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Le rocher de Pèire l’Ancien

5-1-Histoire du catharisme
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Le rocher
La croix est destinée à rappeler l’imposition dans le sang du pouvoir catholique. © É. Delmas

Le rocher de Pèire l’Ancien

Le temps du rocher.

Pour présenter ce rocher, aujourd’hui « chaînon » de la mémoire cathare, et le situer dans un espace spatio-temporel, j’ai revisité les deux temps forts de l’Histoire cathare médiévale. 

Le premier temps, celui de l’implantation et du rayonnement cathare qui recouvre tout le treizième siècle, contient en lui-même deux périodes distinctes; celle du libre épanouissement spirituel d’avant la croisade, et celle de la réorganisation de l’Église cathare après la croisade (1220- 1228). [1]

Le deuxième temps est celui de la reconquête spirituelle par l’Église de l’Ancien, Pèire Autier qui couvre la première décennie du XIVe siècle. L’histoire du rocher s’inscrit dans ce temps-là, celui de la religion clandestine persécutée par l’Inquisition. Le troisième reste à écrire, c’est le notre.

Tout au long de ces deux siècles, il est frappant de constater la force de  la foi qui portait cette religion et qui lui permit de venir à bout   des grands chamboulements sociologiques subis  par l’action délibérée et  destructrice du pouvoir inquisitorial. Mise en place dans le seul but d’anéantir l’hérésie cathare, si l’Inquisition tua en un siècle moins que les croisés de Simon de Montfort en dix mois [2] elle exerça, en revanche, sur la «société cathare» un démantèlement systématique tel que son Église dut recréer  dans la clandestinité une nouvelle cohésion sociale. Malgré les difficultés inhérentes à cette situation, le catharisme parvint néanmoins à conserver toute sa cohérence religieuse et institutionnelle. Je n’engagerai que moi pour affirmer aujourd’hui que,  seul, un « génocide spirituel» put alors mettre à bas pour plus de sept siècles la religion cathare.

Dans la singulière société occitane médiévale qui, selon l’heureuse formule de A. Brenon, «transcende les clivages de classes», une des particularités du catharisme a été de puiser sa force dans la tradition familiale, véritable ciment des communautés depuis plusieurs générations. Les réseaux de solidarité eurent toujours pour noyau un clan familial, nobiliaire et souvent matriarcal dans le premier temps, puis bourgeois et populaire au XIVe siècle. Ces réseaux savamment réactivés par l’Église de l’Ancien, alors composée d’une quinzaine de Bons Hommes pour évangéliser des Pyrénées au Bas-Quercy, furent alors la figure de proue du catharisme clandestin.

Les «maisons de l’Église».

Ces maisons remplacèrent, dans un nouveau contexte social, les maisons cathares de la période du rayonnement. S’inscrivant dans la nouvelle sociabilité imposée par les circonstances , leur rôle alors fut évidemment diversifié et plus complexe: maisons de ville (comme la rue de l’étoile à Toulouse), de bourgs (comme la maison des Francès à Limoux) [3],  de hameaux (comme la borde des Bourguignons près de Bouillac), etc.  Mises en place très tôt, elles furent nombreuses et sans cesse réinventées en fonction de la progression des enquêtes inquisitoriales, à la fois points d’ancrage, relais, gîtes protecteurs, au rythme des  déplacements périlleux des Bons Hommes en activité [4]. Ces  foyers de croyants de la première heure, mais aussi de nouveaux croyants, pouvaient être des haltes d’un jour pour rythmer une trop longue marche, ou maison amie sûre pour  de plus longs séjours pouvant abriter alors les ordinations, les prêches et l’ enseignement aux croyants. Ces gîtes clandestins étaient tenus par des familles dont, la plupart  du temps, tous les membres participaient  en tant qu »hôtesses,   passeurs, agents,  guides, voire pouvaient même  jouer plusieurs rôles à la fois. Leurs noms, tels les Doumenc, les Hugou, les Isabe, les Lantar, et bien d’autres encore,  résonnent  dans le  » biopic » « Le dernier des cathares, Pèire Autier».

Larnat, un refuge sûr.

Larnat. © B. Joulia

Comme il y avait à Ax, à Tarascon, à Lordat, la demeure des Issaura  à Larnat fut une de ces maisons sûres  et accueillantes  pour les chrétiens, et  un lieu de contact assuré avec  ces derniers pour les croyants en demande.

Aux alentours du 29 septembre 1299, le croyant Guilhem de Luzenac fit savoir que Pèire Autier avait besoin de prendre du repos dans un endroit sûr. Ce soir-là Raimond et Pèire Issaura attendaient Guilhem de Luzenac au milieu de la côte sous Larnat. L’Ancien resta un mois  dans la maison refuge avant de repartir avec le Bon Homme Pèire Amiel, car il était réclamé à Mérens. Ce fut probablement, selon Anne Brenon, le plus long séjour de l’Ancien dans la maison Issaura.

Dès le  début du XIVe siècle, la famille Issaura de Larnat, famille de la noblesse du Haut-Comté de Foix, avait rassemblé sa foi et son courage pour venir en aide  à l’Église cathare.  Dans les mois qui suivirent le retour de Lombardie des frères Autier nouvellement consolés, leur maison devint  un des refuges privilégiés pour les Bons Hommes du Sabarthès [5]. Arnaud Issaura, le père, et particulièrement ses fils servaient de guides aux chrétiens, les accompagnant le plus souvent la nuit. Père et fils témoignèrent devant Jacques Fournier:

Arnaud: Pèire Autier et son fils Jaume venaient plus souvent que les autres hérétiques.
Pèire Issaura: C’étaient nos plus grands amis.

Pèire et Jaume Autier revinrent fréquemment, seuls ou avec d’autres compagnons.

Larnat, lieu d’ordination.

Dans la maison Issaura eurent lieu  l’ ordination des derniers ministres cathares du Haut-Comté:

-Vers 1301, ce fut l’ordination de  Jaume Autier et Pons Baille d’Ax-les-Thermes devant toute la famille Issaura.

-Vers 1302, Géraut de Rodès, dans sa déposition, [6] signale deux autres ordinations tout en affirmant  devant l’inquisiteur ne pas se rappeler les noms des nouveaux chrétiens.

– En 1303, Pons de Na Rica fut ordonné sous le nom de Pons d’Avignonet.

Il s’agit là des seules ordinations faites en Sabarthès. D’autres chrétiens furent ordonnés dans d’autres lieux protégés les années suivantes.

Larnat, un lieu pour faire sa« bonne fin».

Aux temps de la paix,  on pouvait amener facilement les mourants dans les maisons cathares tenues par les Bonnes Dames et les Bons Hommes pour recevoir la Consolation, » viatique » cathare de la bonne fin. De même, les chrétiens pouvaient-ils se déplacer librement pour apporter la Consolation à leurs croyants. Aux temps de l’Église de la clandestinité,  les Bons Hommes,  voyageant le plus souvent de nuit, accompagnés de guides ou passeurs, pour répondre à la demande de leurs croyants devaient affronter tous les risques;  délation, piège, arrestation. On a l’exemple de Jaume Autier et Andrieu , en chemin pour consoler une prétendue mourante, arrêtés sur traitrise de Guilhem Pèire-Cavaillé [7].

Pour vous donner une image un peu plus panoramique de la période, voici ce qu’en dit Anne Brenon dans «Les femmes cathares»:

À partir de maisons secrètes, à Toulouse, à Rabastens, dans les confins de l’Albigeois, du Toulousain, de la Lomagne, à partir des foyers amis et sûrs, comme celui des Francès de Limoux, ou le logis de Sybille Baille d’Ax, les pasteurs clandestins, par équipe de deux, se faisaient conduire dans les caves, les granges, les soliers, pour consoler les mourants ou prêcher au coin du feu.

Pour les croyants du Sabarthès, Larnat représenta alors, à  l’instar de Montségur entre 1232 et 1242, ce  lieu où l’ on pouvait   faire sa bonne fin.

-En 1302, Guillelme Cathala de Larnat transportée mourante dans une couverture par les frères Issaura, venait demander la Consolation aux Bons Hommes Pèire et Guilhem Autier [8]. Leur témoignage est précieux car il nous révèle le sens profond de la Consolation. Au moment de la ramener chez elle, l’Ancien recommanda alors aux deux frères de ne pas toucher la consolée à peau nue. En effet, cette dernière, devenue   Bonne Dame, aurait compromis  sa chasteté, et par voie de conséquence aurait rompu ses vœux.

-Durant le carême de la même année probablement, Guilhem Sabatier fils accompagné d’un ami, Berna Mounier, amenaient le vieux croyant Guilhem Sabatier de Limoux, son père,  pour faire sa bonne fin entre les mains d’un chrétien ( Pèire ou Guilhem Autier).

– Vers 1303, l’Ancien assisté de son frère Guilhem, consolait sur son lit de mort, Dame Huga de Larnat [9], épouse de Félip Issaura. Ce témoignage aussi revêt une importance particulière car il décrit les derniers instants partagés entre croyants et  chrétiens, et  comment ces   derniers veillaient au Salut des âmes des premiers.   La bonne fin de Dame Huga nous est connue par la prolixe et non croyante Sébélia Pèire, épouse de Guilhem Pèire-Cavaillé.[10]. Les détails qu’elle livre alors à l’inquisiteur lui venaient des confidences mêmes de l’Ancien . Dans sa confession, on y apprend qu’ après la consolation, la mourante alors en endura fut transportée dans un cellier, afin que le Bon Homme qui l’avait déliée de ses péchés pût demeurer jusqu’au bout avec elle,  afin de veiller à sa bonne fin. Ainsi le comprit Sébélia Pèire: « C’était pour que, si elle avait à nouveau besoin d’être reçue et consolée par eux, elle le fût».

-En juin 1306, ce fut le fils aîné de la famille qui fit sa bonne fin à Larnat entre les mains d’Amiel de Perles.

– Aux environs de septembre 1307, aucun Bon Homme ne se trouvait à Larnat pour Ermengarde la mère de famille. Elle mourut  sans pouvoir être consolée, le chrétien Felip de Talairac ayant été contacté trop tard [11]. Vers 1311-1312, après un passage au Mur et des peines commuées en port de croix, on pouvait rencontrer  Pèire et Raimond, tout deux  relaps,   dans l’entourage de Guilhem Bélibaste, en Espagne. Dans le même temps, en France , dans les villages occitans, le crieur public annonçait la mise à prix de la tête de Raimond pour 50 livres tournois. André Delpech souligne  l’importance de cette somme , comparée à la valeur de la maison ariégeoise de l’époque qui était de 40 livres tournois. On est heureux de penser que les deux frères purent apparemment échapper à l’Inquisition alors que vous vous en doutez bien, la belle maison Issaura fut brûlée au même titre que le corps exhumé du fils aîné Guilhem.

Ces témoignages nous éclairent donc suffisamment  sur la présence fréquente des Bons Hommes à Larnat.

Le rocher dans la clairière des prêches. © B. Joulia

Le rocher de Larnat,  lieu de prêches?

Lorsque en temps de paix, l’Église cathare jouissait de la sécurité et d’une large adhésion, le prêche pouvait être une cérémonie régulière à laquelle participait une importante assistance; on nota, à plusieurs reprises, une centaine de personnes en Lauragais dans les domiciles nobles (M S 609. Toulouse). On sait aussi qu’à Montségur, les évêques prêchaient à intervalles réguliers dans leurs maisons pour toute la population, garnison , croyants et revêtus[12].

Dans les récits citadins de la clandestinité,  les témoignages de Joana de Sainte Foy [13] et celui encore plus étonnant de Géraude de Toulouse [14] nous renseignent sur deux prêches connus: un jour de 1304,  Joana et sa mère, se rendirent dans un jardin de Saint-Cyprien ( un quartier  de Toulouse) pour y entendre prêcher l’Ancien Pèire Autier et son fils, guidés par Raimond des Hugous. Ce prêche de Saint-Cyprien est d’ailleurs  mentionné dans plusieurs culpae du registre de Bernard Gui. Quant à Géraude, elle confessa à l’inquisiteur avoir assisté une nuit  à un prêche libre de Jaume Autier dans l’église conventuelle de  la Sainte-Croix (située hors des murs de Toulouse).  Une  assemblée clandestine probablement appuyée, comme le remarque A. Brenon,  par des sympathisants extérieurs à l’Église cathare. Cette scène quelque peu surréaliste fait écho à la célèbre remarque du Bon Homme Guilhem Bélibaste:

Après tout, on peut prier Dieu dans une église aussi bien qu’ailleurs…

Dans les campagnes,  remarque Anne, c’est pendant les séjours prolongés dans les gîtes moins exposés que les chrétiens avaient le plus de latitude pour prêcher et enseigner l’Évangile aux croyants.  Les hauts villages perchés accessibles seulement par des chemins pentus et  arpentés surtout par les fidèles, étaient les gîtes alors les plus sûrs. Larnat, ici encore semble avoir pleinement rempli son rôle. Le village, suspendu sur une crête au-dessus de la vallée du Sabarthès et du village de Bouan, était accessible alors par un unique chemin  escarpé. Ce chemin, encadré de deux murettes de pierre, s’élance raide vers le col en direction de Miglos et du Vicdessos. Cheminons un moment sur les pas de Anne:

…à la hauteur des champs de Prado lonc, le chemin s’évase, la ligne des blocs de pierre s’incurve, délimite une petite aire qui surplombe directement les toits du village, autour d’un gros rocher arrondi, surmonté d’une croix de métal forgé [15].

Tout marcheur en quête du passé, et arrivé jusque  là, se demande alors s’il se trouve en présence du rocher au pied duquel prêcha, dit-on, l’Ancien.   Si aucun texte ne permet aujourd’hui de l’affirmer , diverses informations permettent de sérieuses hypothèses. André Delpech écrivait dans le numéro 16 de la revue Heresis :

« Grâce à l’aimable collaboration de monsieur Sylvain Gouzy, maire de Larnat, nous avons appris que lors de la construction de la route pastorale, sur le même vieux chemin de Miglos, fut détruit un rocher. Ce dernier était à environ quarante mètres au-dessus du rocher portant la croix. Il fut brisé sur place et par là-même, en servant de soubassement à la route, il obstrue depuis le vieux chemin. Son emplacement nous semble, toutefois trop éloigné du village pour en faire  le «rocher de Pèire Autier». Près du ruisseau d’Antignac, un groupe de rochers, dont un assez important peut correspondre  aux écrits. Mais cette fois, nous l’estimons trop proche du village. Le rocher avec la croix, bien que situé sur le chemin principal, se trouvait en quelque sorte aux écarts. En effet, les habitants de Larnat lorsqu’ils n’étaient pas accompagnés de bétail, coupaient habituellement à travers prés pour rejoindre le chemin de Miglos dans les environs du rocher détruit. Pèire Autier et ses croyants étaient là, à l’abri des regards, dissimulés dans le creux du chemin, tout en ayant la possibilité de surveiller les abords. À la moindre alerte, il était facile au Bon Homme de fuir, les croyants faisant semblant de continuer la route».

On peut penser en effet que cet endroit  protecteur pour des prêcheurs traqués fut un espace  rassurant pour pouvoir poursuivre leurs activités apostoliques . Le long séjour d’un mois pour l’Ancien put alors  être pour lui l’occasion de rendre des visites d’amitié à la Dame Sébélia de Larnat et de rencontrer ses croyants comme il le laissa d’ailleurs lui-même entendre à Sébélia Peyre. En effet, cette dernière dans sa déposition devant Jacques Fournier, raconta:

Il (Pèire Autier) me disait, en faisant l’éloge de sa secte et de sa foi, qu’Esperte d’en Baby de Miglos et son fils, venait souvent de chez Félip de Larnat, en passant le col entre Miglos et Larnat et ils parlaient de la foi et de la secte des hérétiques avec la Dame Sébélia, mère du damoiseau Félip qui était une de  leurs bonnes croyantes. Et cette Esperte et son fils étaient si attachés à connaître la foi des hérétiques qu’ils venaient avec Sébélia sous un caire ou un rocher qui est au-dessus de Larnat au lieudit A. Prado lonc.

Nous ne possédons, à ce jour, aucune déposition directe relatant le souvenir d’un prêche de l’Ancien sous ce fameux rocher, et cette déposition ne donnant pas plus d’information, nous savons simplement que ces croyants  se rassemblaient là . De plus leur prédicateur était là, lui aussi, et, Matthieu faisant dire à Jésus…

Là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mat.18, 19)

… alors, malgré la toujours cartésienne pensée cathare qui se défie de tout  symbole, icône et relique en tous genres, pensée libre de tout lieu sacré,  et malgré cette horrible croix comble de l’ironie, le rocher de Larnat prend forcément une dimension particulière dans nos pensées. Je sais que sur le chemin qui me conduira au rocher, c’est ce besoin indicible et irrépressible de connexion avec ces esprits purs qui me guidera. Eux seuls avaient compris le message de Christ, le simple message d’Amour. En apôtres de ce dernier, ils le vécurent totalement en le pratiquant sans restriction au-delà des persécutions, au-delà de la mort. C’est aussi grâce à l’exemple inestimable du «chemin de vie» qu’ils nous ont laissé que le message a gardé toute sa force. En mettant en pratique les préceptes de Christ, ils ont su nous montrer, au-delà de l’espace et du temps, qu’aucune force aussi mauvaise soit-elle ne pourra jamais écorner ce message d’Amour universel, essence même de l’Être, émanation du principe du Bien. Alors sur le chemin du retour, comme l’agnostique Anne [16], d’un geste païen irréfléchi, je ne résisterai pas à la tentation de cueillir un tout petit caillou et le glisserai dans ma poche comme gage dérisoire de ma connexion continue avec ces purs esprits passés par là, avant moi, il y a plus de sept-cent ans déjà…Car le chemin se fait en cheminant…


NOTES

  1.  Michel Roquebert in «L’épopée cathare,T4. Mourir à Montségur»: « Malgré un clergé saigné à blanc par les bûchers de 1210-1211, une Église complètement désorganisée et atteinte dans ses bases économiques, avec la destruction des maisons cathares, l’Église fut pourtant restaurée avec une rapidité déconcertante entre 1220 et 1226: réouverture des maisons sous la direction d’un ancien ou d’une supérieure et reconstitution de diaconés», l’auteur attribuant l’essentiel de l’action à Guilhabert de Castres.
  2. De l’été 1210 au printemps 1211, les bûchers de Minerve, de Lavaur et des Cassès ont fait de 500 à 600 victimes: ( M Roquebert, «Mourir à Montségur», note 30, p 564).
  3. Dans l’année 1301, Pèire Autier y présidera une grande assemblée de son Église, chronologie de A. Brenon in «Le dernier des cathares…»
  4. Pour suivre les pas des Bons Hommes du XIVe siècle: «Le dernier des cathares, Pèire Autier» de Anne Brenon.
  5. Terroir pyrénéen structuré par la haute vallée de l’Ariège en amont du pays de Foix avec Tarascon-sur-Ariège comme ville principale. (Wikipédia). Ax, Lordat, Rabat, Quié, Château-Verdun, Bompas, Niaux, Sabart, Lujat et Issaura… étaient des seigneuries de la haute vallée selon la carte de Florence Guillot, «Haute vallée de l’Ariège aux XIe et XIIe siècles».
  6. Géraut de Rodès, «L’inquisiteur Geoffroy d’Ablis et les cathares en comté de Foix»,Ed. Annette  Palès Gobilliard , 98-101.
  7. Anne Brenon, «Le dernier des cathares, Pèire Autier», p 367.
  8. op cité p 206.
  9. Pèire Issaura,  op cité note 6,  «L’inquisiteur G.A et les cathares en comté de Foix»
  10. Sébélia Pèire, Registre de Jacques Fournier. 584.
  11. «La famille Issaura de Larnat» André Delpech, Heresis, n°16, juin 1991, p 1 à 20
  12. Registre de Ferrier, Doat XXII
  13. Culpa de Joana de Sainte-Foy, Mur, Sentences de  Bernard Gui, Ed P. A. Limborch .
  14. Culpa posthume de Géraude de Toulouse, op cité.
  15. A. Brenon, «Les femmes cathares», p 303.
  16. A. Brenon, «Les femmes cathares», p 305.
Pannonceau d’information actuel

Voici le texte que m’a envoyé notre guide touristico-historique, Bruno Joulia. Belle marche méditative à vous.

Pour se rendre à la Pierre Ronde:
Depuis le centre du village, prendre la rue de la fontaine/lavoir Antignac, qui se dirige vers le sud. Après avoir dépassé les dernières maisons, dans le tournant qui se présente à vous, empruntez le sentier qui monte en direction de l’ouest (à l’entrée duquel se trouve un petit panneau didactique) puis parcourez, sous le couvert des arbres, un peu plus d’une centaine de mètres avant d’arriver en vue du rocher recherché.

Chantal Benne.

Contes et mythes cathares

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Contes et mythes cathares

L’autre titre donné parfois à ce conte « La légende de l’herbe bleue ou le conte du Roi des Corbeaux » ne me semble pas légitime si l’on s’en tient à la définition même du mot « légende » qui est un récit s’inspirant d’un fait historique réel (déformé et embelli au fil du temps), comme par exemple : la légende de Dame Carcas, ou celle de la bête de Gévaudan.

Le conte du Roi des Corbeaux

Introduction au conte

Avant de vous présenter le conte et le mythe que nous allons étudier ensemble, j’aimerais rappeler ce qui caractérise le conte.

 Il ne faut pas oublier que les contes, récits véhiculés tout d’abord oralement devinrent des textes littéraires seulement à la Renaissance. Alors qu’au Moyen-Âge la grande partie de la population était analphabète, les contes, tout comme les fresques dans les églises, jouaient un premier rôle de support didactique près des populations.

 Ils remplissaient en outre un rôle de cohésion sociale, car  en tant que miroir de la société, ils reflétaient les mentalités, les codes et les rapports sociaux établis dans les communautés partageant ces mêmes récits. Ils étaient donc un moyen d’unité et d’identification à une communauté précise, car si certains de ces  récits paraissent universels, les variantes géographiques( régionales,  nationales, etc.)  pour un même conte sont toujours très nombreuses. Par  ce fait même, ils étaient la mémoire collective vive de la communauté.

Enfin, tout conte, en tant que leçon de vie métaphorique, peut accepter diverses interprétations, et on peut comme pour un texte religieux en faire une exégèse  évidemment différente selon le point de vue philosophique, religieux ou politique du commentateur. Tout cela pour expliquer que les cathares du Moyen-Âge, ont eu recours, eux aussi, aux seuls supports didactiques existants pour faire connaître leurs doctrines à leurs sympathisants et à leurs croyants. Ils ont donc utilisé certains des contes très connus de cette époque  pour communiquer avec les populations qu’ils côtoyaient. Ce qui devient alors intéressant est de retrouver, dans les contes qu’ils ont utilisés, l’analyse proprement cathare qu’ils en ont faite, car celle-ci. n’est pas directement perceptible.

Étude du conte

Vous pouvez lire ce conte dans son intégralité sur le site Catharisme d’aujourd’hui[1].

 Ceux qui le connaissent déjà, ont pu remarquer ses nombreuses similitudes avec le conte « La Belle et la Bête ». Pour résumer le début, le père de trois jeunes et belles filles se voit contraint d’offrir en mariage une de ses trois filles (la benjamine et la plus belle) à un corbeau. Ce corbeau est, comme dans la « La Belle et la Bête », un roi métamorphosé par un puissant sorcier. L’héroïne — qui se trouve être la plus jeune des filles, elle n’a que dix ans —, prend pourtant la décision d’accepter  ce marché  ignoble et contre nature. Elle est dotée de qualités essentielles pour entreprendre une quête spirituelle telle que la conception chrétienne cathare l’exprime. C’est tout d’abord par Amour, amour filial dans ce cas,  mais bien amour désintéressé tel qu’il est défini comme  le premier commandement du christianisme. Ensuite, là où l’explication judéo-chrétienne voit un sacrifice, le catharisme voit un choix fait librement et une détermination certaine. La suite du conte d’ailleurs nous le prouve : devenue reine, elle vit dans un magnifique château rempli de solitude, coupée du monde. Une nouvelle valeur cathare apparaît ici : c’est le lâcher-prise sans concession possible, l’abandon de la mondanité, ou de la vie dans le monde, pour se consacrer à l’éveil qui nécessite solitude et introspection. On note chez l’héroïne une autre qualité qui  fait partie des fondements de la Règle de justice et de vérité des cathares : elle est humble et reste humble comme nous le montre la rencontre avec la lavandière.

 «Au bord du lavoir, travaillait une lavandière, ridée comme un vieux cuir, et vieille comme un chemin. La lavandière chantait, en tordant un linge noir comme la suie : « Fée, fée, ta lessive n’est pas encore achevée, la vierge mariée, n’est pas encore arrivée. Fée, fée ».
« Bonjour, lavandière, dit la reine. Je vais vous aider à laver votre linge noir comme la suie.
– Avec plaisir, pauvrette ».

Mais notre héroïne est humaine, et donc elle n’est pas infaillible. Elle va transgresser l’interdit tout près du but : ne pas chercher à voir l’époux avant la fin du sortilège. On  reconnaît ici les emprunts aux grands  mythes de Psyché et Cupidon, ou encore d’Orphée et Eurydice.

 L’enseignement cathare s’adresse ici à tout(e) croyant(e) de manière claire : on doit tout au long  du chemin se défier de nos sens qui peuvent nous faire chuter . Quand on est trop sûr de soi, on peut agir sans tempérance et par vanité retomber dans l’erreur . C’est pour éviter cela aussi que les cathares font de l’humilité une valeur essentielle à acquérir. Elle représente  la meilleure arme contre la vanité.

Après la chute, c’est une étape d’un type différent qui attend la reine. Ce que le judéo-christianisme va appeler la rédemption, ou rachat de la faute, le catharisme le conçoit comme une  « quête de la lumière qui soustraira l’âme (spirituelle) au néant ». C’est le long cheminement du chrétien (le Bonhomme, ou Bonne-dame) en formation.

En effet, si dans la première partie du conte, on a pu trouver certaines valeurs du catharisme que tout(e) croyant(e) choisit de faire siennes, on voit dans la dernières partie se dessiner le noviciat de la personne ayant choisi de parfaire le cheminement vers « sa bonne fin », ou encore le cheminement du « chrétien ».

 La reine va partir  chercher le seul objet qui peut sauver son époux du maléfice : l’herbe bleue, l’herbe qui chante nuit et jour, l’herbe qui brise le fer. Son errance va durer trois années entières, ce qui correspond au temps du noviciat chez les cathares.

Le premier monde traversé par la reine est « le pays où il ne fait ni nuit ni lune, et où le soleil rayonne toujours. Là, elle marcha tout un an ». Or, au bout d’un an de recherche, la première herbe bleue a l’unique qualité d’être bleue.

Le chemin semé d’embûches symbolise parfaitement la démarche spirituelle qui est une lente progression selon les acquis obtenus par un travail de fond sur soi,  un travail de connaissance de soi , un travail long et difficile.

Au bout de leur première année de formation consacrée à la finalisation des savoirs, à l’appréhension de la connaissance, à la méditation, au  lâcher-prise, etc., les novices cathares participent à l’oraison (ils ont le droit de dire le Pater).

Le deuxième monde traversé par la reine est « le pays où il ne fait ni jour ni nuit et où la lune éclaire toujours. Là, elle marcha tout un an ». Au bout de la deuxième année de recherche, la deuxième herbe bleue trouvée possède la première qualité : elle chante jour et nuit.

Au cours de cette deuxième année, les novices cathares, par leurs nouveaux savoirs : la compréhension de l’Être, de la part spirituelle en soi, qui exigent toujours plus de profondeur, d’avancement dans l’inconnu, peuvent commencer à développer leur connaissance qui est l’association des savoirs, de l’Être et de la foi. Parallèlement, ils poursuivent leur avancement en compagnonnage avec des chrétiens avancés qu’ils suivent dans leurs prédications. en continuant leur une formation de prêcheurs.

Le troisième monde traversé par la reine est « le pays  où il n’y a ni soleil ni lune, et où il fait nuit toujours. Là, elle marcha tout un an».

Au bout de la troisième année de recherche, la reine trouve l’herbe bleue qui chante nuit et jour, l’herbe qui brise le fer , l’objet magique nécessaire pour venir à bout du sortilège.

L’obscurité totale à traverser sous-entend les difficultés et les doutes que connaît le novice pour parvenir à se défaire de sa tunique de chair (tuer l’Adam primordial en lui) avant de pouvoir accueillir  le nouvel homme spirituel (le Christ ressuscité). L’acquisition de cette force d’introspection est difficile à concevoir pour le novice débutant, comme pour le croyant. Cette formation est conclue par une nouvelle Consolation marquant l’état de chrétien prédicateur.

L’aboutissement de la troisième année pour les novices cathares, c’est la Consolation, nouveau temps pour le chrétien libéré de toutes les chaînes mondaines ; temps qu’il va consacrer à parfaire son chemin pour réussir le « mariage mystique » qui, le jour de sa mort, pourra le soustraire au cycle infernal des réincarnations et lui permettre ainsi de rejoindre l’Esprit unique.

Mais contrairement au happy end prévisible du conte, personne ne peut s’assurer de « sa bonne fin ». Rien n’est jamais acquis ici-bas, la perfection n’étant pas de ce monde. La phrase qu’aime à rappeler Guilhem « Jamais je ne t’ai promis un jardin de roses » est finalement un excellent condensé du chemin pour garder en mémoire que c’est avant tout notre détermination qui donne toute sa force à notre quête spirituelle personnelle, et, c’est d’elle que dépendra finalement la réussite de notre retour au Père saint.

Le mythe de la tête d’âne

Introduction au mythe

Le mythe, comme le conte nous entraîne dans le merveilleux : on y croise des personnages dotés de pouvoirs surnaturels, des héros hors du commun, des demi-dieux, des dieux, etc.
Le rôle du mythe est avant tout de donner un sens à  la création du monde, aux catastrophes naturelles (cosmogonie), d’expliquer l’apparition de l’être humain (anthropogonie), de parler des divinités (théogonie), de la vie de la mort.
Le mythe a toujours un fondement spirituel : il raconte une histoire sacrée, un événement qui a eu lieu dans des temps immémoriaux, temps des commencements et peut prendre une dimension universelle ( ex. : Mythe de la caverne, Mythe de l’Émergence,  Mythe du Déluge,etc.)
Le langage métaphorique du mythe, riche en symboles et  nombreux sens est depuis toujours un sujet  d’études inépuisable pour les philosophes.

 Enfin, on sait aujourd’hui, grâce aux nouveaux travaux d’historiens s’appuyant sur la phylogénétique que plusieurs de nos grands mythes universels trouvent leur origine dans la Préhistoire (Paléolithique supérieur, au moment où Homo Sapiens quitte l’Afrique pour l’Eurasie, puis ensuite pour l’Amérique en passant par le détroit de Béring ; vers 30 000 ans avant notre ère).

Le mythe de la tête d’âne est un mythe cathare raconté le 25 juin 1324 par le croyant cathare Peyre Maury lors de son interrogatoire par l’inquisiteur Jacques Fournier ( registre d’Inquisition de Jacques Fournier, Tome III ). Peyre Maury l’avait entendu, une première fois raconté par le chrétien Philippe d’Alayrac au cours de l’été 1303.
Ce court récit est un  message condensé dont le sens difficile à appréhender pouvait être un sujet de prêche. Il nous conte l’éveil d’un esprit-saint.

Pour une meilleure compréhension du récit, il est nécessaire de rappeler deux concepts cathares très précis, bien éloignés des concepts judéo-chrétiens : il s’agit de l’âme et de l’esprit-saint.
L’âme, en un seul mot, pour les cathares définit l’âme mondaine uniquement, ou psyché selon la psychologie, c’est-à-dire l’ensemble des phénomènes psychiques, conscients et inconscients, qui constituent la personnalité de chaque individu, ensemble des sentiments, des émotions déterminés par  nos cinq sens et qui limitent l’essor de l’être intérieur ( selon C. G. Jung) ou, pour les cathares qui s’ingénient à empêcher l’éveil de l’esprit-saint.
L’esprit-saint est cette partie divine enfouie en chacun de nous dans sa  prison de chair, partie tombée de la sphère divine dans la sphère mondaine et qui aspire à retourner dans l’empyrée céleste. On la nomme aussi âme spirituelle. C’est une émanation du principe du Bien de toute éternité.

 Ce mythe nous conte le moment précis de l’éveil d’un esprit-saint.

Étude du mythe

 Les  belles allégories de ce mythe ne sont pas anodines, et sont intéressantes à décoder.

Tout d’abord le lézard, qui représente ici l’esprit-saint, a une charge symbolique, forte dans les religions comme dans la mythologie. Symbole d’immortalité, comme tous les batraciens qui changent de peau, symbole de renouvellement et de régénération (il peut reconstituer sa queue coupée), il est aussi relié à la lumière par sa propension à se chauffer au soleil. Son aptitude à se fondre dans le décor et rester immobile, sa faculté d’adaptation à des milieux très hostiles font de lui une créature exceptionnelle citée dans la Bible (Proverbes. 30, 24-28 « Il est quatre êtres minuscules sur la terre […] et parmi eux le lézard que l’on capture à la main, mais qui hante le palais des rois ». Cette créature, à qui aucun lieu n’est interdit, indifférent aux hiérarchies terrestres,  humble par sa taille, qui peut passer inaperçu, et qui pourtant se trouve partout sur la terre, nous renvoie de façon inévitable aux paroles de Jean (3. 8,21) : « L’Esprit souffle où il veut. Tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va ». Prisonnier seulement en apparence, l’esprit-saint, tout comme le lézard, peut sortir du corps humain, contrairement à l’âme. Cette sortie de la bouche du dormeur symbolise donc l’éveil, ou plus exactement les prémices d’un éveil, car nous assistons à une certaine errance de sa part ; n’étant pas prêt à rejoindre l’Esprit Unique, il n’a d’autre choix que de retourner dans sa prison provisoire. Mais sans la planche-passerelle, le retour à l’état antérieur n’est plus possible.

Le choix de la tête d’âne s’explique aussi quand on étudie la symbolique attachée à cet animal. L’âne, en effet, contrairement au cheval, est le symbole même de l’humilité comme de la non-violence, valeurs incontournables de la spiritualité cathare. On dit qu’un roi arrivait à cheval quand il était prêt à faire la guerre, alors qu’il montait un âne pour signifier qu’il venait en paix (cf. l’entrée de Jésus dans Jérusalem, monté sur un ânon). Il symbolise  aussi la sagesse et la persévérance, le meilleur exemple étant la célèbre ânesse du mauvais devin Balaam (nombres 22, 21-34). Pour le « lézard-esprit », le crâne décharné de l’âne était donc bien le lieu de passage par excellence entre ce « monde qui n’est pas de nous »  et le principe du Bien auquel tout esprit-saint aspire à retourner.

En étudiant de la même manière les lieux du récit et leurs symboliques propres, comme  celle de l’eau ou celle du pont, on trouvera encore toutes les métaphores connues du sacré, partagées par de nombreuses religions, depuis très longtemps et pourtant toujours d’’actualité. Mais ces images symboliques d’une culture universelle ancrées dans notre inconscient collectif ne sont pas propres au catharisme. Elles sont support consensus du message comme l’est le conte.

 La belle allégorie typiquement cathare réside ici dans les prémices de l’éveil à la foi cathare, et nous montre en même temps la douloureuse difficulté du lâcher-prise, moment charnière de l’affirmation consciente de la foi , « où la connaissance du Bien demande d’avancer sans garde-fou » pour reprendre l’expression imagée de Guilhem. Il ne faut pas oublier qu’une fois l’esprit-saint éveillé, le chemin pourra être très long avant cette affirmation.

 Et je terminerai par la belle phrase d’un cathare d’aujourd’hui qui me semble avoir sérieusement cogité tout cela : « La « création » divine n’étant pas à côté du créateur, mais bien consubstantielle à lui (non comme création mais comme émanation éternelle), on peut comprendre le mariage mystique comme le symbole de la réunion entre le principe du Bien et la part de son Être absolu, momentanément éloignée de Lui. De ce fait, il devient un concept de foi mais pas du tout mystique, car il n’y a pas de mystère à imaginer l’union du créateur et de sa création».

Chantal Benne pour Rencontre cathare de la résurgence


[1] https://www.catharisme.eu/cath-auj/2-2-cm-cm/la-legende-de-lherbe-bleue-ou-le-conte-du-roi-des-corbeaux/

Mythe de la tête d’âne (C. Benne)

6-2-Mythes
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Analyse du mythe cathare de la tête d’âne (C. Benne)

«Le salut de nos esprits prisonniers passe donc par l’éveil qui développe notre foi et nous pousse à nous engager dans une voie visant à purifier l’esprit du corps qui le renferme»   Guilhem de Carcassonne

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Le concept de Néant dans le catharisme

3-2-Philosophie cathare
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Le concept de Néant dans le catharisme

Je viens de découvrir un livre essentiel et incontournable de René Nelli: «La philosophie du catharisme, le dualisme radical au treizième siècle» qui m’a donné envie d’étudier ce passionnant et inépuisable sujet qu’est le concept du Néant.

En m’appuyant sur les réflexions de cet auteur, et à l’aide des deux œuvres essentielles du catharisme parvenues jusqu’à nous, «Le Traité cathare anonyme» [1] et «Le Livre des deux Principes» [2] je vais essayer d’approcher au plus près ce concept philosophique du Néant tel que nos ancêtres cathares l’ont développé et enrichi du début du XIIIème siècle  jusqu’au début du XIVème  et tenter de mettre en valeur son originalité dans le paysage religieux de cette époque.  

Comment définir le Néant ? 

Il est certain pour R. Nelli que les docteurs cathares du XIIIème siècle connaissaient bien les travaux de Saint Augustin sur le sujet, et il me paraît inévitable d’en faire un court résumé, sans perdre  de vue que la philosophie du Saint (354 – 430)  avait pris sa source dans  les pensées  de Platon, Aristote et Socrate. 

Le Néant ou Nihil selon Saint Augustin.

Il faut distinguer tout d’abord avec Augustin le Néant absolu (le Mal) du néant relatif (le péché). Le Néant absolu que représente le Mal sur le plan métaphysique n’est pas pour autant un principe éternel: il n’est rien du tout. Dans les âmes sataniques ou humaines, il n’est que privation, perte de Bien. On retrouve cette théorie dans le «Liber contra Manicheos» de Durand de Huesca. [3]

Si pour les cathares aussi le Mal est privation du Bien, il est en outre un principe éternel démuni de l’Être.

Le mot Nihil signifie parfois aussi chez Saint-Augustin le «non-être» ou néant relatif, en fait une sorte de «moins-être». Le Mal, qui pour néant qu’il soit dans l’Absolu (ou encore Nihilum: le Néant), n’en est pas moins pour Augustin quelque chose dans la créature pécheresse qui le fait. De même que le Diable, le péché, les pécheurs, les idoles  on le verra dans les « Soliloques Apocryphes»,  sont qualifiés de Nihil.  

Ce Nihil n’est donc pas le Néant Absolu, mais un «quasi-nihil» selon l’expression même d’Augustin. Il correspond à l’état ontique de la créature qui, à la suite du péché et de la corruption, a subi une diminution de l’être, une dégradation de son essence.

Pour les auteurs des « Soliloques Apocryphes»

Liber Soliloquiorum animae ad Deum ou « Soliloques Apocryphes» est un ensemble de textes d’abord attribués à Augustin mais probablement écrits par plusieurs docteurs catholiques influents. Composés pour la plupart au XIIIème siècle, ces textes furent néanmoins peu répandus avant le XIVème siècle.

L’influence de l’Évangile selon Jean y est importante. En effet , se trouvent en ajout désignées comme nihil, l’ensemble des choses «diminuées» qui n’ont pas été créées par le Verbe (Jean. 1,3); à savoir les Ténèbres, l’Erreur, la Mort, la corruption et toutes les privations et négations qui existent mais qui ne sont pas; c’est le nihil negativum chosifié.

En opposant le Nihil à l’Être et le Néant relatif à la plénitude ontique, ces textes laissent donc entrevoir deux natures antagonistes, deux réalités, d’où leur qualificatif d’apocryphes dans une religion moniste [5]. Il est probable que certains ministres cathares aient eu connaissance de ces écrits, mais rien n’est prouvé.

Le chapitre V des Soliloques intitulé: «Qu’est-ce que devenir néant?» est très intéressant pour sa claire explication du Néant relatif. 

«Mes iniquités m’ont conduit au néant, parce que tu es le Verbe et que je n’étais pas avec toi par qui toutes choses ont été faites et sans qui rien n’a été fait[…] Et c’est pourquoi sans toi je suis devenu un néant.»

Cette interprétation judéo-chrétienne a  le mérite de  nous expliquer le Néant relatif : Corrompu, l’être tend au néant sans s’anéantir réellement. On verra plus tard que si les cathares médiévaux étaient d’accord sur cette définition du Néant relatif, ils ne l’étaient plus du tout sur la cause de cet état corrompu.

On peut lire encore dans ce même chapitre:

Le Verbe de Dieu nous dit: «Je suis la voie, la Vérité et la Vie.» Ainsi ,être séparé du Verbe, c’est être éloigné de la voie, de la Vérité et de la Vie: c’est n’ être que néant.» 

Ce que l’on peut  comprendre comme: c’est n’être qu’un reste d’être dans un étant défaillant. Ce concept sera développé et étayé par la philosophie cathare.

Le Nihil cathare: le concept de Néant est indissociable du concept de l’être.

C’est dans le chapitre XIII du «Traité cathare anonyme» que  nous est démontré que le  Néant n’est pas un rien physique.

  1. La déficience ontique, ou, néantisation  de l’être.

 Pour Barthélémy de Carcassonne ( à qui on attribue ce Traité) le péché ne diminue pas seulement la valeur morale du pécheur; il affecte ontologiquement son essence.

Nous savons que pour les penseurs cathares, par définition la création matérielle est nihil car corruptible et transitoire. Elle sort du Néant pour aller au Néant. Les choses, les êtres de chair, créés par le Diable donc corrompus par le Mal peuvent être qualifiés de Nihil puisqu’ils ne sont pas au niveau de l’Être. 

Si pour les cathares comme pour les catholiques, la néantisation de l’âme par le péché ne saurait être totale,  la raison qui définit   cet état n’est pas la même. Pour Augustin et les catholiques, la néantisation ne peut être totale parce que «Dieu ne veut pas anéantir sa créature». Pour les cathares, la néantisation totale est impossible, car le principe du Mal étant éternel, bien que tendant vers le Néant, il ne peut s’abolir lui-même.

Autre différence de taille: Si selon l’Augustinisme la néantisation de l’être se fait par le péché sous l’action du Mal, selon le Catharisme la néantisation a lieu de toute éternité dans la création maligne.

    b. Le Nihil comme Néant privé d’Amour.    

L’auteur du «Traité cathare», dans ce même chapitre, cite tout d’abord Paul: (1C 13, 1-4)

«Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges,
S’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.
Quand j’aurais le don de prophétie, la connaissance de tous les mystères et de toute la science,
Quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes,
S’il me manque l’amour, je ne suis rien

«Je ne suis rien», explique Barthélémy, signifie «Je suis néant». Cette nourriture spirituelle est le pain supersubstantiel de l’oraison dominicale, ou encore le  pouvoir de vouloir connaître le Bien de la prière du croyant:

«Donnez-nous de connaître ce que tu connais et d’aimer ce que tu aimes.».

Enfin,  c’est aussi cet Amour selon Jean (première Épître. 4,16):

«Et nous, nous connaissons, pour y avoir cru, l’amour que Dieu manifeste au milieu de nous.
Dieu est amour: qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.» 

Pour l’auteur du Traité, les créatures qui ne participent pas à cet Amour sont Nihil parce qu’elles ne sont pas dans l’Amour de Dieu puisque conclut-il: «E sens Lui es fait nient.» (nient = néant)

    c. Le Nihil Absolu: principe du Mal.

L’interprétation cathare du verset (1,3) de Jean est peut-être bien le symbole le plus parlant de ce Néant Absolu. La traduction occitane du Nouveau Testament ou Bible de Lyon [4] donne comme lecture: 

«Totas causas son faitas per Lui
E senes Lui es fait nien
t.»

Ce qui, littéralement donne en français: «Toutes choses ont été faites par Lui, et sans Lui a été fait le néant». Cette interprétation que l’on retrouve, un siècle plus tard, dans le registre de l’inquisition de l’évêque Fournier n’a d’ailleurs pas changé d’un iota. En effet dans le célèbre dialogue entre la catholique Arnaud Tesseire et le cathare Pierre Authié, au premier qui avait ainsi cité Jean: «Tout (omnia) a été fait par Lui et sans Lui rien (nihil) n’a été fait.», le second rétorqua: «Non! Toutes choses ont été faites par Lui (omni per ipsum facta sunt), mais aussi: toutes choses ont été faites sans Lui — en dehors de Lui — (omnia eran facta sine eo). Ce qui signifie, pour le cathare, que «sans Lui a été fait le Rien, c’est-à-dire l’ensemble des choses mauvaises» (omnia mala). Pierre Autier met ici en opposition, selon la doctrine même de Barthélémy, les deux principes ,et, les choses qui découlent  respectivement de chacun d’eux: les choses bonnes émanant du Bien (omnia bona ) et les choses mauvaises ( omnia mala) qui elles viennent du Mal.

Est ici exposé clairement , dans sa forme parachevée, le concept cathare du Néant.

Du Néant à la Création

Le concept de la Création, dans ces deux systèmes de pensée  est encore une fois totalement différent.
On se rappellera très vite que pour le système moniste [5] des catholiques, Dieu n’a pas créé le monde de sa substance mais du Néant. 

La Genèse, chapitres  1 et 2 de l’Ancien Testament, présente par ailleurs deux versions différentes  sur la création de l’être humain:  (2,7-21-22)

«Alors Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant.»[…] Alors Yahvé Dieu fit tomber une torpeur sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu’il avait tiré de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme …» 

Mais, on peut lire aussi (1, 26-27):

Dieu dit: «Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance […] Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa.» 

Cette création ex-nihilo avait vraiment de quoi faire cogiter bien des penseurs et on peut, sans effort, comprendre qu’elle eût pu aussi dès le départ rebuter, même choquer bien des personnes, y compris dans le cercle même des premiers croyants. Elle est, en tout cas, totalement inconcevable pour des esprits qui distinguent par principe une “création” bonne d’une mauvaise,  émanant de deux principes éternels totalement opposés.  

Dans le système de pensée dualiste , Dieu  est le Dieu d’Amour, de Lui ne peut émaner que les choses bonnes alors que les choses mauvaises sont affaire du Diable, étant entendu que d’un même principe ne peut émaner que sa propre substance (cf. Aristote).

Nous pouvons trouver  les prémisses de cette opposition fondamentale dans le Traité cathare anonyme ,quand après s’être appuyé sur les Écritures comme avaient coutume de le faire les prédicateurs cathares avant leurs démonstrations, Barthélémy en citant l’Apocalypse (14,7) et (4,11) différencie déjà  — cf. analyse de Guilhem, à lire sur le site — la création matérielle, symbolisée par l’Ange de l’Apocalypse à la création spirituelle représentée par les douze vieillards.

Le terme de « création» n’est d’ailleurs pas   approprié  au système de pensée   cathare. Ses penseurs lui ont préféré le terme de «façon». Les deux principes ne sont pas créateurs mais  «facteurs». Nous savons que d’après la cosmogonie cathare les être humains contiennent en eux des fragments de la substance divine. Il n’y a pas création  donc  mais «émanation» de la substance divine. Ces émanations (nos esprits saints prisonniers) restent reliées à leur principe aussi éloignées soient-elles de leur source, à l’instar de l’allégorie bien connue du  soleil et de ses rayons. 

Quant aux entités mauvaises, pour Jean de Lugio, ce sont des «modes» du mauvais principe. Éternel  dans son principe, le Mal ( comme le Bien) se trouve consubstantiel et coéternel à ses propres émanations. 

Pour en revenir au terme de «façon», il m’est impensable  de ne pas dire un mot sur  le lyrisme  caché dans la cosmogonie lugienne, malheureusement si peu évoquée par Rainier Sacconi. Pour Jean de Lugio, Dieu a deux manières de «faire»:

  • Dieu peut faire passer les êtres du Bien au mieux: il  peut ajouter du Bien aux essences de celles qui sont déjà très bonnes et les rendre capables d’“agir”. C’est ainsi, selon Jean de Lugio, qu’il a rendu Christ parfait et a neutralisé tout ce qui aurait pu le corrompre; de même a-t-il préservé  les bons anges afin que ces derniers puissent aider les esprits saints à se libérer. 
  • Dieu peut changer le mal en bien: les âmes bonnes tombées dans le mal, peuvent être transformées, éclairées, rachetées par les réincarnations (transmigrations). Ici encore, il s’agit de perfectionnement ontique.         

La double acception du terme «omnia» (Tout) comme “fil conducteur”. 

La distinction fondamentale est clairement exprimée dans le chapitre XII du Traité Cathare Anonyme. 

«Tout» ne signifie pas que les choses éternelles, bonnes et spirituelles, mais quelquefois aussi seulement les mauvaises et les péchés.» 

     a. Quand «tout» ne signifie que les choses bonnes: nous pouvons nous appuyer sur Jean (12,32) 

«Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi  tous les hommes .» 

Nous savons bien que Christ élevé au-dessus de la terre, n’a attiré à lui ni  toutes les choses, ni tous les hommes qui sont dans ce monde. Ce qui prouve, d’après Barthélémy, que «tout» ne désigne que les   choses bonnes et spirituelles selon Jean (1,3-4), c’est qu’il ajoute aussitôt après «Ce qui a été fait par Lui était la vie»

    b. Quand «tout» ne signifie que les choses temporelles, mauvaises , tous les maux et les péchés, Barthélémy trouve autant d’illustrations dans l’A. T. que dans le N. T. Il cite tour à tour:

L’Ecclésiaste(1,2):

«Vanité des vanités, tout est vanité.», et aussi (1,14): «J’ai regardé toutes les œuvres qui se font sous le soleil: eh bien, tout est vanité et poursuite de vent!», et encore (3,20): «Tout s’en va vers un même lieu: tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière.» 

Paul, dont la lettre aux Philippiens résonne de ces mêmes accents: (3,7-8):   

«Or toutes ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai considérées comme une perte à cause du Christ. Mais oui, je considère que tout est perte en regard de ce bien suprême qu’est la connaissance de Jésus Christ mon Seigneur.»   

En outre, on touche du doigt, ici, l’inversion des valeurs dont parle Guilhem pour définir l’entrée dans la foi cathare. 

Un dualisme absolu inégalitaire qui oppose l’Être au Néant.

Le principe du Mal, ou mauvais principe,  bien qu’éternel, est inférieur au principe du Bien, puisqu’il est finalement vaincu par ce dernier. Si Jean de Lugio, à l’instar de Saint- Augustin, attribue au Mal les Ténèbres, la Mort, l’Erreur et le Mensonge, il parachève la définition de ce Mal dans son système des deux principes   en démontrant  le caractère faux et mensonger de ses manifestations (vana et transitoria) dans le temps et la matière, caractère qui l’entraîne irrémédiablement vers sa fin inéluctable. Et pour finir, si dans le catholicisme c’est la Toute -puissance de Dieu qui empêche le Diable (qu’il a créé) de se confondre avec le Néant Absolu, dans le catharisme c’est la coexistence de l’Être et du Néant qui fait que le Diable ne peut ni s’anéantir ni anéantir toute chose, puisque éternel dans son principe.

 Dans un système spirituel préexistant opposant le Bien au Mal, la matière à l’Esprit, l’innovation du dualisme cathare a bien été d’inclure une nouvelle dimension, quintessence de sa spiritualité et de sa philosophie: l’ opposition de l’Être au Néant.

On comprend alors la remarque de René Nelli quand il affirme que la modernité de la théorie cathare du Nihil, est  toujours difficilement réfutable pour ses adversaires d’aujourd’hui comme d’hier.

Dans cet univers dualiste des deux principes, tout(e) croyant(e) peut puiser son espoir et sa force dans la représentation de ce  néant relatif  (le monde vain et transitoire ou nature néantisée) véritable ennemi de l’Être .Il suffit simplement  de ne pas oublier  que ce n’est qu’à travers l’Être (présent dans la part des esprits saints volés)  que le Diable et tous ses sbires  cherchent à atteindre le Néant Absolu sans y parvenir totalement. Le cheminement spirituel  cathare est donc de faire grandir, dans la constance et la règle de justice et de  vérité, la lumière de cette part de l’Esprit qui est en chacun de nous.

Chantal Benne – 22/02/2023


Notes 

-1. Traité cathare anonyme. Texte généralement attribué à Barthélémy de Carcassonne, chrétien dyarchien, retrouvé dans le «Liber contra Manicheos», de Durand de Huesca. À lire sur le site (menu Église cathare de France→ Textes cathares). 

-2. Le Livre des deux principes. Œuvre philosophique et théologique de Jean de Lugio, issue d’un manuscrit de la fin du XIIIème siècle; c’est un assemblage de différentes pièces issues d’un ouvrage qu’aurait possédé Rainier Sacconi, ouvrage qui aurait été constitué de quelques 300 feuillets. À lire sur le site (même menu que ci-dessus) avec une analyse cathare d’aujourd’hui.

-3. Liber contra Manicheos. Œuvre de Durand de Huesca, vaudois converti au catholicisme (1160-1224) 

-4. Nouveau Testament occitan de Lyon, écrit à la fin du XIIIème siècle (lecture incontournable sur le site)

-5. Système moniste: système philosophique qui considère l’ensemble des choses comme réductible à l’unité, soit au point de vue de leur substance, soit au point de vue des lois (logiques, physiques) par lesquelles elles sont régies, soit au point de vue moral. Le catholicisme est un monisme religieux (Dieu créateur du ciel et de la terre…) en opposition au dualisme (comme le catharisme qui reconnaît deux principes opposés).

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