Analyse du mythe cathare de la tête d’âne
«Le salut de nos esprits prisonniers passe donc par l’éveil qui développe notre foi et nous pousse à nous engager dans une voie visant à purifier l’esprit du corps qui le renferme» Guilhem de Carcassonne
«Le salut de nos esprits prisonniers passe donc par l’éveil qui développe notre foi et nous pousse à nous engager dans une voie visant à purifier l’esprit du corps qui le renferme» Guilhem de Carcassonne
Je viens de découvrir un livre essentiel et incontournable de René Nelli: «La philosophie du catharisme, le dualisme radical au treizième siècle» qui m’a donné envie d’étudier ce passionnant et inépuisable sujet qu’est le concept du Néant.
En m’appuyant sur les réflexions de cet auteur, et à l’aide des deux œuvres essentielles du catharisme parvenues jusqu’à nous, «Le Traité cathare anonyme» [1] et «Le Livre des deux Principes» [2] je vais essayer d’approcher au plus près ce concept philosophique du Néant tel que nos ancêtres cathares l’ont développé et enrichi du début du XIIIème siècle jusqu’au début du XIVème et tenter de mettre en valeur son originalité dans le paysage religieux de cette époque.
Il est certain pour R. Nelli que les docteurs cathares du XIIIème siècle connaissaient bien les travaux de Saint Augustin sur le sujet, et il me paraît inévitable d’en faire un court résumé, sans perdre de vue que la philosophie du Saint (354 – 430) avait pris sa source dans les pensées de Platon, Aristote et Socrate.
Il faut distinguer tout d’abord avec Augustin le Néant absolu (le Mal) du néant relatif (le péché). Le Néant absolu que représente le Mal sur le plan métaphysique n’est pas pour autant un principe éternel: il n’est rien du tout. Dans les âmes sataniques ou humaines, il n’est que privation, perte de Bien. On retrouve cette théorie dans le «Liber contra Manicheos» de Durand de Huesca. [3]
Si pour les cathares aussi le Mal est privation du Bien, il est en outre un principe éternel démuni de l’Être.
Le mot Nihil signifie parfois aussi chez Saint-Augustin le «non-être» ou néant relatif, en fait une sorte de «moins-être». Le Mal, qui pour néant qu’il soit dans l’Absolu (ou encore Nihilum: le Néant), n’en est pas moins pour Augustin quelque chose dans la créature pécheresse qui le fait. De même que le Diable, le péché, les pécheurs, les idoles on le verra dans les « Soliloques Apocryphes», sont qualifiés de Nihil.
Ce Nihil n’est donc pas le Néant Absolu, mais un «quasi-nihil» selon l’expression même d’Augustin. Il correspond à l’état ontique de la créature qui, à la suite du péché et de la corruption, a subi une diminution de l’être, une dégradation de son essence.
Liber Soliloquiorum animae ad Deum ou « Soliloques Apocryphes» est un ensemble de textes d’abord attribués à Augustin mais probablement écrits par plusieurs docteurs catholiques influents. Composés pour la plupart au XIIIème siècle, ces textes furent néanmoins peu répandus avant le XIVème siècle.
L’influence de l’Évangile selon Jean y est importante. En effet , se trouvent en ajout désignées comme nihil, l’ensemble des choses «diminuées» qui n’ont pas été créées par le Verbe (Jean. 1,3); à savoir les Ténèbres, l’Erreur, la Mort, la corruption et toutes les privations et négations qui existent mais qui ne sont pas; c’est le nihil negativum chosifié.
En opposant le Nihil à l’Être et le Néant relatif à la plénitude ontique, ces textes laissent donc entrevoir deux natures antagonistes, deux réalités, d’où leur qualificatif d’apocryphes dans une religion moniste [5]. Il est probable que certains ministres cathares aient eu connaissance de ces écrits, mais rien n’est prouvé.
Le chapitre V des Soliloques intitulé: «Qu’est-ce que devenir néant?» est très intéressant pour sa claire explication du Néant relatif.
«Mes iniquités m’ont conduit au néant, parce que tu es le Verbe et que je n’étais pas avec toi par qui toutes choses ont été faites et sans qui rien n’a été fait[…] Et c’est pourquoi sans toi je suis devenu un néant.»
Cette interprétation judéo-chrétienne a le mérite de nous expliquer le Néant relatif : Corrompu, l’être tend au néant sans s’anéantir réellement. On verra plus tard que si les cathares médiévaux étaient d’accord sur cette définition du Néant relatif, ils ne l’étaient plus du tout sur la cause de cet état corrompu.
On peut lire encore dans ce même chapitre:
Le Verbe de Dieu nous dit: «Je suis la voie, la Vérité et la Vie.» Ainsi ,être séparé du Verbe, c’est être éloigné de la voie, de la Vérité et de la Vie: c’est n’ être que néant.»
Ce que l’on peut comprendre comme: c’est n’être qu’un reste d’être dans un étant défaillant. Ce concept sera développé et étayé par la philosophie cathare.
C’est dans le chapitre XIII du «Traité cathare anonyme» que nous est démontré que le Néant n’est pas un rien physique.
Pour Barthélémy de Carcassonne ( à qui on attribue ce Traité) le péché ne diminue pas seulement la valeur morale du pécheur; il affecte ontologiquement son essence.
Nous savons que pour les penseurs cathares, par définition la création matérielle est nihil car corruptible et transitoire. Elle sort du Néant pour aller au Néant. Les choses, les êtres de chair, créés par le Diable donc corrompus par le Mal peuvent être qualifiés de Nihil puisqu’ils ne sont pas au niveau de l’Être.
Si pour les cathares comme pour les catholiques, la néantisation de l’âme par le péché ne saurait être totale, la raison qui définit cet état n’est pas la même. Pour Augustin et les catholiques, la néantisation ne peut être totale parce que «Dieu ne veut pas anéantir sa créature». Pour les cathares, la néantisation totale est impossible, car le principe du Mal étant éternel, bien que tendant vers le Néant, il ne peut s’abolir lui-même.
Autre différence de taille: Si selon l’Augustinisme la néantisation de l’être se fait par le péché sous l’action du Mal, selon le Catharisme la néantisation a lieu de toute éternité dans la création maligne.
b. Le Nihil comme Néant privé d’Amour.
L’auteur du «Traité cathare», dans ce même chapitre, cite tout d’abord Paul: (1C 13, 1-4)
«Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges,
S’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science,
Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes,
S’il me manque l’amour, je ne suis rien.»
«Je ne suis rien», explique Barthélémy, signifie «Je suis néant». Cette nourriture spirituelle est le pain supersubstantiel de l’oraison dominicale, ou encore le pouvoir de vouloir connaître le Bien de la prière du croyant:
«Donnez-nous de connaître ce que tu connais et d’aimer ce que tu aimes.».
Enfin, c’est aussi cet Amour selon Jean (première Épître. 4,16):
«Et nous, nous connaissons, pour y avoir cru, l’amour que Dieu manifeste au milieu de nous.
Dieu est amour: qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.»
Pour l’auteur du Traité, les créatures qui ne participent pas à cet Amour sont Nihil parce qu’elles ne sont pas dans l’Amour de Dieu puisque conclut-il: «E sens Lui es fait nient.» (nient = néant)
c. Le Nihil Absolu: principe du Mal.
L’interprétation cathare du verset (1,3) de Jean est peut-être bien le symbole le plus parlant de ce Néant Absolu. La traduction occitane du Nouveau Testament ou Bible de Lyon [4] donne comme lecture:
«Totas causas son faitas per Lui
E senes Lui es fait nient.»
Ce qui, littéralement donne en français: «Toutes choses ont été faites par Lui, et sans Lui a été fait le néant». Cette interprétation que l’on retrouve, un siècle plus tard, dans le registre de l’inquisition de l’évêque Fournier n’a d’ailleurs pas changé d’un iota. En effet dans le célèbre dialogue entre la catholique Arnaud Tesseire et le cathare Pierre Authié, au premier qui avait ainsi cité Jean: «Tout (omnia) a été fait par Lui et sans Lui rien (nihil) n’a été fait.», le second rétorqua: «Non! Toutes choses ont été faites par Lui (omni per ipsum facta sunt), mais aussi: toutes choses ont été faites sans Lui — en dehors de Lui — (omnia eran facta sine eo). Ce qui signifie, pour le cathare, que «sans Lui a été fait le Rien, c’est-à-dire l’ensemble des choses mauvaises» (omnia mala). Pierre Autier met ici en opposition, selon la doctrine même de Barthélémy, les deux principes ,et, les choses qui découlent respectivement de chacun d’eux: les choses bonnes émanant du Bien (omnia bona ) et les choses mauvaises ( omnia mala) qui elles viennent du Mal.
Est ici exposé clairement , dans sa forme parachevée, le concept cathare du Néant.
Le concept de la Création, dans ces deux systèmes de pensée est encore une fois totalement différent.
On se rappellera très vite que pour le système moniste [5] des catholiques, Dieu n’a pas créé le monde de sa substance mais du Néant.
La Genèse, chapitres 1 et 2 de l’Ancien Testament, présente par ailleurs deux versions différentes sur la création de l’être humain: (2,7-21-22)
«Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant.»[…] Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu’il avait tiré de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme …»
Mais, on peut lire aussi (1, 26-27):
Dieu dit: «Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance […] Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.»
Cette création ex-nihilo avait vraiment de quoi faire cogiter bien des penseurs et on peut, sans effort, comprendre qu’elle eût pu aussi dès le départ rebuter, même choquer bien des personnes, y compris dans le cercle même des premiers croyants. Elle est, en tout cas, totalement inconcevable pour des esprits qui distinguent par principe une “création” bonne d’une mauvaise, émanant de deux principes éternels totalement opposés.
Dans le système de pensée dualiste , Dieu est le Dieu d’Amour, de Lui ne peut émaner que les choses bonnes alors que les choses mauvaises sont affaire du Diable, étant entendu que d’un même principe ne peut émaner que sa propre substance (cf. Aristote).
Nous pouvons trouver les prémisses de cette opposition fondamentale dans le Traité cathare anonyme ,quand après s’être appuyé sur les Écritures comme avaient coutume de le faire les prédicateurs cathares avant leurs démonstrations, Barthélémy en citant l’Apocalypse (14,7) et (4,11) différencie déjà — cf. analyse de Guilhem, à lire sur le site — la création matérielle, symbolisée par l’Ange de l’Apocalypse à la création spirituelle représentée par les douze vieillards.
Le terme de « création» n’est d’ailleurs pas approprié au système de pensée cathare. Ses penseurs lui ont préféré le terme de «façon». Les deux principes ne sont pas créateurs mais «facteurs». Nous savons que d’après la cosmogonie cathare les être humains contiennent en eux des fragments de la substance divine. Il n’y a pas création donc mais «émanation» de la substance divine. Ces émanations (nos esprits saints prisonniers) restent reliées à leur principe aussi éloignées soient-elles de leur source, à l’instar de l’allégorie bien connue du soleil et de ses rayons.
Quant aux entités mauvaises, pour Jean de Lugio, ce sont des «modes» du mauvais principe. Éternel dans son principe, le Mal ( comme le Bien) se trouve consubstantiel et coéternel à ses propres émanations.
Pour en revenir au terme de «façon», il m’est impensable de ne pas dire un mot sur le lyrisme caché dans la cosmogonie lugienne, malheureusement si peu évoquée par Rainier Sacconi. Pour Jean de Lugio, Dieu a deux manières de «faire»:
La distinction fondamentale est clairement exprimée dans le chapitre XII du Traité Cathare Anonyme.
«Tout» ne signifie pas que les choses éternelles, bonnes et spirituelles, mais quelquefois aussi seulement les mauvaises et les péchés.»
a. Quand «tout» ne signifie que les choses bonnes: nous pouvons nous appuyer sur Jean (12,32)
«Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes .»
Nous savons bien que Christ élevé au-dessus de la terre, n’a attiré à lui ni toutes les choses, ni tous les hommes qui sont dans ce monde. Ce qui prouve, d’après Barthélémy, que «tout» ne désigne que les choses bonnes et spirituelles selon Jean (1,3-4), c’est qu’il ajoute aussitôt après «Ce qui a été fait par Lui était la vie»
b. Quand «tout» ne signifie que les choses temporelles, mauvaises , tous les maux et les péchés, Barthélémy trouve autant d’illustrations dans l’A. T. que dans le N. T. Il cite tour à tour:
L’Ecclésiaste(1,2):
«Vanité des vanités, tout est vanité.», et aussi (1,14): «J’ai regardé toutes les œuvres qui se font sous le soleil: eh bien, tout est vanité et poursuite de vent!», et encore (3,20): «Tout s’en va vers un même lieu: tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière.»
Paul, dont la lettre aux Philippiens résonne de ces mêmes accents: (3,7-8):
«Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur.»
En outre, on touche du doigt, ici, l’inversion des valeurs dont parle Guilhem pour définir l’entrée dans la foi cathare.
Le principe du Mal, ou mauvais principe, bien qu’éternel, est inférieur au principe du Bien, puisqu’il est finalement vaincu par ce dernier. Si Jean de Lugio, à l’instar de Saint- Augustin, attribue au Mal les Ténèbres, la Mort, l’Erreur et le Mensonge, il parachève la définition de ce Mal dans son système des deux principes en démontrant le caractère faux et mensonger de ses manifestations (vana et transitoria) dans le temps et la matière, caractère qui l’entraîne irrémédiablement vers sa fin inéluctable. Et pour finir, si dans le catholicisme c’est la Toute -puissance de Dieu qui empêche le Diable (qu’il a créé) de se confondre avec le Néant Absolu, dans le catharisme c’est la coexistence de l’Être et du Néant qui fait que le Diable ne peut ni s’anéantir ni anéantir toute chose, puisque éternel dans son principe.
Dans un système spirituel préexistant opposant le Bien au Mal, la matière à l’Esprit, l’innovation du dualisme cathare a bien été d’inclure une nouvelle dimension, quintessence de sa spiritualité et de sa philosophie: l’ opposition de l’Être au Néant.
On comprend alors la remarque de René Nelli quand il affirme que la modernité de la théorie cathare du Nihil, est toujours difficilement réfutable pour ses adversaires d’aujourd’hui comme d’hier.
Dans cet univers dualiste des deux principes, tout(e) croyant(e) peut puiser son espoir et sa force dans la représentation de ce néant relatif (le monde vain et transitoire ou nature néantisée) véritable ennemi de l’Être .Il suffit simplement de ne pas oublier que ce n’est qu’à travers l’Être (présent dans la part des esprits saints volés) que le Diable et tous ses sbires cherchent à atteindre le Néant Absolu sans y parvenir totalement. Le cheminement spirituel cathare est donc de faire grandir, dans la constance et la règle de justice et de vérité, la lumière de cette part de l’Esprit qui est en chacun de nous.
Chantal Benne.
Notes
-1. Traité cathare anonyme. Texte généralement attribué à Barthélémy de Carcassonne, chrétien dyarchien, retrouvé dans le «Liber contra Manicheos», de Durand de Huesca. À lire sur le site (menu Église cathare de France→ Textes cathares).
-2. Le Livre des deux principes. Œuvre philosophique et théologique de Jean de Lugio, issue d’un manuscrit de la fin du XIIIème siècle; c’est un assemblage de différentes pièces issues d’un ouvrage qu’aurait possédé Rainier Sacconi, ouvrage qui aurait été constitué de quelques 300 feuillets. À lire sur le site (même menu que ci-dessus) avec une analyse cathare d’aujourd’hui.
-3. Liber contra Manicheos. Œuvre de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme (1160-1224)
-4. Nouveau Testament occitan de Lyon, écrit à la fin du XIIIème siècle (lecture incontournable sur le site)
-5. Système moniste: système philosophique qui considère l’ensemble des choses comme réductible à l’unité, soit au point de vue de leur substance, soit au point de vue des lois (logiques, physiques) par lesquelles elles sont régies, soit au point de vue moral. Le catholicisme est un monisme religieux (Dieu créateur du ciel et de la terre…) en opposition au dualisme (comme le catharisme qui reconnaît deux principes opposés).
La première interprétation que j’ai faite de ce conte me paraît aujourd’hui erronée, et j’aimerais, ici, vous présenter le résultat de mes nouvelles réflexions, en espérant qu’elles susciteront des réactions de votre part.Read more
Justice et vérité, rappelle Anne Brenon dans son fascicule « Les mots du catharisme », sont d’abord les attributs de Dieu lui-même. Cette voie, ou règle, rassemble donc les valeurs du Bien, celles des Préceptes qui forment la règle de l’Évangile. C’est la voie qui peut permettre le salut.
La Vérité, valeur cardinale cathare nous relie aux apôtres « ceux qui ne mentaient pas » en opposition à la fois, à l’Église catholique romaine, et au diable qui lui en a fait son essence première. On saisit, de prime abord , l’importance du voeu de vérité cathare qui est, me semble-t-il, le plus accessible et le plus fécond parmi les premiers voeux du croyant en chemin.
La justice, autre valeur suprême du Bien, s’exprime, elle, par l’Amour ou Bienveillance et la miséricorde à l’égard de toute vie et va produire la non-violence. Des fondamentaux de cette voie, les préceptes doctrinaux, on le voit, coulent de source.
La règle de justice et de vérité s’adresse à la conscience de chacun. Si elle est destinée à l’usage des Consolés, elle représente néanmoins le modèle moral essentiel à tout croyant cathare pour mettre en oeuvre sa spiritualité. C’est en étudiant tout d’abord, puis en adoptant progressivement chaque élément de la règle de justice et de vérité que tout croyant pourra cheminer vers son noviciat puis sa Consolation.
Cette règle chrétienne rappelle la ligne de conduite morale et sociale qui anime les chrétiens (ou Consolés) .
Je m’appuie, vous vous en doutez, sur les divers travaux de Guilhem pour effectuer mon propre travail.
Le commandement premier est, nous le savons tous, l’Amour, l’Amour universel, nommé Bienveillance par Guilhem, l’Amour tel qu’il est décrit par Jean .
Jean, (14. 34-35) « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »
Il faut être dépourvu de toute étincelle divine pour ne pas comprendre et tenter d’appliquer, même si ce n’est qu’en discontinu, cette quintessence de la Parole. En tout être humain socialisé, existe la propension à aimer, à aimer ses semblables, à vouloir s’en rapprocher, à éprouver le besoin de partager. Mais la noblesse de l’âme, c’est de diffuser cet amour à tout instant, de manière constante, et à tout ce qui vit. C’est en même temps bannir la haine de son cœur. Face à la violence physique ou morale constatée ou subie, ne plus éprouver de haine : voilà un vrai défi à se donner ! Nous avons bien peu d’exemples concrets d’êtres humains ayant élevé ainsi leur âme spirituelle, alors que les transmigrations d’âmes sont notre lot.
Les cathares, selon l’exemple de Christ, se sont donné cette règle de vie, ayant compris l’importance de ce concept incontournable. Pratiquer la Bienveillance, c’est bannir la haine en nous, c’est par voie de conséquence bannir la violence inhérente à notre nature imparfaite. Cet unique chemin pour parvenir à notre bonne fin met bien en lumière en même temps la pureté de la quête et la difficulté à l’atteindre.
Cette Bienveillance émanation du principe du Bien, totalement ignorante de son contraire, est lisible à l’envi dans le Nouveau Testament :
Matthieu rapporte ces autres paroles de Jésus (5. 44-45) : « Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons… » Il s’agit bien de l’Amour universel prodigué par le principe du Bien, totalement ignorant de son contraire.
Il est important, me semble-t-il, de s’interroger sur notre position personnelle quant à ces deux versets. En toute sincérité, il nous apparaîtra assez vite qu’il sont déjà bien plus difficiles à appliquer que ce que pouvaient nous laisser croire les versets de Jean.
En effet, puis-je vraiment dire que je ne ressens plus de rancoeur à l’égard de la personne qui m’a blessée, que je n’éprouve aucune colère contre les actes de violence et d’injustice dont je suis témoin, ou encore aucune haine à l’égard d’un tyran agissant impunément au vu et au su de tous ? Je comprends alors très vite que la Bienveillance est un très long apprentissage, une quête sans fin mais aussi la lumière qui éclaire mon chemin. La Bienveillance n’étant pas de ce monde, elle y est toujours à parfaire.
Pour conclure cette réflexion sur l’Amour universel, je dirai que le plus beau texte que je connaisse aujourd’hui se trouve lui aussi dans le Nouveau Testament, dans la première épître de Paul aux corinthiens (13, 1-7) :
Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science.
Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien.
L’amour prend patience, l’amour rend service, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité, il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. »
De cette praxis de la Bienveillance deux applications directes en découlent. Nommés encore les fondamentaux, ce sont la non-violence et l’humilité.
Le concept de non-violence, lorsqu’on se donne la peine de l’étudier vraiment a vite fait de nous prouver nos limites . Qui en toute honnêteté peut se dire absolument « non violent » ? La réponse sans aucune ambiguïté est tout à fait incertaine.
Si la Bienveillance est si peu de ce monde, c’est bien parce que la violence en occupe presque toute la place. Il faut, je crois une longue pratique de maîtrise de soi et une grande humilité aussi pour résister à répondre à la violence. Ce qui nous permet par ailleurs de comprendre comment ces concepts fondamentaux se croisent, s’interpénètrent, s’enrichissent les uns les autres.
Il y a peu de Gandhi, peu de Térésa dans le genre humain !
En effet, qui peut sincèrement prétendre parvenir à cette injonction de Jésus ?
Matthieu, 5-39 : « Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. »
Dans le catharisme, la violence légitime n’existe pas. Le cathare peut seulement s’interposer pour essayer de calmer la violence car il s’agit de pratiquer la non-violence absolue, c’est-à-dire qu’il s’agit d’évacuer tout concept de violence de notre nature spirituelle. C’est pour cela que si nous voulons vraiment nous assurer qu’aucune de nos actions ne puisse nuire à quiconque nous devons l’étudier consciencieusement. La tâche, alors, paraît vite insurmontable dans ce monde. Notre Bienveillance doit ainsi s’appliquer envers toute forme de vie consciente selon une graduation précisément décrite par Guilhem dans son article du 23 juin 2019 (Les fondamentaux de la doctrine et de la praxis cathare).
Si j’étudie sérieusement ma position personnelle quant à la violence, au-delà de mes inhibitions « naturelles » qui me font exclure, de manière générale, la violence physique sans effort particulier, je dois bien m’avouer que, guidée par la colère ou la révolte, je peux être violente par mes paroles et que malgré mon prétendu amour pour les animaux, je ne donne pas sa chance au moustique gênant, ne tolère pas l’araignée près de mon lit, et pis encore, j’ai fini par utiliser un répulsif pour chasser la taupe du jardin. Le constat moral est instructif : Je suis loin de pouvoir me prétendre non-violente .
C’est en pratiquant quotidiennement la non-violence, dans nos relations aux autres, comme dans notre alimentation, nos actes quotidiens, que nous pouvons ressentir la joie de cheminer vers la pureté désirée. Tout acte simple et volontaire de ne pas gaspiller, ne pas s’imposer, ne pas désirer, ne pas marquer notre passage est tellement libérateur !
Comme le rappelle Guilhem, pour le chrétien, « il ne suffit pas d’éviter tout acte violent à l’égard des animaux, il s’agit bien de ne plus consommer la chair animale. »
J’ai peur parfois de me tromper moi-même quant à la réelle valeur de mes avancées dans cette démarche.
Cesser de manger de la viande m’a demandé quasiment pas d’effort, et mon âme en est plus légère depuis dix ans, mais je n’ai toujours pas mis en pratique un régime végétalien et je bois du lait comme une enfant ! Ma tunique de croyante est cousue d’énormes paradoxes qui me donnent l’impression de ne gagner du chemin que dans la facilité, autant dire l’impression de ne pas avancer ou bien, au mieux, de ne pas avancer au rythme qu’il me plairait de tenir. Je ne perds néanmoins pas courage en me rappelant que l’impatience est un mal déguisé offert par le démiurge pour me faire chuter.
Consommer la chair animale participe de la violence cachée mais néanmoins réelle, puisque en mangeant cette chair, le mangeur devient complice de la maltraitance due à l’élevage intensif et de la mise à mort qui en résulte.
Pour ces mêmes raisons, le croyant ne peut se voiler la face, et doit lui aussi adopter le régime végétalien s’il veut pouvoir poursuivre son cheminement.
Quant à la violence que l’on peut ressentir pour nos semblables, elle se présente sous de nombreuses formes déclinant une impressionnante palette de sentiments créés par notre faible âme humaine, ou pire encore par notre ego.
Quand on entre dans le domaine des sentiments et de la psychologie, quand il s’agit par exemple d’oublier les conflits passés, d’apaiser des relations, de faire table rase de ces émotions que l’on sait subversives, on saisit très vite la faiblesse de notre âme mondaine et le pouvoir insoupçonné de notre égo.
Jésus nous rassure quand, emporté par sa colère, il chasse les marchands du temple.
Jean (3. 15-16) : « Alors s’étant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, et les brebis et les boeufs ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa leurs tables ; et il dit aux marchands de colombes : « Ôtez tout cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». »
Bien sûr, il ne s’agit en aucun cas d’utiliser cet acte violent (unique par ailleurs) de Jésus pour nous dédouaner de nos propres actes de violence. Son geste de colère nous rassure dans le sens où il nous renvoie notre propre faiblesse, nous rappelle que la non-violence absolue, participe, comme les autres fondamentaux, à la mort de l’Adam en nous, et que cette mort libératrice ne peut se faire que lentement par une pratique consciente et permanente de notre part. La violence du monde « habite » notre tunique d’oubli sans que nous en ayons même conscience.
Nos ancêtres cathares médiévaux l’avaient bien compris quand ils s’attribuaient jusqu’à la faute de la violence inconsciente comme par exemple dans le fait d’écraser quelque insecte par mégarde.
Le deuxième concept fondamental de la règle de justice et de vérité est l’humilité.
Ce concept d’humilité, est illustré de nombreuses fois dans le Nouveau Testament, mais l’exemple le plus beau de cette vertu est, sans nul doute, la kénose du Christ telle qu’elle est comprise par la cosmogonie cathare. Ce signe d’humiliation individuelle de la part de Christ qui met de côté ses attributs divins en s’abaissant à l’état inférieur d’humain pour ne pas faillir à sa mission est, me semble-t-il, la quintessence de l’humilité. Il ne peut perdre son statut divin sans tomber sous l’emprise du Mal (exactement comme nous) mais il ne peut non plus révéler cette nature n’ayant aucune arme pour se défendre face à son adversaire. C’est ainsi qu’il prend une apparence d’homme sans se faire homme. Cette vision cathare a, en outre, l’avantage de questionner l’existence historique, encore jamais prouvée de Jésus (Docétisme).
La kénose signifie aussi, ne l’oublions pas, le refus, si important dans le catharisme, de toute hiérarchie.
« L’humilité, c’est refuser de se croire supérieur à quiconque […] Il s’agit de considérer que l’on est une parcelle de l’Esprit Unique tombée en ce monde, qui n’a rien de plus ou de moins que les autres, qu’elles soient tombées ou qu’elles soient demeurées fermes dans l’empyrée céleste. » rappelle Guilhem dans son prêche. Alors que Christ, dans son essence divine, a parfaitement réussi ce défi, serait-ce la puissance de notre ego qui nous maintiendrait dans l’incapacité de pratiquer cette noble attitude ?
L’Évangile de Jean rappelle que nul n’est suffisamment pur pour ne pas être humble au service de ses semblables (13.12-15) : « Lorsqu’il eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? Vous m’appelez le Maître et le Seigneur et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné: ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. »
Le maître, en se mettant en position de serviteur, démontre donc la vanité des rapports hiérarchiques entre les humains tout en donnant l’exemple à suivre pour « épouiller » la vanité de notre tunique de chair. L’humilité devient alors la règle incontournable pour cheminer vers le Salut. C’est, précise Guilhem, ( 23 juin 2019 « Les fondamentaux de la doctrine et de la praxis cathare1 », « un état intérieur et personnel qui signifie la spiritualité » à mettre en opposition avec la vanité, expression, elle, de notre mondanité. Là encore, c’est par une constance vigilante que nous pourrons inverser ces valeurs en nous, car s’il est une vertu obsolète, voire dépréciée dans ce monde, c’est probablement l’humilité, et c’est donc seulement avec une conscience aigüe, en éveil permanent, que nous pourrons appréhender nos moindres erreurs. En cela, il est vrai que l’on peut comparer le cheminement du croyant au parcours du marathonien!
Si l’apprentissage de l’humilité est indispensable au croyant débutant pour éveiller sa spiritualité, elle permet au novice de ne pas se croire trop vite arrivé, et devient à l’instar de la non-violence, partie intégrante du chrétien afin qu’il se maintienne en état de recevoir la grâce divine. L’humilité consiste aussi, pour le croyant débutant à prendre le temps nécessaire à une véritable introspection afin de pouvoir apprécier le plus clairement possible sa position sur le » chemin ». Bien peu pratiqué dans notre vie mondaine, cet acte pourtant essentiel n’est pas des plus simples. Il s’agit bien de faire honnêtement sa propre auto-critique, de démasquer notre ego afin de le mieux combattre.
Des actes plus simples d’humilité peuvent être pratiqués dans notre vie quotidienne et nous aider à nous détacher de la vie mondaine ; prendre conscience de nos besoins essentiels et refuser d’entrer dans la course folle du consumérisme sans compter, faire attention à notre consommation d’eau quand on sait qu’elle se fait rare pour nos semblables sur certains points de la planète, et d’autres actions toute simples qui nous aident à ne pas « nous imposer » sur cette terre. Cela me gêne un peu , d’ailleurs, de considérer ces petites actions quotidiennes comme des actes d’humilité, car ils apportent une réelle satisfaction lorsqu’ils nous font entrevoir la liberté qu’ils nous font gagner. Pour bien appréhender ce qu’est l’humilité, je préfère me référer aux textes du Nouveau Testament, les évangélistes maîtrisant bien ce sujet. J’aime particulièrement relire certains passages utiles à l’appréhension de cette notion d’humilité. Paul définit l’humilité en l’associant à la Bienveillance mais aussi à d’autres sentiments humains qui sont plus répandus, qui nous « parlent » peut- être plus comme la compassion et l’empathie, tout en rappelant que nous sommes tous égaux :
Lettre aux Éphésiens, 4. 1-3 : Je vous y exhorte donc dans le Seigneur, moi qui suis prisonnier : accordez votre vie à l’appel que vous avez reçu ; en toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour ; appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix.
Lettre aux Colossiens, 3. 12-14 : Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement, comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même, vous aussi.
Lettre aux Romains, 12.14-16 : Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord entre vous ; n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble.
Avec Luc, tout timide peut se reconnaître et reconnaître aussi que de son « handicap », il peut faire une force à moindre frais.
Luc. 14. 7-11 : Jésus dit aux invités une parabole, parce qu’il remarquait qu’ils choisissaient les premières places ; il leur dit : « Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, de peur qu’on ait invité quelqu’un de plus important que toi, et que celui qui vous a invités, toi et lui, ne vienne te dire : Cède-lui la place ; alors tu irais tout confus prendre la dernière place. Au contraire quand tu es invité, va te mettre à la dernière place, afin qu’à son arrivée celui qui t’a invité te dise : Mon ami, avance plus haut. Alors ce sera pour toi un honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. Car tout homme qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse, sera élevé. »
Le timide ne fait pas de tel calcul, il ne se met pas à la première place, car il est timide, il manque d’assurance. Il a ainsi l’avantage de ne pas se croire, la plupart du temps en tout cas, au-dessus des autres . Mais, de ce fait pour lui, il n’y a pas non plus, matière à se satisfaire d’une épreuve évitée « À vaincre sans péril… » . Ce qui est rassurant sur cette difficile acquisition d’une telle vertu, c’est qu’elle découle directement de la Bienveillance. Si nous nous appliquons alors à faire grandir la Bienveillance en nous, notre humilité, à son tour, devrait grandir en chemin. Ce qui m’interroge davantage et me met en garde contre mes propres faiblesses, ce sont les associations faites par notre Chrétien :
Il faut associer à l’humilité constance et conviction pour cheminer vers le Bien.
La constance est une vertu qui m’est vraiment difficile à mettre en pratique. Étant fâchée avec le temps qui passe, dilettante incorrigible, distraite par nature, je me disperse sans compter dans plusieurs lectures comme dans plusieurs actions à la fois au détriment de la qualité de mes engagements. Il m’est douloureux, au final, de me rendre compte que je n’ai pas mené à bien une simple petite règle que je m’étais donnée (par exemple sur mon régime alimentaire, sur l’organisation de mes lectures etc…) et J’ai beau jeu ensuite d’accuser ma faible nature. Or, si je ne cherche pas de moyen pour remédier à la situation d’échec qui en découle, je suis bien obligée de constater que je n’avance pas dans mon cheminement. Comment combattre ses propres faiblesses ? Le sujet est inépuisable et passionnant. Trouver un palliatif dans ses propres ressources, une autre « qualité » qu’on est sincèrement sûr de posséder, au moins en partie, peut alors probablement nous aider. Je pencherais pour la fidélité, car je pense en effet en être pourvue. Le chemin est devant moi.
Depuis avril dernier, j’ai fait mien un autre élément doctrinal de la règle qui, encore une fois, ne m’a rien « coûté ». Il est aisé en effet je pense, la soixantaine passée, de pratiquer l’abstinence sexuelle, bien plus certainement que lorsqu’on est plus jeune. D’autant plus facile encore si l’on partage sa vie avec une âme-sœur. Il y a entre deux âmes-sœurs d’autres liens tout autres, moins vains, plus solides et continus.
Vous avez sûrement rencontré, vous aussi cette phrase (in « catharisme d’aujourd’hui ») : « Le détachement de l’appétence pour la sexualité se manifeste de toute façon dès que le développement spirituel atteint un niveau où l’esprit devient premier. » Je ne veux pas me mentir en pensant que cela s’est produit ainsi pour moi. Je n’ai pas atteint ce niveau spirituel. J’ai juste, au fond de moi ce vieux désir, devenu avec le temps, de plus en plus impérieux de purification spirituelle.
Cet élément doctrinal sera le dernier que je me propose d’étudier pour le moment. Pour celui-ci, je peux parler d’une réflexion très ancienne. Je me rappelle parfaitement que lorsque je découvris l’histoire des cathares pour la première fois, le fait qu’ils rejettent toute forme de mensonge fut ce qui m’émut le plus, et je ne saurais dire pourquoi. Je n’ai pas vraiment prêté attention à ce que disent les évangiles à ce sujet, mais c’est bien mon père, empreint de culture judéo-chrétienne avant de la rejeter (en partie) qui m’a sensibilisée très tôt à cette faute. Il est vrai que dans ma famille nous étions entourés de menteurs, et même de quelques mythomanes ! S’il a quitté cette terre depuis cinq ans, j’entends toujours aussi nettement sa voix : « Je hais le mensonge ! » Comme lui, je hais le mensonge, je peux même dire qu’il me coûte de mentir. Ma conviction profonde est, que c’est avant tout au niveau personnel que l’on doit analyser cet horripilant penchant. Il est facile de se mentir, en tentant de minimiser par exemple nos actions « douteuses », ou en cherchant des excuses à nos erreurs, dans le but d’ avoir la paix avec notre conscience. La vigilance est de mise ! Quant à mentir aux autres, c’est leur manquer d’amour et/ou d’estime. Il me semble bien que chaque mensonge que j’ai pu faire m’a aussitôt coûté une douloureuse culpabilité. En ce qui concerne notre propre spiritualité, se tromper ou se mentir est bien probablement le plus odieux des mensonges. Ma quête d’Amour et de paix est étroitement liée à la vérité, la vérité de mon être que je ne connais pas, la connaissance des autres et de tout ce qui vit, avec l’espoir de réussir à éliminer toute illusion mondaine ou mensonge.
Dans cette règle de justice et de vérité, il y a d’autres éléments qui me tiennent à coeur d’étudier, comme le détachement, la dépossession, le retrait du monde , ou encore l’ascèse. Mais, cet essai de mise à jour sur mon cheminement personnel me rappelle mes priorités, priorités pour lesquelles, (une chance pour moi!) mon enthousiasme ne faiblit jamais, à savoir mes chères études. Puissé-je puiser en elles la constance nécessaire pour continuer ma belle aventure sur mon chemin cathare.
Chantal Benne
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1. in Église cathare de France, sous- menu « spiritualité et pratique »
Ce conte de Gascogne recueilli par J.-F. Bladé est un conte initiatique, intemporel, poétique et mystique qui relate l’histoire d’une rédemption, mais aussi une quête de la lumière qui soustraira l’âme errante au néant.
Dans la classification des contes de Aarne Thompson[1] « Le roi des corbeaux » est représentatif du type 425 : la recherche de l’époux disparu, que l’on retrouve de l’Europe à la Chine et qui a été développé par Apulée[2] dans les « Métamorphoses » sous le titre d’« Amour et Psyché ». Mais « Le roi des corbeaux » est aussi représentatif du type 471 : le voyage dans l’Autre Monde .Read more
Un début de conte qui peut nous rappeler « Le chat botté » (dans l’héritage paternel, le petit dernier de la fratrie semble lésé) ou encore « Peau d’âne » (lui aussi doit aller, affublé d’un « vêtement » qui va définir sa nouvelle vie. Mais les ressemblances s’arrêtent là.
Le héros du conte, rebaptisé « l’homme de toutes couleurs » de par son habit rapiécé qui dénote son état, a pour quête d’aller gagner sa vie (comme le malheureux fils du meunier).Read more