Croyant cathare aujourd’hui

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Croyant cathare aujourd’hui

L’étude des témoignages devant l’Inquisition nous permet de tracer le portrait de ce qu’était un croyant cathare au Moyen Âge. Ces personnes étaient littéralement transcendées par leur foi, mais leur mondanité dominait encore leur approche du monde et leurs comportements s’en ressentaient.

À l’heure où l’Église cathare est en train de se réorganiser en France, il est très important de comprendre comment le croyant cathare se reconnaît et comment il agit s’il veut être en cohérence avec sa foi.

Le croyant est mondain

Le croyant, en cela qu’il n’est pas baptisé, est pleinement un être qui se meut et agit dans le monde, le siècle comme on dit par comparaison à la vie régulière d’une maison cathare. Aujourd’hui, il n’est pas facile d’appréhender cet état puisque nous sommes sous la culture judéo-chrétienne qui a modifié les choses afin de s’assurer une emprise sur les âmes, et ce dès les premiers siècles. En effet, en baptisant un nouveau-né on crée artificiellement des chrétiens qui n’en sont pas ; on observe la même chose chez les musulmans qui considèrent que nous sommes tous musulmans à la naissance et que certains renient cette foi ensuite. Cette pratique est facile et malhonnête, car seul l’individu concerné peut choisir sa voie spirituelle quand il se sera suffisamment informé sur les différentes options possibles.

Ce respect du choix individuel que le catharisme a maintenu depuis l’origine fait qu’un croyant est avant tout un homme du monde, un séculier, qui fait sa vie quotidienne selon les règles du monde tout en essayant de progresser sur un cheminement spirituel. On trouve dans les registres d’Inquisition des témoignages terribles de comportements extrêmement malveillants, voire meurtriers, émanant pourtant de croyants cathares indiscutables. Certes, à l’époque le rapport au droit était très différent d’aujourd’hui. La loi était celle des riches et des puissants et les paysans, souvent serfs ou soumis à des fermages indignes, étaient certains d’être toujours perdants s’ils allaient devant un tribunal. Cela explique ces comportements, même si, sur un plan spirituel, cela montre combien un croyant est encore loin de faire sa bonne fin.

Aujourd’hui, nous sommes dans un autre monde. Les autres et la justice ne sont pas toujours bienveillants et honnêtes, mais on est loin des excès de l’époque. Il est donc normal de fixer aux croyants, comme base minimale de leur comportement, la référence aux lois de la République. Il ne leur est pas interdit de faire mieux et de déployer la Bienveillance.

Donc, dans l’absolu et notamment au début de son cheminement, un croyant cathare d’aujourd’hui peut très bien agir en toutes choses comme n’importe quel autre individu soucieux du respect des lois et du savoir-vivre ensemble.

Ce qui définit le croyant n’est donc pas son attitude dans le monde, qui peut être extrêmement variée, mais la nature de sa foi.

La foi cathare

En quoi la foi cathare est-elle si particulière qu’elle constitue le mètre-étalon de l’appartenance à l’ecclésia cathare ?

Là encore nous observons que le catharisme n’est pas une auberge espagnole qui, par souci d’accaparer des adeptes va autoriser ses membres à définir une adaptation doctrinale et pratique des règles de sa religion.

Non, le catharisme n’est pas à la recherche de prosélytes ; on ne le rejoint que par une profonde, sincère et totale conviction de la validité de sa doctrine et de sa pratique. C’est pourquoi la foi cathare est claire, définie et qu’elle ne s’adapte pas aux desiderata de ses pratiquants.

On est croyant quand on est intimement convaincu que cette foi, par sa doctrine et sa pratique, est le seul chemin adapté pour nous mener à notre salut. Si l’on doute de cela, c’est que l’on n’est pas un croyant cathare. Forcément, cette conviction amène, au fil du cheminement, à se créer une conviction et une pratique qui vont, petit à petit intégrer des éléments de la doctrine et de la Règle de justice et de vérité. Mais cela est une évolution du croyant. La base unique et indispensable est le sentiment d’impérieuse nécessité de suivre le chemin prôné par le catharisme pour espérer atteindre son salut.

Ce sentiment amène logiquement à plusieurs conceptions spécifiques aux croyants. Pour atteindre le salut, « faire sa bonne fin » comme disent les cathares, il faut disposer d’une structure ecclésiale, la mettre en état de marche dans le monde et lui permettre de se maintenir malgré les nombreux obstacles qui se dresseront contre elle, à l’image de ce qui s’est passé voici quelques siècles.

La structure ecclésiale cathare

Cet élément, indispensable à tout croyant cathare, va se construire autour d’un clergé que nous préférons appeler communauté évangélique. Il s’agit de chrétiens cathares consolés et de novices en formation. Leur rôle est d’encadrer spirituellement les membres de la communauté ecclésiale afin de les aider dans leur cheminement.

Le croyant sait que la communauté évangélique est fragile face aux tourments que le monde malin peut chercher à lui faire subir. Il a donc une double obligation : assurer la protection de la communauté évangélique et guider les sympathisants qui ressentent les prémices de l’éveil à la foi.

Si cette structure ecclésiale peut se réunir physiquement quand l’occasion se présente, elle agit le plus souvent dans un espace dispersé qui dépend de la répartition des communautés évangéliques et des obligations mondaines des croyants.

Pour autant, quelle que soit la distance, le croyant fait tout ce qu’il peut pour entretenir le lien avec la communauté évangélique la plus proche et ce par tous les moyens à sa disposition. En effet, rester éloigné en termes de communication de la communauté évangélique empêche le croyant de progresser dans son cheminement. Et cet empêchement signe l’affaiblissement de la foi du croyant.

Au sein de la communauté ecclésiale, le croyant cathare assure la médiation entre les curieux et les sympathisants d’une part et les chrétiens consolés d’autre part. Il va animer les échanges avec les curieux et les sympathisants en les faisant bénéficier de ses connaissances sur le catharisme. Ainsi, il peut aider un curieux mieux informé à devenir un sympathisant.

Grâce à ses propres connaissances, affinées lors de ses fréquents échanges avec la communauté évangélique, il va pouvoir également suivre l’éventuelle évolution des sympathisants que, s’il pense opportun de le faire, il pourra rapprocher d’un chrétien cathare prédicateur pour mettre le sympathisant dans les meilleures conditions possibles à un éventuel éveil spirituel. Il accompagnera aussi les croyants récemment venus à l’Église cathare pour les aider à prendre leurs marques.

Dernier et non des moindres, le croyant va assurer la protection de la communauté évangélique. En effet, cette dernière est en position de vulnérabilité vis-à-vis du monde et ce sont les croyants qui vont se positionner en interface dans les situations susceptibles de créer des risques pour les chrétiens consolés et les novices. Un des cas largement rapporté par l’Inquisition est celui des échanges commerciaux entre un atelier cathare et des clients mondains. Le croyant sera l’intermédiaire qui négocie le marché, qui transmet les consignes techniques à l’atelier et qui veille à ce que le juste prix soit bien versé. Pendant l’Inquisition, ce sont aussi des croyants qui guidaient les consolés sur les routes dangereuses afin qu’ils puissent assurer leur mission évangélisatrice.

Le croyant est spirituel

Il ne faut pas croire que le croyant donne sans recevoir. Sur le plan spirituel c’est lui qui est demandeur et qui reçoit. Sa proximité avec la communauté évangélique lui permet de recevoir un enseignement privilégié et quasi permanent.

Grace à cet enseignement il va pouvoir appréhender sa vie mondaine d’une façon différente. Il va saisir au quotidien le hiatus total qui existe entre la vie mondaine et l’enseignement spirituel, ce qui conforte la thèse cathare de la création maléfique. Cette révélation permanente va s’enrichir des enseignements ciblés qu’il recevra des prédicateurs cathares et va le conduire à cheminer dans sa foi pour en affiner l’évolution.

Ce cheminement, quelle qu’en soit la durée, le mènera idéalement vers l’entrée en noviciat afin de parachever son avancée vers sa bonne fin. Si la vie de son corps en décide autrement, il pourra recevoir le secours de la communauté évangélique afin d’être consolé en urgence si nécessaire.

Finalement si le consolé est un spirituel qui subit le monde, le croyant est un mondain qui aspire au spirituel.

Guilhem de Carcassonne le 24/06/2021.

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