé à plusieurs reprises concernant la laïcité dans notre société[1]. Le moins que l’on puisse dire est que sa définition fluctue de plus en plus et menace clairement désormais la première partie de la devise républicaine française.

Ce que nous dit M. Barbier, c’est que pour lutter contre les choix que font certaines musulmanes en termes d’habillement, il faut désormais interdire tout affichage religieux dans l’espace public, y compris pour des personnes qui n’y représentent qu’elles-mêmes. Pour lutter contre le port du voile, il faudrait interdire tout élément assimilable à un choix religieux. Par exemple, interdire le port d’un bijou représentant un courant religieux (une croix, un main de fatma, une étoile de David, etc.), interdire une coiffure (kippa, voile, tresses des rastas, turban des sikhs, vêtements noirs des cathares, etc.), interdire bien entendu les vêtements religieux (costume de clergyman, robe et soutane, etc.).

En fait, seul aurait droit d’existence tout ce qui ne rappelle pas la foi de celui que l’on voit devant soi. Comme je l’annonçais[2], c’est l’avènement de l’« athéocratie » que M. Barbier appelle de ses vœux. Mais alors, où est la liberté si l’expression de la foi doit se limiter, comme il le propose à l’espace intime et au lieu de culte ? Proposerait-il que les personnes ayant une opinion politique se voient interdire de l’exprimer librement dans l’espace public ? La liberté syndicale devrait-elle se limiter au local syndical de l’entreprise ? Non, bien entendu !

En fait ce que révèle la remarque de M. Barbier c’est la peur irraisonnée de ceux qui voient dans l’Islam une menace au lieu d’essayer de le ramener dans le champ religieux traditionnel afin de lui permettre de s’adapter à la société.

Car, ne nous y trompons pas, la mise en place de contraintes n’a jamais empêché personne de penser ; au contraire cela tend à radicaliser ceux qui se sentent ostracisés. Nous avons un exemple bien triste en la matière : celui de l’excision. Cette pratique ancestrale et particulièrement douloureuse fait l’objet de poursuites pénales sous nos contrées, ce qui est légitime puisqu’il y a mutilation. Mais dans les pays d’origine, elle est traitée par des campagnes d’éducation et d’information pour faire changer les mentalités, car la répression a clairement montré son inefficacité.

De la même façon, il me semble qu’il serait plus intelligent de communiquer envers les musulmanes qui désirent porter un voile, afin de leur montrer que cela n’a pas de valeur particulière pour leur foi, mais que cela relève davantage  d’un phénomène culturel provenant d’une période où l’homme voulait cacher les femmes faute de pouvoir contrôler ses propres pulsions sexuelles. Par contre, interdire tout ce qui masque le visage et qui empêche d’identifier un individu dans l’espace public est légitime pour des raisons de sécurité publique.

La voie que veut suivre M. Barbier est glissante et dangereuse, car elle montre manifestement une volonté islamophobe plutôt qu’une volonté d’égalité. En effet, interdire le voile sans interdire la kippa serait anormal ; or interdire la kippa serait immédiatement taxé d’antisémitisme ! Nous sommes doucement en train de créer des exceptions religieuses qui sont dangereuses pour le savoir-vivre ensemble. Je parlais de l’excision. L’interdire chez la jeune fille mineure me semble normal, mais il faudrait logiquement faire de même pour la circoncision des bébés juifs et des jeunes enfants musulmans. Après que des adultes décident de se mutiler, pose la question du libre choix de disposer de son corps. On n’imagine pas interdire les tatouages, les scarifications et les piercings ou introductions de corps étrangers divers sous la peau.

L’expression religieuse ne doit pas faire l’objet de considérations différentes des autres formes d’expression (politique, syndicale, philosophique, etc.) à moins de vouloir imposer une norme de pensée, ce qui reviendrait à rendre notre société aussi rigoriste que celles qui font d’une religion l’apha et l’oméga de leur choix politique.

Certes, certaines religions peuvent heurter nos conceptions personnelles en matière d’égalité entre les êtres humains, mais il faut savoir raison garder et se souvenir que ce qui nous gêne aujourd’hui était naturel il n’y a que quelques décennies. En effet, le port du voile par les femmes était la norme de l’Église catholique dans les lieux de culte. Pourtant elle n’avait pas plus de justification que l’exclusion des femmes de la communauté pendant leurs règles, comme on l’observe encore aujourd’hui dans certaines communautés.

N’oubliez pas, M. Barbier, que l’interdiction ne règle rien ; elle ne fait que pousser les personnes visées à se cloîtrer et les prive ainsi de l’accès à l’information qui leur permettrait éventuellement de changer de point de vue. Les sectes le savent bien, qui font de l’enfermement physique le corollaire à l’enferment mental.

Éric Delmas – 04/03/2019


[1]Liberté d’expression et laïcité et Liberté, égalité, fraternité, laïcité– Éric Delmas in Pensée cathare au quotidien– www.catharisme.eu

[2]De la démocratie à l’« athéocratie ? »– Éric Delmas in Pensée cathare au quotidien– www.catharisme.eu

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