7-Culture & études cathares

Transmission par don manuel de la Bibliothèque cathare

7-1-Association
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Carcassonne le 31 mai 2023

 

 

                   Je soussigné, Éric Delmas, atteste que l’ensemble des matériels et documents regroupés sous l’appellation : Bibliothèque cathare, sont constitués pour une grande part de biens acquis par moi[1] pour mes recherches et pour une petite part de biens acquis par l’association Culture et études cathares.

Concernant ce qui était ma propriété, je rappelle que j’en ai fait la transmission par don manuel à l’association sus-citée, et ce tant pour les biens acquis avant cette date que pour ceux acquis depuis cette date et jusqu’à ma mort.

Ces biens concernent :

  1. Les livres, revues, documents divers sur tous supports : papier, supports de stockage et enregistrement sur serveurs internet.
  2. Les matériels servant à leur rangement (armoires, bibliothèques, bureau, etc.), ceux destinés à leur exploitation (imprimantes, scanners, massicots, agrafeuses, etc.).
  3. L’ordinateur de bureau et ses périphériques.
  4. Le stock de livres Catharisme d’aujourd’hui (seconde édition) destinés à la vente.
  5. Les documents, supports et livres liés à la rédaction (dictionnaires, modes d’emploi, etc.)
  6. Les sites internet que j’ai créés et exploités pour cet usage, ainsi que les noms de domaines afférents.
  7. Les droits d’auteur, d’édition et de cession concernant tous mes écrits.

En compensation de ces dons, l’association Culture et études cathares, l’association Église cathare de France et tout organisme qui viendrait à être mis en place pour exploiter ce fonds documentaire, s’engagent à m’en laisser l’usufruit jusqu’à ce que j’y renonce ou jusqu’à mon décès.

Ma famille est informée par la présente de cette volonté ainsi que les Conseils d’administration des associations concernées.

En cas de difficultés financières touchant l’association Culture et études cathares, qui mettraient potentiellement en danger la Bibliothèque cathare, cette association s’engage à la céder intégralement à l’Église cathare de France ou si cela n’est pas possible, à créer une autre association pour lui transférer tous les biens et droits concernés.

                   Fait pour valoir ce que droit.

[1] Il s’agit de documents de toute forme achetés par moi ou qui m’ont été donnés pour m’aider dans mon travail.

Rencontre cathare de la résurgence

7-2-Activités culturelles
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Rencontre cathare de la résurgence

Depuis que la résurgence du catharisme, marquée par la Consolation du premier chrétien revêtu de ce siècle le 23 mai 2021, a débouchée sur la création de l’Église cathare de France (a.s.b.l.), Culture et études cathares, l’association laïque de recherche et de promotion du catharisme, s’était associée à des personnes et des municipalités pour proposer des conférences en 2021 et 2022 notamment.
Pour la première fois, ces deux organisme, l’un laïque et l’autre confessionnel, s’associent pour remettre en place un cycle régulier de conférences, en complément des Rendez-vous cathares de Carcassonne qui se tiennent tous les mois par Skype.

Pour l’édition 2023, nous invitons à venir à Peyrens, village audois situé entre Castelnaudary et Revel, le dimanche 8 octobre pour une journée de conférences.

Programme prévisionnel

Voici quelques éléments concernant les interventions actuellement prévues, qui ne sont ni garanties, ni exhaustives :

9h00-9h30 : Accueil

9h30-10h00 : Présentation des associations Culture et études cathares et Église cathare de France

10h00-11h00 : Chantal Benne : La transmission du catharisme par les contes et mythes régionaux.

11h00-12h00 : Bruno Joulia : Le catharisme hors des chemins touristiques traditionnels : Guilhabert de Castres, évêque cathare, au Pas de las Portas.

12h00-14h00 : Pause repas : pique-nique dans la salle (épicerie ouverte le dimanche matin dans le village) ou restaurant La calèche (penser à réserver à l’avance).

14h00-15h00 : Guilhem de Carcassonne : L’origine spirituelle de l’homme – approche de la cosmologie scientifique et de la cosmogonie cathare

15h00-16h00 : Élysabeth Vonarb-Bazerque : Décoder les spécificités de l’habillement médiéval et cathare.

16h00-17h00 : La résurgence cathare au 21e siècle.

Informations techniques

Situation : la salle de la mairie se trouve dans le village de Peyrens, à côté de l’église (accès par le côté gauche du bâtiment).

Carte itinéraire

Au Nord-Est se trouve les centres grégoriens de Sorèze et En Calcat (Dourgne) ainsi que le lac de Saint-Ferréol au cas où vos accompagnateurs rechigneraient à s’instruire à propos du catharisme.

Le repas de midi est à votre charge. Vous trouverez des commerces alimentaires et restaurants à Peyrens (La calèche) ou à Castelnaudary.

L’accès est libre sans inscription préalable.

Historia : Les cathares ont-ils vraiment existé ?

7-5-Controverses
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Historia : les cathares ont-ils vraiment existé ?

Dans son mensuel n°915, cette revue de vulgarisation est passée dans la catégorie de vulgaire désinformation.

L’entrée en matière laisse entendre qu’elle donne la parole aux deux courants opposés à propos de cette question, mais oublie de préciser que sa partialité la pousse à restreindre fortement l’expression des historiennes (Anne Brenon et Pilar Jimenez) qui ont longuement et profondément étudié le sujet et qui ont successivement dirigé le Centre National d’Étude Cathares – René Nelli de Carcassonne au profit de quelques chercheurs qui essaie en vain depuis 1996 de nier jusqu’à l’existence du catharisme. Les premières n’ont droit qu’à moins de cinq pages d’expression quand les autres s’étalent sur treize pages !

Je vais vous présenter ici les réactions des historiens et chercheurs qui ont lu ces articles et qui les commentent. Cela me semble suffisant, aussi n’ai-je pas jugé utile de m’abaisser à financer cette revue pour faire les mêmes remarques. Je vous déconseille vivement de vous laisser aller à cette manipulation consumériste qui explique le choix du titre.

Réactions diverses

Annie Cazenave, Docteur(e) en histoire et Docteur(e) en histoire de l’art, chercheuse au CNRS (à la retraite). Courrier de réaction au rédacteur en chef de la revue :

«Bravo d’avoir flairé un bon tirage à partir d’un obscur colloque entre médiévistes à Nice (j’y étais) et merci de m’avoir offert l’occasion de m’avoir fait rire : René Lévy au lieu de Nelli et Carcassonne pour Muret, preuve d’une connaissance approfondie. M. Genieys aurait pu actualiser son livre, datant d’une dizaine d’années, pourfendant le Conseil Général de l’Aude. La perle étant : « se détourner du sujet FAUTE DE SOURCE ! », preuve d’une grande rigueur scientifique.
J’en rirais si je n’appartenais pas au CNRS.
Incidemment, M. Roquebert a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Pas mal pour un « romancier ».
Alessia Trivellone a soutenu, à Poitiers, une thèse remarquée, en histoire de l’art. Elle enseigne l’histoire à Montpellier. Celà  équivaut  pour un mathématicien à occuper une chaire de chimiste.
Vos illustrations sont très belles, je pense que vos lecteurs auront plaisir à les regarder. »
Annie Cazenave

Patrick du Côme, président de l’association Rencontres de Montségur :

«Cher Historia,
Cher Eric Pincas
Je vous fais ce jour une réponse de lecteur puisque vous nous préveniez  (nous, vos lecteurs) que le support ne prenait pas position dans ce débat éditorial or, cependant, il offre 13 pages et demie aux « historiens de la déconstruction » et consacre plus « chichement » aux historiennes :  1 page et demie pour Anne Brenon et 3 pages pour Pilar Jiménez Sanchez
Ce qui n’est pas le signe d’une grande objectivité d’autant que certains disent que les titres et sous-titres leur apparaissent tendancieux et rendent ambiguë la position de certains des auteurs.
Enfin, revenons à votre interview de William Genieys, qui aurait pu se montrer intéressant sur le sujet du patrimoine, mais hélas vous l’avez laissé délirer sur un René Lévy  ( !) qui n’a jamais existé autour d’un centre cathare et en le laissant affirmer sans honte que des auteurs, Roquebert et Anne Brenon, sont resté en dehors de l’université ! Quant à ce pauvre Michel Roquebert, il est ici relégué au rang d’auteur de roman de gare (romans historiques !) et votre « expert » qui connaît mieux la longueur des autoroutes que la précision historique confond la prise de Muret avec celle de Carcassonne. C’est dommageable, mais vous n’y êtes pour rien puisque l’interview renvoie à la responsabilité des propos de son auteur.
Moi, je tente, à ma mesure, de faire la part des choses entre la défense de la vérité historique et les tentatives conservatrices militantes de déstabilisation provenant de groupes actifs.
Je serai heureux que vos lecteurs puissent lire mon courrier ou partie de mon propos, si vous le voulez bien
Recevez, Cher Eric Pincas,  l’assurance de ma meilleure considération de lecteur.
Bien à vous»
Patrick duCome, fidèle lecteur 

Chantal Benne, croyante cathare :

«Monsieur le rédacteur en chef

Je ne reviendrai pas sur les erreurs de M . Genieys, déjà relevées par des personnes plus compétentes que moi en la matière (Anne Cazenave médiéviste et ancienne chercheuse au CNRS et Patrick du Come , Président des Rencontres de Montségur),Je désire juste vous transmettre mon immense déception au sujet de cet article.
De nombreuses méthodes peuvent être utilisées pour museler et diriger les esprits, fourvoyer la mémoire collective, tenter d’étouffer une pensée dérangeante, mais après les terribles méthodes inquisitoriales destructrices au Moyen-Âge d’un ensemble de réseaux sociaux et culturels propres à un peuple, cette méthode moderne du négationnisme me semble bien être la plus insidieuse , la plus pernicieuse et la plus dangereuse inventée à ce jour. Poser la question c’est déjà induire le doute. Induire le doute dans une Histoire qui est encore à réhabiliter c’est pérennniser une situation mensongère et antiscientifique qui dure depuis trop longtemps. C’est très décevant de la part de personnes qui se veulent dispensatrices d’un certain savoir pour tout public, mission des plus nobles à mes yeux que j’avais eu sottement l’innocence de vous attribuer. Le fait de se donner un nom à consonnance latine ne suffit pas à garantir la véracité du travail produit. Dans le cas d’un tel article, le nom «histoires» siérait mieux, il me semble.
Pour avoir une connaissance correcte de ce qu’a été le catharisme au XIIIème siècle, les documents sont assez nombreux aujourd’hui : les écrits de René Nelli, Emmanuel Leroy Ladurie, Jean Duvernoy, Michel Roquebert, Anne Brenon, Anne Cazenave, pour ne citer que quelques-uns de ces spécialistes, historiens, médiévistes, diplômée de l’école des hautes études en sciences religieuses…ces écrits, donc ont contribué à la réalisation d’ un réel travail d’Histoire pour débarrasser le catharisme des interprétations charlatanes inventées par les divers marchands de vent, adeptes de religions ésotériques et autres occultistes fantaisistes qui depuis le XIXème siècle effectuaient ,en récupérant le catharisme la plus grosse escroquerie historique en empêchant tout un peuple de connaître, et de se réapproprier son Histoire.
Douter de l’existence d’une philosophie et d’une spiritualité cathare, c’est nier tout un pan de l’Histoire, c’est oublier la triste réalité de la croisade et des barbaries de l’inquisition, c’est du même esprit que considérer les chambres à gaz comme un détail de l’histoire. Qui oserait écrire par exemple aujourd’hui : « L’esclavage a-t-il existé?». Pour se réaliser un peuple a besoin de connaître son Histoire, aussi laide soit-elle. Les mensonges et les non-dits ont un rôle aussi destructeur que les autodafés ou les pillages organisés des bibliothèques et des archives (cf. les S.S, Alfred Rosenberg) qui finalement ont pour seul but de réécrire l’histoire.
En ce qui concerne le catharisme du XXIème siècle, l’association« Cultures et études cathares», créée en juin 2011 a un site sur internet qui est une mine d’informations importantes pour tous ceux qui sont intéressés par l’Histoire, ainsi qu’ un Forum de discussion qui permet à tout croyant de partager dans la Bienveillance et l’altérité, et enfin l’Église, issue de la résurgence du catharisme médiéval ayant son premier chrétien (consolé) depuis la pentecôte 2021, et son siège social à Carcassonne , a depuis la pentecôte de 2021 une vie dans la droite ligne de la philosophie et de la spiritualité cathare.»
Chantal Benne, croyante membre de la communauté cathare de France.

Annie Cazenave vient de me transmettre une réponse approfondie adressée à Historia :

De l’objectivité en histoire
« Puisque les Rencontres de Montségur m’ont fait l’amitié de me mentionner dans le débat portant sur le dernier numéro d’ Historia je me sens autorisée à intervenir ici. Je doute fort que ma lettre paraisse dans le prochain courrier des lecteurs d’Historia : elle était concise et sans ambigüité. Il est évident que cette revue a flairé un fort tirage, renouvelant l’exploit de l’Histoire en décembre 2016, et la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées. D’où mon titre.
Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l ’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à se débarrasser du trublion. Et celui-ci, en compulsant ses dossiers, a trouvé la faille : la grand mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne.. Etendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir qu’on éprouve après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à1273,, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.
Par hasard, au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre elles étaient rejetées, au motif que l’aïeul avait été pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !
Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner: il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son brûlot à prétention sociologique commis il y une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci en se parant du label « Pays cathare » a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Etudes cathares, hélas fermé depuis2011, qu’ il dote de membres ésotériques pour se contredire neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin ( ?) qui assimilent la croisade des Albigeois à une hérésie protestante. ». Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources » (exit le P.Dondaine) . Et Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : il a reçu le Grand Prix Gobert d’histoire de l’Académie Française. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens. Ignorant, entre autres, Nelli, permet d’interpréter en surface la réalité, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome.
Que l’adjectif « cathare » soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la naïve expression populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire .
Le moi est haïssable, surtout pour un historien ( c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre, j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que cette histoire, la nôtre, nous touche au cœur. Cet attachement n’empêche pas l’intégrité de la recherche,et de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos maîtres, dans mon cas l’Ecole des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allégrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance. Pourquoi ne se moque-t-on jamais des Corses, des Bretons ou des Basques ? parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?
Michel Roquebert, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ». Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction, énoncée par Derrida. Mais la recherche de celui-ci portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice D.Iogna-Prat avait émis une objection pertinente : constatant que les écrits concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs, il s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection est pertinente à propos des controverses, elle ne tient pas appliquée aux documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de coupables : les déposants le sont forcément devant le tribunal, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs juges se soucient uniquement de la gravité de leur faute. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Age la liberté de conscience était inconnue.
Passons des mœurs au langage . Il est exact que le mot « cathari » a été écrit vers 1167par le rhénan Eckbert de Schönau . Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi » c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse, écrit vers 1220, donc avant l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un manuscrit, on l’est moins de ne pas savoir que C.Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495) qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P.Dondaine. En fait, c’est un mot savant, appartenant au vocabulaire des hérésiologues, plus précis que « manichéen », emprunté à st-Augustin. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est celui du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ». Ce mot est inadmissible pour l’inquisiteur ! Il parle d’ « hérétique ». Mot récusé de nos jours.
Aujourd’hui le mot « cathare » est employé par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch.O. Carbonell : « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris au piège d’une double et perverse tentation, la recherche en paternité et le recours à l’analogie ». Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir de se réapproprier des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il a suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier, était pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire: leur enthousiasme l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans –tant pis pour eux. A Montségur j’ai été le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont remporté un grand succès entre les deux guerres, s ‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Effectivement, le lien entre le Graal et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme a pu être identifié à une quête de la puissance et de la surhumanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup.: je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998.
A savourer : la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ». Evidemment, surtout si son auteur s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage a faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne – dont la spécialité est l’histoire de l’art- énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps et éditer des manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia Anne Brenon est la seule auteur à avoir fait des éditions de textes.
L’ampleur du sujet peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIéme s. jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310 (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIéme s. la dissidence religieuse continue, concentrée sur le cœur du problème, la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes, auxquels les historiens de formation universitaire classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré H.von Döllinger, Ch.Puech, A.Dondaine, Ch.Thouzellier, H. Söderberg, R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.
Conclusion : achetez Historia… si vous avez un solide sens de l’humour. Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Annie Cazenave (réponse argumentée de façon plus précise avec indication des sources) :

« De  l’objectivité en histoire

Il est évident qu’Historia, bonne revue de vulgarisation, en titrant sur « les Cathares, vrai ou faux »  a espéré  un fort tirage, qui aurait  renouvelé  l’exploit de l’Histoire  en décembre 2016, car la place minime concédée à Anne Brenon et Pilar Jimenez prouve qu’elles ont été instrumentalisées.  D’où mon titre.

Par hasard une phrase d’Anne s’accorde avec lui : son allusion au chanoinie Delaruelle mérite d’être  développée : en fait il a emboîté le pas, et s’en est vite repenti, à Y.Dossat , qui, ayant trouvé la sentence condamnant Adalaïs Raseire, prise à Montségur, à être brûlée à Bram, en a trop vite  conclu qu’il n’y avait pas eu de bûcher à Montségur. Cette révélation tonitruante renvoie en fait aux historiens qui l’ont commise, à la manière même dont leur esprit fonctionne.
L’acte en question est un simple vidimus tardif, copie d’un manuscrit d’inquisition perdu : l’évêque d’Albi, Bernard de Castanet, irrité par le viguier, avait demandé à l’inquisiteur de Toulouse de l’aider à  se débarrasser du trublion. Et il a trouvé la faille en compulsant ses dossiers : la grand-mère du viguier, Adalaïs Raseire, était hérétique, ce qui interdisait à son descendant d’exercer une fonction civile. Qu’on se rassure, il s’est maintenu à son poste.
Le  cas d’Adalaïs Raseire est singulier. On peut donc supposer qu’elle était originaire de Bram et y été amenée pour faire un exemple. De même Bélibaste a été brûlé à Villerouge-Termenès, et non à Carcassonne. Étendre un cas particulier à une situation collective, cette bévue découle peut-être simplement du plaisir éprouvé après avoir fait une trouvaille. Peut-être aussi le consciencieux auteur d’une thèse sur l’Inquisition de 1233 à 1273, familier de la minutieuse rigueur procédurale, s’est-il inconsciemment élevé contre la barbarie du bûcher. Les cris rugis de toutes parts l’ont forcé à se rétracter.

Par hasard,  au même moment, l’auteur de ces lignes travaillait aux Archives Nationales sur les manuscrits KK, dossier, à partir de 1256, des plaintes de descendants de seigneurs déshérités demandant la restitution du bien familial : une dizaine d’entre-elles  avaient été  rejetées, au motif que l’aïeul  avait été  pris à Montségur et fuit combustus ibi : ibi  signifie là, sur place, et non à quarante kilomètres !

Dans son article Anne Brenon a fait allusion au nombre d’âneries précédemment assénées par des historiens diplômés. Après cette embardée revenons à nos moutons : les cathares ont-ils vraiment existé ? Le lapsus superbe : René Lévy pour René Nelli, suffirait à  qualifier le sérieux de la revue, si William Genieys ne venait le couronner : il se contente de répéter, sans se donner la peine de l’actualiser, son  brûlot à prétention sociologique commis il y  une vingtaine d’années contre le Département de l’Aude : celui-ci  en se  parant du  label « Pays cathare »  a « inventé un monde imaginaire à but commercial ». Après un paragraphe hors sujet sur la carrière politique d’Eric Andrieu il lie, grâce à leur adjectif commun, le label Pays cathare au Centre d’Études cathares, hélas fermé depuis 2011, qu’il dote de membres ésotériques pour se contredire  neuf lignes plus bas. Il lui attribue « des historiens d’outre Rhin » ( ?)  qui  assimilent la croisade des Albigeois à une « hérésie  protestante. ».  Autres perles : « les historiens académiques se détournent du sujet, faute de sources »  (exit le P.Dondaine). Et  Michel Roquebert « écrivait plutôt des romans historiques » : apparemment il ignore que l’Académie Française lui a décerné le Grand Prix Gobert d’histoire. Cette perspective uniquement sociologique, gommant les historiens et la recherche. Ignorant, entre autres, R. Nelli, en ramenant tout au commercial et supprimant l’existence d’une pensée autonome, se contente d’interpréter  en surface la réalité.

 Que  l’adjectif « cathare »  soit employé à tort et à travers n’est pas du mercantilisme mais à mon sens la  naïve  expression  populaire de l’amour porté à son pays à travers son passé et la singularité qui le distingue. Le  sociologue a ressenti sans la comprendre la revendication identitaire.
Le moi est  haïssable,  surtout pour un historien  (c’est le principal reproche fait à Napoléon Peyrat). On me pardonnera  cependant d’envisager la question en partant de ma situation personnelle : petite fille de félibre,  j’assume pleinement mon occitanité. Car il est évident que  cette histoire, la nôtre, nous  touche au cœur. Cet attachement  n’empêche  pas l’intégrité  de la recherche, ni de lui appliquer la méthode scientifique apprise de nos  maîtres, dans mon cas l’École des Annales, laquelle a l’avantage de nous éviter les anachronismes de mentalité allègrement commis outre Atlantique. Polis, nous recevons nos hôtes aimablement, mais apprécions peu leur condescendance — surtout quand on a été invitée par une université américaine. Certes, les  auteurs toulousains de livres d’histoire sont « journaliste » et « avocat ». Mais le journaliste  était licencié en philosophie, et le juriste docteur en droit,  ce qui les qualifiait fortement pour traiter de théologie et de procédure. En outre, l’enracinement porte à comprendre intuitivement l’univers mental de ceux qui nous ont précédés. Il fallait être né à Pamiers pour aller faire repentance à Montségur !

Pourquoi  ne se moque-t-on jamais  des Corses, des Bretons ou des Basques ?  parce qu’au lieu de brandir des fusils les occitans se contentent de rêver ?

Michel Roquebert, donc, licencié en philosophie, a fait aux « négationnistes » beaucoup d’honneur en les nommant « déconstructionnistes ».  Son intervention au colloque de Foix était éblouissante ; il l’a condensée et abrégée dans son article de l’Hommage à Jean Duvernoy. En fait, il a interprété leur position en la rapprochant de la théorie à la mode de la déconstruction. Mais la recherche de Derrida portait sur les seuls textes philosophiques. Au colloque de Nice l’objection émise par D.Iogna-Prat , était pertinente : constatant que les écrits  concernant les « hérétiques » émanent des seuls clercs,  il  s’est demandé si leur vision n’était pas déformée par leur état. L’objection  est pertinente à propos  des controverses, elle ne tient pas appliquée aux  documents d’inquisition, qui sont de la procédure : il ne s’agit plus alors de recherche savante de la vérité de la foi mais de celle, prosaïque, de faits coupables : devant le tribunal les déposants sont forcément coupables, puisque déjà dénoncés par leurs complices. Leurs  juges  se soucient uniquement de la gravité de leur faute, assimilée à un péché. Ce tribunal n’existe plus. Le contester est vain, et serait commettre un anachronisme de mentalité : au Moyen-Âge la liberté de conscience était inconnue.

Passons  des mœurs au langage. Il est exact que le mot « cathari » a été écrit  vers 1167 par le rhénan Eckbert de Schönau. Mais s’en servir pour affirmer que « les cathares n’ont pas vécu dans le midi »  c’est avouer involontairement son ignorance : dans un manuscrit ayant appartenu aux frères prêcheurs de Toulouse,  écrit vers 1220, donc avant  l’institution de l’Inquisition, aujourd’hui à la bibliothèque municipale de Toulouse, non seulement le mot figure, mais même comme  titre de rubrique : de heresi catharorum . On est excusable d’ignorer un  manuscrit, on l’est moins  de ne pas savoir que C. Douais l’a édité en 1910. En outre le terme se retrouve ailleurs, dans un manuscrit de Reims (ms 495)  qui est un appel à la Croisade. Même appartenance dans un manuscrit de Prague édité par le P. Dondaine. En fait, c’est un mot savant, venu du grec, appartenant au  vocabulaire des hérésiologues, alors que « manichéen » est emprunté à St-Augustin, lu par tous les clercs. Comment caractériser en effet des suspects qui se désignaient eux-mêmes comme Bons chrétiens ? C’est  le mot du salut rituel, en langue d’oc : « Bons chrétiens, la bénédiction de Dieu et de vous ».  pour l’inquisiteur  ce mot est inadmissible  ! Il parle d’« hérétique ». Mot qui condamne, donc  récusé de nos jours.

Aujourd’hui le mot « cathare » est employé  par convention par les historiens, et adopté communément. Comme l’écrit Ch. O. Carbonell :  « pendant quatre siècles les cathares… n’ont cessé d’être autres  qu’eux-mêmes, puisqu’ils étaient pris  au piège d’une  double et perverse tentation, la recherche en paternité  et le recours à l’analogie ».  Double démarche, en effet, qui découle d’une source unique : le désir  de se réapproprier  des ancêtres. Depuis Napoléon Peyrat il  a  suscité différents mouvements, tous nés d’une recherche originale, et sous la Troisième République plus ou moins liés  à la franc-maçonnerie, ouvertement pour Déodat Roché qui assimilait le consolament à l’initiation maçonnique. Ils restaient l’apanage des milieux instruits et bourgeois, car l’histoire enseignée aux petits écoliers ignorait précautionneusement la Croisade des albigeois, qui aurait contrarié la vision républicaine de l’unité de la France. L’un des auteurs de ces manuels, Ch. Renouvier,  était  pourtant né à Montpellier, et est revenu finir ses jours à Prades. C’est la fameuse émission de télévision de La caméra explore le temps, en 1966, qui a appris aux Occitans cette part de leur histoire : leur enthousiasme  l’a rendue populaire. On peut se gausser des excès, seuls en rient les franchimans — tant pis pour eux. À  Montségur j’ai été  le témoin un peu surpris de l’émotion intense ressentie par des visiteurs venus en touristes.
On a cherché des correspondances dans d’autres civilisations, ou cultures. Le romancier Maurice Magre, dont les romans, en particulier Le sang de Toulouse, ont  remporté un grand succès entre les deux guerres, s‘est dit proche des bouddhistes, à cause de la réincarnation. Passé de mode, il est ignoré.

Effectivement, le lien entre le Graal  et Montségur est hypothétique. Mais il est ahurissant qu’on ait écrit : « le catharisme  a pu être identifié à une quête de la puissance et de  la sur-humanité située dans les sources de l’hitlérisme » et citer Rosenberg, dont la photo illustre ce passage, en ignorant totalement Otto Rahn, et au surplus Saint-Loup. Je renvoie à ce sujet à l’article de Gwendoline Hancke paru dans le colloque : Catharisme, l’édifice imaginaire, Carcassonne, 1998. À vrai dire, son titre seul indique le panorama de la recherche alors en cours. Il eut suffi de la rafraichir. Encore aurait-il fallu le connaître.

À savourer, la phrase, en titre de page gras, d’Alessia Trivellone : « Les sources médiévales ne peuvent pas être prises au pied de la lettre, surtout quand les documents issus de la papauté restent volontairement vagues ». Cette phrase vient en mise en garde finale : « ils nécessitent toujours une interprétation attentive ».  Evidemment, surtout si son auteure s’est bornée à la lecture de… René Lévy ! L’origine d’un manuscrit est le premier repérage à faire pour l’interpréter. Toutefois, la page précédant l’article de l’italienne  — dont la spécialité est l’histoire de l’art — énumère les écrits d’origine cathare : à ce propos rappelons l’exposition remarquable de photos de pages de ces manuscrits écrits « de main cathare » faite par Anne Brenon et Jean Louis Gasc au château de Carcassonne. Le travail du médiéviste consiste à découvrir, déchiffrer, restituer dans leur temps  et éditer des  manuscrits. Dans ce numéro de la revue Historia,  Anne  Brenon est la seule auteure à avoir  fait des éditions de textes.

L’ampleur  du sujet  peut décontenancer : il s’étend sur plus d’un siècle, de ses débuts obscurs à la seconde moitié du XIIème s.  jusqu’au bûcher de Pierre Authié en 1310  (on peut y rajouter celui de Bélibaste, mais la communauté était alors éteinte, ou dispersée). Et il porte sur  deux plans : l’histoire, militaire d’abord, la Croisade et ses suites, Muret, Baziège, l’installation territoriale des Croisés, la fin de la  rébellion guerrière à la chute de Montségur. Mais dans la seconde moitié du XIIIème s. la dissidence religieuse continue dans la clandestinité, concentrée sur le cœur du problème : la religion. Elle pose des problèmes théologiques, métaphysiques mêmes,  auxquels les historiens de  formation universitaire  classique ne sont pas préparés. Ils tournent autour du sujet sans en pénétrer le sens
C’est au contraire ces questions métaphysiques primordiales qui ont fait la survie de cette religion médiévale, elles qui ont attiré  H. von Döllinger, Ch. Puech, A. Dondaine, Ch. Thouzellier, H. Söderberg,  R. Manselli …. Le problème du Mal reste posé. La spiritualité reste pour certains attirante.

Conclusion : achetez Historia, si vous avez un solide sens de l’humour.  Prenez garde à la colère si, passionné, vous avez le cœur fragile.»

Conclusion

Voilà qui me semble clair et qui vient poursuivre une navrante collusion de certaines revues bas de gamme désireuse d’augmenter leur tirage.

Venez en discuter sur le forum dédié.

Rendez-vous cathare

7-2-Activités culturelles
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Rendez-vous cathare de Carcassonne

 

L’association Culture et études cathares propose, aux personnes intéressées, un rendez-vous mensuel, par visioconférence Skype®, pour échanger sur des thématiques liées au catharisme.

Le logiciel Skype® est gratuit et peut fonctionner sur tous les supports : ordinateurs de bureau (PC ou Mac), tablettes et smartphones (Android® et Apple®).

Le prochain rendez-vous est fixé au :

Dimanche 16 octobre 2023 de 16h30 à 18h30

Le code à utiliser dans Skype®, après vous être connecté à votre compte Skype® est disponible dans ce forum.

Ci-dessous les propositions de thèmes pour la prochaine réunion. Nous en retiendrons trois au maximum, sur des sujets historiques, spirituels et pratiques. Utilisez le formulaire ci-dessous et venez sur les forums pour en discuter.

Sujets à traiter :


Fonctionnement

Pour permettre à chacun de participer sans contrainte de déplacement ou de problèmes sanitaires, les discussions se tiennent en visioconférence avec le logiciel Skype®. Une réunion sera ouverte et vous pourrez demander à y entrer en utilisant le code que vous trouverez dans le forum ad hoc environ une semaine plus tôt.

Ci-dessus, vous trouverez, quelques jours avant la date retenue, le lien vous permettant d’accéder à la conversation.
Les horaires dépendent du rituel des vêpres qui ont lieu à des horaires variables :
– 16h00-18h00 de mai à juillet inclus (vêpres à 18h30);
– 16h30 à 18h30 de août à octobre inclus et de février à avril inclus (vêpres à 19h00);
– 17h00 à 19h00 inclus de novembre à janvier inclus (vêpres ) 19h30).

Attention, si vous ne vous connectez pas sur Skype®, votre participation en tant qu’invité vous interdira de parler. Ouvrez donc un compte et connectez-vous lorsque vous voudrez rejoindre la réunion.

P. S. : Les croyants dûment validées par l’Église cathare de France se retrouveront 1/4 d’heure plus tôt sur un autre fil de visioconférence pour une Amélioration collective. Si besoin contactez Guilhem de Carcassonne via le formulaire de contact du site disponible dans le bandeau noir en bas de page.


Pour signaler votre participation, proposer des thèmes ou poser des questions, utilisez le formulaire ci-dessous. Les questions déjà traitées dans le passé peuvent être re-proposées après un délai de six mois si vous n’étiez pas là le jour où nous en avons parlé.

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    Je participerai certainementJe participerai probablement

    Proposez des thématiques que vous aimeriez voir traitées :

    J'aimerais vous poser la question suivante :


    Sujets traités en 2023

    Septembre

    1. L’Amélioration (Melhorer ou Melhoramentum) aujourd’hui : conditions, fréquence, pratique, etc.
    2. « Correction» de l’Épître aux Galates par Marcion, quel enseignement en tirer?

    Août

    1. Rencontre cathare de la résurgence à Peyrens le 8 octobre
    2. La pratique de la méditation cathare
    3. Est-ce que l’Église Cathare de France croit réellement en un « Dieu étranger/mauvais/Démiurge »? Ou bien, le considère-t-elle une allégorie?
    4. À votre avis, la nature, la matière, le corps, sont-ils intrinsèquement mauvais ou sont-ils plutôt « malades », victimes d’une souffrance et d’une douleur universelle et existentielle?
    5. J’ai lu qu’au Moyen Âge il existait diverses doctrines même à l’intérieur du Catharisme: dualisme absolu ou mitigé, trinitarisme et anti-trinitarisme… Quelle est donc la position de l’Église Cathare de France? Est-ce qu’elle reconnaît comme valide et authentique une vision spécifique, ou serait-elle disposée à accepter des doctrines « parallèles », pour ainsi dire?
    6. D’un point de vue historique et théologique, comment justifiez-vous une renaissance du Catharisme – vue comme la manifestation authentique et apostolique du Christianisme originaire – en l’absence d’une continuité historique (successio apostolica)? D’où vient le consolamentum, s’il n’y a pas eu aucun qui le transmettait pendant les siècle derniers?

    Juillet

    1. Peut-on de manière sûre, aujourd’hui, affirmer sur quels appuis scripturaires antérieurs reposaient la religion des Pauliciens ?
    2. Les croyants : définition, révélation, importance, cheminement

    Juin

    1. «Remarques» statistiques sur l’écoute et la lecture des prêches depuis le début du culte cathare (septembre 2021)
    2. Actes des Apôtres, chapitre VII: En quoi le discours d’Etienne devant le Sanhédrin a-t-il pu le faire accuser de blasphème de Yahvé et de Moïse?

    Mai

    1. Comment présenter le catharisme à un néophyte pour l’intéresser sans le faire fuir ?
    2. Propositions de conférences pour le 8 octobre prochain

    Avril

    1. Evangile selon Mathieu 17, 1-19; Pourquoi le choix de Moïse et Eli pour apparaître près de Jésus au-début de la Transfiguration?
    2. Le prophète Elie est-il considéré comme annonciateur du Messie par les catholiques? Quelle était la position des cathares du Moyen-Age à ce sujet?

    Mars

    1. Devenir de la Bibliothèque cathare : propositions, solutions, mise en œuvre

    février

    1. Les cathares ont-ils fait des choix et réfuté certaines parties du Nouveau Testament?
    2. Les logia 7, 8 et 18 de l’évangile selon Thomas sont inconnues des évangiles canoniques. Il me semble clairement qu’ils parlent de l’éveil.

    janvier

    1. Le composé humain tripartite

    Sujets traités en 2022

    Décembre

    1. Se situer sur son cheminement spirituel personnel (Chantal Benne)
    2. Intégrer un niveau débutant dans le site et les forums (Éric Delmas)

    Novembre

    1. La spiritualité du catharisme. Discussion sur la journée de conférences du 5.
    2. Matthieu,27-46,  Marc,16-34, Luc,24-46 : Comment expliquer une telle différence d’interprétation entre les deux premiers et Luc : Luc,22,35-38- le moment d’être équipé et armé: Comment expliquer ces paroles ?

    Octobre

    1. Le concept de l’être (et de l’étant) selon Parménide et le concept cathare, sont-ils exactement les mêmes?

    Septembre

    1. Qui était Jean de Lugio, auteur du « Livre des deux principes »? (Pierre Chambard)
    2. Commenter la Glose du Pater (1-2-4-5) in « Rituel occitan de Dublin » in « Les textes cathares »: sur le site, pour vous remettre les textes en mémoire.

    Août

    1. Comment préparer la nécessaire formation et transition du site internet, de la boutique qui vend le livre de É. Delmas, et la gestion de la bibliothèque cathare (y compris la récupération des livres).

    Juillet

    1.  Le service ou « Apparelhment »: étude des  phrases:  » Nous demandons miséricorde à Dieu, et à vous pour que vous priiez pour nous le principe parfait afin qu’il nous pardonne. » ;  » Prions devant Dieu et reconnaissons nos fautes et nos manquements à l’égard du Père et du Christ, et du Saint-Esprit. »

    Juin

    1. Discussion à propos de la rencontre du Sautel de dimanche dernier
    2. Pour faire suite à la discussion proposée par Guilhem sur les rencontres du Sautel, animées par Gilles-Henri et Guilhem : Qu’est-ce exactement que la « communauté cathare orientale » que promeut Gilles-Henri ? Est-elle intégrée au sein de l’Eglise cathare de France, bien que de tendance dualiste mitigée, si je ne me trompe pas? En est-elle un courant ou en est-elle séparée? Je pose cette question car Gilles-Henri est « administrateur en charge du suivi des croyants » sur le règlement intérieur de l’ECF

    Mai

    1. Qu’est-ce que la convenenza? Qui, de nos jours, pourrait en bénéficier ? Comment la mettre en oeuvre concrètement ?
    2. Le projet de Nouveau Testament cathare : point d’avancement, commentaires et suggestions.

    Avril

    1. Le don des langues accordé aux apôtres à la Pentecôte. Y a-t-il une bonne lecture cathare de cet événement ? À mon avis, cela serait lié (pour l’inverser radicalement) à la malédiction de Babel…(José Reig Fenol)
    2. L’éveil qui constitue le premier pas vers l’Esprit unique doit être l’objet absolu de l’attention du croyant cathare (Guilhem de Carcassonne)
    3. Réflexion sur l’Amélioration (Guilhem de Carcassonne)

    Mars

    1. Existe t-il une exégèse cathare de la « Transfiguration » ? Pourrait-on en faire une ensemble ?
    2. Qu’est-ce que l’éveil ?

    Février

    1. Peut-on progresser dans sa foi sans tout pouvoir pardonner ?
    2. Les Jacques dans l’Histoire chrétienne: Jacques le mineur, Jacques le majeur, Jacques de Compostelle (leur généalogie et leur rôle dans le christianisme)
    3. Quelles relations établir au quotidien entre Guilhem de Carcassonne – et/ou d’autres éventuels revêtus – et les croyants et les sympathisants cathares, que ce soit par contact physique direct ou via les réseaux sociaux (Facebook, Skype, WhatsApp…) afin de progresser à leur contact, via leur enseignement et leur exemple, et d’ainsi compléter les prêches diffusés dans les cultes mensuels sur YouTube?

    Janvier

    1. Matrix® : La parabole cathare extrême.

    Sujets traités en 2021

    5 décembre

    1. La cosmologie et la cosmogonie : espaces spirituels et espace temporel. (Guilhem)

    7 novembre

    1. Les expressions de la grâce divine chez les cathares

    3 octobre

    1. Que s’est-il passé du 3 au 16 mars 1244 à Montségur ?
    2. Le «kérygme» apostolique dans la prédication de Paul

    5 septembre

    1. Jésus, le corps pour les cathares
    2. Les  trois Jean
    3. L’apocalypse

    1er août 2021

    1. Le composé tripartite, humain et spirituel
    2. Le non-dit est-il assimilé au mensonge ?
    3. Lien entre la gnose cathare et la gnose chez les mystiques musulmans sunnite tel que Ibn Arabi, Ruzbehan… Existe-t-il des textes relatifs aux liens entre catharisme et ismaëlisme ?

    4 juillet 2021

    1. Quels sont les effets du jeûne prolongé sur la pensée et sur les sens ?
    2. Le projet de statuts de l’Église cathare de France

    6 juin 2021

    1. Le libre arbitre
    2. Installation physique d’une communauté cathare
    3. La Cène secrète : savons-nous plus de choses sur les 77 livres dictés à Enoch par Satanas ?

    2 mai 2021

    1. Admonestation du consolé au novice lors de la Consolation
    2. Présentation de la gnose et comparaison avec le catharisme
    3. La Bienveillance
    4. l’habillement, l’entretien corporel et l’alimentation des cathares.

    4 avril 2021

    1. Les pauliciens : leur passage en Languedoc à la suite de la mort de Raimond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse, lors de la première croisade ; leur influence sur l’émergence des bogomiles, des cathares italiens et leurs rapports avec les empereurs byzantins (Constantin IV Copronyme, Jean Timiczès et Alexis 1er Comnène).
    2. Le mensonge : sa compréhension élargie par les cathares ; comparaison avec la vision judéo-chrétienne et implications quotidiennes.
    3. La mise en œuvre de la Règle de justice et de vérité à notre époque où la prégnance mondaine semble de plus en plus forte.

    7 mars 2021

    1. Le siège et la prise de Minerve
    2. La laïcité et la liberté d’expression dans l’espace public
    3. L’éducation des enfants à la diversité religieuse et philosophique
    4. L’impérieuse nécessité d’acquérir des connaissances et d’étudier pour avancer dans son cheminement

    7 février 2021

    1. Les chanoines d’Orléans (1022)

    3 janvier 2021

    1. La prise de Carcassonne (15 août 1209)
    2. Le Bien dans la théologie cathare
    3. Rétablir les rituels et sacrements aujourd’hui

    Sujets traités en 2020

    6 décembre 2020

    1. La filiation historique du catharisme : de Marcion aux Pauliciens
    2. L’homme naît-il bon ?
    3. La pratique de la méditation cathare

    1er novembre 2020

    1. L’Amélioration : appelée Melhoramentum au Moyen Âge, principal rituel ecclésial
    2. Le composé tripartite humain : corps, âme et esprit saint
    3. Le prologue de l’Évangile selon Jean (versets 1 à 17) : le texte de référence cathare

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    Sur le chemin cathare : la règle de justice et de vérité

    7-3-Publications
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    Sur le chemin cathare : la règle de justice et de vérité

    Justice et vérité, rappelle Anne Brenon dans son fascicule « Les mots du catharisme », sont d’abord les attributs de Dieu lui-même. Cette voie, ou règle, rassemble donc les valeurs du Bien, celles des Préceptes qui forment la règle de l’Évangile. C’est la voie qui peut permettre le salut.
    La Vérité, valeur cardinale cathare nous relie aux apôtres « ceux qui ne mentaient pas » en opposition à la fois, à l’Église catholique romaine, et au diable qui lui en a fait son essence première. On saisit, de prime abord , l’importance du voeu de vérité cathare qui est, me semble-t-il, le plus accessible et le plus fécond parmi les premiers voeux du croyant en chemin.
    La justice, autre valeur suprême du Bien, s’exprime, elle, par l’Amour ou Bienveillance et la miséricorde à l’égard de toute vie et va produire la non-violence. Des fondamentaux de cette voie, les préceptes doctrinaux, on le voit, coulent de source.
    La règle de justice et de vérité s’adresse à la conscience de chacun. Si elle est destinée à l’usage des Consolés, elle représente néanmoins le modèle moral essentiel à tout croyant cathare pour mettre en oeuvre sa spiritualité. C’est en étudiant tout d’abord, puis en adoptant progressivement chaque élément de la règle de justice et de vérité que tout croyant pourra cheminer vers son noviciat puis sa Consolation.
    Cette règle chrétienne rappelle la ligne de conduite morale et sociale qui anime les chrétiens (ou Consolés) .
    Je m’appuie, vous vous en doutez, sur les divers travaux de Guilhem pour effectuer mon propre travail.

    L’Amour

    Le commandement premier est, nous le savons tous, l’Amour, l’Amour universel, nommé Bienveillance par Guilhem, l’Amour tel qu’il est décrit par Jean .
    Jean, (14. 34-35) « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »

    Il faut être dépourvu de toute étincelle divine pour ne pas comprendre et tenter d’appliquer, même si ce n’est qu’en discontinu, cette quintessence de la Parole. En tout être humain socialisé, existe la propension à aimer, à aimer ses semblables, à vouloir s’en rapprocher, à éprouver le besoin de partager. Mais la noblesse de l’âme, c’est de diffuser cet amour à tout instant, de manière constante, et à tout ce qui vit. C’est en même temps bannir la haine de son cœur. Face à la violence physique ou morale constatée ou subie, ne plus éprouver de haine : voilà un vrai défi à se donner ! Nous avons bien peu d’exemples concrets d’êtres humains ayant élevé ainsi leur âme spirituelle, alors que les transmigrations d’âmes sont notre lot.

    Les cathares, selon l’exemple de Christ, se sont donné cette règle de vie, ayant compris l’importance de ce concept incontournable. Pratiquer la Bienveillance, c’est bannir la haine en nous, c’est par voie de conséquence bannir la violence inhérente à notre nature imparfaite. Cet unique chemin pour parvenir à notre bonne fin met bien en lumière en même temps la pureté de la quête et la difficulté à l’atteindre.

    Cette Bienveillance émanation du principe du Bien, totalement ignorante de son contraire, est lisible à l’envi dans le Nouveau Testament :
    Matthieu rapporte ces autres paroles de Jésus (5. 44-45) : « Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons… » Il s’agit bien de l’Amour universel prodigué par le principe du Bien, totalement ignorant de son contraire.

    Il est important, me semble-t-il, de s’interroger sur notre position personnelle quant à ces deux versets. En toute sincérité, il nous apparaîtra assez vite qu’il sont déjà bien plus difficiles à appliquer que ce que pouvaient nous laisser croire les versets de Jean.
    En effet, puis-je vraiment dire que je ne ressens plus de rancoeur à l’égard de la personne qui m’a blessée, que je n’éprouve aucune colère contre les actes de violence et d’injustice dont je suis témoin, ou encore aucune haine à l’égard d’un tyran agissant impunément au vu et au su de tous ? Je comprends alors très vite que la Bienveillance est un très long apprentissage, une quête sans fin mais aussi la lumière qui éclaire mon chemin. La Bienveillance n’étant pas de ce monde, elle y est toujours à parfaire.

    Pour conclure cette réflexion sur l’Amour universel, je dirai que le plus beau texte que je connaisse aujourd’hui se trouve lui aussi dans le Nouveau Testament, dans la première épître de Paul aux corinthiens (13, 1-7) :

    Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
    Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science.
    Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
    Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien.
    L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité, il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. »

    De cette praxis de la Bienveillance deux applications directes en découlent. Nommés encore les fondamentaux, ce sont la non-violence et l’humilité.

    La non-violence

    Le concept de non-violence, lorsqu’on se donne la peine de l’étudier vraiment a vite fait de nous prouver nos limites . Qui en toute honnêteté peut se dire absolument « non violent » ? La réponse sans aucune ambiguïté est tout à fait incertaine.
    Si la Bienveillance est si peu de ce monde, c’est bien parce que la violence en occupe presque toute la place. Il faut, je crois une longue pratique de maîtrise de soi et une grande humilité aussi pour résister à répondre à la violence. Ce qui nous permet par ailleurs de comprendre comment ces concepts fondamentaux se croisent, s’interpénètrent, s’enrichissent les uns les autres.
    Il y a peu de Gandhi, peu de Térésa dans le genre humain !
    En effet, qui peut sincèrement prétendre parvenir à cette injonction de Jésus ?

    Matthieu, 5-39 : « Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. »

    Dans le catharisme, la violence légitime n’existe pas. Le cathare peut seulement s’interposer pour essayer de calmer la violence car il s’agit de pratiquer la non-violence absolue, c’est-à-dire qu’il s’agit d’évacuer tout concept de violence de notre nature spirituelle. C’est pour cela que si nous voulons vraiment nous assurer qu’aucune de nos actions ne puisse nuire à quiconque nous devons l’étudier consciencieusement. La tâche, alors, paraît vite insurmontable dans ce monde. Notre Bienveillance doit ainsi s’appliquer envers toute forme de vie consciente selon une graduation précisément décrite par Guilhem dans son article du 23 juin 2019 (Les fondamentaux de la doctrine et de la praxis cathare).

    Si j’étudie sérieusement ma position personnelle quant à la violence, au-delà de mes inhibitions « naturelles » qui me font exclure, de manière générale, la violence physique sans effort particulier, je dois bien m’avouer que, guidée par la colère ou la révolte, je peux être violente par mes paroles et que malgré mon prétendu amour pour les animaux, je ne donne pas sa chance au moustique gênant, ne tolère pas l’araignée près de mon lit, et pis encore, j’ai fini par utiliser un répulsif pour chasser la taupe du jardin. Le constat moral est instructif : Je suis loin de pouvoir me prétendre non-violente .
    C’est en pratiquant quotidiennement la non-violence, dans nos relations aux autres, comme dans notre alimentation, nos actes quotidiens, que nous pouvons ressentir la joie de cheminer vers la pureté désirée. Tout acte simple et volontaire de ne pas gaspiller, ne pas s’imposer, ne pas désirer, ne pas marquer notre passage est tellement libérateur !
    Comme le rappelle Guilhem, pour le chrétien, « il ne suffit pas d’éviter tout acte violent à l’égard des animaux, il s’agit bien de ne plus consommer la chair animale. »
    J’ai peur parfois de me tromper moi-même quant à la réelle valeur de mes avancées dans cette démarche.
    Cesser de manger de la viande m’a demandé quasiment pas d’effort, et mon âme en est plus légère depuis dix ans, mais je n’ai toujours pas mis en pratique un régime végétalien et je bois du lait comme une enfant ! Ma tunique de croyante est cousue d’énormes paradoxes qui me donnent l’impression de ne gagner du chemin que dans la facilité, autant dire l’impression de ne pas avancer ou bien, au mieux, de ne pas avancer au rythme qu’il me plairait de tenir. Je ne perds néanmoins pas courage en me rappelant que l’impatience est un mal déguisé offert par le démiurge pour me faire chuter.
    Consommer la chair animale participe de la violence cachée mais néanmoins réelle, puisque en mangeant cette chair, le mangeur devient complice de la maltraitance due à l’élevage intensif et de la mise à mort qui en résulte.
    Pour ces mêmes raisons, le croyant ne peut se voiler la face, et doit lui aussi adopter le régime végétalien s’il veut pouvoir poursuivre son cheminement.

    Quant à la violence que l’on peut ressentir pour nos semblables, elle se présente sous de nombreuses formes déclinant une impressionnante palette de sentiments créés par notre faible âme humaine, ou pire encore par notre ego.
    Quand on entre dans le domaine des sentiments et de la psychologie, quand il s’agit par exemple d’oublier les conflits passés, d’apaiser des relations, de faire table rase de ces émotions que l’on sait subversives, on saisit très vite la faiblesse de notre âme mondaine et le pouvoir insoupçonné de notre égo.

    Jésus nous rassure quand, emporté par sa colère, il chasse les marchands du temple.
    Jean (3. 15-16) : « Alors s’étant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, et les brebis et les boeufs ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa leurs tables ; et il dit aux marchands de colombes : « Ôtez tout cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». »
    Bien sûr, il ne s’agit en aucun cas d’utiliser cet acte violent (unique par ailleurs) de Jésus pour nous dédouaner de nos propres actes de violence. Son geste de colère nous rassure dans le sens où il nous renvoie notre propre faiblesse, nous rappelle que la non-violence absolue, participe, comme les autres fondamentaux, à la mort de l’Adam en nous, et que cette mort libératrice ne peut se faire que lentement par une pratique consciente et permanente de notre part. La violence du monde « habite » notre tunique d’oubli sans que nous en ayons même conscience.

    Nos ancêtres cathares médiévaux l’avaient bien compris quand ils s’attribuaient jusqu’à la faute de la violence inconsciente comme par exemple dans le fait d’écraser quelque insecte par mégarde.

    L’humilité

    Le deuxième concept fondamental de la règle de justice et de vérité est l’humilité.

    Ce concept d’humilité, est illustré de nombreuses fois dans le Nouveau Testament, mais l’exemple le plus beau de cette vertu est, sans nul doute, la kénose du Christ telle qu’elle est comprise par la cosmogonie cathare. Ce signe d’humiliation individuelle de la part de Christ qui met de côté ses attributs divins en s’abaissant à l’état inférieur d’humain pour ne pas faillir à sa mission est, me semble-t-il, la quintessence de l’humilité. Il ne peut perdre son statut divin sans tomber sous l’emprise du Mal (exactement comme nous) mais il ne peut non plus révéler cette nature n’ayant aucune arme pour se défendre face à son adversaire. C’est ainsi qu’il prend une apparence d’homme sans se faire homme. Cette vision cathare a, en outre, l’avantage de questionner l’existence historique, encore jamais prouvée de Jésus (Docétisme).
    La kénose signifie aussi, ne l’oublions pas, le refus, si important dans le catharisme, de toute hiérarchie.

    « L’humilité, c’est refuser de se croire supérieur à quiconque […] Il s’agit de considérer que l’on est une parcelle de l’Esprit Unique tombée en ce monde, qui n’a rien de plus ou de moins que les autres, qu’elles soient tombées ou qu’elles soient demeurées fermes dans l’empyrée céleste. » rappelle Guilhem dans son prêche. Alors que Christ, dans son essence divine, a parfaitement réussi ce défi, serait-ce la puissance de notre ego qui nous maintiendrait dans l’incapacité  de pratiquer cette noble attitude ?

    L’Évangile de Jean rappelle que nul n’est suffisamment pur pour ne pas être humble au service de ses semblables (13.12-15) : « Lorsqu’il eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? Vous m’appelez le Maître et le Seigneur et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné: ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. »

    Le maître, en se mettant en position de serviteur, démontre donc la vanité des rapports hiérarchiques entre les humains tout en donnant l’exemple à suivre pour « épouiller » la vanité de notre tunique de chair. L’humilité devient alors la règle incontournable pour cheminer vers le Salut. C’est, précise Guilhem, ( 23 juin 2019 « Les fondamentaux de la doctrine et de la praxis cathare1 »,  « un état intérieur et personnel qui signifie la spiritualité » à mettre en opposition avec la vanité, expression, elle, de notre mondanité. Là encore, c’est par une constance vigilante que nous pourrons inverser ces valeurs en nous, car s’il est une vertu obsolète, voire dépréciée dans ce monde, c’est probablement l’humilité, et c’est donc seulement avec une conscience aigüe, en éveil permanent, que nous pourrons appréhender nos moindres erreurs. En cela, il est vrai que l’on peut comparer le cheminement du croyant au parcours du marathonien!
    Si l’apprentissage de l’humilité est indispensable au croyant débutant pour éveiller sa spiritualité, elle  permet au novice de ne pas se croire trop vite arrivé, et devient à l’instar de la non-violence, partie intégrante du chrétien afin qu’il se maintienne en état de recevoir la grâce divine. L’humilité consiste aussi, pour le croyant débutant à prendre le temps nécessaire  à une véritable introspection afin de pouvoir apprécier le plus clairement possible sa position sur le  » chemin ». Bien peu pratiqué dans notre vie mondaine, cet acte pourtant essentiel n’est pas des plus simples. Il s’agit bien de faire honnêtement sa propre auto-critique, de démasquer notre ego afin de le mieux combattre.
    Des actes plus simples d’humilité peuvent être pratiqués dans notre vie quotidienne et  nous aider à nous détacher de la vie mondaine ; prendre conscience de nos besoins essentiels et refuser d’entrer dans la course folle du consumérisme sans compter, faire attention à notre consommation d’eau quand on sait qu’elle se fait rare pour nos semblables sur certains points de la planète, et d’autres actions toute simples qui nous aident à ne pas « nous imposer » sur cette terre. Cela me gêne un peu , d’ailleurs, de  considérer ces petites actions quotidiennes comme des actes d’humilité, car ils apportent une réelle satisfaction lorsqu’ils nous font entrevoir  la liberté qu’ils nous font gagner. Pour bien appréhender ce qu’est l’humilité, je préfère me référer aux textes du Nouveau Testament, les évangélistes maîtrisant bien ce sujet. J’aime particulièrement relire certains passages utiles à l’appréhension de cette notion d’humilité.  Paul définit l’humilité en l’associant à la Bienveillance mais aussi à d’autres sentiments humains qui sont plus répandus, qui nous « parlent » peut- être plus comme la compassion et l’empathie, tout en rappelant que nous sommes tous égaux :

    Lettre aux Éphésiens, 4. 1-3 : Je vous y exhorte donc dans le Seigneur, moi qui suis prisonnier : accordez votre vie à l’appel que vous avez reçu ; en toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour ; appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix.
    Lettre aux Colossiens, 3. 12-14 : Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement, comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même, vous aussi.
    Lettre aux Romains, 12.14-16 : Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord entre vous ; n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble.

    Avec Luc, tout timide peut se reconnaître et reconnaître aussi que de son « handicap », il peut faire une force  à moindre frais.

    Luc. 14. 7-11 : Jésus dit aux invités une parabole, parce qu’il remarquait qu’ils choisissaient les premières places ; il leur dit : « Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, de peur qu’on ait invité quelqu’un de plus important que toi, et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire : Cède-lui la place ; alors tu irais tout confus prendre la dernière place. Au contraire  quand tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu’à son arrivée celui qui t’a invité te dise : Mon ami, avance plus haut. Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. Car tout homme qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse, sera élevé. »

    Le timide ne fait pas de tel calcul, il ne se met pas à la première place, car il est timide, il manque d’assurance. Il a ainsi l’avantage de ne pas se croire, la plupart du temps en tout cas, au-dessus des  autres . Mais, de ce fait pour lui, il n’y a pas non plus, matière à se satisfaire  d’une épreuve évitée  « À  vaincre sans péril… » . Ce qui est rassurant sur cette difficile acquisition d’une telle vertu, c’est qu’elle découle directement de la Bienveillance. Si nous nous appliquons alors à faire grandir la Bienveillance en nous, notre humilité, à son tour, devrait grandir en chemin. Ce qui m’interroge davantage et me met en garde contre mes propres  faiblesses, ce sont les associations faites par notre Chrétien :
    Il faut associer à  l’humilité constance et conviction pour cheminer vers le Bien.

    La constance

    La constance est une vertu qui m’est vraiment difficile à mettre en pratique. Étant fâchée avec le temps qui passe, dilettante incorrigible,  distraite par nature, je me disperse sans compter dans plusieurs lectures comme dans plusieurs actions à la fois au détriment de la qualité de mes engagements. Il m’est douloureux, au final, de me rendre compte que je n’ai pas mené à bien une simple petite règle que je m’étais donnée (par exemple sur mon régime alimentaire, sur l’organisation de mes lectures etc…) et J’ai beau jeu ensuite d’accuser ma faible nature. Or, si je ne cherche pas de moyen pour remédier à la situation d’échec qui en découle, je suis bien obligée de  constater que je n’avance pas dans mon cheminement. Comment combattre ses propres faiblesses ? Le sujet est inépuisable et passionnant. Trouver un palliatif dans ses propres ressources, une autre « qualité » qu’on est sincèrement sûr de posséder, au moins en partie, peut alors probablement nous aider. Je pencherais pour la fidélité, car je pense en effet  en être pourvue. Le chemin est devant moi.

    La continence sexuelle

    Depuis avril dernier, j’ai fait mien un autre élément doctrinal de la règle qui, encore une fois, ne m’a rien « coûté ».  Il est aisé en effet je pense,  la soixantaine passée, de pratiquer l’abstinence sexuelle, bien plus certainement que lorsqu’on est plus jeune. D’autant plus facile encore si l’on partage sa vie avec une âme-sœur. Il y a entre deux âmes-sœurs d’autres liens tout autres, moins vains, plus solides et continus.

    Vous avez sûrement rencontré, vous aussi cette phrase (in « catharisme d’aujourd’hui ») : « Le détachement de l’appétence pour la sexualité  se manifeste de toute façon dès que le développement spirituel atteint un niveau où l’esprit devient premier. » Je ne veux pas me mentir en pensant que cela s’est produit ainsi pour moi. Je n’ai pas  atteint ce niveau spirituel. J’ai juste, au fond de moi ce vieux désir, devenu avec le temps, de plus en plus impérieux  de purification spirituelle.  

    Le mensonge

    Cet élément doctrinal sera le dernier que je me propose d’étudier pour le moment. Pour celui-ci, je peux parler d’une réflexion  très ancienne. Je me rappelle parfaitement que lorsque je découvris l’histoire des cathares pour la première fois, le fait qu’ils rejettent toute forme de  mensonge fut ce qui m’émut le plus, et je ne saurais dire pourquoi. Je n’ai pas vraiment prêté attention à ce que disent les évangiles à ce sujet, mais c’est bien mon père, empreint de culture judéo-chrétienne avant de la rejeter (en partie) qui m’a sensibilisée très tôt  à cette faute. Il est vrai que dans ma famille nous étions entourés de menteurs, et même de quelques mythomanes !  S’il a quitté cette terre depuis cinq ans, j’entends toujours aussi nettement sa voix : « Je hais le mensonge ! » Comme lui, je hais le mensonge, je peux même dire qu’il me coûte de mentir. Ma conviction profonde est, que c’est avant tout au niveau personnel que l’on doit analyser cet horripilant penchant. Il est facile de se mentir, en  tentant de  minimiser par exemple nos actions « douteuses », ou en   cherchant des excuses à nos erreurs,  dans le but d’ avoir la paix avec notre  conscience. La vigilance est de mise !  Quant à mentir aux autres, c’est leur manquer d’amour et/ou d’estime. Il me semble bien que chaque mensonge que j’ai pu faire m’a aussitôt coûté une douloureuse culpabilité. En ce qui concerne notre propre spiritualité, se tromper ou se mentir est bien probablement  le plus odieux des mensonges. Ma quête d’Amour et de paix est étroitement liée à la vérité, la vérité de mon être que je ne connais pas, la connaissance des autres et  de tout ce qui vit, avec l’espoir de réussir à  éliminer toute illusion mondaine ou mensonge.

    Dans cette règle de justice et de vérité, il y a d’autres éléments qui me tiennent à coeur d’étudier, comme le détachement, la dépossession, le retrait du monde , ou encore l’ascèse. Mais, cet essai de mise à jour sur mon cheminement personnel me rappelle mes priorités, priorités pour lesquelles, (une chance pour moi!) mon enthousiasme ne faiblit jamais, à savoir mes chères études. Puissé-je puiser en elles la constance nécessaire pour continuer ma belle aventure sur mon chemin cathare.

    Chantal Benne

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    Le jeune homme et la Grand’Bête à tête d’homme

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    Le jeune homme et la Grand’Bête à tête d’homme

    Conte de J-F. Bladé (Contes populaires de Gascogne, tome I)

    Cette histoire est de facture un peu différente de l’écriture habituelle de l’auteur, comme s’il avait ajouté de nouvelles couleurs sur sa palette.

     Plutôt que de dépeindre comme à son habitude les qualités physiques et morales de ses personnages dans une suite de pérégrinations variées aux difficultés graduées, il s’attache davantage dans ce conte à réaliser une peinture de mœurs et de caractères. Ce qui sous-tend le questionnement toujours actuel que l’on peut avoir sur des faits sociaux tels que le mariage, le pouvoir ou encore l’emprise de la culture et de la religion sur les mentalités. Le conteur ne se prononce pas, il conte et par son seul pouvoir de suggestion, il fait naître le questionnement, un peu comme dans le jeu des énigmes.

    Les personnages du conte

    Les humains…

    Le héros ou « jeune homme ». C’est un orphelin, vivant seul dans sa maisonnette. « Il était beau comme le jour, fort et hardi comme pas un. Il était aussi tellement, tellement avisé, qu’il apprenait ou devinait les choses les plus difficiles ». Pour compenser sa solitude, le ciel l’avait donc doté de talents singuliers : une grande intelligence et le don de voyance, cette dernière « qualité » étant l’apanage des prophètes ou des guides. Or, on verra par la suite que c’est bien en quelque sorte le rôle qui est attribué à notre héros.

    Il est déjà notable que si le héros classique de tout conte « subit » les épreuves comme un passage obligé dans le déroulement de sa quête, celui-ci a la force de caractère de choisir l’épreuve, et, de plus, aura le courage de la parfaire au moment venu, montrant ainsi un tempérament hors du commun. Ce jeune homme bien que pauvre « comme les pierres », est une personne totalement désintéressée par tout bien matériel comme par tout moyen de s’en procurer. Simple et pur, il ne montre que du détachement face aux conseils d’enrichissement de ses semblables ; il apparaît donc déjà bien seul parmi les autres. C’est finalement pour se donner une chance de pouvoir aimer et partager cet amour qu’il va accepter de se plier aux règles mondaines de l’acquisition des biens.

     Sa promise. Quelle pâle figure que cette fille de noble, qui sans dot doit se sacrifier au couvent ! Image type de la femme éternellement mineure, sa vie durant dépendante de l’homme, passant de l’obéissance à un père à la soumission à un époux la plupart du temps imposée, et n’ayant pour seul rôle social reconnu que celui d’engendrer de nombreux enfants. Elle remplira d’ailleurs correctement sa mission. Elle accepte sans hésiter d’épouser tout de suite le jeune homme et on ne peut s’empêcher de se demander quelles sont ces raisons ? Est-elle elle aussi tombée amoureuse ou bien tente-t-elle ainsi d’échapper au couvent ? Face à cette alternative exprimée clairement dans les paroles du jeune homme : « Demoiselle, entrez au couvent d’Auch. Mais ne vous engagez pas avant sept jours. Je vais tenter fortune. Si je meurs, prenez le voile noir, et faites-vous religieuse pour toujours. Si je reviens, j’aurai de quoi vous faire plus riche que les plus grandes dames du pays », face à cette alternative donc, elle choisit d’attacher son destin à ce miséreux inconnu, ce qui nous la rend sympathique car elle nous invite à penser qu’elle aussi, inspirée par l’amour, peut faire fi des convenances de la mondanité.

    L’allié du héros. Ce conte à caractère religieux n’a pas besoin d’aller chercher très loin pour trouver une aide au héros. L’archevêque d’Auch est naturellement pour le jeune homme la référence incontournable. Avant de partir pour sa quête c’est donc lui qu’il va consulter.

     « Rien ne t’empêche de faire ce que tu dis. Agis donc à ta tête, puisque tu ne peux profiter d’aucun conseil ». L’archevêque, sachant le héros sous l’emprise de ses sens, va tenter de l’aider en le gratifiant d’informations supplémentaires et en anticipant l’épreuve qu’il connaît parfaitement. Il lui conseille donc de rester à tout instant maître de ses sentiments, d’utiliser son intelligence, de répondre avec mesure et prudence. Il devra en outre faire preuve d’humilité pour avoir un discernement précis de ses aptitudes avant de proposer à son ennemi de poursuivre l’affrontement. De cette introspection dépend la réussite de son entreprise. L’archevêque joue le rôle de guide pour le jeune homme, tel l’Esprit Paraclet que le cathare peut trouver dans la personne de l’Ancien ou dans celle du Consolé.

     « Prends et reviens vite, si tu te crois hors d’état de faire davantage. Reste, si tu te crois assez savant et dis : « Grand’Bête à tête d’homme, je n’ai fait encore que la moitié de mon travail. Tu n’as pas pu   m’embarrasser. Maintenant, c’est moi qui prends ta place. » Alors, tu lui feras trois questions, les plus difficiles que tu puisses imaginer. Si elle demeure muette, tu prendras ce couteau d’or, que tu vas cacher sous tes habits, pour ne le tirer qu’au bon moment. Tu saigneras la Grand’Bête à tête d’homme, tu lui couperas la tête, et tu reviendras vite, avec tout son or. »

     Ce dernier conseil nous prouve bien, si cela était encore à démontrer, que nous sommes bien dans le registre judéo-chrétien car un cathare ne prononcerait jamais de telles paroles, le Bien n’ayant pas de mal à opposer au Mal.

    Le seigneur de Roquefort.

     Il symbolise à lui tout seul la mondanité, la vanité de la matière, les richesses corruptibles de ce monde et les contraintes qu’elles génèrent, tout ça en quelques lignes : « Mon père est parti ce matin, pour chasser avec mes deux frères. Il n’est pas encore rentré […] Par malheur, mon père n’est pas riche. Tout son bien doit aller à mes frères. Moi, j’entre demain dans un couvent d’Auch. »

    Les habitants de Castres, les frères de la promise, etc.

    Leur existence n’est précisée que pour donner de la vie, de la profondeur de champ à la société suggérée, mais aucun n’a de rôle significatif.

    Les créatures hybrides

    La Grand’Bête à tête d’homme

    Les créatures hybrides, qualifiées le plus souvent de « monstres » ou de « démons », présentes dans les contes, les légendes et les mythologies du monde entier sont bien pratiques pour symboliser le Mal. Celle-ci nous surprend, tout d’abord par son manque d’épaisseur. Le conteur initial a-t-il pris un malin plaisir à ne pas vouloir trop la décrire afin que chaque auditeur puisse se la représenter à sa manière ? Le texte nous suggère quand même quelques pistes que j’ai tenté d’explorer.

    Un simple rappel avant de « filer » sur des chemins hasardeux : en biologie, un être hybride provient d’un croisement de variétés, de races ou d’espèces, exemples ; le bardot qui est le croisement du cheval avec une ânesse, la mule qui est celui de l’âne avec la jument. L’imagination humaine, dans la création de ses histoires, est allée beaucoup plus loin. Je n’ai retenu que trois exemples dans la multitude de ces créatures mythologiques car notre conte emprunte à chacun d’eux des éléments bien précis, soit dans la physionomie de la créature, soit dans ses actes, soit encore dans les circonstances de l’action.

    Dans l’épopée de Gilgamesh[1], le héros affronte un couple d’hommes-scorpions, à l’entrée d’un défilé. Le rôle de ces créatures était de garder le défilé des Monts-jumeaux, profond et obscur, que le soleil empruntait chaque jour pour venir éclairer le monde. C’est précisément ce passage que contrôlent les hommes-scorpions, apostés là pour empêcher quiconque de passer et c’est précisément par ce défilé que doit passer Gilgamesh pour continuer son voyage. De même la grotte pour le jeune homme est un passage obligé pour faire fortune. Dans les deux récits ce couloir dangereux à traverser est une métaphore du passage du monde à l’Autre Monde, ou passage du connu à l’inconnu (cf. Alice au pays des merveilles tombant dans le puits), ou encore passage du matériel au Spirituel au cours duquel le héros périt ou trouve le Salut. Ces créatures effrayantes, Grand’Bête ou hommes-scorpions sont là pour mettre le héros à l’épreuve, l’aider en quelque sorte à se révéler : c’est le moment où il doit faire montre de toutes ses qualités ; la détermination, la volonté, le courage, la sincérité, et l’humilité pour pouvoir sortir vainqueur de l’épreuve. C’est son « propre moi », sa conscience, qu’il affronte alors avant d’atteindre la dimension spirituelle nécessaire à sa libération.

    Dans le mythe d’Œdipe, Œdipe lui aussi affronte une créature hybride : le sphinx ou plus exactement la sphinge. C’est bien d’elle d’ailleurs que la Grand’Bête semble surtout s’être inspirée et pour plusieurs raisons : comme la sphinge elle pose une énigme (ou plusieurs, les versions diffèrent), qui, si elle n’est pas résolue, entraîne la mort, comme la sphinge elle est androphage. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là. Les héros, eux aussi, curieusement se ressemblent : le jeune homme orphelin arrive à cette grotte par amour, Œdipe, abandonné enfant par ses parents à cause d’une prophétie, arrive à Thèbes par amour pour ses parents adoptifs (pensant les épargner de cette funeste prophétie.)

    Enfin, nous le verrons plus tard, deux énigmes sur les trois sont empruntées au mythe d’Œdipe. Comme la Grand’Bête dans sa grotte, les hommes-scorpions à l’entrée du défilé, la sphinge à l’entrée de Thèbes (envoyée, selon plusieurs versions, par un dieu pour punir ses habitants de leur impiété) elle aussi joue le rôle de gardien.

    Fidèle à l’imagerie des êtres de la montagne selon le bestiaire propre à J-F. Bladé, la Grand’Bête à tête d’homme est grande, anti-chrétienne, friande de chair humaine, riche d’un or inutile, et semble posséder de précieux secrets (cf. L’herbe bleue, L’homme de toutes couleurs.)

    Elle a des griffes comme la sphinge mais une tête d’homme. La sphinge, quant à elle, a un corps de lionne, une queue de scorpion, des ailes d’aigle et la tête et le buste d’une femme.

    Le lecteur est libre finalement d’imaginer la Grand’Bête à tête d’homme à sa façon, fauve comme la sphinge, ou sauvage comme un centaure.

     Les centaures, personnages que l’on peut encore avoir la chance de croiser dans les contes modernes (cf. le centaure Firenze dans Harry Potter à l’école des sorciers) furent immortalisés par les plus grandes plumes de l’Antiquité ; Ovide, Virgile, Pindare et Homère en ont tous parlé. On peut donc aussi imaginer la Grand’Bête sous les traits d’un centaure car comme eux elle a une tête d’homme.

    Les centaures étaient des hybrides à tête, buste et bras d’homme sur un corps de cheval. Vivant dans les montagnes de Thessalie et d’Arcadie, ils étaient prétendus fils d’Ixion, roi des lapithes. Pour Homère (premier chant de l’Iliade) les centaures des montagnes étaient les plus braves des combattants. Se nourrissant de chair crue, vivant dans une ivresse permanente, esclaves de leurs sens, ils symbolisaient la violence naturelle et la sauvagerie dont le peintre Rubens a fait une allégorie saisissante en les imaginant dans les deux genres (Les amours des centaures, env. 1635).

    Deux centaures atypiques sont parvenus cependant à se distinguer ; Chiron, le seul centaure immortel, connu pour sa sagesse (précepteur de plusieurs héros dont Achille, Héraclès, Asclépios, les Dioscures) et Pholos, le centaure ami d’Héraclès.

    Finalement, ce qu’il nous suffit de savoir quant à la Bête, c’est que c’est bien elle qui symbolise ici le Mal dans tout ce qu’il a de primaire, de sauvage et de corrompu. Elle pourrait encore tout aussi bien être la caricature d’une monstrueuse idole païenne telle celle évoquée dans l’Exode : Le veau d’or ; « Aaron reçut l’or de leurs mains, le fit fondre dans un moule et fit une statue de veau ; alors, ils dirent : « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Égypte. » […] Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, ils offrirent des holocaustes et apportèrent des sacrifices de communion… »

    L’épreuve.

     Dans le conte qui nous intéresse ici, comme dans le mythe d’Œdipe, comme dans la mythologie moderne de J-R-R. Tolkien (Le hobbit : un voyage inattendu) l’épreuve se déroule toujours de la même façon. Si le héros échoue, il sera anéanti, dévoré par la créature androphage. Si le héros se montre plus fort que la créature, il pourra aller au bout de sa quête.

    L’archevêque prévient : « Tu seras mangé tout vif, si tu demeures muet. »

    L’avertissement est le même dans le conte de Tolkien. Gollum, le hobbit métamorphosé par l’anneau maléfique propose au héros, Bilbo : « Si le trésor (lui, Gollum) demande et que ça (Bilbo) répond pas, nous le mangerons, mon trésor. Si ça nous demande et que nous ne répondons pas, nous donnons un cadeau, Gollum. »

    Les énigmes posées par la Grand’Bête.

    Énigme 1 : « Il va vite comme les oiseaux, plus vite que le vent, plus vite que l’éclair.

    Le jeune homme n’hésite pas une seconde pour répondre : « L’œil va plus vite que les oiseaux, plus vite que le vent, plus vite que l’éclair. »

    Énigme 2 : Le frère est blanc, la sœur est noire. Chaque matin, le frère tue la sœur. Chaque soir, la sœur tue le frère. Pourtant, ils ne meurent jamais. »

    Cette fois encore, le jeune homme répond sans peine : « Le jour et la nuit. »

    Dans le mythe, cette énigme rarement évoquée, ne se différencie de la version gasconne que par le genre des substantifs, jour et nuit étant tout deux féminins en grec. Il s’agit donc bien d’un emprunt, l’original étant : « Il y a deux sœurs ; l’une donne naissance à l’autre, et elle, à son tour donne naissance à la première. »

    Énigme 3 : «  Il rampe au soleil levant, comme les serpents et les vers. Il marche à midi sur deux jambes, comme les oiseaux. Il s’en va sur trois jambes au soleil couchant. »

    Encore un nouvel emprunt au mythe d’Œdipe pour cette troisième énigme que la sphinge formulait ainsi : « Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ? »

    La réponse ne se fait pas attendre : « Quand il est petit, l’homme… »

    La Grand’Bête respecte alors le contrat/ « Prends la moitié de mon or. »

    Mais le héros décide à ce moment précis, sans aucune hésitation, de poursuivre l’affrontement. Si la Grand’Bête ne peut répondre, il aura la possibilité de la faire disparaître à jamais, libérant ainsi ses semblables de la violence. C’est un moment de grande solitude qui va déboucher sur une décision irréversible. C’est le « lâcher-prise » qui ne tolère aucun retournement, aucune erreur possible non plus. Le jeune homme doit rassembler toutes ses connaissances pour inventer les énigmes qui pourront être insolubles tout en restant humble pour garder la clairvoyance de ses aptitudes. Ce lâcher-prise selon le concept cathare est nommé dans le vocable ethnologique la liminarité, que nous aborderons un peu plus loin.

    Les énigmes posées par le jeune homme.

    Ses deux premières énigmes sont vraiment sibyllines et régies, semble-t-il, par des règles autres que celles proposées dès le début du ‘‘jeu ’’. Les limites de l’imaginaire sont repoussées, la Grand’Bête est piégée.

    La naïveté de l’image du monde représenté de manière linéaire, avec ses deux bouts, peut nous faire sourire tout en nous donnant une possible indication sur les premières moutures de ce conte. On pourra aussi rester longtemps perplexe sur les réponses proposées à ces deux premières énigmes qui semblent plutôt à des ‘‘mises en abyme d’énigmes’’ suscitant de nouvelles questions. Qui peut être ce roi couronné qui ne voit rien venir ? Et ce grand corbeau noir, savant muet vieux de sept mille ans ?

    Pour parfaire sa victoire sur le Néant et l’obscurantisme quoi de plus évident pour le héros que d’aller chercher sa dernière énigme dans la Passion ? La Bête aurait-elle une infime chance d’y répondre, étant « dépourvue d’âme » et de foi ? Pour cela, elle sera d’ailleurs enterrée sans être accompagnée d’une prière.

    Énigme 3 : « Dis-moi ce que chante le rossignolet sauvage le Vendredi saint. Dis-moi ce qu’il chante le Samedi saint. Dis-moi ce qu’il chante au soleil levant, le jour de la Pâques. »

    Bien entendu, cette mécréante de Bête n’est pas en mesure de répondre, et reste donc muette.

    La  mort de la Grand’Bête ou la fin d’un temps et le début d’un autre.

    Dans le conte comme dans le mythe, le perdant doit disparaître.

    Le jeune homme tue la créature, Œdipe tue la sphinge, ou bien la sphinge se suicide en se jetant de son rocher, ou encore elle se dévore elle-même selon les diverses versions.

    L’important est que la créature, symbole d’un autre temps, disparaisse. Le jeune homme, à l’instar d’Œdipe, peut être reconnu comme une figure de liminarité, contribuant à effectuer la transition entre les anciennes pratiques religieuses païennes représentées par la mort de la Grand’Bête (de la sphinge dans le mythe), et l’arrivée du christianisme (des nouveaux dieux de l’Olympe pour le mythe).

    L’épreuve de l’énigme se trouve ici être pour le héros un rite de passage tel que l’a conceptualisé Arnold Van Gennep[2].

    Les rites de passage, selon la définition de l’ethnologue, accompagnent les changements de lieu, d’état, d’occupation, de situation sociale, d’âge. Ils rythment le déroulement de la vie humaine « du berceau à la tombe ». Ce rite se déroule en trois étapes qui se succèdent :

    La première étape est la séparation de l’individu par rapport à son groupe : le jeune homme part seul dans la grotte pour affronter la créature. Œdipe, quittant ses parents, part seul pour Thèbes. On peut rapprocher ce moment à celui de l’éveil du croyant cathare, seul face à sa ‘‘découverte’’.

    La deuxième étape est la liminarité : c’est la période pendant laquelle l’individu n’a plus son ancien statut et pas encore son nouveau : le jeune homme n’est plus le pauvre mais il n’est pas encore riche. Œdipe a fui le trône de Corinthe mais il sera roi de Thèbes.

    Cette étape transitionnelle est un moment crucial du rite, car elle est caractérisée par l’indétermination. Il s’agit de réussir ou de mourir. Dans la perspective cathare, nous dirons plutôt qu’il s’agit de choisir, soit de se préparer pour sa « bonne fin », soit de risquer de nouveaux errements vers une nouvelle et énième transmigration. C’est le moment du choix en pleine conscience, du premier possible ‘‘lâcher-prise’’.

    Sur le chemin cathare, le « lâcher-prise » est un long, très long processus qui commence à l’éveil et peut se poursuivre ensuite par étapes successives et différentes selon la foi et la détermination de chacun(e).

    La troisième étape est la réincorporation, c’est-à-dire le retour de l’individu parmi les siens avec un nouveau statut : le jeune homme désormais riche peut épouser sa belle. Œdipe sera proclamé roi.

    Le croyant cathare, quant à lui, poursuit son chemin dans la mondanité en prenant soin de garder cette petite flamme intérieure et   fragile toujours allumée, et, en s’efforçant de la faire grandir.

    La mort de la Grand’Bête, telle qu’elle nous est contée, est saisissante par sa sauvagerie et son réalisme cru. Si elle est là pour marquer la fin du paganisme, c’est dans une surenchère de détails qui ne sont pas sans rappeler la violence aveugle telle qu’elle apparaît dans « La victoire » d’Andrea Mantegna où l’on voit David brandissant la tête de Goliath.

    Surenchère de même dans les paroles de la Bête mourant comme un guerrier viking et s’exprimant comme un oracle antique. Il faut se rappeler à ce sujet que les créatures de la montagne dans la mythologie propre à J.-F. Bladé, bien que dangereuses pour l’humain, savent une fois vaincue se montrer ‘‘bienveillantes ’’ en prenant le temps d’aider leur vainqueur avant de disparaître (cf ; Corps sans âme dans « L’homme de toutes couleurs »).

    « Bois mon sang. Suce mes yeux et ma cervelle. Ainsi, tu deviendras fort et hardi comme Samson, et tu ne craindras personne sur terre. Arrache-moi le cœur… » Nous pouvons nous épargner la suite. Ce ‘‘syncrétisme ’’ final est d’autant plus déroutant que nous aurions pu espérer un comportement plus raffiné de la part d’un vainqueur de la ‘‘barbarie’’. Lorsqu’il fait manger le cœur cru de la Bête à son épouse, on se retrouve de nouveau face à la foi chancelante du peuple juif qui avec le « veau d’or » retourne à ses anciennes idoles.

    Les lieux du conte.

    Du Gers au Pyrénées, nous sommes bien dans ‘‘le pays” de J.-F. Bladé.

    L’histoire commence à Castres, lieu de résidence du jeune homme et se poursuit dans la région de Auch, via le château de Roquefort où habite sa promise. Il se rend ensuite à la cathédrale de Auch avant de commencer sa quête. L’intrigue se passe dans la montagne, lieu de prédilection pour les aventures (les Pyrénées) et le nœud de l’histoire se déroule dans la grotte, autre lieu tout aussi riche de sens.

    Les villes de Castres, d’Auch et le château signifient seulement la situation initiale du conte, la mondanité au quotidien. La montagne et la grotte sous-tendent une sémantique beaucoup plus profonde.

    La montagne, très présente dans les contes de J.-F. ? Bladé, représentée la plupart du temps comme hostile à l’humain, est le lieu possible de tous les dangers, lieu privé de couleur où domine la durée et l’obscurité : « Trois jours après, il arriva dans un pays désert, dans un pays sauvage et noir, où les eaux tombent de mille toises, où les montagnes sont si hautes, si hautes, que les oiseaux n’y peuvent voler, et que la neige n’y fond jamais. » La quête ne peut être un ‘‘long fleuve tranquille’’, la recherche entreprise exige la rupture avec la quiétude du quotidien paisible. Puisqu’il s’agit de devenir autre, de se révéler à soi-même, pour se débarrasser de « sa tunique de chair » il faut aussi abandonner ce qui la nourrit.

    Luc, 9. 23-24 : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, la sauvera. »

    La grotte est le lieu du dénouement de l’intrigue. On le sait déjà, c’est sous la terre, monde chtonien, que se trouvent les passages pour se rendre d’un monde à l’autre.

    Les cavernes, les puits, les grottes et les souterrains sont, en outre, des entrées vers un univers peuplé de créatures inquiétantes, fantastiques qui gardent des trésors : Grand’Bête à tête d’homme pour notre conte, dragon chez Tolkien, griffon chez Flaubert[3], la littérature fourmille de ces êtres imaginaires.

    On l’a vu plus haut, c’est dans ce lieu de passage et de transition que se dénoue l’intrigue à partir de laquelle naîtra le nouvel ‘‘être” et commencera un nouveau temps.

    En partant de l’idée grecque de Gaïa, la déesse terre mère des races divines, et en étudiant l’assimilation de la grotte à la matrice (bien connue, dit-elle, en sciences des religions), Anne Marchand[4] a souligné la symbolique de renaissance représentée lors de la sortie de la grotte. C’est bien le cas du jeune homme de notre conte : il sort « autre ». Ayant accompli sa mission de ‘‘guide’’ pour ses semblables, il a ouvert la voie à un autre monde libéré du Mal. Cette interprétation est, on le voit bien, complètement catholique, car les cathares savent bien que chaque être ne peut suivre que son propre chemin, mais tout en sachant que tout le long de ce chemin il est essentiel de partager le seul et unique bien ; l’Amour universel.

    N. B. :

     Pour ceux qui n’auraient pas vu, ou lu « Le hobbit : un voyage inattendu », voici deux des trois  énigmes posées par Gollum :

    « Sans voix, il hurle, sans aile, il voltige, sans dent il croque, sans bouche, il chuchote. »

    « Cette chose, toute chose dévore ; oiseaux, bêtes, arbres, fleurs. Il réduit les cailloux en poussière. Il détruit les rois et détruit les villes. Qui est-ce ? »

    Chantal Benne le 25 juillet 2022


    [1] Présentation de Bertrand Audouy, rédacteur en chef de Mythologies magazine (Edito n°49) : « L’épopée de Gilgamesh est une œuvre composite transmise oralement puis rédigée sous de nombreuses versions, initialement en sumérien entre le IIIe et le IIe millénaire avant notre ère. Ce serait le plus ancien récit de l’histoire humaine connu à ce jour.
    Gilgamesh, jeune roi tyrannique de la cité d’Uruk, impose une domination totale sur son peuple pour satisfaire ses propres plaisirs. A lui seul, il incarne ce pouvoir absolu, cette hybris propre aux autocrates qui ne parviennent pas à s’imposer de limites. Repoussant la passion dévorante de la déesse Ishtar, soumis aux aléas de l’amour et de l’amitié, le héros lutte contre lui-même. Euphorique des exploits accomplis avec son ami Enkidu, (ils tuent Humbaba, le géant de la Forêt des Cèdres, combattent le taureau céleste, etc.) il est à la mort de son compagnon saisi par le doute, et va entreprendre une quête sur le secret de l’immortalité. Accéder à la sagesse en acceptant son statut de mortel, tel sera l’enjeu de son voyage en solitaire. ».
    Gilgamesh, lors de son voyage va rencontrer les rescapés du Déluge. Nous avons ici la preuve que ce mythe est bien antérieur à l’A.T.

    [2] Arnold Van Gennep (1873-1957) ethnologue folkloriste fut le fondateur du folklore en tant que discipline scientifique. Œuvres essentielles : « Les rites de passage : étude systématique » 1909 et « La formation des légendes » 1910.

    [3] Gustave Flaubert : « Je suis le maître des splendeurs profondes. Je connais le secret des tombeaux où dorment les vieux rois. Leurs trésors sont rangés dans des salles, et plus bas, bien au-dessous des tombeaux, après de longs voyages au milieu des ténèbres étonnantes, il y a des fleuves d’or avec des forêts de diamant, des prairies d’escarboucles, des lacs de mercure. Adossé contre la porte du souterrain et la griffe en l’air, j’épie de mes prunelles flamboyantes ceux qui voudraient venir. La plaine immense, jusqu’au fond de l’horizon est toute nue et blanchie par les ossements des voyageurs… » in « La tentation de saint Antoine », 1874.

    [4] Anne Marchand : auteure, conteuse et conférencière a publié plusieurs ouvrages de Contes et légendes aux éditions Hesse.

    Le dragon doré

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    Le dragon doré

    Ce conte fonctionne comme un conte-formulaire. Le conte-formulaire est caractérisé par une phrase (ou plusieurs) répétée (s) d’un un bout à l’autre par le personnage principal. Mais les contes-formulaires souvent n’ont pas de fin. Ce qui n’est pas le cas de celui-ci. On peut le classer dans les contes merveilleux, à forte connotation spirituelle avec plusieurs références à la mythologie grecque.

    Le titre quant à lui est trompeur car il n’y a aucun dragon dans ce conte. Le terme dragon[1] désigne à l’origine les militaires se déplaçant à cheval mais combattant à pied, bien que certaines périodes de l’histoire aient fait déroger à cette règle dans leur attitude de combat.

    Les personnages du conte.

    Les parents du prince ont pour rôle de présenter la situation initiale du conte, situation de bonheur partagé et de paix : « Riches et heureux, ils avaient un fils beau comme le soleil, honnête comme l’or et hardi comme Samson » (la phrase rime en gascon).

    Le héros est donc le gentilhomme « parfait » à épouser, beau, aimable et courageux.

    Un deuxième héros, toutefois est à considérer : le Grand Cheval Ailé, sans qui Dragon Doré n’irait pas bien loin.

    Personnages réels et fabuleux coexistent donc dès le début de l’histoire.

    Le Mal est personnifié par le Maître de la Nuit, personnage fictif lui aussi, qui peut abuser de ses grands pouvoirs maléfiques, mais uniquement la nuit. La nuit, signifiée ici par son côté obscur comme temps éminemment dangereux, se trouve être toujours malencontreusement le moment de la fuite pour nos héros. Ce sinistre personnage, sadique et cupide, a en outre des auxiliaires tout aussi puissants que lui. Ce sont « tous les Diables de l’Enfer » qu’il peut à tout moment appeler à la rescousse. Sa nature est clairement définie par le fait qu’à l’instar de « Corps sans âme » (personnage rencontré dans « l’Homme de toutes couleurs ») il est condamné à vivre jusqu’au jugement dernier, pour ne pas ressusciter. Nous sommes bien face au Diable. Bien plus redoutable que ce pauvre « Corps sans âme » il est sûr de vaincre, de s’approprier la Demoiselle, et prêt à inventer tous les supplices pour qu’elle flanche et fasse chuter son promis.

    Le Bien est personnifié par le grand cheval-volant. Lui aussi, personnage fictif, nous rappelle bien sûr le divin cheval blanc ailé, Pégase[2]. Se déplaçant aussi vite qu’un éclair, connaissant le langage humain comme celui des oiseaux, il déjoue les pièges du Diable, informe, enseigne le héros : il se révèle, en fait, être son guide spirituel.

    Le Bien a aussi ses auxiliaires ; les hiboux et chouettes effraies, à la physionomie particulière des animaux censés pouvoir jouer des rôles distincts, voire contradictoires comme on l’a déjà remarqué chez J-F. Bladé. Bien que faisant leur sabbat, ces animaux inquiétants car nocturnes, juchés au sommet du grand chêne, s’avèrent être une aide précieuse pour Grand cheval-volant qui chaque fois, en les écoutant deviser, apprend où la Demoiselle est retenue prisonnière. Gageons que leur savoir est utilisé dans un sabbat de magie blanche !

     Le chêne, lui aussi participe du merveilleux bienveillant : c’est toujours au pied d’un chêne que le héros est invité à se reposer et dormir en toute quiétude avant chaque nouvelle épreuve. On a déjà eu un aperçu de la valeur que J-F. Bladé donne au chêne. Non content d’abriter de nombreux animaux, il peut être aussi la résidence de fées (cf. La fée chevrière dans « l’homme voilé »). Cet arbre était par ailleurs un des sept arbres sacrés du bosquet des druides[3].

     Ce conte fonctionnant comme un conte-formulaire a éveillé mon attention sur cette formule répétée par Grand cheval-volant et j’ai trouvé dans celle-ci une résonance évangélique. Peut-être allez-vous trouver mon écho tiré par les cheveux…

    Jean, 21.15-19 : Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime » et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux. » Une seconde fois, Jésus lui dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus dit : « Sois le berger de mes brebis. » Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois : « M’aimes-tu ? » Et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime. » Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu nouais ta ceinture et tu allais où tu voulais ; lorsque tu seras vieux, tu étendras les mains et c’est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira où tu ne voudrais pas. » Jésus parla ainsi pour indiquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu, et sur cette parole il ajouta : « -Suis-moi. »

     Revenons à notre conte.

    Alors le grand cheval-volant parla :

    « Dragon Doré, m’aimes-tu ?
    Oui, je t’aime mon grand cheval-volant.
    Dragon Doré, si tu m’aimes, couche-toi sous ce chêne, et dors. Moi, je ferai sentinelle. Dors, jusqu’à ce que je t’éveille. Alors, tu auras des nouvelles de la Demoiselle et du Maître de Nuit. » Une deuxième fois, le Grand cheval-volant interrogea :

    « – Dragon Doré, m’aimes-tu ?
    – Oui, je t’aime, mon grand cheval-volant. Bien souvent, tu m’as fait service, et tiré de peine à la guerre.
    – Dragon Doré, si tu m’aimes, jure-moi, par ton âme, que tu ne me troqueras jamais contre une autre bête. Jure-moi, par ton âme que tu ne me vendras jamais, ni pour or, ni pour argent.
    – Mon grand cheval-volant, je te le jure par mon âme. »

     Une troisième fois, le Grand cheval-volant parla :

    « – Dragon Doré, m’aimes-tu ?
    – Oui, je t’aime, mon grand cheval-volant. Bien souvent, tu m’as fait service, et tiré de peine à la guerre. Je t’ai juré, par mon âme, que je ne te troquerai jamais contre aucune bête. Je t’ai juré, par mon âme, de ne te vendre jamais, ni pour or, ni pour argent.
    – Dragon Doré, couche-toi sous ce chêne, et dors. Moi, je ferai sentinelle. Dors, jusqu’à ce que je t’éveille. Alors, tu auras des nouvelles de la Demoiselle et du Maître de la Nuit. »

     Une quatrième et dernière fois, le Grand cheval-volant demanda :

    « – Dragon Doré, m’aimes-tu ?
    – Oui, je t’aime mon grand cheval-volant. Bien souvent, tu m’as fait service, et tiré de peine à la guerre. Je t’ai juré par mon âme, que je ne te troquerai jamais contre aucune bête ? Je t’ai juré, par mon âme, que je ne te vendrai jamais, ni pour or, ni pour argent.
    – Dragon Doré, jure-moi, par ton âme, que jusqu’à ma mort, et pour tant que je mange le foin, le son et l’avoine ne me manqueront jamais.
    -Mon grand cheval-volant, je te le jure par mon âme.
    -Bon. Et maintenant, Dragon Doré, commande aux valets d’écurie de m’apporter sept sacs d’avoine, et de me tenir prête toute l’eau qu’il me faudra. Dans une heure, moi et toi nous serons partis pour un grand voyage. Tandis que je bourre ma panse, toi, va-t-en courir en ville. Achète une livre de poix chez un cordonnier, une aiguille d’or chez un orfèvre, et reviens au grand galop. »

    Le Grand cheval- volant en tant que guide, comme Jésus, se montre ici omniscient : il connaît l’avenir et l’anticipe. Comme Jésus, encore, il demande à son interlocuteur de préciser ses sentiments, de pratiquer une recherche intérieure pour l’aider à mieux se connaître et à éveiller son esprit. L’Amour dénué d’intérêt, sans volonté de posséder l’autre ou ses biens (l’Agapè du héros) est ici comme pour les héroïnes de « La Belle et la Bête » et de « La légende de l’herbe bleue » mise à l’épreuve à l’aune de l’avancement dans la quête personnelle. Il est important de noter que ma mise en parallèle sur l’Amour ne peut aller très loin ; le conte est fortement empreint de la vision judéo-chrétienne : le héros fait plusieurs serments à son guide, et de plus jure par son âme afin de souligner l’importance de ces serments. Un cathare ne pratiquera jamais aucun de ces deux rites !

    Si, enfin, l’on « dépouille » le Grand cheval-ailé de ses artifices merveilleux, étant donné le caractère versatile des humains à l’égard des animaux, on peut comprendre qu’il tente de s’assurer gîte et couvert pour ses vieux jours (cf. Les musiciens de la fanfare de Brême).

    Les lieux du conte.

    En « se baladant » dans les contes de J-F . Bladé, certains de ces lieux nous deviennent familiers :

    – Le Bois de Ramier abrite cette fois la maison du Diable. Cette maisonnette lui sert de première prison pour cacher la Demoiselle.
    – Le château de La Mothe-Goas est situé dans l’ancien comté compris entre Lectoure et La Sauvetat.
    – Le ruisseau de Lauze, qui berce les pleurs de la Demoiselle, est un petit affluent du Gers.
    – Pour accéder aux deux dernières prisons de la Demoiselle, les voyages seront tout autres.
    – La deuxième épreuve se situe une nouvelle fois au-delà de « la mer grande, grande » pour marquer les difficultés croissantes. Cette mer souvent présente dans les contes de Bladé est le symbole de l’épreuve qui pousse nos héros et héroïnes à se dépasser, et à sortir « différents » un peu comme dans un rite de passage. La récompense vient alors, ici sous la forme d’objets magiques qui permettent la réussite de la dernière entreprise. La tour, sur la cime d’un rocher, construite d’or et d’argent n’est pas sans nous rappeler les prisons dorées de la Belle, et de l’épouse du Corbeau.
    – Pour la dernière épreuve, le conteur n’hésite pas à nous envoyer dans les étoiles. La quête est alors au sommet de la spiritualité. Les Trois Bourdons désignent le baudrier d’Orion[4].

    Quant à la ville de Bordeaux, elle semble ne représenter qu’une étape pour collecter les objets magiques : La poix, pour confisquer l’ouïe au prince, l’aiguille d’or pour lui confisquer la parole. Le chemin cathare apparaît clairement. Pour gagner en esprit, il s ‘agit de « dompter » ses sens.

    La quête du héros.

     Si elle semble classique au départ [il s’agit pour le prince de libérer sa belle], elle s’avère néanmoins être singulière, ne serait-ce que par le choix des référents mythologiques et spirituels.

    L’épreuve spirituelle tout d’abord ; l’interdit à ne pas transgresser (plus souvent réservée aux héroïnes (Le Petit Chaperon Rouge, Barbe Bleue, La légende de l’herbe bleue…) nous emmène sur le chemin cathare. Il s’agit pour le héros de nier l’influence de ses sens afin de continuer son chemin sans chuter comme lors des deux premières fuites. Il fuit le Mal qui est censé être bien plus fort que lui, le temps de la nuit, et le Mal bien sûr utilise ses armes les plus efficaces, à savoir les sens trompeurs de notre âme mondaine qui provoquent faiblesses et échecs. Il persécute la Demoiselle, lui inflige des souffrances physiques afin qu’elle appelle son promis à l’aide et le pousse ainsi à la faute, il la terrorise en sortant son épée pour lui laisser croire qu’il va tuer son chevalier alors que son sadisme n’est pas pressé d’en finir. La menace du Diable est très claire : « Jusqu’à la pointe de l’aube, j’ai pouvoir de vous tourmenter. Dis un mot, retourne-toi vers ta belle, je l’emporte ; et tu ne la retrouveras jamais, jamais. » Il s’agit donc d’un double interdit : ne pas parler à son aimée, ne pas la regarder. Les deux premiers échecs de fuite étant analysés, il est temps de prendre la décision qui évitera un nouvel échec. Soumis encore à la mondanité de son âme, il faut donc trouver le moyen de la faire taire ; la solution, bien que provisoire est spectaculaire et quand même violente. Mais je pense en fait que la méthode importe peu, ce qu’il faut retenir c’est qu’avec une détermination et une foi infaillibles chacun, face aux difficultés apparemment infranchissables, peut finalement trouver une solution. Le prince ne manque de courage dans aucun de ses combats face au Diable : « Alors, il tira son épée, et frappa sans peur ni crainte », ou encore « D’un grand coup de pied, le Dragon Doré brisa la porte. » Vainqueur dans chacun de ses combats physiques « Tous deux tirèrent leurs épées, et firent bataille. Enfin, le Dragon Doré porta son ennemi par terre. », c’est dans la fuite du Mal, (alors métaphore de son propre avancement dans le Bien) que le prince trébuche plusieurs fois, comme tout cathare sur son chemin.

    Cet interdit s’inspire du magnifique mythe d’Orphée et Eurydice que je prends grand plaisir à vous rappeler ici.

    Apollon, dieu grec de la musique, offrit à son fils Orphée une lyre. Celui-ci jouait si bien qu’il surpassait même l’habileté de son père. Lorsque Orphée jouait, les objets qui l’entouraient prenaient vie tant sa musique était envoûtante. C’est en jouant de sa lyre dans un bois qu’Orphée attira la belle nymphe Eurydice. Amoureux, ils se marièrent mais leur bonheur fut de courte durée, interrompu par la disparition tragique d’Eurydice, tuée par un serpent venimeux. Orphée perdit alors le goût de la vie et de la musique. Mais, non résigné, il décida d’aller chercher sa bien-aimée aux Enfers. Charmant avec sa musique les défenseurs des lieux, il réussit à obtenir une audience avec le dieu des Enfers, Hadès tombé lui aussi sous le charme. Ce dernier lui permit de ramener Eurydice à la vie sur terre à condition qu’il respectât une règle : il ne devait pas la regarder avant qu’ils ne fussent tous deux de retour au pays des vivants. On sait bien que la cruauté de ces dieux-là pouvait égaler les pires noirceurs du Diable. Arrivé à la surface, Orphée, heureux se retourna pour embrasser enfin Eurydice lorsqu’il se rendit compte qu’elle n’était pas sortie totalement des Enfers. La règle transgressée, la punition ne se fit pas attendre : Eurydice disparut à jamais. Cette tragique belle histoire symbolise l’amour intense et les limites que les humains sont prêts à franchir pour le garder.

    Le temps du conte.

    Le temps ne peut être ici étudié de la même manière que dans d’autres contes. Si l’on nous précise que le prince suivit sa formation militaire pendant trois ans auprès de son roi, le temps va ensuite se dérouler à toute vitesse, à l’image du Grand cheval-volant. Il s’agit de fuir le Mal, et malgré les compétences hors pair de notre cheval, le héros et sa belle sont de simples humains bien fragiles qui chutent par deux fois. La délivrance de la belle puis la fuite effrénée se succèdent alors sans temps d’arrêt. Les pauses, les parenthèses philosophiques et spirituelles sont suggérées par les formules répétées de Grand cheval-volant, dans son questionnement sur l’amour, et, dans celles serinées du Maître de la Nuit, comme une réponse en écho négatif sur l’amour impossible.

    Le Grand cheval-ailé : « Dragon Doré, m’aimes-tu ? […] Dragon Doré, si tu m’aimes, jure-moi, par ton âme […] »

    Le Maître de la Nuit : «  […] Jusqu’à la pointe de l’aube, j’ai pouvoir de vous tourmenter. Dis un mot, retourne-toi vers ta belle, je l’emporte ; et tu ne la retrouveras jamais, jamais. »

    On peut relever aussi que pour exprimer le temps les adverbes et locutions adverbiales ont été choisis avec minutie. On l’a vu, les voyages pour libérer la belle de sa prison et les fuites qui s’en suivent se passent toujours la nuit, temps réservé au Mal, ici Maître de la Nuit, temps de l’obscurité et qui peut connoter aussi le Néant, temps du fini, comme on le voit au dénouement. Les seules expressions choisies et paraphrases, qui dénotent un temps un peu plus long, ajoutent à la poésie du conte : « entre le coucher et le lever du soleil », « avant la pointe de l’aube », « jusqu’au lever du soleil », « jusqu’à sa mort »…

     Mais si ce temps appartient surtout au Mal, malgré son nom prétentieux il n’en est pas vraiment le maître incontesté. En effet, on l’a vu, les bêtes de la nuit dont les humains se méfient souvent, ne sont pas forcément ce que l’on veut croire ; la preuve, ces hiboux et chouettes qui en devisant révèlent de précieuses informations à nos héros dans leur quête. « Ces bêtes qui savent tout ce qui se passe chaque nuit » « devisaient à la cime du chêne ». Les expressions du temps connotent alors la douceur et la civilité : « les effraies menaient toujours leur sabbat, et devisaient, tant que la nuit durait encore ». La nuit, Bien et Mal sont possibles.

    Les adverbes dans la bouche du Maître de la Nuit sont tranchants comme des lames, comme pour affirmer peut-être un pouvoir pas si certain : « … et tu ne la retrouveras jamais, jamais. »

     Le point d’orgue se situe, bien sûr, au lever du soleil : «  Jusqu’au lever du soleil, il fit sans se retourner, bataille contre le Maître de la Nuit et tous les Diables de l’enfer. Alors, ce méchant monde s’évanouit comme une brume. »

    « jamais » connotait bien le néant d’être du Mal qui devient effectif à « la pointe de l’aube » lorsqu’il disparaît comme une brume, suivi de tous ses démons.

    Pour tenter une belle conclusion, je ne peux résister au désir de citer cette enchanteresse phrase cathare chère à Guilhem : « Si le Mal est vainqueur dans le temps, le Bien est vainqueur dans l’éternité. »

    Chantal Benne


    [1] Les premiers exemples de telles unités remontent à l’Antiquité avec les Dimaques d’Alexandre le Grand ou les Alamans. Au Moyen-Âge, le dragon était considéré comme le symbole de la puissance et de la vaillance, deux qualités qui le rendent invulnérable. C’est ce qui explique que de nombreux chevaliers l’aient placé dans leurs armoiries.

    [2] Le cheval ailé divin, généralement blanc, avait pour père Poséidon. Son frère Chrysaor et lui étaient nés du sang de la gorgone Méduse, décapitée par Persée. D’après les poètes gréco-romains, il monta au ciel après sa naissance et se mit au service de Zeus, qui le chargea d’apporter les éclairs et le tonnerre sur l’Olympe. Capturé par Belléphoron, un roi de Corinthe, il aida ce dernier à vaincre la Chimère. Plus tard, il retrouva Zeus qui le transforma en constellation du même nom.

    [3] Chez les Celtes, le chêne était un des sept arbres sacrés du bosquet des druides avec l’aulne, le bouleau, le houx, le pommier, le saule et le noisetier.  Le bosquet des druides était un lieu religieux, magique et initiatique, un temple rituellement organisé consacré aux divinités qui parlaient dans leurs branches.

    [4] La ceinture du baudrier d’Orion est l’un des astérismes les plus connus. Les astérismes sont ces figures remarquables dessinées par des étoiles particulièrement brillantes. Ce baudrier est composé de 3 supergéantes bleues, Alnitak, Alnilam, Mintaka, point de repère du ciel nocturne et objet de nombreuses références mythologiques et religieuses.

    La légende de l’herbe bleue ou le conte du roi des corbeaux

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    La légende de l’herbe bleue ou le conte du roi des corbeaux.

    Ce conte de Gascogne recueilli par J.-F. Bladé est un conte initiatique, intemporel, poétique et mystique qui relate l’histoire d’une rédemption, mais aussi une quête de la lumière qui soustraira l’âme errante au néant.

    Dans la classification des contes de Aarne Thompson[1] « Le roi des corbeaux » est représentatif du type 425 : la recherche de l’époux disparu, que l’on retrouve de l’Europe à la Chine et qui a été développé par Apulée[2] dans les « Métamorphoses » sous le titre d’« Amour et Psyché ». Mais « Le roi des corbeaux » est aussi représentatif du type 471 : le voyage dans l’Autre Monde .Read more

    L’homme de toutes les couleurs

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    Les contes cathares

    L’homme de toutes les couleurs.

    Un début de conte qui peut nous rappeler « Le chat botté » (dans l’héritage paternel, le petit dernier de la fratrie semble lésé) ou encore « Peau d’âne » (lui aussi doit aller, affublé d’un « vêtement » qui va définir sa nouvelle vie. Mais les ressemblances s’arrêtent là.

    Le héros du conte, rebaptisé « l’homme de toutes couleurs » de par son habit rapiécé qui dénote son état, a pour quête d’aller gagner sa vie (comme le malheureux fils du meunier).Read more