mal

Mal, violence, souffrance, etc.

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Mal, violence, souffrance, etc.

Comme je l’ai lu récemment, le Mal d’un point de vue cathare est quasiment impossible à décrire.
Je précise que j’écris Mal (avec majuscule) pour définir le principe du mal et mal (avec minuscule) pour définir ce que nous appelons couramment mal.
Cependant, il me semble utile de revenir sur ce sujet très difficile afin que l’on évite de croire que ce sujet peut être clairement caractérisé et, en quelque, sorte, évacué.

Comment le catharisme aborde-t-il le problème du Mal ?

En fait les témoignages qui nous sont parvenus, généralement issus de personnes culturellement faibles et désirant se faire pardonner par le tribunal d’Inquisition qui les interroge, montre une approche extrêmement simpliste et réductrice.
Aujourd’hui, nous devons essayer d’aller plus loin, non pour ouvrir des champs de compréhension inconnus à ce jour, mais pour nous habiter à accepter la part d’indicible qui est liée à notre part mondaine extrêmement frustre.

Pourquoi le Mal existe-t-il ?

C’est sans doute un point très frustrant que de ne pas pouvoir imaginer un espace spirituel global débarrassé du mal comme nous le propose le judéo-christianisme depuis des millénaires.
D’un point de vue cathare, le Mal est un principe au même titre que le Bien, mais évoluant dans un espace spirituel différent et non pénétrable. Il n’y a rien au-dessus du Mal qui aurait pu décider de l’empêcher d’exister. La question n’a donc aucun sens : le Mal existe, un point c’est tout. Et dans son empyrée, la norme est le mal absolu en absence de toute forme de bien.
Par conséquent, il ne sert à rien de vouloir attribuer au Mal une fonction ; il n’en a pas ; il existe par lui-même et pour lui-même. Je serais tenté de comparer cela à une œuvre bien connue : Le seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien dans lequel le personnage de Gollum, ancien détenteur de l’anneau suprême, sans que l’on sache comment il l’a obtenu, agit le plus souvent en faisant le mal, mais parce que c’est pour lui son état naturel et normal.
En fait, le Mal n’existe que si l’on connaît aussi le Bien. Or, la plupart d’entre-nous ne connaît qu’un mal relatif et ignore l’existence du Mal absolu. C’est pour cela que les judéo-chrétiens, entre autres, ont décidé d’attribuer l’existence du mal à l’homme, alors que le Dieu de l’Ancien Testament, auquel ils se réfèrent, commet régulièrement le mal en l’absence de l’homme.
Dans le Nouveau Testament cette incohérence est régulièrement évoquée et même clairement formulée dans l’Évangile selon Jean, au chapitre 8, verset 44 : « Vous avez pour père le diable et vous faites l’œuvre de votre père. »

Le Mal est-il éternel ?

Contrairement aux religions qui voient le mal comme une étape dans la purification des âmes, les cathares voient le Mal comme un principe, selon la lecture qu’en donne Aristote. Donc, il est logiquement éternel.
Que devons-nous penser de cette éternité et en quoi peut-on s’en inquiéter ou pas ?
En fait, notre situation actuelle devrait nous rendre inquiets à l’idée de l’éternité du Mal, mais ce serait une approche biaisée. En effet, la sphère du Bien et celle du Mal sont étanches l’une à l’autre. Donc, comme nous ne nous préoccupons pas de savoir si un monde habité existe à plusieurs dizaines d’années-lumière du nôtre, puisqu’il n’y a aucune chance que nous en rencontrions les habitants un jour si l’on s’en réfère à l’idée que la vitesse luminale est infranchissable, il est sans intérêt de se préoccuper de ce qui se passe dans la sphère du Mal et son éternité puisqu’elle ne saurait avoir une influence sur nous.

Le Bien et le Mal peuvent-ils coexister ?

Comme je viens de le dire, le Mal et le Bien sont des principes éternels totalement étrangers l’un à l’autre et sans aucun point de contact. D’ailleurs quelle utilité pourrait-il y avoir à ce que leurs « domaines » puissent se confondre partiellement ? Aucune bien évidemment, puisqu’ils n’ont rien en commun et rien à partager.
Le cas très particulier de notre présence — nous parcelles de Bien — dans un environnement façonné par le Mal, n’est pas une osmose mais un mélange où chacune des parties conserve son intégrité. Seul notre affaiblissement et notre position d’infériorité dans ce monde font que le Bien n’apparaît pas. Il faut comprendre cette particularité comme nous comprenons l’état d’un scaphandrier plongé dans l’eau ou d’un astronaute en sortie extravéhiculaire. Ils sont plongés dans un univers hostile, mais ils n’en font pas partie. La seule différence est que la plupart d’entre-nous n’a pas conscience de sa situation.

Pourquoi souffrons-nous du mal ?

En fait nous ne souffrons pas du mal. Certes, je comprends votre surprise à une telle affirmation.
Je précise donc que notre part spirituelle ne souffre pas du mal, car le Mal ne peut avoir aucune influence sur elle. Seule notre part mondaine souffre du mal, car elle participe activement à son espace d’action. Dans cet espace malin nous souffrons du mal que nous ressentons ou du sentiment d’incomplétude que notre sensualité ressent comme un échec à ses aspirations.
Pour être plus clair, nous souffrons du manque que nous ressentons du fait que, dans un espace injuste, malveillant et mauvais, nous voulons pour nous ce qu’il y a de mieux. C’est l’absence qui est ressentie comme une souffrance. C’est donc en raison de notre nature mondaine et de l’espace créé par le Mal pour nous y maintenir que nous subissons des conditions dont certaines ne nous satisfont pas et ainsi nous donnent à ressentir une souffrance.
Mais le caractère imparfait de ce monde conduit en général à ce que rien ne permette de satisfaire pleinement nos aspirations et que, même au sommet de l’échelle sociale et pourvu de tout ce que l’on rêver de mieux, nous souffrons alors de la peur d’en être potentiellement privé. C’est une situation de déséquilibre permanent, comme je l’avais évoquée dans un prêche précédent.
Pour faire cesser cette souffrance, la seule solution est d’habituer notre enveloppe charnelle à changer de paradigmes et à lui faire préférer l’ascèse à l’opulence. Dès lors, une fois installés sans effort dans cette ascèse, notre souffrance diminuera fortement et, dans le meilleur des cas, disparaîtra.

Pourquoi nous adonnons-nous au mal ?

Nous nous adonnons au mal parce que nous sommes convaincus qu’il est le seul moyen pour nous d’obtenir un statut vivable dans ce monde. Dès lors, nous apprenons ses règles par notre éducation avec l’exemplarité que nous enseigne notre culture, et nous cherchons à reproduire ces éléments en essayant d’en tirer le meilleur parti.
Or, pour cela il nous faut utiliser les règles de ce monde, ce qui implique d’utiliser le mal au mieux de nos intérêts. Nous pensons qu’il n’y a que deux attitudes possibles : être un prédateur ou être une proie. Pour nous cathares, il existe une troisième voie : accepter de n’être ni l’un, ni l’autre, mais prévenir ceux qui ne verraient en nous que des proies qu’en cas de nécessité nous les renverront devant les instances et autorités qui régissent le monde à la façon dont ils le comprennent. L’immense majorité des personnes qui abusent du mal étant des lâches, la menace d’une sanction assurée les fera reculer et ils finiront par nous considérer comme d’étranges créatures sans intérêt et sans danger pour eux.
Si nous nous refusons à recourir au mal c’est avant tout pour mettre notre vie en harmonie avec notre morale qui est inspirée par notre foi. Et les vrais chrétiens doivent s’interdire toute forme de mal, car il n’existe pas de moindre mal ou de mal justifié. Là où l’Ancien Testament, c’est-à-dire la loi juive, parle de loi du talion — qui vient du code d’Hammurabi, relevant d’une autre religion —, le Nouveau Testament parle lui de non-violence absolue avec les exemples bien connus comme de tendre la joue gauche quand on nous frappe sur la droite ou de donner tout son manteau à celui qui en réclame la moitié, etc.

Comment surmonter le mal inhérent au monde ?

Le lien entre le mal et le monde justifie pleinement le qualificatif d’inhérent puisque ce monde fonctionne en tout point dans le cadre du mal. Même quand nous croyons percevoir le bien dans ce monde, une analyse plus fine révèle la présence du mal que nous n’avions pas vu initialement. En général un bien comporte un pendant malin, car ce qui profite aux uns est souvent négatif pour d’autres. Il ne faut pas oublier que nous appréhendons ce monde par les moyens de notre corps, qui est un outil au service du mal, et qui utilise pour nous tromper nos sens qu’il abuse facilement.
Aussi, même quand nous croyons voir du bien autour de nous et en nous, nous sommes le plus souvent dans le mal sans en avoir conscience. Cet état, si nous en avions l’intuition, pourrait nous rendre amers et tristes. Cependant, pour en avoir l’intuition il faut être capable de développer la part issue du Bien qui est partiellement endormie et maintenue prisonnière en nous. Dès lors, nous entrevoyons une autre issue que celle que nous propose le monde et, cette autre issue est porteuse d’espoir et de joie infinie, ce qui nous rend heureux malgré nos vicissitudes. En fait nous pouvons être partiellement et momentanément heureux quand nous sommes aveuglés par le monde ou l’être pleinement quand nous sommes capables de nous extraire partiellement et momentanément de ce monde grâce à l’éveil spirituel.

En quoi l’éveil peut-il nous aider ?

Quand un sympathisant cathare approfondit son savoir, qu’il acquiert par son étude du catharisme, il est amené à s’interroger sur les certitudes qui ont fait leur lit dans son éducation et dans son expérience de vie. Souvent, il les balaie d’un revers de main, car elles sont remises en question par ce qu’il découvre et que cela lui semble insurmontable ou que cela lui provoque une profonde souffrance.
Mais s’il décide de l’approfondir par des études sérieuses, il va découvrir les incohérences de ce qu’il considérait jusqu’alors comme des vérités, ou tout au moins des certitudes. Dès lors va s’enclencher un processus où tout apprentissage et savoir supplémentaire va lui montrer la logique et la cohérence du catharisme, ce qui le conduira à considérer que s’il est croyant c’est dans cette voie qu’il pourra accéder au salut. Quand ce sera devenu une évidence incontournable, se produira cet événement intellectuel et spirituel que l’on appelle l’éveil.
Cet éveil donne à celui qui en est empreint la capacité de comparer ce qu’il vit à ce que son savoir lui a apporté au fil des ans. Or, quand on sait qu’il y a deux réalités alternatives, celle du monde et celle de la foi cathare, cette comparaison se fait au détriment de celle du monde pour la bonne raison qu’elle est incohérente et même illogique. C’est l’atout majeur de l’éveil qui place le croyant cathare dans une position de connaissance qui échappe à la plupart des autres humains qui n’ont qu’une seule vérité possible et qu’un seul angle de vue, tout comme un observateur unique observant un avion au lointain dans un ciel uniforme est moins capable de savoir s’il s’approche ou s’il s’éloigne que s’il l’observe latéralement ce qui lui permet de comparer deux points différents dans l’espace déterminant sa position et son sens de déplacement.
Mais, chercher à cheminer pour échapper au Mal n’est-il pas une perte de temps ? il est vrai que notre situation de prisonniers de ce monde et la certitude qu’à la fin des temps tout le monde sera sauvé, peut donner à penser qu’il suffit d’attendre passivement que les choses se fassent. Mais comme celui qui est éloigné des siens depuis longtemps choisira le moyen de transport le plus propice à des retrouvailles rapides, celui qui sait qu’il est prisonnier ici-bas n’a plus qu’une envie : retourner au Père à la fin de cette vie terrestre.
C’est pour cela que la suite logique de l’éveil est d’entamer le cheminement vers la Consolation qui surviendra quand les croyants auront effectué une part importante, même si elle est difficile, du chemin de retour.

Pour conclure je vous dirai que si l’accès aux savoirs essentiels et à l’éveil est un chemin difficile qui provoque des souffrances et qui expose à des violences de ceux qui ne peuvent comprendre nos motivations, il n’en reste pas moins essentiel à notre « évasion » de la prison mondaine dans laquelle la malignité nous a fait choir. Mais il ne faut pas en avoir peur, car comme l’aurait dit le Christ aux apôtres, ces difficultés sont les moindres auxquelles nous sommes exposés et que pour les surmonter il nous assiste largement par le truchement du Saint-Esprit paraclet.

Dieu, principe du Bien et l’Être

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Dieu, principe du Bien et l’Être

Guilhem de Carcassonne, le 14 août 2022

Le catharisme présente une particularité unique au sein du christianisme qui est de considérer deux principes dont l’un est Dieu et l’autre Satan. Très mal comprise des chrétiens, cette conviction lui valut d’être traité de dualiste, ce qui n’a pas de sens. En effet, tous les christianismes et tous les monothéismes sont dualistes puisque tous proposent un système associant deux entités, l’une positive et l’autre négative, mais seule la première est parée de l’attribut divin. L’accusation de polythéisme est donc inadaptée, tant pour le catharisme que pour le manichéisme qui respectent tous deux cette différenciation. Le dualisme cathare est sans objet également, car non différenciant du catholicisme à l’exception du fait que chez les cathares le dualisme initial qui soumet l’homme aux deux principes, l’un dans sa nature spirituelle et l’autre dans sa prison charnelle cesse lorsqu’il obtient son salut. Dans le judéo-christianisme par contre, c’est l’inverse ; initialement moniste, le chrétien est soumis au diable et peut terminer par être damné éternellement, ce qui est une vue dualiste particulièrement négative et qui fait de Dieu un père pervers.

Mais la différence entre catharisme et judéo-christianisme va bien au-delà de cette notion dépassée. Je vais essayer de vous l’expliquer sans trop plonger dans des notions philosophiques qui peuvent en dérouter certains d’entre vous.

Le principe du Bien

Les cathares emploient indifféremment les termes Dieu et principe du Bien.

Si j’écris Bien avec une majuscule c’est pour le différencier d’un autre bien qui est en réalité un épiphénomène lié au Mal et qui s’oppose ponctuellement à un mal de même niveau.

Le Bien tel que l’entend un cathare, qu’il soit croyant ou consolé, désigne ce qui ne peut en aucune façon produire un mal, aussi minime soit-il et sous quelque forme qu’on puisse le considérer, prouvant ainsi sa nature originelle. Cela nous est clairement précisé par Matthieu quand il fait dire à Jésus : « Ainsi tout bon arbre fait de beaux fruits, et l’arbre pourri fait de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri porter de beaux fruits. Tout arbre qui ne fait pas de beau fruit sera coupé et jeté au feu. Et bien, vous les reconnaîtrez à leurs fruits[1]. » Cette tirade détaillée vient préciser ce qu’il avait fait dire à Jean baptiste, plus tôt dans son Évangile : « Déjà la cognée est à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne fait pas de beau fruit est coupé et jeté au feu[2]. » Il réitère son propos dans les mêmes termes en 13, 13. Luc aussi reprend ces deux présentations, ce qui faire penser à une copie[3].

Pourtant cette notion semble totalement hors du champ mondain tel que nous le connaissons. Ici-bas nous trouvons des fruits bons ou pourris sur le même arbre et aucun arbre n’a une propension particulière à produire tel type de fruit. Il s’agit donc d’une illustration évoquant le domaine du Bien et non notre monde.

Pour comprendre cela il nous faut rejoindre un philosophe bien connu et parfois redouté : Aristote. En effet, dans l’œuvre constituée de textes épars — qui ne pouvaient être attribués à un autre de ses thèmes favoris : l’éthique et la physique —, qui fut appelé Métaphysique (littéralement : à côté de la physique), il démontre le concept de principe.

Le principe est, selon Aristote, ce qui est à l’origine de tout ce qui est de même nature que lui. Le principe est la forme première dont tout découle. Il s’agit donc d’une compréhension relative à la nature et au temps. Le principe est le concept d’une nature pure dans son essence et unique dans sa composition. Le principe est univoque et sans la moindre corruption. Il est également à l’origine de tout ce qui relève de la même nature ; il est donc premier. Mais rien ne dit que, d’un principe donné — cause de tout ce qui relève de lui —, ne doit se produire quoi que ce soit d’identique. En effet, ce qui a pour cause un principe est au moins différent du lui sur le plan de la temporalité puisqu’il survient après lui. Rien n’interdit de penser qu’il puisse également être corruptible. Si on limitait le principe du Bien au concept principiel, rien n’interdirait que ce qui émane de lui puisse être corrompu par le Mal, comme semblent le croire une grande partie des religions que nous connaissons. Pour reprendre l’image néotestamentaire ci-dessus, le bon arbre peut produire de mauvais fruits tout en étant bel et bien le principe de ces fruits. Il faut donc réfléchir à un autre concept pour rendre cette image crédible. Ce qui fait que l’arbre et le fruit sont et ne peuvent être rien d’autre que bons, ce n’est pas la nature principielle de l’arbre, c’est sa substance unique.

L’Être, substance du bon principe

L’évêque cathare italien, Jean de Lugio, expliquait l’existence du Mal en faisant valoir qu’il était impossible qu’un être issu du Bien, qui n’avait d’autre référence que le Bien et ne connaissait rien d’autre, put se mettre à lui préférer le Mal qu’il ne connaissait pas. Il en tirait la conséquence logique qu’il fallait bien admettre alors qu’il devait y avoir une cause au Mal distincte de la cause du Bien[4].

Je voudrais essayer d’aller plus loin dans cette analyse.

Nous savons bien qu’il ne suffit pas qu’une chose nous soit inconnue à un moment donné, pour qu’une fois connue nous ne puissions pas la préférer à ce que nous connaissons. Jean de Lugio était un cathare appartenant initialement à une Église monarchienne[5], c’est-à-dire cherchant à unifier la vision catholique à la vision cathare, qui, lorsqu’il vint à remplacer son évêque changea totalement de point de vue et pencha pour une vision dyarchienne, c’est-à-dire dissociant totalement la vision cathare de la vision catholique. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait dans sa compréhension quelques éléments rattachés au catholicisme.

Non, ce qui importe dans notre lecture c’est de comprendre que le principe du Bien dispose dans sa propre substance spirituelle d’un attribut essentiel et unique que l’on appelle l’Être.

Le premier philosophe à avoir tenté d’expliquer l’Être est Parménide qui introduisit dans son explication un concept qui allait créer une branche de la philosophie que l’on appelle l’ontologie qui prétend étudier l’être en tant qu’être. Or c’est là qu’est la difficulté pour nos esprits humains limités. Parménide nous donne pourtant une piste intéressante : l’Être est ! Cela peut sembler abscons de prime abord, mais en réalité c’est lumineux. L’« Être est » suppose une permanence inaltérable et inamovible d’un état totalement étranger au monde. L’Être est la substance unique, profonde et permanente du principe du Bien et de toutes ses émanations qui lui sont consubstantielles.

L’Être ne connaît ni temporalité ni fluctuation. Rien de temporel ou de fluctuant ne peut émaner du principe du Bien, car l’Être leur assure la même stabilité et la même permanence qu’au principe lui-même.

Rapporté à notre arbre, on comprend mieux désormais que le fruit ne peut être que de la même substance que l’arbre lui-même, c’est-à-dire bon. De même ; l’émanation divine ne peut en aucune façon devenir mauvaise puisque son principe lui transmet de façon consubstantielle son Être qui est le Bien. L’hypothèse de Lucifer fils préféré de Dieu devenant jaloux de lui et choisissant le Mal est donc totalement absurde d’un point de vue cathare.

Par contre le Mal, qui est aussi un principe, ne dispose pas de l’Être. C’est même un néant d’Être, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir en lui la moindre parcelle d’Être, non pas en raison de sa substance maligne, mais surtout en raison de sa nature principielle qui ne peut être mélangée. C’est pourquoi les cathares comprennent le troisième verset de l’Évangile selon Jean de cette manière :

« Tout a existé par elle et rien de ce qui existe n’a existé sans elle[6]. »

Dieu, par son verbe est au principe de toute ce qui existe, c’est-à-dire qui dispose de l’Être, et rien peut disposer de l’Être en dehors de lui.

L’ontologie reste un domaine de la philosophie parménienne totalement insoluble par les strictes voies philosophiques, mais une approche ouverte sur la religion peut la résourdre.

Et Dieu dans tout ça ?

J’espère que vous avez tenu le coup jusqu’ici et que mes explications que j’ai voulues aussi abordables que possible pour le grand public vous ont permis de mieux comprendre ces concepts souvent abscons.

Maintenant, il nous reste le plus facile à expliquer : Qu’est-ce que Dieu ?

En fait Dieu est notre façon de dénommer une entité totalement étrangère et inconnue dans l’espace temporel et corruptible qu’est notre univers. Cette entité — terme que j’emploie faute d’en avoir un plus précis à proposer —, est principielle par nature et dotée de l’Être par substance.

Principielle en cela qu’elle n’émane de rien et existante en cela qu’elle est, sans passé et sans avenir, permanente et stable dans le Bien absolu de toute éternité.

C’est tout ce que nous pouvons dire de Dieu en n’oubliant pas d’ajouter que notre part spirituelle émane de lui et lui est consubstantielle.


[1] Évangile selon Matthieu : 7, 17-20.

[2] Évangile selon Matthieu : 3, 10.

[3] Évangile selon Luc : 3, 9 et 6, 43-44.

[4] Liber de duobus principiis (Livre des deux principes) in Écritures cathares – René Nelli et Anne Brenon, éd. du Rocher (Paris) 1996. Plusieurs éditions préalables signées de René Nelli, notamment chez Denoël (1959)

[5] Les cathares monarchiens et dyarchiens — improprement appelés mitigés et absolus —, avaient des divergences concernant les hypothèses cosmogoniques de la création du monde matériel : les monarchiens pensant que le Mal avait perverti une matière créée par Dieu et les dyarchiens considérant que rien en ce monde, y compris la matière, n’était l’œuvre de Dieu.

[6] Évangile selon Jean in Le nouveau Testament – Collection La Pléiade, éditions Gallimard (Paris) 1972.

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