Siège de Montségur
essai de localisation des feux du sergent Escot de Belcaire
Si depuis le XIIIe siècle il est établi que des feux ont été allumés en guise de signaux à l’adresse des défenseurs de Montségur (09) lors du siège de 1243-1244, le site depuis lequel ceux-ci ont été fait reste cependant inconnu.
Toutefois, grâce à une information que Michel Roquebert nous délivre dans le quatrième tome de son Épopée Cathare[1], il semble, que l’on pourrait identifier ce lieu.
L’historien nous dit que le sergent Escot de Belcaire, est venu à Montségur aux environs de mai (sans doute au tout début du siège)[2], pour apparemment remettre aux autorités de la place un individu qu’il avait capturé lors d’un guet-apens. Il profita alors de l’occasion pour visiter l’évêque Bertrand Marty, avant de s’en aller après deux jours et deux nuits passés au castrum. C’est en cette circonstance, que Pierre-Roger de Mirepoix, le chef militaire du pog, afin de savoir si « le comte de Toulouse menait bien ses affaires » demanda au sergent de lui adresser un signal[3] avec du feu, depuis la montagne du Bidorle.[4]
Après avoir vu que le Vidorles ne peut pas être le Bidorle[5], il nous reste à voir que l’endroit d’où ont été fait les signaux, ne se trouve peut-être pas, comme l’a affirmé Napoléon Peyrat[6], sur la montagne de la Frau (et que par conséquent, celle-ci ne serait pas non plus le Bidorle).
Le détail qui va nous permettre de remettre en cause l’allégation de l’érudit ariégeois est celui-ci: Michel Roquebert nous révèle[7] qu’Escot de Belcaire habitait, au moment du siège, la localité de Belvis [(11) à environ une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau de Montségur]. Dès lors, à la lecture de l’information, ne peut-on se demander pourquoi le sergent serait-il venu du plateau de Sault, allumer les feux sur la montagne de la Frau (c’est à dire au plus près du pog), au risque de se faire arrêter par une patrouille (qui ne devaient pas manquer de surveiller les environs) ? N’était-il pas moins dangereux pour lui de faire les signaux d’un lieu plus éloigné ? Dans cette hypothèse, de quel endroit, de quel sommet, Escot de Belcaire a-t-il pu opérer ?
Grâce à une étude attentive des cartes (IGN Classiques) du site géoportail, et à l’appui de photos, il est tentant d’avancer que les feux ont pu être allumés au belvédère du Pas de l’Ours[8] — ou du moins sur la montagne où il se trouve. En effet, il semble que se soit un des rares lieux se trouvant du côté de Belvis, c’est à dire à l’Est des gorges de la Frau, d’où l’on voit aussi distinctement Montségur[9]. En outre, l’accès à ce point, depuis le lieu de résidence du sergent, est relativement aisé.
Ainsi, si l’on veut parcourir l’itinéraire qu’aurait pris Escot de Belcaire pour se rendre de Belvis au belvédère, il faut emprunter les chemins et le GR 367 qui traversent d’Est en Ouest, les plateaux de Sault et de Languerail via la Serre du Bac d’en Feilles, et aboutissent au refuge des Gardes ; puis de ce lieu, on doit suivre les sentiers qui montent à travers le bois de Malbag, pour arriver au point de vue. Soit un parcours total d’environ 17 Kms, sans difficultés particulières.[10]
Enfin, se pose la question (toutefois anecdotique) suivante :
Les feux ont-ils été allumés de jour ou bien de nuit ?
Sachant qu’un feu, a fortiori important, peut être aperçu à plusieurs kms, voire plusieurs dizaines de kms dans les ténèbres, le sergent n’aurait-il pas préféré attendre la nuit — plutôt que faire s’élever un panache de fumée en journée —, pour se mettre à l’œuvre ?[11]
Conclusion
Bien que de solides arguments plaident en faveur de la localisation des feux au Pas de l’Ours (ou dans ses proches alentours), aucun élément n’autorise cependant à affirmer que la montagne où se trouve le belvédère, était appelée Bidorle au XIIIe siècle.[12]
© Bruno Joulia Juillet 2025
[1] « Mourir à Montségur », éditions Privat, Toulouse, 1990, page 373.
[2] Lors du siège, les allées et venues au castrum furent possible grâce à la complicité de soldats recrutés à Camon (09), ibid., page 382.
[3] Le sergent en fit deux. « Par la suite, Escot fit par deux fois un signal à Pierre-Roger et aux autres de Montségur, avec du feu, sur le Pic de Bidorte […]. ibid., page 373.
[4] Autrement dit Pierre-Roger de Mirepoix voulait savoir si les négociations diplomatiques que Raymond VII menait à Rome allaient bon train, et s’il pouvait ainsi espérer que comte vienne au plus vite à la rescousse du castrum.
[5] Voir mon article : https://www.catharisme.eu/5-h/5-1-h-cat/vidorles-ou-bidorle/
[6] Dans son ouvrage « Histoire des Albigeois – les Albigeois et l’Inquisition » – tome II, Paris, Librairie Internationale, 1870, page 360. « Tout à coup le pic de Bidorta (celui dont la grotte s’ouvre comme une bouche contractée d’horreur [grotte de la Caunha]) s’illumine dans les ténèbres. “Courage amis, s’écrie-t-il, le comte Ramon, notre seigneur, vient au secours de Montségur.” ».
[7] « Mourir à Montségur » ibid., page 373.
[8] Commune de Comus (11)
[9] À environ 6,3 kms (mesurés sur le site géoportail).
[10] Voir les Cartes IGN Classiques du site: https://www.geoportail.gouv.fr/
[11] L’œil humain est un organe impressionnant, il est incroyablement sensible, en effet, il est théoriquement possible de voir une flamme de bougie jusqu’à 48 kilomètres. https://www.lesaviezvous.net/sciences/biologie/nos-yeux-peuvent-reperer-une-flamme-de-bougie-a-une-distance-de-48-kilometres.html
[12] Désignée Sarrat des Touches sur les Cartes 1950. Voir : https://www.geoportail.gouv.fr/