2-3-Le catharisme au quotidien

Croyant cathare aujourd’hui

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Croyant cathare aujourd’hui

L’étude des témoignages devant l’Inquisition nous permet de tracer le portrait de ce qu’était un croyant cathare au Moyen Âge. Ces personnes étaient littéralement transcendées par leur foi, mais leur mondanité dominait encore leur approche du monde et leurs comportements s’en ressentaient.Read more

La justice, la vengeance, etc.

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La justice, la vengeance, etc.

La justice et la vengeance ne sont pas des termes courants en catharisme qui préfère mettre en avant la Bienveillance. Pour autant, comme nous vivons dans ce monde, il semble utile de s’y intéresser afin de voir ce qu’ils recouvrent et comment ils sont compris et utilisés.

Dans la mythologie grecque, la déesse associée à la justice est Thémis, déesse de la justice de la loi et de l’équité est la fille d’Ouranos et de Gaia, ce qui fait d’elle la tante de Zeus. Elle serait aussi la mère de Prométhée qui offrit le feu aux hommes. Celle qui est associée à la vengeance est Némésis que Zeus aurait séduite par ruse en se transformant en cygne quand elle-même se cachait sous l’apparence d’une oie sauvage. De cette union forcée serait née Hélène, future femme de Pâris, fils de Priam le roi de Troie et cause de la guerre entre les cités grecques et cette ville que nous relate Homère dans l’Iliade.

La justice

Il est difficile de définir la justice, car elle dépend de paramètres variables : la loi, l’équité, etc. qui changent selon les peuples et les époques. Mais de nos jours, la justice est bien plus qu’un concept. C’est aussi un outil social qui vise à maintenir la cohésion sociale en empêchant chacun d’appliquer ses propres règles.

Le problème de la justice de nos jours est de maintenir le sentiment d’équité au sein de la population qui passe son temps à modifier les équilibres de façon à mettre en avant certains éléments, quitte à leur accorder plus d’importance qu’à d’autres, ce qui constitue de fait une rupture d’équité. Ainsi, la justice vise à faire appliquer la loi qui définit ce qui est autorisé et ce qui est interdit, de façon directement exprimée ou de façon tacite, de manière à éviter que certains individus ne créent des ruptures d’équité.

Qu’est-ce que l’équité ?

Naturellement l’équité est censée être une situation d’équilibre entre les individus qui leur garantit un traitement impartial et égalitaire. Mais, face au constat que notre société développe des attitudes discriminatoires, l’équité est aussi considérée comme une rupture volontaire de cet équilibre envers les personnes discriminées, afin de leur offrir une sorte de compensation. Dès lors qu’une discrimination est identifiée : ethnique, sexuelle, religieuse, sociale, sanitaire, etc. la justice la reconnaît et adapte son appréciation des dommages infligés à ces individus pour leur accorder une meilleure compensation qu’elle ne l’aurait fait s’ils n’appartenaient pas à une catégorie discriminée.

Donc, l’équité est une volonté de la justice qui ne peut être atteinte qu’en essayant de modifier l’appréciation faite des individus au risque d’introduire volontairement une iniquité calculée. L’équité est donc une sorte de vœu pieux impossible à atteindre en ce moment pétri d’iniquité.

Qu’est-ce que la loi ?

La loi est une règle établie par une autorité souveraine de façon à organiser la vie des membres qu’elle a la charge d’administrer. Pour que cette loi puisse être considérée comme relevant de la justice, elle doit veiller à l’équité entre ses administrés. La loi ne prend pas en compte les individus, mais ne s’occupe que de l’ensemble de la population, voire à la rigueur, certains groupes sociaux.

Mais la loi ne s’occupe pas forcément de justice. Elle fixe des règles par lesquelles elle exprime des choix — qui seront mis en avant dans les décisions de justice —, comme étant forcément estimés justes et équitables. Malheureusement, la loi ne parvient jamais à faire rimer obligations et équité. Dans les démocraties, ce sont les représentants désignés par le peuple qui définissent les lois. La loi fixe également les sanctions applicables à ceux qui ne respectent pas les lois et les compensations destinées à ceux qu’un non-respect de la loi aurait lésés.

Les défauts de la justice

Ce qui pose problème avec la justice c’est qu’elle ne parvient pas à créer et à maintenir l’équilibre, c’est-à-dire l’équité entre les personnes qu’elle prétend concerner. En effet, comme dans tout système dit en équilibre, elle doit compenser les troubles qui se produisent obligatoirement afin de rétablir un semblant d’équité.

La préoccupation naturelle de la justice devrait donc se limiter à éviter les problèmes quand on peut les anticiper et à en compenser les conséquences pour les victimes quand il n’a pas été possible de les éviter. Cela s’appelle la prévention et la réparation.

Nous voyons bien que cela n’est quasiment pas réalisé dans nos sociétés forcément injustes puisque peuplées d’individus qui ne conçoivent l’équité qu’en fonction de leurs intérêts personnels.

La vengeance

Quand la justice ne peut pas fonctionner la société se rabat sur la vengeance pour donner un sentiment de justice aux victimes. Le cas le mieux connu est celui du code d’Hammurabi, stèle de basalte rédigée par le roi de Babylone (vers 1750 ans avant e. c.) qui fixe une condamnation basée sur les dégâts constatés, appelée loi du talion.

En quoi notre société moderne a-t-elle évoluée par rapport à la loi du talion ? Aujourd’hui on ne crève pas l’œil de celui qui a éborgné son voisin et on ne tue plus celui qui a tué. La règle est la compensation, souvent financière, du préjudice infligé et l’exclusion sociale par l’emprisonnement quand l’infraction est jugée de nature à mettre la société en danger. Mais quand la compensation n’est pas possible. Bizarrement, quand la victime ne peut plus être indemnisée des dommages qui lui ont été infligés, c’est la société qui prétend s’en arroger le bénéfice, voire les ayants droit de la victime. En quoi est-ce juste ? Cela relève plus de la vengeance que de la justice. Au Moyen Âge l’Inquisition condamnait les personnes suspectes de soutien au catharisme à effectuer des pèlerinages dans des lieux saints catholiques, non pas pour compenser qui que ce soit, mais pour ruiner les condamnés en raison des frais fort élevés qu’occasionnaient ces voyages.

La vengeance se place au niveau du plan de conscience de celui qui se considère comme lésé, mais pas forcément dans l’intérêt de justice de la société. L’exemple le plus évident est le désir de voir un délinquant passer en procès et être condamné, même si cela n’aura aucun effet, ni pour lui ni pour sa victime, notamment si elle est morte. On retrouve ici le concept de victime émissaire qui permet au groupe de mettre un terme au conflit mimétique causé par l’infraction commise. Quand un délinquant agit en raison d’une maladie psychiatrique qui le prive de discernement, le juger et le condamner officiellement n’aura aucun effet sur lui, voire sur sa victime si elle est morte. Mais, régulièrement, la population s’insurge que la loi a prévu de ne pas juger les « fous ». C’est donc bien la société qui réclame vengeance au lieu de rechercher la justice qui voudrait que pour rétablir l’équité on cherche des moyens de prévention de nature à empêcher la réédition d’un tel acte. C’est à la fois l’expression d’un désir primal et le constat d’échec de notre système sociétal.

Tenter de remettre de l’équilibre dans le monde

En fait, ce qui est régulièrement visible dans notre société, c’est le besoin que nous ressentons à formaliser nos souffrances et à mettre en œuvre des mesures compensatrices, y compris si elles sont totalement dénuées de sens. Cela est vrai lorsqu’un proche décède et que nous organisons ses funérailles. Le défunt n’en a rien à faire, mais ce sont les proches et parfois la société qui en ont besoin. En matière de justice les choses sont comparables. Quand la victime est décédée la compensation n’est plus possible, mais la société réclame vengeance et la peine vise à stigmatiser le coupable au-delà du temps d’exclusion qui lui est imposé. Le concept d’avoir payé sa dette à la société est purement verbal. En réalité, la société crée une discrimination volontaire envers le coupable qui a pour objet de lui rendre le reste de sa vie plus difficile qu’elle ne l’est pour les autres.

Pourquoi un tel choix ? La raison en est simple ; dans ce monde où le Mal domine, la société ne sait comment faire pour établir l’équité et la loi.

La prévention

Pour maintenir l’équité, la prévention est sans doute le meilleur outil. En supprimant les causes d’inégalité entre les membres d’une même communauté, on évite l’apparition du désir mimétique et donc les germes du conflit à venir. Mais les causes d’inégalité sont nombreuses et variées. Cela concerne le statut social, les capacités de réalisation de vie (sociale, familiale, professionnelle), l’état de santé, sans oublier le stress lié à une mémoire affectée (injustices ethniques, religieuses, etc.).

Cela confine à l’impossible dans un monde où l’esprit d’appartenance égalitaire n’est pas génétiquement acquis. C’est pour cela que la loi prévoit des compensations préalables au jugement en créant des discriminations positives vis-à-vis des victimes d’infractions ayant eu pour motivation un état d’inégalité. Mais ces compensations ne règlent pas la situation d’inégalité, surtout que celle-ci évolue d’une personne à une autre selon les lieux et les époques.

La compensation

La compensation est elle aussi impossible à assurer, car la plupart du temps, le sentiment de préjudice va varier d’une personne à une autre. En outre, quand la victime n’est plus là pour réclamer la compensation de son dol, la société l’exige néanmoins pour se rassurer sur son idée de la justice.

En outre la compensation est difficile quand le préjudice ne peut être compensé. La perte d’un œil ne se chiffre pas normalement. La perte de chance non plus ; ce qui est perdu ne peut être récupéré.

La justice ne semble pas possible en ce monde et c’est sans doute pour cela que sa représentation symbolique met en avant les trois éléments qui la caractérisent :

  • La balance où elle devrait mettre en équilibre le monde pour viser à l’équité ;
  • Le bandeau qui l’aveugle et qui montre son impuissance à faire son office ;
  • L’épée qui lui sert à exercer la vengeance faute d’avoir pu éviter les crimes.

Cet aveu d’impuissance devrait nous rendre modestes et humbles quand nous nous laissons aller à réclamer justice, c’est-à-dire en fait vengeance, en oubliant combien nous sommes tous des délinquants quotidiens dans presque tous les actes de notre vie.

Et le catharisme dans tout cela ?

Pour les cathares, la justice n’est qu’un pis-aller visant à limiter partiellement les méfaits de ce monde malin. C’est aussi un outil de gouvernance et c’est pour cela qu’ils suivent Marcion de Sinope qui définit le démiurge comme un dieu juste par opposition au principe du Bien qu’ils appellent le Dieu bon.

Forcément, s’ils veillent à ne pas s’opposer aux obligations légales qui leur sont soumises, ils ne comptent en aucune façon sur la justice pour les aider dans leur cheminement. Bien au contraire, c’est souvent au nom de la justice qu’ils savent être pourchassés et tués.

Aujourd’hui, nous respectons les lois de ce monde tant que nous y sommes maintenus, à l’exception de situations particulières qui pourraient nous obliger à trahir nos fondamentaux doctrinaux, comme la participation à des actions violentes. Nous n’attendons rien de ce monde, car nous ne recherchons pas la justice. Ce que nous recherchons c’est la Bienveillance et le salut.

La justice de ce monde ne saurait donc nous concerner en rien.

Guilhem de Carcassonne le 26 avril 2021

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Pourquoi l’éveil est-il difficile ?

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Pourquoi l’éveil est-il difficile ?

Si je n’ai pas créé le concept de la parabole, j’en saisi totalement l’intérêt pour rendre accessibles à tous des concepts qui, s’ils étaient directement exprimés depuis ce qu’ils sont dans ma tête, seraient totalement incompréhensibles.
Aussi vais-je vous parler d’un point crucial, qui est à mon avis la cause principale de l’échec dans leur avancement des sympathisants, déterminant dans le passage au statut de croyant : l’éveil.

La victoire du Malin

Quand le Malin fit tomber dans la fange de sa création les esprits saints de l’empyrée céleste, il mit au point la plus extraordinaire supercherie possible. Cela a-t-il marché ? Jugez vous-même ; cela fait des centaines de milliers d’années que cette escroquerie perdure en étant à peine écornée par quelques résistants qui ont su la révéler, sans que les autres victimes ne les croient.

Mais quelle est cette escroquerie si extraordinaire ?
Elle consiste dans le fait de prendre des entités spirituelles, de leur faire oublier leur origine céleste, de leur imposer un univers mondain et de les convaincre que cet univers est, non seulement unique, mais aussi le meilleur monde dont elles peuvent rêver. En clair emprisonner quelqu’un en lui faisant oublier son état de prisonnier et en lui faisant confondre sa prison avec le paradis.

Dans un de ses derniers livres, Jean d’Ormesson dit : « Le présent est une prison sans barreaux, un filet invisible, sans odeur et sans masse, qui nous enveloppe de partout. »
Bien entendu, je partage cet avis, mais je l’étend à tous les temps du monde et non seulement au présent.
Comme je ne suis pas certain que cet auteur soit accessible à tous, je vais aller chercher ma parabole dans le monde du cinéma. Connaissez-vous le film américain : The Truman show ? Ce « spectacle Truman » nous conte l’histoire d’un agent d’assurance, Truman Burbank, marié à une gentille infirmière, Meryl, qui vit dans une petite ville américaine campagnarde, Seahaven, entouré de toute une population très sympathique. Les besoins de ce citoyen étant comblés en tous points, il ne lui vient même pas à l’esprit de s’interroger sur cette situation. Les choses se gâtent quand il aura envie de quitter ce cocon douillet pour explorer le monde, car il découvrira alors que cela est impossible : les routes reviennent toutes au centre-ville et le grand lac s’avère difficile à naviguer à l’approche de l’horizon. En fait, ce que ne sait pas Truman, c’est qu’il est depuis sa naissance le sujet principal d’une émission de télé-réalité ; que le monde qui l’entoure est factice et constitue un immense plateau de télévision fonctionnant en permanence, et que sa femme, ses amis, ses voisins sont des acteurs.

Voilà comment le Malin nous tient prisonnier : il nous a convaincus que nous étions ici de notre propre initiative et qu’il n’y a rien d’autre.

Sommes-nous des victimes innocentes ?

Vous vous dites que ce pauvre Truman est une innocente victime. C’est vrai, jusqu’au moment où il commence à avoir des doutes. Nous sommes donc nous-mêmes innocents de la farce que nous joue le Malin. Oui, mais à une seule condition. Celle de n’avoir jamais eu le plus petit doute sur le fait d’avoir été trompé par le Mal. Par contre, quand Truman constate que quelque chose ne tourne pas rond, il ne se retient pas de chercher à comprendre et, quand il comprend ce qui se passe, il ne retourne pas gentiment à cette vie idéale qui ne présente aucun risque pour lui et qui ne lui impose aucune contrainte excessive. Non, il choisit de savoir et de vivre libre quel qu’en soit le prix.

La victime n’est innocente qu’à deux conditions. Soit elle ignore être victime, comme le décrit Jean d’Ormesson, soit elle le sait et elle lutte, avec ou sans réussite, pour échapper à sa prison, comme le fait Truman.
Une victime qui accepte sa condition pour ne pas prendre de risque ou parce qu’elle pense que la liberté sera moins confortable que la captivité n’est plus vraiment une victime à proprement parler. Cette situation débute dès l’instant où le moindre doute s’insinue en nous. En effet, si à ce moment nous ne cherchons pas à comprendre la situation, nous devenons complices de notre geôlier. Ce point est essentiel. En effet, comme dans la caverne de Platon , si nous entrevoyons une faiblesse dans le roman bâti pour nous leurrer et que nous ne cherchons pas à approfondir cette information, nous devenons complices par lâcheté.

Comme Truman, nous devons chercher à comprendre si la vie qui se déroule devant nous est cohérente ou pas. Pour cela nous devons passer au crible toutes les informations disponibles et nous devons apprendre à les étudier de façon à ne plus nous laisser manipuler et berner par un système culturel taillé pour cela.

À partir de là, la vérité va commencer à se dérouler devant nous ; comme Truman nous toucherons le fond du décor au bout du lac et comme l’homme de la caverne nous gravirons le chemin vers la lumière. Il ne manquera pas d’obstacles à notre progression. Les vagues et les conseils apparemment bienveillants d’un côté, la douleur de la progression et l’aveuglement de la lumière de l’autre. Les bonnes raisons d’abandonner ne manqueront pas et si nous renonçons les éloges et les récompenses pleuvront, alors que si nous persistons ce sont les avanies et les injures qui seront notre lot.
Mais si nous abandonnons, nous serons notre propre geôlier et nous perdons tout droit à nous plaindre et à rêver d’un avenir meilleur.

Et si la vérité était pire que le mensonge ?

Quand vous étiez enfant peut-être avez-vous eu l’occasion d’entrer dans la cuisine familiale pendant que votre mère (à mon époque c’était surtout elle) préparait une tarte au citron. Si vous goûtiez un peu de farine, de blanc d’œuf ou de citron, vous faisiez la grimace tant ces mets offraient peu de satisfaction gustative. Aussi quelle n’était pas votre surprise, si en dévorant une part de cette tarte meringuée dont vous saviez qu’elle était faite de ces trois éléments, vous la trouviez parfaitement délicieuse.
De même que la vérité de la tarte est d’être constituée d’éléments qui, pris individuellement et sans préparation ni cuisson, ont un goût détestable ; de même sa vérité de plat constitué et préparé s’avère être délicieuse. Mais cela, une personne n’ayant jamais eu connaissance de ce que sont la pâtisserie et la tarte au citron ne peut pas le dire.
De même, quand on découvre que l’on nous ment, il est cohérent d’imaginer que c’est pour nous cacher quelque chose. Si ceux qui nous mentent semblent bienveillants, il est logique de penser que ce qui nous est caché est mauvais et que le découvrir nous fera souffrir. Si notre état actuel est satisfaisant, pourquoi lâcher la proie pour l’ombre et s’engager dans un voyage sans retour vers une vérité désagréable ? Comme Nemo dans Matrix® , ce qui pousse à prendre ce risque c’est l’espoir. Or, l’espoir est d’autant plus fort que la situation actuelle est difficile. Mais, le monde moderne a créé un système qui ferme la porte à cet espoir et le redirige vers lui-même. Au lieu de laisser espérer en un monde meilleur, on vous explique que dans ce monde vous pouvez changer de position, soit par votre travail (le rêve américain), soit par l’héritage (l’oncle d’Amérique), soit par la chance (loterie, paris, etc.). Du coup, l’espoir placé dans la spiritualité disparaît petit à petit ; les gens préférant un espoir à court terme à un espoir plus tardif.

Le mensonge ne peut pas faire le bonheur

Le mensonge induit par ce faux espoir ne fait que retarder le moment où chacun devra faire son introspection et s’apercevra que le chemin du bonheur mondain est une voie sans issue. Le seul bonheur est de pouvoir retourner à son état initial au sein de l’Esprit unique. Et pour cela il faut faire le chemin complet qui va de l’éveil à la prise de conscience de son état de pécheur, de la conscience à la contrition et de la contrition à l’amende honorable en vue de l’accès au salut.

Nous savons tous que la voie cathare est, sans doute, l’une des plus ardues qui existent pour s’approcher du salut. Pourtant les cathares disaient que nous serons tous sauvés. Alors pourquoi se donner tant de mal ? La raison en est toute simple et lève clairement cette apparente contradiction. Plus nous tardons à nous arracher à ce monde, plus l’effort nécessaire sera difficile et le résultat incertain. Il ne faut donc pas gâcher la chance que nous donne l’éveil en remettant à demain la décision d’agir pour notre salut.

C’est pourquoi nous devons abandonner la voie du mensonge et agir au mieux pour mériter la grâce du père en cette incarnation. La voie cathare nous paraît offrir les meilleures chances d’être dans la justice et la vérité jusqu’à l’instant ultime, car elle ne laisse rien au hasard et ne s’autorise aucune licence dans l’effort en vue du salut. Certes, celui ou celle qui va s’éveiller à la voie cathare va devoir fournir plus d’efforts, passer par plus de difficultés et subir les plus gros doutes quant à son succès, mais s’il surmonte cela il aura sans doute les meilleures conditions possibles pour aller au bout du chemin.

Par contre, si l’éveil nous touche et que nous tergiversons pour commencer la route, nous jetons aux orties cette chance exceptionnelle que l’Esprit nous a donnée. Nous sommes victimes du Malin, mais l’éveil nous a donné les clefs de la cellule et le plan vers la sortie de la prison. Ne pas s’en servir est pire que de ne pas les avoir reçus.
À chacun d’interroger sa conscience pour savoir s’il se sent éveillé et, si oui, que faire pour mettre à profit cet avantage unique qui nous est donné contre la volonté du Mal.

Guilhem de Carcassonne, le 17/01/2021.

Le prosélytisme

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Le prosélytisme

Il n’est pas rare de constater que le terme de prosélytisme est couramment employé par les personnes qui cherchent à s’extraire d’une communication qui leur déplaît. Ainsi, le terme n’est plus une désignation d’une pratique, mais un repoussoir pour empêcher la poursuite d’une discussion.

Pourtant le prosélytisme est une pratique fort bien définie qui concerne toute pratique excessive visant à faire adhérer une personne à une idée, un groupe ou une forme de pensée précise. Cela concerne bien entendu le domaine religieux, mais peut s’étendre à tous les autres domaines de la communication : politique, science, philosophie, etc.

Le prosélytisme est un extrémisme

Le prosélytisme, se fixant comme objet le recrutement d’adeptes, par une pratique assidue qui peut vite tourner au harcèlement, est finalement l’expression de nier la volonté de l’autre en cherchant à lui imposer la nôtre.

Que révèle cette attitude ?

Certes certaines personnes, très fortement convaincues de la justesse de leurs vues ou certains débutants désireux de bien faire, sont tentés par le prosélytisme, car inconsciemment, ils y voient la validation de leur choix et la manifestation de leur engagement personnel. Mais le plus souvent la pratique du prosélytisme révèle les failles de celui qui le pratique. Une opinion parfaitement en accord avec sa démarche n’a pas besoin de forcer la main de quiconque. Par contre, quand certains observent le peu d’attrait qu’exerce leur opinion sur les autres, la volonté d’insister jusqu’au harcèlement parfois, révèle qu’un doute s’est immiscé en eux quant à la validité de leur choix.

Celui qui se lance dans le prosélytisme en vient forcément au dénigrement. En effet, la seule façon de tenter de valider un choix qui ne semble pas motiver les autres, ne peut passer par les qualités propres du choix que l’on veut imposer. Sinon elle se serait faite valoir d’emblée. Elle passe donc par le dénigrement des choix alternatifs, surtout s’ils attirent plus que le sien propre.

Tout cela nous montre que prosélytisme et extrémisme sont étroitement liés. Il n’est donc pas étonnant de voir les adeptes du premier chercher à « punir » les réfractaires à leurs idées de façon violente. Et cela s’observe notamment pour des groupes qui prétendent par ailleurs prôner la non-violence.

Différencier information et prosélytisme

Comme je l’expliquais au début de ce texte, l’emploi de l’accusation de prosélytisme est souvent invoqué à tort et pour des raisons d’inquiétude, de rejet ou d’incapacité à argumenter.

Aussi faut-il bien définir les limites de ce qui différencie l’information et le prosélytisme.

L’intention est le premier élément que je vois pour effectuer cette différenciation. Là où la bienveillance guide la transmission de savoir ou même la simple information, l’intérêt guide le prosélytisme. Qu’il s’agisse d’informer d’une disposition technique (heures d’ouvertures d’un établissement), de mettre en garde face à un danger (attention à la marche !) ou de délivrer une connaissance acquise (enseignement, conférence, colloque, etc.), l’information est la prise en compte de l’intérêt de l’autre par celui qui la pratique. Inversement, le prosélytisme vise à recruter des adeptes, donc à enrichir sa propre « boutique » par une pratique assidue, voire excessive. C’est donc l’intérêt personnel ou l’intérêt du groupe qui est favorisé, alors que celui de la personne que l’on cherche à recruter est présupposé sans avoir pris son avis, voire totalement ignoré de façon volontaire ou pas. En fait celui qui cherche à vous éclairer est lui-même largement aveuglé par son opinion qu’il refuse de remettre en cause.

Les armes du prosélytisme

Commençons par bien comprendre que le seul outil qui manque au prosélytisme est la force de conviction. En effet, quand une idée porte en elle les éléments suffisants pour convaincre l’auditoire, point n’est besoin de recourir au prosélytisme. Même si celui qui reçoit l’information ne suit pas les indications qu’elle lui apporte, il est convaincu de la justesse de l’argumentation. Par exemple, personne ne niera que tous les gagnants du Loto® sont des personnes ayant joué, même si la personne qui reconnaîtra la validité de l’affirmation n’ira pas forcément jouer une grille.

En fait, le prosélytisme n’existe que parce que celui qui cherche à convaincre sait que ses thèses sont défaillantes et ne seront pas reçues spontanément. Bien souvent, il est convaincu que le problème ne vient ni de lui ni de sa thèse, mais qu’il est le fait des interlocuteurs qui sont mal intentionnés, insuffisamment adaptés à l’enseignement donné, voire manipulés par les « ennemis » du groupe qui cherche à faire des prosélytes.

Donc il faut convaincre de façon active et surtout de force, puisque spontanément cela n’est pas possible. Le premier outil est bien entendu le harcèlement. Quand un message n’est pas accepté, au lieu d’en prendre son parti, l’intervenant va revenir à la charge aussi souvent qu’il estimera nécessaire de le faire pour emporter la conviction naturelle ou forcée de la victime choisie. La répétition du message peut, dans le meilleur des cas, s’accompagner d’un affinement de son contenu. Notamment, l’intervenant mettra en avant les avantages de sa façon de penser et ceux que le futur prosélyte en retirera. On n’est plus dans une démarche collective, mais dans la flatterie d’un certain égoïsme. Ensuite, si le harcèlement et la répétition du message ne suffisent pas, vient le temps du dénigrement. Dénigrement de l’opinion de l’autre ou des voies alternatives existantes et préférées. Le prosélytisme est donc systématiquement violent, même si son auteur n’en a pas forcément conscience.

La bienveillance de la connaissance

Quand l’objectif est de transmettre une connaissance sans chercher à faire des prosélytes la démarche est toute autre. D’abord nul besoin d’arme pour agresser l’autre. Le porteur de connaissance est bienveillant par nature. Détenteur d’une information qui lui semble mériter le partage, il la transmet à qui veut bien l’entendre et, une fois sa mission remplie, il retourne à ses affaires. Si l’information n’est pas acceptée, il en reste là chacun étant bien libre de ses choix. Si elle est reçue, mais qu’on lui demande de mieux la préciser, il va se mettre au service de ses interlocuteurs. Et c’est le pendant indispensable de la transmission bienveillante d’une connaissance que d’être un informateur compétent. Donc, non seulement l’informateur doit être bienveillant, mais il doit aussi s’imposer l’effort de bien connaître le sujet et de l’avoir suffisamment étudié pour en tirer des arguments de qualité, susceptibles d’apporter une information complète et la plus correcte au vu des connaissances du moment.

Le christianisme aux deux visages

Qui n’a jamais reçu la visite de prédicateurs chrétiens insistants ? De prime abord, la plupart sont simplement bienveillants et veulent transmettre leur foi. Face à un manque d’intérêt ou à un refus, ils cessent immédiatement et vont voir ailleurs. Leur seul défaut est de manquer d’éléments efficaces d’information et de se retrouver facilement en défaut face à un interlocuteur avisé qui cherche à leur faire approfondir les points douteux de leur argumentation. D’autres par contre sont insistants et virent facilement à la violence verbale. Heureusement, la recours à la violence physique est plus rare. Mais il y en a qui sont en outre mis sur le devant de la scène par des médias qui font leurs choux gras des violences alors que les expressions sereines les ennuient en accord avec le dicton : « On ne parle pas des trains qui arrivent à l’heure ».

Pourtant le christianisme devrait être un parangon de bienveillance. L’évangéliste prête à Matthieu cette remarque : « Lorsqu’on ne vous recevra pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. » (Matt. 10, 14). Les choses sont claires, si le message ne porte pas, il faut non seulement ne pas insister, mais également ne rien prendre avec soi de celui qui ne veut pas recevoir pour ne pas être en dette avec lui. Donc, le prosélytisme se doit d’être totalement absent de toute démarche chrétienne.

Que penser alors des conversions forcées lors des colonisations, des croisades, de l’Inquisition ? N’y a-t-il pas là une démarche violente et visant au prosélytisme ?

Le christianisme, quelle que soit sa tendance religieuse, a presque toujours montré un visage bienveillant et un visage violent. Même la Réforme protestante s’est abandonnée à la violence, ainsi que l’a montré Calvin.

Donc, si l’on tient compte du fondement de la doctrine chrétienne qui est le seul commandement que nous a donné Christ, soit par l’intermédiaire de sa forme visible « Jésus », soit directement comme l’a reçue Paul : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé. », il semble indiscutable que le christianisme ne peut en aucune façon pratiquer le prosélytisme. Quiconque méconnaît cette évidence n’est pas chrétien.

Le catharisme convainc et n’impose pas

Religion chrétienne s’il en est, le catharisme applique — comme toujours — la doctrine authentique du christianisme.

Mais le catharisme est une religion qui fait un usage important de la connaissance et de sa transmission. C’est pourquoi on voyait les apôtres cathares sillonner le pays, allant de village en village, de maison de croyant en château de seigneur, partout où ils étaient appelés à se rendre pour venir faire leurs prêches. Il était courant qu’à l’issue de ces prêches des sympathisants viennent demander des explications ou, quand ils s’y sentaient prêts demandent à faire leur Amélioration, entrant ainsi dans la communauté des croyants. Mais comme je l’ai expliqué au début, l’adhésion librement consentie suite à un apport de connaissance n’est pas du prosélytisme.

Il est donc normal que le catharisme d’aujourd’hui se base sur les mêmes principes. Informer, expliquer, démontrer quand cela est possible, écouter, apporter des arguments et des sources, voilà la véritable technique du catharisme. Mais si l’interlocuteur n’est pas intéressé ou n’est pas convaincu, le prédicateur cathare le laisse mener sa vie. Cela est d’autant plus évident chez les cathares, puisque pour eux le temps n’a aucune valeur. La mort du corps ne signe pas la fin de délai de grâce. Celui qui n’aura pas accès au salut sera transmigré dans un corps naissant et pourra retenter sa chance, si j’ose dire. Le résultat ne dépend pas du hasard comme au Loto® ; il faut participer pour espérer gagner.

Éric Delmas, 1er juillet 2020.

Le croyant ne mange pas à la carte !

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Le croyant ne mange pas à la carte !

Si ce titre vous désarçonne un peu, faites l’effort de continuer à lire car vous allez vite comprendre ce qu’il recouvre.

Présentation

Cela fait longtemps que l’on me pose les mêmes questions sur l’intérêt de la religion, sur la foi, sur la définition du croyant cathare et sur les rapports entre les religions. Cela donne parfois motif à débats enflammés et à ruptures durables.
Mais il est très difficile d’expliquer à des personnes qui n’ont pas eu l’expérience de la foi intime ce que cela recouvre. Je prends souvent l’image de l’adolescent et de l’adulte pour tenter de l’expliquer : le premier croit savoir ce qu’est la vie d’adulte et le second sait qu’il n’en est rien, mais il n’a pas les moyens de le faire comprendre au premier.
De même, dire à quelqu’un qu’il est sympathisant quand il se croit croyant ou qu’il est croyant alors qu’il se pose des questions, est un exercice difficile et peut s’avérer source de conflit.

Aussi vais-je tenter d’expliquer plusieurs concepts à l’aide d’une seule image : celle d’un repas au restaurant.

Choisir sa table

Imaginons deux personnes désirant manger dans un restaurant un peu particulier. En effet, ce restaurant propose, comme ses confrères, de manger à la carte ou au menu. Première particularité: si vous mangez à la carte, ce sera en mélangeant des mets qui figurent sur des menus différents, et si vous choisissez un menu vous ne pourrez refuser ou modifier aucun des mets qui y figurent. La seconde particularité est que si vous mangez selon les règles d’un menu, vous occuperez une place dans la salle et à la table du menu choisi, alors que si vous choisissez la carte, vous devrez vous asseoir à une table où ne se trouvent que des personnes comme vous. Et ce, même si votre choix de mets ne diffère d’un des menus que sur un seul plat.

L’avantage de la carte, que beaucoup se voient déjà choisir, est que l’on peut manger ce que l’on veut et rejeter ce que l’on ne veut pas. De ce choix peut découler un repas nourrissant et équilibré ou, au contraire, un repas mauvais pour votre santé, c’est-à-dire pour le salut de votre intestin. L’inconvénient est que vous ne pourrez pas vous intégrer à ceux qui auront choisi un menu, même si cela correspond à vos aspirations.

L’avantage du menu est que vous êtes assuré, si vous le suivez scrupuleusement, qu’il vous apportera une alimentation saine et équilibrée tout à fait utile au salut de votre santé. En outre, vous serez à table avec des personnes qui partagent toutes vos aspirations et vos convictions. Vous serez entouré de convives qui, bien qu’installés à d’autres tables car leur menu diffère plus ou moins du vôtre, pourront partager avec vous sur certains points et débattre éventuellement sur des sujets où vous différez, comme le choix de certains plats, la disposition des couverts, la façon de se tenir à table, etc.

Choisir la carte ou le menu ?

Certes, nous l’avons dit, choisir la carte semble le choix le plus évident : on met dans son assiette uniquement ce qui nous convient ou nous demande le moins d’efforts et ainsi on est assuré que tout le repas se déroulera de façon assez agréable. Mais le but du repas est de manger correctement, pas de se faire plaisir. Il ne faut pas confondre les activités. Et c’est d’ailleurs le problème principal de notre époque où l’on tente de nous faire croire qu’une activité sans plaisir est mauvaise et que le plaisir est la base de nos nécessités. Il vaut mieux manger bien, quitte à consommer certains mets moins faciles à manger ou d’un goût moins agréable que d’autres et être certain de la qualité de notre alimentation, que de n’ingérer que ce qui fait plaisir et de risquer l’indigestion ou une maladie sur le long terme.

Par contre, la carte nous astreint donc à manger séparé de ceux dont nous pensions être proche, mais qui eux ont choisi un menu. Menu qui nous plaît aussi globalement, mais dont nous voulions rejeter certains plats qui ne nous permettent pas d’affirmer notre droit au plaisir. Cette séparation, maintenant qu’elle apparaît clairement, nous met mal à l’aise, voire nous insupporte et, au lieu de nous interroger sur les motifs de nos choix, nous considérons que la faute en revient aux autres et nous fustigeons ceux qui mangent ainsi à l’écart de nous et nous mettent le doigt sur nos différences.

Il suffirait donc de choisir le menu, mais il impose des contraintes qui peuvent nous poser problème. Déjà, chaque menu nous conduit à choisir une table spécifique et pas une autre. Certes, les menus chrétiens nous placent à des tables proches les unes des autres, car les différences peuvent être très faibles parfois : la table cathare et la table gnostique ont certes une nappe et des couverts différents, mais c’est à peu près tout, même si à la table gnostique on peut éventuellement refuser un convive s’il se prénomme Paul.

Parfois les différences sont plus marquées. La table catholique et la table protestante se supportent, mais la table musulmane veut que tous reconnaissent que son installation est la meilleure, ce que contestent la table catholique et la table orthodoxe, sans parler de la table juive où l’on sourit en coin en pensant que ces jeunes trublions ne sont que des avatars manqués de ses propres convives.

De même, les plats peuvent fortement différer d’une table à l’autre. Ces plats sont d’ailleurs parfois l’objet de polémiques violentes : l’homosexualité est absente de presque toutes les tables, le contrôle des naissances, l’avortement, la PMA, le mariage des ministres du Culte, etc. Ce sont d’ailleurs souvent ces points qui ont poussé d’autres convives à choisir la carte.

Les convives

Ceux qui veulent un menu précis et qui mangent à la même table

Pour eux les choses sont claires ; ils acceptent de manger tous les plats de leur menu et ils sont en harmonie avec les autres convives de la même table. Il peut arriver qu’ils jettent parfois un œil sur les tables adjacentes ou plus éloignées et s’étonnent ou raillent les choix d’organisation de ces autres tables ou les plats de leur menu.
Mais ils savent que le respect de leur menu les conduira à un repas de qualité qui, sauf accident ou changement de cap, leur assurera le salut de leur santé future.
Ils peuvent être un peu tristes de voir au loin, dans l’autre salle, des amis qu’ils croyaient proches d’eux manger à la carte faute d’avoir pu comprendre l’intérêt du menu qu’ils ont choisi.

Ceux qui veulent manger à la table d’un menu en le modifiant

Ces amis justement auraient bien voulu manger à leur table, mais certains plats leur semblaient trop indigestes ou trop contraignants et ils ont finalement opté pour la carte, faute de pouvoir modifier le menu. Ils sont donc insatisfaits globalement, même si leurs choix les contentent sur le moment. Ils se doutent que s’en tenir à un menu doit offrir quelque chose d’important qu’ils ne peuvent saisir et dont ils ont peur que cela leur fasse défaut à terme. Alors, soit ils sont moroses, soit ils deviennent vindicatifs. Moroses, ils vont perdre un peu du plaisir qu’ils auraient dû éprouver en consommant ces mets choisis sur mesure et ils vont profiter de toutes les occasions pour se lever de table et passer à proximité de la table réservée au menu qu’ils ont finalement refusé. Vindicatifs, ils vont exprimer haut et fort leur indépendance et critiquer ceux qui les ont rejetés, ce qui est à leurs yeux une forme de mépris et d’extrémisme.

Ceux qui ne veulent pas de menu et qui préfèrent la carte

Mais à leur table se trouvent des personnes qui ont délibérément choisi de ne se nourrir qu’à la carte. Tout simplement parce qu’ils considèrent que la qualité nutritionnelle des menus est une fable et que leur organisme peut supporter tout ce que leur plaisir leur commandera de manger. Que ces personnes croient à une règle nutritionnelle judicieuse sans savoir l’identifier dans les menus proposés, parce qu’ils n’ont pas encore la connaissance nécessaire, ou qu’ils ne croient à aucune règle nutritionnelle et considèrent même cette croyance comme avilissante pour le libre arbitre de chacun, chacun est là pour une bonne raison. Ils l’acceptent volontiers et s’ils regardent les tables des menus c’est davantage pour en rire ou pour plaindre ceux qui s’imposent de telles contraintes que par envie.

La qualité du repas

Exprimer un point de vue sur la qualité du repas est un exercice difficile. En effet, ayant fait le choix d’un menu, j’ai logiquement tendance à être convaincu de l’importance de la qualité du repas et de préférer le mien à celui des autres.

Essayons néanmoins d’être pragmatiques dans notre réflexion.
De deux choses l’une : soit la qualité des repas n’aura aucune incidence sur l’état futur de notre santé et pour le salut de notre bien-être, soit il est essentiel d’avoir des repas équilibrés et de qualité pour espérer sauver notre peau.
Dans le premier cas de figure, où qu’on s’installe et quoi qu’on mange, notre santé n’a pas à en souffrir. Du coup ceux qui mangent à la carte n’ont rien à redouter et les menus non plus en fait. Certes, les cartes vont se moquer de leurs efforts et contraintes finalement inutiles. Mais ce qui compte c’est d’être en bonne santé.
Dans le second cas de figure, ceux qui mangent à la carte vont au-devant de gros ennuis et quand ils finiront par s’en rendre compte et par l’admettre, ils devront suivre un traitement et un régime draconiens pour espérer rejoindre l’état de santé des autres ; s’il est encore temps de le faire. Ceux qui auront choisi un menu, pour autant que le cœur du menu — c’est-à-dire l’équilibre alimentaire — y soit respecté, auront de bien meilleures chances d’être en bonne santé et de se sauver.

Conclusion

Comme dans toute parabole, il convient de proposer une courte analyse afin d’expliquer clairement les choses à celles et ceux qui hésiteraient encore sur l’interprétation à donner à ce texte.

Quand on est croyant on accepte la doctrine de sa foi sans réserve. Si l’on veut commencer par arranger le menu à sa guise on n’est plus croyant, mais au mieux sympathisant.

Le croyant ne mange pas à la carte !

Certes beaucoup de personnes, qui ont perdu le sens de ce que croyant veut dire, se pensent croyantes et laissent leur mondanité et leur sensualité dicter des choix qui, de fait, les remettent hors de la foi à laquelle elles prétendent appartenir. On voit notamment cela dans le catholicisme où les croyants critiquent le célibat des prêtres, le rejet de la contraception et de l’avortement, la PMA et que sais-je encore. Il est tout à fait légitime d’être choqué par certains choix de l’Église catholique ; la seule voie honnête est alors de s’en séparer au lieu de vouloir imposer ses choix.

Concernant le catharisme c’est la même chose. Nous avons maintenant une idée précise de ce qu’est la doctrine cathare. Soit on la fait sienne et l’on est croyant, soit on voudrait en modifier certains points et on n’est au mieux que sympathisant.

Enfin, cessons de nous focaliser sur des points secondaires. L’habitude du judéo-christianisme est de nous faire croire que tout est doctrine. C’est faux ! La doctrine est l’ensemble des points qui définissent l’attitude du croyant en vue de son salut. La cosmogonie n’est pas doctrine ; c’est tout au mieux une tentative de compréhension ou d’explication fortement limitée par les capacités de notre cerveau mondain à se projeter dans un espace qui lui sera à tout jamais totalement étranger et inaccessible.

Peu importe que l’on pense que Dieu est créateur de l’univers ou pas, que Jésus a vécu en homme ou pas, que Marie fut vierge et mère ou pas. Ce qui compte, c’est que l’on suive la doctrine de façon à pouvoir accéder au salut. Et si l’on ne peut se fixer sur une foi, cette doctrine qui est généralement à peu près la même dans toutes les religions, peut très bien s’appliquer globalement hors de la religion et elle devient alors une morale de vie, ce qui permet à un athée de vivre aussi bien qu’un croyant.

Forts de cette réflexion, je vous invite à vous interroger sereinement et en toute conscience, puis à vous comporter en accord avec le résultat de votre propre réflexion.

Éric Delmas, le 22/12/2018.

Le croyant cathare moderne

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Le croyant cathare moderne

Le rapport à la religion aujourd’hui

De nos jours, il semble que l’amalgame soit devenu la norme. Comme dans la fameuse auberge espagnole, chacun entre avec ce qu’il transporte avec lui et s’installe sans tenir compte de la nature du lieu.

C’est un peu comme si vous alliez dans un restaurant chinois en demandant un pot au feu et que vous vous sentiez outré de vous entendre répondre que ce n’est pas un plat chinois. Après tout, si vous décidez que pour vous c’est un plat chinois qui peut s’autoriser à vous contredire ?
De même, vous entrez dans ce même restaurant et exigez que l’on modifie l’ordonnancement de la salle afin qu’elle corresponde à votre goût. Un refus vécu comme une insulte poserait problème.
Bien entendu, pour justifier vos exigences, vous veilleriez à n’avoir que le moins possible de connaissances sur la culture chinoise ou, si vous en avez, vous préférez faire l’impasse afin de justifier vos exigences.

Pour en revenir à la religion, je voudrais mettre en avant un phénomène très répandu, notamment dans le catholicisme. Cette religion dispose de fondements doctrinaux, voire de dogmes, très clairs. S’en réclamer impose logiquement de les accepter. Or, nous voyons quotidiennement des personnes se disant catholiques, mais rejetant ces fondements doctrinaux. Ainsi, le dogme de l’esprit infusé à la conception a logiquement mené les autorités catholiques à s’opposer à toute interruption volontaire de grossesse, pour quelque motif que ce soit. De même le dogme de l’ordre divin de croissance et de multiplication s’oppose à toute tentative de contrôle des naissances. Pourtant nombreux sont ceux qui se considèrent comme catholiques, qui s’opposent à ces dogmes sans s’interroger une seule seconde sur leur appartenance à cette Église.

Il en va de même pour le catharisme. Le rejet des éléments doctrinaux cathares impose logiquement que leur non-respect exclut de fait de cette religion ceux qui s’en rendent coupables.

Le croyant cathare aujourd’hui

Les études de ces dernières années ont permis d’approfondir la connaissance de la religion cathare, notamment dans le domaine doctrinal qui avait été peu étudié par les chercheurs et historiens conventionnels. C’est d’ailleurs sur la base de ces lacunes qu’ont fleuri nombres d’interprétations absolument pas fondées et dépourvues de toute source de référence.

Le croyant cathare, s’il veut s’appeler ainsi, doit s’appuyer sur les fondamentaux doctrinaux cathares, à commencer par ceux qui découlent du message christique.

Le premier point à prendre en compte est celui de la nature de notre incarnation. Nous sommes dans la création du démiurge, serviteur du principe du Mal, appelé généralement le diable. Notre part profonde est cependant d’une autre origine : le domaine du principe du Bien qui, s’il ne peut s’opposer au Mal en raison de sa nature parfaite dans le Bien, conserve néanmoins son omnipotence sur tout ce qui relève de son domaine, c’est-à-dire ce moi profond que nous appelons les esprits saints.
Ensuite, Christ qui nous a révélé cette situation, nous a enjoint de tout mettre en œuvre pour en sortir dès lors que nous comprenons son message. Cela implique de recevoir le message par le biais de la connaissance, d’en comprendre le sens profond par sa maîtrise gnostique et de le faire sien par l’éveil. Dès lors, le croyant éveillé mettra tout en œuvre pour retrouver celles et ceux qui partagent la même foi et la même volonté afin de cheminer ensemble vers le cap de la Consolation. Car, comme le navire longe les terres inhospitalières et se méfie des écueils cachés, jusqu’à dépasser le dernier cap et pouvoir ainsi se lancer en mer profonde et sécurisante, le croyant sait que son salut passe forcément par la voie du cheminement jusqu’à la Consolation qui lui ouvre la dernière porte avant le salut.
Mais, comme les courses au large voient de nombreux navires de mélanger au départ : voiliers hauturiers aptes à franchir les océans et barcasses diverses qui, en les accompagnant pendant quelques miles se donnent l’illusion de pouvoir les suivre ou rivaliser avec eux, il ne manque pas de personnes qui s’illusionnent sur leur état et quelques capitaines qui les éblouissent faute de se sentir capables de suivre eux aussi le bon chemin.
Alors toute cette agitation crée logiquement de nombreux remous dans lesquels certains sombrent et d’autres sont ballotés jusqu’à perdre la ligne de la route à suivre. Certains navires, initialement équipés pour le grand large vont eux aussi sombrer ou dériver pour s’être plus intéressés à l’agitation locale qu’à la ligne d’horizon et au cap à suivre.

Le croyant cathare est il moderne aujourd’hui ?

Les mots ont un sens. Le concept de modernisme est souvent malmené. On le considère comme une obligation de destruction de l’existant pour lui subsister quelque chose de différent. C’est faux !
Le modernisme est la capacité de rendre fonctionnel à une époque ce qui, venant d’une autre, serait inutilisable en l’état.

Pour être croyant cathare aujourd’hui il suffit donc d’adapter des éléments rendus obsolète par l’évolution sociétale sans que cela remette en cause le fondement sur lequel repose leur nécessité d’être.
Ainsi, le croyant moderne ne s’habille plus comme le paysan médiéval occitan et ne mange plus comme lui. Il vit dans son époque tout en respectant ce qui justifiait les choix de son ancien coreligionnaire.
Par contre, il respecte les choix relatifs aux fondamentaux sur lesquels son ancien s’appuyait.

Se sachant enfermé dans une prison extrêmement contraignante, il n’a de cesse que de chercher les moyens d’y échapper.
Ayant fait le choix de la voie (navire) cathare, il en suit les préceptes et les fondamentaux en terme de connaissance et de cheminement.

La religion n’est pas une auberge espagnole. Si l’on se dit cathare tout en triant dans les règles et les éléments doctrinaux pour ne retenir que ce qui nous convient, ou si on y ajoute tel ou tel élément qui fait défaut à notre goût, on est dans l’erreur et pire, on risque d’y entraîner d’autres personnes qui se seront fiées à nous.

Alors ! qu’est-ce qu’un croyant cathare moderne ?

Tout simplement le croyant cathare moderne se comporte en fonction des points que je viens d’énoncer et que je vais préciser.

La connaissance cosmogonique

Le croyant cathare moderne a compris, admis et fait sienne la théorie de la chute d’un tiers de l’Esprit émané du bon principe — seul Dieu —, divisé en ce monde dans les corps humains résidant partout où le démiurge a décidé de les emprisonner.
De même il admet comme évident que ce monde n’a rien de divin et ne peut être amendé, mais qu’il finira par retourner à son néant originel.
Logiquement il sait que sa mission, en cette incarnation qu’est sa prison mondaine, est de tout mettre en œuvre pour s’évader lorsque le corps qui le retient viendra à mourir, et que pour cela il doit se préparer maintenant en mettant en œuvre les conditions de son évasion.

La connaissance doctrinale

Le croyant cathare moderne a compris, admis et fait sienne la doctrine cathare, basée sur le fondement de la Bienveillance (Amour, dilection, agapê, etc.) et cherche à en appliquer tous les fondamentaux et la règle de justice et de vérité qu’il peut mettre en œuvre à son niveau débutant.
Il cherche à respecter la non-violence absolue, même s’il sait que cela lui demande beaucoup d’efforts et qu’il aura du mal à y parvenir avant son noviciat. Mais il est clairement convaincu qu’aucune forme de violence n’est justifiée ni justifiable, fut-ce à l’encontre de personnes dont le comportement lui semblerait monstrueux.
Il cherche à faire preuve de la plus grande humilité, sans sombrer dans la fausse modestie. De ce fait il fait preuve d’obéissance envers les croyants, novices et chrétiens consolés dont il reconnaît que leur avancement leur donne accès à des connaissances qui lui échappent encore.
Bien entendu, il essaie de respecter les éléments de la règle de justice et de vérité à la hauteur de ses capacités, sans sombrer dans une imitation des chrétiens consolés qui serait forcément fausse et théâtrale.

La pratique ecclésiale

Le croyant cathare moderne a compris, admis et faite sienne la nécessité d’agir de concert avec les autres membres de la communauté des croyants cathares en vue d’instaurer des outils nécessaires au cheminement menant vers le salut.
Il cherche à s’impliquer dans un travail de diffusion de la connaissance, à partir des éléments donnés par les croyants, novices et chrétiens consolés qui par leur propre avancement sont à même de l’aider dans ce travail.
Il cherche à participer autant qu’il le peut aux activités de recherche, d’étude et d’échange avec les autres croyants, les novices et sous l’égide des chrétiens consolés afin de maintenir au mieux les conditions de collégialités exigées par le dur cheminement qui est le leur.
Il participe autant que faire se peut aux tentatives de mise en place de maisons cathares, indispensables pour permettre l’éclosion de communautés évangéliques de novices et de chrétiens consolés, pour qu’un jour il puisse lui aussi s’engager dans cette voie unique vers le salut.
De même, il s’implique à son niveau dans le travail de remise en place d’une Église cathare reconnue.

Voilà présenté, de la façon la plus claire et la plus simple possible, ce qu’être croyant cathare moderne veut dire aujourd’hui.
Si vous adhérez à tout cela, mais que certains points sont encore hors de portée pour vous, vous êtes sans doute sympathisant et en bonne voie pour devenir croyant un jour.
Si vous n’adhérez pas à certains de ces points et que votre état spirituel vous dit ne pas devoir y adhérer un jour, le catharisme ne peut être pour vous qu’une voie différente de la vôtre. Vous la regardez avec curiosité et, je l’espère, sans animosité.

Éric Delmas, 6 décembre 2019.

La résurgence cathare est-elle possible ?

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La résurgence cathare est-elle possible ?

Le catharisme est-il définitivement mort et enterré ?

Près de sept siècles se sont écoulés depuis la mort du « dernier » cathare consolé, Guillaume Bélibaste mort en 1321, sans qu’apparemment rien ne permette de dire qu’une sorte de permanence de cette religion lui ai survécu. Il n’est donc pas anormal de considérer cette religion comme morte.

Mais que veut dire le mot mort concernant une pensée spirituelle, une idéologie, un concept détaché du monde ? Quand le christianisme tenta de supplanter les religions de la Rome antique, avec l’aval des empereurs, ces religions antiques ne se sont pas éteintes. Plusieurs siècles après on trouvait encore des statuettes de lares dans les foyers médiévaux. Le catholicisme dû même « superposer » certaines de ses fêtes à des fêtes païennes qu’il ne parvenait pas à faire oublier.

Il semblerait donc que des pensées aussi puissantes que les pensées spirituelles ne s’éteignent pas vraiment, mais qu’elles subsistent sous différentes formes, parfois même à l’insu de la compréhension de ceux qui les véhiculent, sous forme de contes, de chansons, etc. Je racontais cette conversation avec un homme de la région qui me parlait de ses souvenirs d’enfants quand une vieille tante conservait une poêle neuve, accrochée à sa cheminée, pour la donner à un potentiel bonhomme, afin qu’il puisse se faire à manger sans courir le risque d’y trouver une quelconque graisse animale. Sur Facebook®, ce récit me valu immédiatement une réponse d’un monsieur qui conservait — par transmission familiale — un caquelon de terre cuite qu’ils appelaient « patarinon », en étrange résonnance avec le nom des cathares du Nord de l’Italie.

Mais suffit-il de dire que l’on croit le catharisme mort, ou au contraire qu’on le croit capable de resurgir à notre époque, sans argumenter ce point de vue ? Non, bien entendu. Aussi vais-je essayer d’argumenter mon point de vue.

Une spiritualité dans le monde

Le catharisme présente une particularité par rapport aux autres christianismes connus. En effet, pour lui le monde n’est pas une création divine. Dieu en est même absent, mais il demeure cependant tout-puissant sur le bien qui y est détenu prisonnier. Donc, a priori on voit difficilement comment ce qui relèverait de Dieu pourrait disparaître contre sa volonté. Mais ce n’est pas un point de vue scientifique.

Comment l’Église cathare est-elle apparue ? Les historiens buttent en général sur un moment qu’ils considèrent comme historiquement être le témoignage de la première manifestation du catharisme : le discours de Cosmas le prêtre contre bogomile. Ce texte indique pourtant, qu’au moment où son auteur interroge le « bogomile », ce dernier reconnaît l’existence de cinq évêchés déjà implantés. Il faut donc admettre que cet instant n’est pas l’origine de cette religion. D’ailleurs Evervin de Steinfeld, quand il interroge des cathares à Cologne, les entend affirmer une filiation apostolique directe.

Malheureusement, les chercheurs n’avaient pas trouvé le moyen de remonter ce fil pour en trouver l’origine. Avec un ami qui avait largement débroussaillé le terrain avant moi, j’ai fait le chemin inverse. Partant du premier siècle j’ai tenté de montrer qu’un courant « chrétien » avait bien évolué, dès la première moitié du premier siècle, vers des groupes religieux qui étaient vraisemblablement les « ancêtres » des cathares. Comme je l’explique dans mon livre, la « filiation » doctrinale entre ces groupes permet d’établir une filiation historique, certes parfois ténue, qui va de Paul de Tarse aux bogomiles en passant par certains « gnostiques » (Ménandre, Satornil), puis Marcion et les pauliciens. Ces derniers auraient même pu importer leur doctrine en Languedoc par deux voies (simultanées ou pas) via le déplacement des bogomiles en Europe centrale jusqu’en Rhénanie et via les troupes de Raimond IV de Saint-Gilles, revenant soutenir son fils cadet après sa mort en croisade.

La filiation historique, pour utile qu’elle soit n’est pas essentielle dans une religion. On voit bien aujourd’hui que malgré l’éradication du nazisme, des groupes se développent en s’en revendiquant sans qu’aucun de leurs membres n’en ait reçu une transmission directe.

Pourtant le catharisme comportait des éléments qui pourraient laisser croire qu’il lui est impossible de renaître de ses cendres.

En effet, le sacrement de la Consolation est essentiel au développement du catharisme. Sans lui, pas de chrétien consolé, donc pas de communauté évangélique, donc pas d’Église constituée. Or, le rituel de la Consolation nous montre bien deux cathares consolés imposant les mains au novice au cours de la cérémonie. Est-ce que sans ces cathares consolés un tel rituel reste possible ? Non vous diront certains historiens.

Pourtant l’étude sérieuse des documents nous donne à connaître un point essentiel des rituels cathares. Les bons chrétiens, contrairement à ce qui se passe dans les cérémonies catholiques, ne transmettent rien par eux-mêmes. Ils ne sont que des intermédiaires entre le novice et le Saint-Esprit. De même qu’à la Pentecôte, les disciples n’ont pas reçu le baptême d’esprit de mains d’hommes, mais directement du Saint-Esprit, lors de la Consolation le novice le reçoit lui aussi du Saint-Esprit et non pas des bons chrétiens. Cela se confirme avec le rituel de l’Amélioration. Là aussi, le cathare impose les mains, mais il exprime son rôle d’intermédiaire et pas du tout un quelconque rôle d’apport sacramentel.

Dans l’absolu, l’absence de cathare n’interdit pas la Consolation de pouvoir se faire. Ce qui d’un point de vue logique est cohérent avec la doctrine cathare, car si le mal devait se contenter d’éliminer physiquement les porteurs du bien pour l’empêcher d’agir, cela reviendrait à dire que Dieu est impuissant !

D’un point de vue doctrinal et spirituel, rien n’empêche donc le catharisme de se relever.

Mais est-ce que le contexte historique le permet ? Est-ce qu’il est opportun qu’il le fasse ?

J’emploie à dessein depuis le début de mon texte des arguments que vient de m’opposer un chercheur qui me semble compétent et bien informé.

Existe-t-il un contexte historique favorable à l’émergence d’une religion ? J’avoue que plus je me pose la question, plus je me dis que le seul contexte historique réellement de nature à pousser les hommes vers la religion serait celui… de la fin du monde ! En dehors de ce cas extrême, les hommes se sont sentis attirés par la religion ou pas selon des moments de leur histoire variés et notre époque n’est pas si différente. Certes, depuis le siècle des Lumières, la science a supplanté la religion dans les esprits, car les hommes pensaient qu’elle résoudrait tous les problèmes et qu’elle pourrait invalider Dieu.

En fait, elle a certes invalidé une certaine compréhension humaine de Dieu et résolu bien des problèmes de l’humanité, mais elle montre aussi ses failles qui confirment qu’elle n’est pas forcément toute-puissante.

L’opportunité d’une religion est en général de se manifester quand les hommes souffrent et cherchent des raisons d’espérer. Ce monde est-il si serein et dénué de toute souffrance qu’une religion n’ait pas d’opportunité à proposer aux hommes une voie de salut ? Je ne le pense pas.

Le catharisme est-il approprié à notre époque ?

La question qui me semble devoir être la plus pertinente, mais que l’on ne m’a pas posée, est de savoir si l’offre religieuse actuelle justifie d’une résurgence cathare ?

En quoi le catharisme pourrait-il proposer quelque chose d’intéressant dans un Occident où l’offre chrétienne, mais aussi juive et musulmane fait florès ?

Je pense qu’il faut comprendre la religion cathare pour que la réponse affirmative devienne une évidence.

Contrairement aux religions que je viens de citer, le catharisme dispose d’un atout qui permet à des hommes de toutes les époques de lui trouver de l’intérêt. En effet, il dissocie Dieu du monde et le cantonne strictement à la sphère du bien.

Dans un monde où le mal semble croître à l’envi, une religion qui explique clairement que Dieu ne peut en être l’auteur ouvre forcément des perspectives encourageantes. Si en plus elle n’en attribue pas la responsabilité à l’homme, mais le place en victime innocente, c’est encore mieux. Enfin, si elle explique comment l’homme en ce qu’il ressent de plus profond en lui est assuré du salut, c’est Byzance ! On le voit, même d’un point de vue athée, ce programme ne pourrait être que vendeur.

C’est quand l’humanité est en souffrance, et elle le fut en permanence quand on regarde bien l’histoire, qu’elle est réceptive à des propositions religieuses. Mais si les principales religions mettent l’homme en position de responsabilité de ses malheurs et ne lui proposent qu’un cheminement hasardeux pour espérer en sortir, le catharisme est lui porteur d’un infiniment plus optimiste.

Donc, oui, le catharisme est parfaitement adapté à notre époque et sa résurgence pourra rencontrer des esprits à qui il proposera une meilleure lecture de leur état et de leur avenir que ne font les autres religions.

Mais les hommes sont-ils en mesure d’accueillir ce message ?

C’est là une question à laquelle je ne crois pas qu’il y ait de réponse facile et assurée.

En fait, je dirais que ce n’est pas une question pertinente. Notre état d’être vivant dans ce monde nous fixe des limites intellectuelles, et parfois spirituelles, qui nous empêchent de comprendre quelques points pourtant essentiels.

D’une part Dieu est tout-puissant sur le bien. Donc, si nous considérons être une part de bien prisonnière du mal, Dieu est tout-puissant sur nous. Cela veut dire que, d’une part le temps est sans prise sur nous, puisqu’à l’image de Dieu nous sommes éternels dans notre part spirituelle, et que d’autre part le mal est sans pouvoir sur nous ce qui nous garantit de pouvoir lui échapper au moment opportun. Si ce message est diffusé aux hommes, nul doute qu’ils finiront par le percevoir et, un jour, par l’entendre.

Pour autant la diffusion de ce message sera très difficile et très lente. Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où le catharisme a disparu de presque toutes les mémoires et où les messages contradictoires ont acquis le statut de vérité indiscutable ?

Chaque génération ne verra que peu d’hommes capables de recevoir ce message et notre enfermement en ce monde sera, en terme de temps mondain, extrêmement long. Mais n’oublions pas la parole cathare : « Si le Mal est vainqueur dans le temps, le Bien est vainqueur dans l’éternité. »

C’est pourquoi je pense que la résurgence cathare est nécessaire, pour aider celles et ceux qui sont déjà convaincus de sa pertinence et qui recherchent un moyen de se rassembler pour cheminer ensemble, mais aussi pour apporter la connaissance de ce qu’est le christianisme cathare aux autres, qui le comprendront ou pas et qui passeront leur chemin ou bien auront envie de mieux l’approfondir. Ce sera leur liberté. Par contre, refuser de remettre en place l’Église cathare reviendrait à décider qu’ils n’ont pas le droit d’avoir ce choix. Et cela serait profondément injuste et tout à fait inacceptable.

Éric Delmas, 11 juin 2019.

Venez en parler sur les forums.

Le dévoiement du catharisme

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Le dévoiement du catharisme

J’utilise régulièrement l’image de l’adolescence pour tenter de faire comprendre l’impossible dialogue entre les sympathisants cathares et les croyants cathares.
Comme l’adolescent, le sympathisant cathare pense, sincèrement et sans aucune malignité, posséder une bonne connaissance du sujet en raison de sa maîtrise intellectuelle et ne se rend absolument pas compte de ce que ses lacunes spirituelles le handicapent totalement pour atteindre cette maîtrise. L’adolescent pense lui aussi en savoir autant que les adultes sur la vie et s’insupporte de s’entendre dire qu’il doit encore progresser.
Comme l’adulte, le croyant cathare a atteint un niveau d’intégration de la spiritualité cathare qui lui permet de comprendre l’attitude de l’adolescent et qui le pousse à tenter de lui expliquer que son impatience ou ses initiatives sont dangereuses voire mortifère pour son avancement.

Si j’avance cette explication c’est pour exprimer ma profonde tristesse devant les initiatives malencontreuses, voire malheureuses, qui se mettent en place ces derniers temps à Montségur. En effet, faire coïncider un lieu et une date qui, dans l’inconscient collectif, sont attachés au catharisme avec des événements et des initiatives qui ne lui sont pas bénéfiques, participe à son dévoiement et à l’affaiblissement de son image publique.

Que pouvons-nous dire du 16 mars à Montségur ?

Contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, le 16 mars 1244 à Montségur n’a pas été une grande date de l’histoire cathare. Au contraire !
Ce jour-là a marqué une date mémorable de l’histoire occitane et de l’histoire de la guerre menée par le pouvoir royal, associé au pouvoir catholique, contre une résistance militaire localisée en ce lieu. C’est une victoire, ou une défaite selon le camp où l’on se place, qui ne s’exprime que sur le plan militaire. Aucun historien n’a jamais prétendu que le catharisme s’était éteint ce jour-là, ni même qu’il avait définitivement disparu de la région.
Certes, le 16 mars fut l’occasion d’un massacre de personnes non combattantes en raison de leur volonté de vivre selon leurs convictions religieuses. Mais elles ne furent ni les premières ni les dernières à subir ce sort. Et même pour le catharisme, la longue et funèbre liste des massacres n’a pas attendu Montségur pour débuter et ne s’est pas arrêté après ce jour de cendres.

Mais l’homme mondain a besoin de jalons, de points de repères historiques pour fixer sa mémoire. Le sympathisant n’a pas d’autre chose à quoi se raccrocher, alors que le croyant est tout entier intégré dans sa foi qui le porte d’autant mieux qu’elle n’est justement attachée à rien de mondain. C’est cela qui conduit à des actions inappropriées et bien souvent délétères.
Depuis de nombreuses années, Montségur fut érigé en mémorial cathare par des personnes qui ressentaient ce besoin d’un ancrage territorial. L’érection de la stèle par l’association du Souvenir et des études cathares en 1960, sous l’impulsion de son président de l’époque M. Déodat Roché (je l’écris en français et non  en occitan), fut le point de départ d’un engouement légitime mais déplacé.
En effet, depuis, ce monument est devenu un point de ralliement de personnes dont les motivations dépassaient largement le cadre du catharisme, quand elles n’en faisaient pas qu’un simple prétexte. Tour à tour argument indépendantiste ou ésotériste, le catharisme y était malmené, comme je l’ai constaté régulièrement chaque fois que j’y suis allé. En réalité le seul point positif que l’on pouvait y trouver en rapport avec le catharisme, est celui de la Bienveillance qui amenaient certains sympathisants à s’y retrouver quand leur vie les tenait éloignés les uns des autres.

Voilà bien la seule action un peu « cathare » que j’ai jamais vu à Montségur au cours de mes quelques passages sur place. J’étais d’ailleurs fort réticent à m’y rendre initialement et je suis désormais convaincu de ne plus jamais y retourner.

Comment Montségur tend à devenir le centre de l’anti-catharisme

J’ai conscience de l’apparente violence de ce terme pour nombre de sympathisants et je leur présente mes excuses, car ces termes n’ont pas  vocation à les blesser, mais veulent éveiller les consciences encore aptes à l’être.

Comme toute initiative mondaine, le « pèlerinage » à Montségur s’éloigne, année après année, de son objectif initial. Cette année 2019, 775anniversaire de la tragique journée du 16 mars 1244, les choses semblent avoir pris un tour encore plus marqué.
Un groupe de chercheurs et de sympathisants, au demeurant très sympathiques comme il se doit, y organise une rencontre annuelle dont la thématique de cette année est dévolue à René Nelli. Ce chercheur et auteur à qui nous devons d’exceptionnels documents sur le catharisme et qui a même aidé à mieux faire connaître les écrits cathares est aussi connu pour ses appétences régionalistes et intellectuelles tournées vers l’art et la poésie. Le programme de cette journée sera d’ailleurs assez peu orienté vers le catharisme. Une telle thématique aurait eu mieux sa place du côté de Bouisse où il vécut ou de Carcassonne où il créa le Centre d’études cathares qui porta son nom jusqu’à sa faillite en 2011. L’association porteuse de ce projet avait mieux choisi ses thématiques les années précédentes et sa réunion d’automne à Cailhau montrait d’ailleurs que le lieu avait peu d’importance pour qui veut parler de catharisme. En effet, le catharisme n’est rattaché à aucun lieu mondain et ne dépend d’aucune date calendaire, comme sa résurgence moderne en est la preuve.
Par ailleurs j’ai reçu ces jours-ci une annonce, parue dans un journal, à propos d’une autre initiative dont l’origine m’est inconnue mais qui semble vouloir faire du catharisme un simple faire-valoir. Non seulement, ce 16 mars aucune manifestation relative au catharisme n’est prévue, mais c’est exactement le contraire, puisque nous sommes invités à aller écouter l’évêque de Pamiers, M. Eychenne, à l’église du village ! Si je n’ai rien à reprocher à ce prélat catholique, dont la repentance qu’il organisa voici peu s’avéra sympathique et louable, je trouve plutôt osé de lui confier l’animation d’une telle cérémonie en un tel lieu et à telle date. Ensuite, ce ne sont qu’agapes et divertissements qui sont organisés, comme si c’était tout ce qu’inspirait ce moment à l’organisateur dont j’aimerais bien connaître l’identité.

J’en arrive à me dire qu’il ne manque plus que d’organiser un méchoui dans le pré situé en bas du château pour atteindre le summum de l’imbécillité !

Vous comprenez mieux j’espère pourquoi je trouve que, finalement, loin de représenter ce que fut et ce qu’est le catharisme, le rendez-vous du 16 mars devient de plus en plus l’occasion de le piétiner et le moyen d’effacer sa mémoire.

Comment rendre hommage aux cathares et soutenir le catharisme ?

Notre siècle n’est pas plus favorable au catharisme que ne l’était le Moyen Âge. Si l’envie de spiritualité reprend du poil de la bête, c’est plus vers des courants qui favorisent la mondanité, le confort et le soutien psychologique que s’orientent nos contemporains, partisans du moindre effort et réfractaires à toute diminution de leur statut mondain.
Or, le catharisme est exactement l’inverse de cela. Il nous appelle à agir comme le fils prodigue ayant compris son erreur, au lieu de faire comme lui au moment où il la commet.

Alors, si vous avez besoin de jalons et de moyens de rendre hommage au catharisme, faites-le en l’étudiant sérieusement, au prix d’efforts de recherche et d’études, car c’est le seul moyen de l’appréhender correctement, contrairement à ce que peuvent proposer certains médias d’accès facile qui, dans le meilleurs des cas, se contentent de se copier les uns les autres et ressassent les mêmes erreurs, faute d’avoir pris la peine de suivre les évolutions de la recherche et de les avoir intégrées intellectuellement.

Soutenir le catharisme n’est pas nécessaire. Il n’en a pas besoin. Par contre veiller à ce que personne ne l’agresse ou ne le dévoie est utile. Il n’y a pas d’organisme qui fera des procès à ceux qui lui font du tort, et c’est normal, puisqu’il ne juge pas et qu’il n’est pas violent. C’est donc à vous les sympathisants d’assumer cette mission, si vous vous sentez réellement sympathisants. Laissez aux usurpateurs et aux ennemis du catharisme le triste honneur de le salir et de le dénigrer.

Éric Delmas, 14 mars 2019.

Définir le Catharisme d’aujourd’hui

2-3-Le catharisme au quotidien
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Définir le catharisme d’aujourd’hui

Qu’est-ce que le catharisme ?

Cette question peut en surprendre plus d’un, émanant d’une personne qui mène des recherches approfondies sur le sujet depuis douze ans et qui vit depuis deux ans et demi comme un novice cathare.
Pourtant elle n’est pas anodine.

En effet, si le catharisme médiéval nous est de mieux en mieux connu, si sa structuration était indubitablement celle d’une Église au sens commun du terme, si ses pratiquants — les Bons-Chrétiens — étaient organisés comme n’importe quelle confrérie religieuse et étaient considérés comme tels par leurs croyants, sans parler de leurs opposants catholiques de l’époque, peut-on extrapoler aujourd’hui cette organisation pour dire que les mêmes appellations et considérations s’appliquent encore à lui ?

Comme je vais essayer de l’étudier devant vous, nous allons voir que le catharisme aujourd’hui se reflète de façon extrêmement variée dans les yeux de ceux qui l’observent avec le filtre de la considération du phénomène religieux qui a cours au 21e siècle.

Quelques définitions

Impossible de raisonner conjointement sans poser d’abord les bases sémantiques qui s’imposent.

Le premier terme à bien définir est celui de religion. Une religion est une approche spirituelle qui réunit les individus qui la reconnaissent et la pratiquent. Ce terme tire son nom du latin religo, qui signifie attacher, lier et religio, qui signifie avoir du scrupule. Il s’agit donc d’une pratique scrupuleuse qui relie, attache, des gens qui la partagent. Il faut donc, pour qu’il y ait religion, que l’on puisse définir un lien entre ceux qui ont une pratique faisant état de la même observance scrupuleuse d’une spiritualité.

La spiritualité est donc à différencier de la religion. Là où la religion exige plusieurs personnes réunies, la spiritualité est individuelle. La spiritualité est une aspiration religieuse qui amène à considérer des éléments intellectuels et pratiques comme justifiés, voire nécessaires, à la manifestation de la foi ressentie.

La foi est, comme l’indique sa source latine fides, la confiance que l’on place en une conception intellectuelle relative à une entité transcendante que l’on place au-dessus de toute chose.
Quand cette foi, qui a donné lieu à une approche spirituelle, aboutit à rassembler des personnes au sein d’une religion, comment peut-on nommer ce rassemblement ?

On constate qu’il existe plusieurs termes pour cela. Est-ce pure conjecture ou bien y a-t-il moyen de déterminer un usage précis à chacun de ces termes ?

La communauté religieuse est un terme employé pour désigner des personnes attachées à la même religion quelle qu’en soit la position et la pratique. C’est un terme vague qui va donner lieu à des précisions.

La communauté spirituelle ou ecclésia est un ensemble regroupant des personnes qui partagent la même foi. Il s’agit essentiellement des croyants, mais le catharisme introduit une nuance dans ce terme. Alors que les autres religions se contentent de demander à un croyant d’affirmer sa foi, dans le catharisme le croyant a reçu l’éveil, c’est-à-dire qu’un événement spirituel s’est produit en lui — une révélation — qui l’a convaincu que cette foi était la seule possible pour lui. Donc, par extension, on admet généralement dans la communauté spirituelle des sympathisants avancés, qui ne partagent aucune autre foi, mais qui n’ont pas encore reçu l’éveil, même si l’on peut facilement imaginer qu’ils le recevront bientôt pour peu que leur engagement intellectuel et spirituel soit sincère.

La communauté évangélique se distingue par le fait que ses membres vivent de la manière évangélique que pratiquaient les cathares du Moyen Âge, c’est-à-dire regroupés en maison cathare.

Si le terme Église tire son nom du latin ecclésia que nous avons vu plus haut, il est doté de deux acceptions un peu différentes. Certes, il s’agit bien d’une communauté spirituelle pratiquant la même conception religieuse, mais il s’agit aussi d’un statut juridique et administratif particulier. Ne la confondons pas avec le bâtiment catholique qui sert de lieu de culte : l’église.

L’Église à notre époque

La France a une particularité unique à la date d’aujourd’hui, d’avoir organisé en son sein la séparation de l’Église et de l’État, créant de ce fait une notion particulière que l’on appelle la laïcité. Cette séparation s’est faite dans la violence et a provoqué un profond clivage au sein de la population qui se manifeste encore de nos jours par des positions extrémistes des deux bords. En effet, selon les périodes, certains religieux tentent d’imposer leurs vues afin d’infléchir la conception de laïcité à leur avantage et à d’autres, ce sont les athées qui font de même.
Les modérés, désireux de voir respectés les choix des uns et des autres sont souvent pris en otages dans ces luttes. J’ai déjà étudié la laïcité dans deux autres textes, aussi je n’y reviendrai pas ici.

Dans le cadre de la loi de séparation de l’Église et de l’État, dite loi de 1905, est proposé un statut spécifique pour les associations dont l’objectif est une pratique religieuse exclusive. Contrairement aux associations déclarées, qui relève de la loi de 1901, l’association cultuelle a, comme son nom l’indique, comme seul objet d’organiser des cultes. Cependant, la loi prévoit que ce qui s’avère nécessaire à l’organisation des cultes soit prévu et couvert par cette loi, c’est-à-dire la prise en charge des officiants (ministres du culte), de leur formation et des locaux les accueillant et de ceux où se déroulent les cultes. Dans ce cadre très restrictif, la loi accorde des avantages non négligeables à ces associations, comme le droit de recevoir des dons notariés et des legs et l’exonération de taxe foncière pour les bâtiments cités ci-dessus. En contrepartie, ces associations sont soumises à des obligations. Prouver qu’elles sont représentatives de la communauté sociale où elles exercent et faire preuve d’une totale transparence financière. La représentativité minimale est imposé par un quota de membres déclarés et nommément désignés en fonction du nombre d’habitants de la zone géographique considérée. La transparence financière exige de faire vérifier et de publier les comptes.

Mais quand on parle d’Église de façon plus générale, c’est la structure de la communauté ecclésiale qui est désignée, avec comme référence celle du culte catholique. Or, cette institution a pris, au cours des siècles, des positions religieuses et politiques qui ont fortement altéré son image chez beaucoup. De ce fait, ce terme tend à provoquer un rejet quasi systématique, mais il faut surmonter cela car il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. En effet, si vous perdez un proche dans un accident de voiture, vous ne considérerez pas systématiquement la voiture comme un instrument mortifère. Par contre, vous serez plus prudent quant à son usage et à ceux à qui vous vous confiez quand ils vous proposeront de vous emmener.

Que dire du catharisme aujourd’hui ?

Bien des gens se sont intéressés au catharisme au cours des siècles et s’y intéressent encore aujourd’hui sans pour autant avoir la même vision de ce qu’il est.
Ainsi certains n’y voient qu’un corps mort que l’on dissèque à l’envi, mais dont la forme d’apparition médiévale ne saurait laisser imaginer une quelconque résurgence moderne. Et encore je ne parle pas ici de ceux qui essaient de prétendre à sa non-existence !
Il en est qui n’y voient qu’une sorte de philosophie non violente, n’en retenant que les principes spirituels sans tenir compte de la pratique rituelle et sacramentelle.
D’autres considèrent que cette religion n’est plus adaptée aux hommes de notre époque et que l’on doit s’en tenir à une pratique spirituelle intellectuelle et individuelle.
En fait, bien peu nombreux sont ceux qui pensent que le catharisme a toujours sa place dans notre société ; mais il y en a !

Les historiens qui s’abstiennent volontairement et vigoureusement de chercher à comprendre les racines et l’origine du catharisme, ne peuvent d’évidence l’imaginer se remettre en ordre de marche aujourd’hui. Comme le chimpanzé voyant son reflet dans un miroir va considérer qu’il est en face d’un congénère, faute d’avoir la maturité intellectuelle suffisante pour comprendre ce qu’il voit, ils sont partiellement aveuglés par les limites qu’ils s’imposent au nom d’une prétendue objectivité qui n’existe que dans leur conception autocentrée de leur exercice professionnel.

Nombreux sont ceux qui ne retiennent du catharisme que quelques principes à intégrer, éventuellement, dans une morale personnelle ou à utiliser comme étendard d’un monde plus tolérant et respectueux de tous. Je comprends cela, mais je ne peux m’empêcher de leur rappeler que cette vision minimaliste est à des années-lumière du catharisme médiéval. De là à penser que cette approche signe une profonde méconnaissance du catharisme, il n’y a qu’un pas que je franchis aisément.

La troisième catégorie fait florès. De grands noms en ont fait partie, comme Déodat Roche ou Yves Maris par exemple. Est-ce pour autant le signe que cette approche est la bonne ? Je ne le crois pas.

En effet, si les cathares avaient raison — et c’est le point de vue de ceux qui partagent leur foi —, comment imaginer que leur religion serait adaptée à une forme d’incarnation des esprits saints prisonniers et ne serait pas à une autre ? Soit le catharisme s’adresse à notre être profond, soit il n’a pas de raison d’être. Méconnaître la portée universelle que la doctrine cathare apporte à cette part d’éternité souffrante que nous représentons aujourd’hui, comme l’étaient celles et ceux qui l’ont porté au Moyen Âge, serait incohérent. Ou bien le catharisme est valable tant qu’il restera un esprit saint prisonnier ici-bas, ou bien il ne s’est jamais justifié. Personnellement, je mets cette conception d’une approche purement intellectuelle sur le compte d’un manque d’approfondissement global. À force de regarder le catharisme avec une loupe, on peut en venir à perdre de vue ce qu’il est globalement et profondément.

Et c’est pourquoi j’appartiens résolument à la dernière catégorie ; celle qui pense que le catharisme n’est ni archaïque ni désuet à notre époque. En effet, comparé à l’époque médiévale, peut-on dire que notre siècle n’a plus besoin de Bienveillance, d’égalité, de considération et de spiritualité ? Franchement, à part la sophistication mise dans les moyens de faire souffrir et de tuer l’autre, je ne vois aucune différence entre ces deux périodes.
Non seulement le catharisme nous apporte une compréhension claire et logique de notre monde en notre siècle, mais il nous propose également les moyens de l’analyser et ceux nécessaires pour nous positionner individuellement et collectivement par rapport à lui.

Donc, ne voir le catharisme que par des filtres qui en opacifieraient certains aspects, me semble être une erreur. Certes, le catharisme est une spiritualité qui nous éveille individuellement, mais pas que. Certes, il est aussi une pratique morale et sociale, mais pas que. Certes, il est aussi un moyen de rassembler des porteurs d’une foi identique, mais pas que. Il est tout cela et bien plus encore ; il est l’outil nécessaire pour emprunter et suivre le chemin enseigné par Christ et ainsi atteindre l’objectif de tout croyant : faire sa bonne fin !

Éric Delmas, 20 décembre 2018.