Les chanoines d’Orléans

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Les chanoines d’Orléans

En 1022, la ville d’Orléans était la capitale du royaume de Robert le pieux et de sa femme Constance de Provence. Autant dire que cette ville n’était pas très réceptive aux idées religieuses subversives.
Pourtant l’hérésie fut découverte dans le lieu le plus improbable, le haut clergé de la cathédrale.
Le récit de cette affaire fut relaté de façon plus ou moins extensive — et donc plus ou moins exagérée — par divers auteurs. Parmi les plus connus nous trouvons le moine de St-Cybard d’Angoulême, Adémar de Chabannes (Chroniques), le moine bourguignon Raoul Glaber (Histoires) et André de Fleury (Vie de Gauzlin, abbé de Fleury).
Adhémar de Chabannes et Raoul Glaber ont été traduits et reproduits dans l’ouvrage d’Edmond Pognon, L’an mille (1947) et André de Fleury fut traduit en 1993 par Robert-Henri Bautier et Gillette Tyl-Laborit. C’est vraisemblablement cette dernière version qui sert de support à Jean Duvernoy car elle nettement plus importante en volume que les précédentes.

Des dix chanoines de Sainte-Croix, nous n’en connaissons que trois. Deux des plus savants, Étienne et Lisoy ainsi que le confesseur personnel de la reine, Héribert. Un autre nom, Foucher, apparaît épisodiquement dans les textes traitant de cette histoire. En outre, il semble qu’il y ait eu dans ce groupe un clerc et une nonne. Peut-être des novices en formation.

Le récit qui nous en est fait et que rapporte Jean Duvernoy1 provient de plusieurs sources et relate les faits et les dires selon plusieurs angles.
La compréhension de cela permet d’attribuer à chaque passage une importance différente, car nous privilégierons plus volontiers les récits fait devant témoins des paroles des accusés par rapport à ceux provenant de personnes dont nous verrons qu’ils peuvent avoir été influencés par des intérêts personnels.

Le récit d’Adémar comporte une version courte, presque un reportage sans trop de détails, et une version longue dont les rajouts semblent plus suspects à l’historien tant ils sont un ramassis des pire abominations dont on couvrait l’hérésie alors.

Ce document figure dans son intégralité dans le livre Catharisme d’aujourd’hui.

Les textes originaux

HÉRÉTIQUES D’ORLÉANS

 211. Un document fort précieux, que le cartulaire d’Aganon a fourni à l’histoire, c’est celui qui concerne l’hérésie découverte en 1022 dans la ville d’Orléans, et que les éditeurs du Recueil des Historiens de France ont imprimé en entier1. Ce fut un Normand nommé Aréfaste qui découvrit cette hérésie au Roi, et qui se fit l’accusateur de ceux qui l’avaient embrassée.
Il avait feint lui-même de s’attacher à ces nouveaux manichéens pour être initié à toute leur doctrine, et pour pouvoir les dénoncer avec plus d’assurance. Un des points les plus remarquables de cette doctrine, c’était que ce qui répugne à la nature est toujours contraire aux vues du Créateur : Quod natura denegat, semper a Creatore discrepat. En conséquence, ils n’admettaient pas que le Christ fût né d’une vierge, qu’il fût mort pour les hommes, ni qu’il fût ressuscité ; que le baptême lavât les péchés, ni que le pain et le vin fussent changés au corps et au sang de Jésus-Christ par la consécration du prêtre. Mais, attendu que les opinions de ces hérétiques ont été suffisamment exposées dans plusieurs ouvrages, nous éviterons de les reproduire ici 2. Nous ajouterons seulement, comme une des singularités de leur histoire, que la reine Constance, femme du roi Robert, s’étant, sur l’avis du Roi, placée à la porte de l’église de Sainte-Croix d’Orléans, pour empêcher le peuple d’entrer et de les tuer dans le lieu saint, arracha d’un coup de bâton un œil à l’un d’eux, nommé Étienne, son ancien confesseur. Ils furent tous brûlés vils dans une cabane, hors des murs de la ville, à l’exception d’un clerc et d’une religieuse, qui obtinrent le pardon par leur repentir3.

Texte issu du Cartulaire de l’Abbaye de Saint-Père de Chartres, publié par M. Guérard, membre de l’Institut de France, tome 1 pp. 227-228.

1. T. X,p. 536.
2. On peut consulter, sur les manichéens d’Orléans, d’Arras et autres pays, au XIe siècle, les auteurs cités par Gieseler, Lehrbuch der Kirchengeschichte, t. II, part. 1, p. 357-364 ; ou seulement Fleury, qui peut tenir lieu de tous les autres, Hist. Eccl., LVIII, 53-55.
3. P. 109-115


« À cette époque, en l’an de l’Incarnation du Seigneur 1022, la trente-cinquième année du Robert et la sixième de son fils Hugues, en l’anniversaire de la Nativité du Seigneur, on entendit parler d’une infâme hérésie, contraire à la Sainte Église catholique. Il y avait en effet dans la cité d’Orléans, des personnes appartenant à l’ordre de la cléricature, élevées depuis l’enfance dans la sainte religion, imprégnées autant de littérature sacrée que de littérature profane.
Les uns étaient prêtres, d’autres diacres, d’autres sous-diacres, cachant sous la peau du mouton l’abominable loup de leur propre perdition. Leur chef était Étienne ainsi que Lisoie, germe du diable et cause de la perdition d’un grand nombre. Mais alors que la vérité dit : « rien n’est voilé qui ne doit être dévoilé et [rien n’est] dissimulé qui ne doit être obtenu », elle révéla aussi les folles aberrations de ces hérésiarques. Voilà en quoi elles consistaient : ils prétendaient qu’ils croyaient à la Trinité dans l’unité divine et que le Fils de Dieu s’était fait chair ; mais c’était mensonge, car ils disaient que les baptisés ne peuvent recevoir le Saint-Esprit dans le baptême et que, après un péché mortel, nul ne peut en aucune façon recevoir le pardon.

Ils ne comptaient pour rien l’imposition des mains. Ils ne croyaient pas à l’existence de l’Église, ni que le contenu puisse se définir par le contenant. Ils disaient que le mariage ne doit se faire avec bénédiction, mais que chacun peut prendre femme comme il l’entend ; que l’évêque n’est rien et qu’il ne peut ordonner un prêtre selon les règles accoutumées, parce qu’il ne possède pas le don du Saint-Esprit. Ils se vantaient d’avoir une mère en tous points semblable à celle du Fils de Dieu, alors que celle-ci ne peut être tenue pour semblable à aucune autre femme et qu’elle ne peut avoir d’émule.
Le vénérable prélat, prenant conscience de cette affaire, vint à Orléans avec les plus sages de l’Église de Fleury. Et, les ennemis de la foi ayant été confondus par les témoignages des livres sacrés, ledit roi ordonna de les livrer au feu pour en donner possession aux feux de l’éternité. »

Vita Glauzlini abbatis Floriacensis monasterri, trad. R. H. Gautier ; G. Labori, Paris, 1969, p. 97-99.

Éric Delmas – 21/10/2012

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