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666 : le nombre de la Bête

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666 : le nombre de la Bête

L’Apocalypse de Jean

Ce document dont la fonction principale était de ramener les communautés externes — c’est-à-dire pagano-chrétiennes —, et notamment pauliniennes au sein de l’Église catholique et apostolique romaine, utilise la peur comme moteur principal. Dans son chapitre 13, l’auteur nous décrit deux bêtes qui assistent le dragon[1] ou antique serpent (satan) dans sa lutte contre l’archange Michel[2].
Ce choix n’est pas anodin, car il vise à se relier aux quatre bêtes de la vision du livre de Daniel et également au tandem Leviathan-Béhémot[3] de la littérature judaïque antique. De la même façon la première bête[4] est d’origine marine, qui représente le pouvoir romain païen, est assistée d’une seconde[5], d’origine terrestre qui représente les faux prophètes. Si Daniel évoquait les quatre empires redoutés des Hébreux (babylonien, perse, mède et grec), Jean vise plus particulièrement ce qui est au service du diable, c’est-à-dire le pouvoir et l’argent.

Le nombre de la Bête[6] est la marque de l’asservissement à son autorité, c’est-à-dire du choix volontaire de ceux qui se mettent au service du Mal. On pourrait aujourd’hui associer chacun des chiffres qui le composent aux trois éléments de cet asservissement : l’argent, le pouvoir et l’égo (égoïsme et égocentrisme). Comme je l’ai présenté dans mon article de 2020 : Qui est l’Antéchrist ?, l’asservissement à ces trois facettes du Mal nous maintient prisonniers du monde et nous empêche de cheminer vers notre salut.
Parmi les interprétations des nombres dans la Bible, je retiens le fait que 6 correspond à ce qui n’est pas fini par différence avec 7 qui désigne la finitude accomplie.
Cet ensemble, symbolisé par ces trois chiffres, est aussi appelé l’Antéchrist puisque sa fonction est justement de s’opposer au Christ.

Les trois 6

Le nombre de la Bête, ou Antéchrist, désigne la combinaison d’éléments qui va maintenir l’homme prisonnier de la création maléfique. Individuellement ces éléments peuvent sembler acceptables, voire inoffensifs, mais associés ils créent un système fermé qu’il est très difficile de défaire.

L’argent

Je vous invite à relire mon article de 2017 intitulé : De l’argent à Mammon.

Nous avons oublié que l’argent est un outil de simplification des biens et services par comparaison avec le troc et qu’il n’a donc que la valeur que nous voulons bien lui attribuer selon les situations et les époques. Surtout, indépendemment de tout le reste, il n’a aucune valeur. Essayez donc de manger ou de boire votre argent, de vous habiller ou de vous déplacer avec ! Même le roi Midas[7] a compris que l’or ne sert à rien sans ce qu’il sert à acheter.
L’argent commence à nous séduire et à nous posséder dès que nous excédons ce qui nous est strictement nécessaire. J’avais évoqué ce point dans mon article de 2010 : La pauvreté choisie. L’argent est donc bien un puissant outil dans ce monde pour entretenir les vices des hommes liés à une différenciation que rien ne peut justifier.

Le pouvoir

Le pouvoir est le meilleur allié de l’argent qu’il utilise pour valider son emprise sur les hommes. Ce pouvoir diviseur est l’œuvre du diable qui s’en est servi pour provoquer la chute des esprits-saints, comme l’explique de façon naïve Sibille Peyre d’Arques en citant Pierre Authié[8] : « …Puis le diable alla à la porte du paradis, … quand il y fut, il persuada aux esprits et aux âmes faits par le Père céleste que lur sort n’était pas bon, parce qu’ils étaient soumis au Père céleste, mais que si ils voulaient le suivre et aller dans son monde, il leur donnerait des possessions, c’est-à-dire des champs, des vignes, de l’or et de l’argent, des femmes, et autres biens en ce bas monde visible. … »

Le pouvoir est composé de la possession et de la persuasion. La possession crée une différence entre les hommes, ce qui crée une hiérarchie entre ceux qui possèdent et les autres. La persuasion permet de convaincre les autres de la supériorité que l’on prétend avoir sur eux.
Pierre Maury de Montaillou, dans sa déposition, précise mieux les choses que Sibille Peyre ou Arnaud Sicre. Le diable, en plus des biens matériels énoncés ci-dessus précise : « … et je vous donnerai aussi une épouse pour compagne ; vous aurez vos maisons, vous aurez vos petits enfants, … L’un de vous sera seigneur de l’autre, et vous pourrez faire et défaire[9]. »

Aujourd’hui le pouvoir s’immisce partout, même là où nous ne le voyons pas forcément. En effet, la hiérarchie, aussi justifiée et douce soit-elle, crée de fait un pouvoir de l’un sur l’autre parce qu’en ce monde il faut partager les tâches en donnant des compétences spécifiques à chacun faute de pouvoir donner toutes les compétences à tous. Cela confirme que notre enfermement charnel est une dégradation par rapport à l’état spirituel où nous étions tous strictement égaux et parfaits dans le Bien. C’est pourquoi l’humilité doit nous pousser à ne pas voir les autres comme des supérieurs ou des subordonnés, mais comme des égaux dans leur part spirituelle. Et si notre situation familiale, professionnelle ou sociale nous amène à exercer un pouvoir temporel sur les autres, il faut le limiter autant que possible et l’abandonner quand nous choisissons d’entrer en noviciat. Cela est vrai pour certaines activités professionnelles qui impliquent d’attendre la retraite avant d’entrer en noviciat, mais aussi des mandats syndicaux, électoraux et des engagements sociaux, sans oublier notre mission d’éducation des enfants qui doit être terminée avant d’aller plus loin dans notre foi.

Mais si le pouvoir et l’argent peuvent être relativement faciles à surmonter, ce qui l’est moins et qui constitue la partie la plus difficile de la triade 666, c’est l’égo.

L’égo

L’égo et ses déclinaisons, l’égoïsme et l’égotisme est le moteur principal de l’Antéchrist. En tant que troisième élément de la triade il conforte, soutient et consolide les deux autres.

Sa raison d’être est de nous convaincre que nous sommes des entités distantes des autres entités de même nature, cassant ainsi notre rattachement à l’esprit unique dans notre intellect, car nous savons que ce lien est indissoluble et sous le seul pouvoir de Dieu.

Cette division formalisée dans ce monde a pour but de nous fragiliser afin de nous convaincre que nous ne pouvons survivre et surnager qu’en appliquant la règle mondaine essentielle : moi d’abord !

Cette règle existe dans tous les domaines et nous en avons une terrible illustration en Europe et dans le monde. Elle régit les invasions visant à s’approprier des territoires où l’on veut trouver la manne que nous sommes trop fainéants pour la chercher chez nous, comme c’est notamment le cas entre la Russie et l’Ukraine. Cela s’appelle l’égotisme qui considère que ce qui nous semble utile doit nous appartenir. Elle régit les règles économiques à tous les niveaux où elles s’appliquent. Individuelles quand nous acceptons d’acheter des produits fabriqués à bas coût en acceptant la misère sociale et environnementale qu’elles produisent. Mais aussi quand un pays cherche à s’approprier la direction des marchés visant à lui fournir les biens qu’il recherche et à imposer ses prix quand il vend à l’étranger. Cela s’appelle l’égoïsme qui considère que l’intérêt individuel n’a pas à se préoccuper des autres.

Je ne doute pas que vous êtes déjà convaincus quand on voit les choses de haut. Le serez-vous toujours si je vous donne des exemples à l’échelle de l’individu, c’est-à-dire la nôtre ?

Posons-nous la question de savoir si nous n’achetons que des produits, des biens et des services issus de sources respectueuses de celles et ceux qui sont en bas de l’échelle, quitte à y mettre le prix fort ? La réponse est forcément négative pour quasiment tous, moi y compris.

Quand nous voyons un produit qui nous intéresse, mais dont le stock est faible, proposons-nous aux autres de privilégier ceux qui en ont le plus besoin au risque de devoir nous en passer ?

Certes, me direz-vous c’est impossible d’agir ainsi pour tout et pour tous.

C’est vrai, mais il y a quand même quelques solutions pour réduire notre dépendance à l’Antéchrist.

Le détachement

Face à un système dont l’objectif est l’enfermement dans un monde dont chaque élément est à l’opposé de notre nature spirituelle, il n’y a pas de demi-mesure possible. Contrairement à ce que beaucoup croient, ou imaginent pouvoir réussir, la solution pour détruire ce qui nous retient prisonniers est le détachement. Comme le dit le proverbe : « Nous ne possédons pas les objets ; ce sont les objets qui nous possèdent. »

J’ai personnellement vécu cette problématique, car j’étais un collectionneur compulsif, ne pouvant supporter de n’avoir que partiellement ce qui me plaisait. C’était notamment le cas de ma collection de timbres, commencée dans l’enfance et poursuivie de façon ininterrompue jusqu’à la cinquantaine. Je la complétais et l’agrandissais chaque fois que mes moyens me le permettaient et j’ai fini par posséder une collection presque complète avec également des pièces assez rares. Quand j’ai compris que je devais me détacher du monde et que cette collection était la première marche de ce choix, j’ai eu un moment d’inquiétude, mais quelques jours après j’ai ressenti la libération que ce choix m’avait offerte. Cela m’a semblé comparable à la libération ressentie quand j’ai décidé et réussi à arrêter de fumer voici plus de quarante ans.

Agir par pallier

Bien entendu, mon expérience n’est pas transposable à d’autres, car nous n’avons pas les mêmes chaînes.

Aussi je conseille à celles et ceux qui pensent que cela les attire de commencer par des choses qui ne remettent pas forcément leur mode de vie en cause, comme je l’ai fait avec mes timbres. Ensuite, vous pourrez envisager, si cela est justifié, d’arrêter des habitudes de vie qui s’apparentent à des addictions comme le jeu (s’il est récurrent et attentatoire à vos revenus), le tabac et la drogue, l’alcool et, plus difficile, les rapports sexuels qui sont le summum de l’emprisonnement sensoriel.

L’important est de ne pas créer une trop grande souffrance et de vérifier que l’envie causée par l’ascèse s’atténue facilement en quelques mois, ce qui sera la preuve de votre réussite. Sinon, donnez-vous plus de temps afin de ne pas courir le risque d’une rechute majeure comme cela s’observe dans les religions où l’ascèse est imposée brutalement.

L’ataraxie

Quand vous en arriverez au point où l’ascèse, au lieu de vous peser, vous fera ressentir un sentiment de paix et de stabilité, vous aurez atteint le stade de l’ataraxie, c’est-à-dire la paix des sens. Vous aurez donc coupé le lien avec ce qui constitue notre boulet personnel : la prison sensuelle (au sens large du terme). Dès lors, vous pourrez commencer à vous préparer à harmoniser votre vie avec votre foi pour poursuivre votre route jusqu’au moment où vous sentirez prêts à entamer votre noviciat.

On ne peut pas tuer la Bête, mais on peut la tenir à distance.

Guilhem de Carcassonne le 19 avril 2025


[1] Apocalypse de Jean, chap. 12, 3-4.

[2] Ibid., chap. 12, 7-9.

[3] Animaux mythiques que l’on retrouve dans les Psaumes (18, 8 – 74, 13-14 – 104, 26), le livre d’Isaïe (27, 1) et le livre de Job (3,8 – 18, 8 – 32 – 40, 10-19 – 41, 1 et 32).

[4] Apocalypse de Jean, chap. 13, 1-2.

[5] Ibid., chap. 13, 11-12.

[6] Ibid., chap. 18.

[7] Roi de Phrygie (8e siècle av. E. C.) qui selon Ovide (Métamorphoses) transformait en or tout ce qu’il touchait suite à un don offert par le dieu Dyonisos. Ne pouvant plus manger, il ne parvint à de débarasser de cette calamité qu’en se lavant les mains dans le fleuve Pactole qui depuis charrie de l’or, source de la richesse de la Phrygie.

[8] Registre d’Inquisition de Jacques Fournier – Traduction de Jean Duvernoy, tome 2, page 569 (v. f.).

[9] Ibid. tome 3, page 929 (v. f.).

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