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Le Service (Apparelhment)

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Le Service (Apparelhment) – Étude

Présentation

Chaque mois je réalise mon service, comme me le demande la Règle de justice et de vérité appliquée aux chrétiens consolés.

Appelé Apparelhement en latin de cuisine inquisitorial, il était appelé servici chez les occitants et nous reprenons ce terme en français, à savoir Service. Read more

Pratique de l’Amélioration aujourd’hui

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L’étude de l’Amélioration

Je vous ai présenté ce rituel, dans la connaissance que nous en avons de sa pratique au Moyen Âge dans l’article publié sur le site[1]. C’est le rituel initial qui marque la cohésion de la communauté ecclésiale. Il est pratiqué par les croyants, les novices et les chrétiens consolés qui se tournent vers le chrétien cathare le plus ancien présent à ce moment.

Aujourd’hui je voudrais préciser quelques points afin de proposer une version moderne de ce rituel qui ne retire rien à celui de nos anciens et qui soit adapté à nos conceptions modernes.

La pratique

La gestuelle n’a pas besoin d’être modifiée, car rien n’est obsolète dans sa mise en œuvre.
La gestuelle est dirigée vers le chrétien consolé[2] qui officie, c’est-à-dire le plus ancien dans la foi. Le croyant ou le chrétien moins ancien — que j’appellerai pratiquant —, joint ses deux mains, paume contre paume et doigts serrés, contre sa poitrine, baisse la tête et courbe le dos en référence à ce que représente le chrétien plus ancien, c’est-à-dire à la présence du Saint-Esprit consolateur, seul intermédiaire entre le bon principe et celui qui effectue l’Amélioration. Il n’y a en effet aucune confusion pour les participants entre le rôle du chrétien, intermédiaire neutre, et celui à qui s’adresse en fait le croyant, le Saint-Esprit Consolateur.

Déroulé du rituel

Révérence
Salutation

Le pratiquant commence par joindre les mains, puis incline la tête et enfin plie le buste. Cette phase muette s’enchaîne directement avec la suivante et ne dure donc que quelques secondes. Elle permet au croyant de se mettre en préparation psychologique et spirituelle de ce qui va suivre.

Agenouillement
Génuflexion
Ensuite le pratiquant va s’agenouiller, soit directement au sol, soit en posant les genoux sur un oreiller (ou un coussin)[3], soit en appuyant ses mains sur un banc. Ce dernier cas semble être prévu pour les personnes ayant des difficultés physiques à s’agenouiller directement. Aujourd’hui on peut imaginer de remplacer le banc par un prie-Dieu adapté, c’est-à-dire avec une tablette surbaissée de façon à permettre la prosternation complète.

C’est dans cette position que le pratiquant fait sa demande :

Chrétien (ou Chrétienne), la bénédiction de Dieu, de l’Église et la vôtre ![4]

Bénédiction
Bénédiction

Le chrétien répond à son attente en étendant une main au-dessus de la tête du pratiquant sans la toucher.
Bien entendu, et particulièrement lorsque le ministre et le pratiquant sont de sexe différent, il n’y a pas de contact physique entre la main du premier et la tête du second.
Le chrétien répond ensuite à la demande du croyant en utilisant le pluriel afin de ne pas personnaliser sa réponse :

Recevez-la de Dieu, de l’Église et de nous.[5]

Adoration
Prosternation
Il se prosterne ensuite en appuyant ses deux mains à plat sur le sol ou le support situé devant sa tête et se relève immédiatement en revenant à la position agenouillée. Il peut soit poser son front entre les deux mains, soit en l’appuyant sur les mains ainsi posées au sol. C’est typiquement la description de la veniæ décrite dans la pratique de l’Oraison.

 

Après cette réponse, le pratiquant se prosterne à nouveau et se redresse et renouvelle sa demande une deuxième fois dans les mêmes termes. Le chrétien lui répond de même et le pratiquant recommence une troisième fois, mais il modifie sa demande de la façon suivante :

Priez pour nous pécheurs, afin qu’il fasse de nous des chrétiens et qu’il nous conduise à une bonne fin.

Le chrétien répond cette fois :

Que Dieu vous bénisse. Dieu veuille faire de vous des chrétiens, et qu’il vous conduise à une bonne fin.

Le croyant se relève alors et l’Amélioration se termine, comme la plupart des autres rituels, par les caretas, c’est-à-dire le Baiser de Paix (ou la Paix).

Cette façon de faire et les formulations sont celles adoptées par l’Église cathare de France d’aujourd’hui afin d’en faciliter la mémorisation par toutes et tous.

Analyse de la pratique

Les critères de la réalisation

Ce rituel est intime, c’est-à-dire qu’il n’est pas accessible au public. Il se réalise entre croyants et chrétiens. Quand cette condition n’était pas réunie, celui qui s’en apercevait avertissait les autres afin que le rituel s’interrompe. La question qui se pose aujourd’hui où nous sommes si peu nombreux est de savoir si l’on doit accepter des spectateurs en la personne des sympathisants qui le désireraient. Bien entendu dans l’hypothèse positive, ils devraient demeurer strictement immobiles et silencieux. Cela aurait un côté motivant pour eux dans leur volonté d’atteindre l’éveil afin de pouvoir participer. Ils seraient ainsi enclins à parfaire leur connaissance du catharisme afin de se mettre dans les meilleures conditions possibles pour s’éveiller. Dans l’hypothèse négative où le rituel resterait strictement réservé aux croyants et aux chrétiens, il serait possible d’expliquer aux sympathisants qu’ils sont à la porte de l’ecclésia et qu’il ne tient qu’à eux d’aller plus loin.

Les différentes phases

On note plusieurs étapes essentielles qu’il convient d’expliquer.

La salutation est la première phase au cours de laquelle le pratiquant manifeste son humilité par une attitude de pénitent qui combine la réunion des deux mains mises à plat devant la poitrine et l’inclinaison de la tête et du buste.

La génuflexion est la deuxième phase au cours de laquelle le pratiquant se met à genou en conservant les caractéristiques précédentes, ce qui marque sa prière, c’est-à-dire la demande qu’il va faire à travers le chrétien consolé.

L’adoration manifeste l’attitude la plus humble que peut offrir le pratiquant juste avant de formuler sa demande. Il se prosterne comme le font les chrétiens et les novices lors du rituel de l’Oraison.

Le chrétien qui dirige le rituel étend le bras et la main au-dessus de la tête du pratiquant ou au centre du demi-cercle qu’ils forment s’ils sont plusieurs. C’est la matérialisation du lien qu’il constitue entre le pratiquant et le Saint-Esprit Paraclet.

Le Baiser de paix

Ce rituel ponctue plusieurs rituels et peut même se pratiquer entre croyants en l’absence d’un chrétien consolé. Le détail de ce rituel figure dans l’article qui lui est consacré.

La glose

Ce rituel est assez pauvre en termes de langage, mais il faut insister sur certains points :

Chrétien

C’est le terme unique pour désigner un croyant en Christ qui a reçu le sacrement du baptême, seul sacrement institué par Christ. Galvaudé par la comédie mensongère des baptêmes d’enfants, ce terme reste néanmoins fondamental pour définir celui ou celle qui a choisi de vivre dans le respect du commandement de Bienveillance. Pour les cathares cela est essentiel et l’enseignement qui mène à la Consolation permet au chrétien d’être en pleine possession de la gnose qui le rend à la fois en mesure de cheminer vers son salut et responsable de toute faute ou manquement commis, puisque maintenant il a l’entendement du Bien.

Ce terme se suffit à lui-même et n’a besoin d’aucun qualificatif tant il est déjà au-dessus de tout qualificatif qui ne peut être, au mieux que redondant, au pire dégradant. L’appellation Bons-hommes, Bonnes-dames est elle aussi problématique, même si l’intention qui la porte est bienveillante, car comme il est rappelé dans les évangiles, ce qualificatif est réservé à Dieu qui est seul en mesure de l’endosser :

L’Évangile selon Jean nous rappelle que l’on peut parler de Dieu comme étant le bon berger (X, 11).

Ce qualificatif est également rejeté par Christ dans les évangiles de Matthieu (XIX, 17) qui l’attribue aux actes à faire et Marc (X, 18) et Luc XVIII, 19) où le qualificatif lui est appliqué. Jean pour sa part omet ce passage.

Le problème du terme chrétien est qu’il ne permet pas de discriminer les membres des différentes Églises qui se réclament de Christ. C’est pourquoi, quand on veut éviter l’amalgame le terme chrétien consolé ou revêtu est approprié.

La bénédiction de Dieu, de l’Église et la vôtre

Rien n’est sans raison dans cette déclamation.

La bénédiction n’est qu’une forme de soutien à l’effort fourni par le croyant pour tenter de se hisser, par ses propres moyens, dans l’avancement vers son salut. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une assistance morale et une reconnaissance de la volonté d’agir dans le bon sens.

Ensuite viennent les trois niveaux auxquels est demandé cette assistance spirituelle, en partant du niveau spirituel (Dieu) et en finissant par les deux niveaux mondains dans l’ordre de leur importance, à savoir l’ecclésia et le chrétien consolé à qui on s’adresse. Cela rappelle que, en ce monde ce qui compte c’est l’ecclésia, c’est-à-dire la réunion des croyants et des chrétiens. En effet, pour que lien se fasse entre le niveau spirituel et le niveau mondain, une seule personne ne suffit pas quel que soit sont niveau d’avancement. Christ le dit : « Car là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, suis au milieu d’eux. » (Math. XVIII, 20).

S’il ne fait pas de doute que le dernier niveau est bien celui du chrétien consolé, n’oublions pas qu’il est vu comme l’apparence mondaine du Saint-Esprit paraclet successeur du Christ pour nous accompagner dans notre cheminement. L’emploi du pluriel rappelle que c’est à la communauté évangélique de l’on s’adresse et non pas à tel ou tel chrétien consolé. Il n’y a pas de hiérarchie élective dans le catharisme.

Recevez-la de Dieu, de l’Église et de nous

Le chrétien consolé n’émet pas d’avis personnel, car à partir du moment où celui qui s’exprime est considéré comme croyant — sur la base de ses affirmations et sans preuve du contraire —, il ne lui revient pas de décider d’octroyer la bénédiction de façon discriminatoire à tel ou tel croyant qui la demande. Il n’est qu’un intermédiaire.

Priez pour nous pécheurs…

Il s’agit là de la vision des croyants et non de celle des chrétiens. En effet, si le croyant commet des fautes et des manquements sur le plan moral et dans sa relation aux autres, il n’est pas considéré comme pécheur, car il n’a pas la connaissance intime du Bien. Celle-ci s’acquiert au cours du noviciat et devient irrévocable par la Consolation. Donc, seul le chrétien consolé peut commettre un péché du point de vue cathare. Là encore, nous sommes perturbés par l’approche judéo-chrétienne qui, en baptisant des enfants, déplace artificiellement la notion de péché vers des personnes qui n’ont pas pu se former à la connaissance du Bien et qui ont été baptisées contre leur gré avant de subir un endoctrinement sélectif qui en fait des chrétiens contraints.

… Afin qu’il fasse de nous des chrétiens…

Nous sommes là au cœur de ce rituel.

Il s’agit pour tout croyant de rappeler que sa foi ne peut le mener qu’à une seule issue : devenir un chrétien consolé pour accéder au salut avec la plus grande espérance d’y parvenir.

… et nous mène à bonne fin

Dans la logique imparable qui pousse les croyants à faire leur Amélioration, cette dernière rappelle l’objectif final de tout membre de l’ecclésia : faire sa bonne fin, c’est-à-dire se mettre en condition d’être accessibles à la grâce de Dieu et bénéficier du salut qu’il nous octroiera. On retrouve ici l’humilité du fils prodigue (Lc XV, 11-32). On note aussi la similitude de la volonté des croyants et des chrétiens à faire l’effort d’être accessibles à la grâce divine, comme dans la parabole des jeunes vierges à la lampe de Matthieu (XXV, 1-13) que nous explique clairement Luc (XII 35-38 et XIII 24-27). Le pluriel de ces trois éléments de phrase tient lui aussi à la conviction que nous sommes tous unis dans l’Esprit unique et que personne ne peut prétendre à un meilleur sort qu’un autre, contrairement aux deux fils de Zébédée qui dans Marc demandent un traitement préférentiel (X 35-40).

Que Dieu vous bénisse. Dieu veuille faire de vous des chrétiens, et qu’il vous conduire à une bonne fin.

La réponse du chrétien consolé est calquée sur la demande à laquelle il ne peut ajouter ni retrancher quoi que ce soit compte tenu de sa position d’intermédiaire.


[1] https://www.catharisme.eu/3-la-religion/3-2-r-praxis/lamelioration/

[2] Le terme chrétien consolé me semble préférable à celui de bon-chrétien, afin de respecter la parole prêtée à Christ : « Personne n’est bon que Dieu seul. » (Mc X, 18)

[3] Doat XXIII. Déposition de Pierre Maury.

[4] Version de la déposition de Pierre Maury, cf note ci-dessus.

[5] La réponse du chrétien ne veut pas dire qu’il accorde la bénédiction, mais qu’il se fait le relais. Mais il ne fait qu’appliquer ce que Matthieu rapporte dans son évangile : « Oui je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matt. 18, 18 – voir aussi Matt. 16, 19.

Consolation de Guilhem

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Consolation de Guilhem

Cette Consolation est une première depuis sept siècles environ.

Elle n’est que la partie émergée d’une évolution spirituelle qui s’est construite tout au long de cinq années de noviciat, composé de rituels rigoureusement suivis et d’études dans le domaine doctrinal et pratique.

La Consolation spirituelle s’est déjà produite ; c’est le moment où le novice ressent le lien avec le Saint-Esprit paraclet qui nous accompagne depuis l’éveil à la spiritualité cathare.

Cette Consolation sacramentelle permet d’affirmer ouvertement à la communauté ecclésiale et au monde que le catharisme est toujours vivant et actif.

La configuration de cette première Consolation est particulière. L’absence de consolés disponibles pour effectuer le sacrement oblige à adapter le déroulé de la cérémonie.

Vous trouverez ci-dessous le déroulé du sacrement avec en rouge les éléments qui ne seront pas réalisés pour les raisons que je viens d’expliquer.

Préparation du sacrement

Si un novice est en abstinence, et si les chrétiens sont d’accord pour lui donner la Consolation, qu’ils se lavent les mains, et les novices et croyants, s’il y en a, également.

Et puis que l’un des consolés, celui qui est après l’ancien, fasse trois révérences à l’ancien.
Qu’il prépare une table, et fasse trois autres révérences.
Qu’il mette une nappe sur la table, et fasse trois autres révérences.
Qu’il mette le livre sur la nappe.
Qu’il dise : Bénissez-nous, épargnez-nous.

Que le novice fasse son Amélioration et prenne le livre de la main de l’ancien.

Admonestation

L’admonestation qui suit sera normalement enregistrée pour être lue au novice. Si cela est possible vous pourrez la suivre via Skype® en visioconférence. Merci de ne pas intervenir ni commenter.

« Guilhem, vous voulez recevoir le baptême spirituel, par lequel est donné le Saint-Esprit dans l’Église de Dieu, avec la sainte oraison avec l’imposition des mains des consolés.

De ce baptême le Christ dit, dans l’Évangile selon Mathieu, à ses disciples : « Allez et instruisez toutes les nations, et baptisez-les au nom du père et du fils et du Saint-Esprit. Et enseignez-leur à garder toutes les choses que je vous ai commandées. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la consommation du siècle. »

Et dans l’Évangile selon Marc, il dit : « Allez par tout le monde, prêchez l’évangile à toute créature. Et qui croira et sera baptisé sera sauvé, mais qui ne croira pas sera condamné. »

Et dans l’Évangile selon Jean il dit à Nicodème : « En vérité, en vérité je te dis qu’aucun homme n’entrera dans le royaume de Dieu s’il n’a été régénéré par l’eau et le Saint-Esprit. »

Et Jean- Baptiste a parlé de ce baptême quand il a dit : « Il est vrai que je baptise d’eau ; mais celui qui doit venir après moi est plus fort que moi : je ne suis pas digne de lier la courroie de ses souliers. Il vous baptisera du Saint esprit et de feu. »

Et Jésus-Christ dit dans les Actes des apôtres : « Car Jean a baptisé d’eau, mais vous serez baptisé du Saint esprit. »

Ce Saint baptême par l’imposition des mains a été institué par Jésus-Christ, selon ce que rapporte Saint Luc, et il dit que ses amis le feraient, comme le rapporte Saint Marc : « Ils imposeront les mains sur les malades, et les malades seront guéris. »

Et Ananias fit ce baptême à l’apôtre Paul quand il fut converti. Et ensuite Paul et Barnabé le firent en beaucoup de lieux. Et Pierre et Jean le firent sur les Samaritains. Car Luc le dit ainsi dans les Actes des apôtres : « Les apôtres qui étaient à Jérusalem ayant appris que ceux de Samarie avaient reçu la parole de Dieu, envoyèrent à eux Pierre et Jean. Lesquels y étant venus prièrent pour eux pour qu’ils reçussent le Saint-Esprit, car il n’était encore descendu en aucun d’eux. Alors ils posaient les mains sur eux, et ils recevaient le Saint-Esprit. »

Ce baptême par lequel le Saint-Esprit est donné l’Église de Dieu l’a gardé depuis les apôtres jusqu’à maintenant, et il est venu de consolés en consolés jusqu’ici et elle le fera jusqu’à la fin du monde. »

Et vous devez entendre que pouvoir est donné à l’Église de Dieu de lier et de délier, et de pardonner les péchés et de les retenir, comme Christ le dit dans l’Évangile selon Jean : « Comme le père m’a envoyé, je vous envoie aussi. Lorsqu’il eut dit ces choses, il souffla et leur dit : Recevez le Saint-Esprit ; ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur sont pardonnés, et ceux à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. »

Et dans l’Évangile selon Mathieu, il dit à Simon Pierre : « Je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer n’auront point de force, contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux. Et quelque chose que tu lies sur terre, elle sera liée dans les cieux, et quelque chose que tu délies sur terre, elle sera déliée dans les cieux. »

Et dans un autre endroit il dit à ses disciples : « En vérité je vous dis que quelque chose que vous liiez sur terre, elle sera liée dans les cieux, et quelque chose que vous déliiez sur terre, elle sera déliée dans les cieux. Et derechef en vérité je vous dis : si deux de vous se réunissent sur terre, toute chose, quoi qu’ils demandent, leur sera accordée par mon père qui est au ciel. Car où sont deux ou trois personnes réunies en mon nom, j’y suis au milieu d’elles. »

Et dans un autre endroit, il dit : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. »

Et en l’Évangile selon Jean, il dit : « Qui croit en moi fera les œuvres que je fais. »

Et en l’Évangile selon Marc, il dit : « Mais ceux qui croiront, ces signes les suivront : en mon nom ils chasseront les démons, et ils parleront de nouvelles langues, et ils enlèveront les serpents, et s’ils boivent quelque chose de mortel, cela ne leur fera pas de mal. Ils poseront les mains sur les malades et ils seront guéris. »

Et en l’Évangile selon Luc, il dit : « Voici que Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toutes les forces de l’ennemi, et rien ne vous nuira. »

Et si vous voulez recevoir ce pouvoir et cette puissance, il vous faut tenir tous les commandements de Christ et du nouveau testament selon votre pouvoir. Et sachez qu’il a commandé que l’homme ne commette ni adultère, ni homicide, ni mensonge, qu’il ne jure aucun serment, qu’il ne prenne ni ne dérobe, ni ne fasse aux autres ce qu’il ne veut pas qui soit fait à soi-même, et que l’homme pardonne à qui lui fait du mal, et qu’il aime ses ennemis, et qu’il prie pour ses calomniateurs et pour ses accusateurs et les bénisse, et si on le frappe sur une joue, qu’il tende l’autre, et si on lui enlève la chemise, qu’il laisse le manteau, et qu’il ne juge ni ne condamne, et beaucoup d’autres commandements qui sont commandés par le seigneur à son Église. Et il faut également que vous haïssiez ce monde et ses œuvres, et les choses qui sont de lui.

Car Jean dit dans l’épitre : « O mes très chers, ne veuillez pas aimer le monde, ni ces choses qui sont dans le monde. Si quelqu’un aime le monde, la charité du père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde est convoitise de chair, et convoitise des yeux, et orgueil de la vie, laquelle n’est pas du père, mais est du monde ; et le monde passera, ainsi que sa convoitise, mais qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement. »

Et Christ dit aux nations : « Le monde ne peut vous haïr, mais il me hait, parce que je porte témoignage de lui, que ses œuvres sont mauvaises. »

Et Jude frère de Jacques dit pour notre enseignement dans l’épître : « Haïssez ce vêtement souillé qui est charnel. »

Et par ces témoignages et par beaucoup d’autres, il vous faut tenir les commandements de Dieu, et haïr ce monde. Et si vous le faites bien jusqu’à la fin, nous avons l’espérance que votre âme aura la vie éternelle. »

Consolation

Que le novice dise : « J’ai cette volonté, priez Dieu pour moi qu’il m’en donne sa force. »

Et puis que l’un des consolés [que le novice] fasse son Amélioration à l’ancien [au Saint-Esprit paraclet] ainsi :

Debout, il incline son buste, les mains jointes devant la poitrine, puis il s’agenouille, se prosterne jusqu’à ce que son front touche le sol, les mains à plat de chaque côté.
Il dit deux fois : Bénissez-moi, épargnez-moi, saint paraclet, priez Dieu pour moi.
La troisième fois il dit : Bénissez-moi, épargnez-moi, saint paraclet, priez Dieu pour moi afin qu’il me fasse bon chrétien et qu’il me mène à bonne fin.
Ensuite, il se relève et qu’il dise : « Épargnez-moi, je vous prie par l’amour de Dieu que vous m’accordiez de ce bien que Dieu peut me donner. »
Et puis qu’il dise : « Épargnez-nous. Pour tous les péchés que j’ai pu faire ou dire ou penser ou opérer, je demande pardon à Dieu, et à l’Église et à vous tous. »

Et que les chrétiens disent : « Par Dieu et par nous et par l’Église qu’ils vous soient pardonnés, et nous prions Dieu qu’il vous les pardonne. »
Et puis ils doivent le consoler.

Et que l’ancien prenne le livre et le lui mette sur la tête, et les autres consolés, chacun la main droite, et qu’ils disent les Bénissez-nous et trois Prions devant, et puis : Père saint, maintiens ton serviteur dans ta justice, et envoie ta grâce et ton Saint-Esprit sur lui.

Le novice prend le livre et le place au-dessus de sa tête.

Il dit : Bénissez-moi et trois Prions devant (sans veniæ).

Puis il dit : Père saint, maintiens ton serviteur dans ta justice, et envoie ta grâce et ton Saint-Esprit sur moi.

Et qu’ils prient Dieu avec un Pater, et celui qui guide le service divin doit dire à voix basse la « sixaine » ; et quand la « sixaine » sera dite, il doit dire trois Prions devant, et un Pater une fois à haute voix, et puis le prologue de Jean. Ensuite, ils doivent dire trois Prions devant et la Que la grâce et Bénissez-nous, épargnez-nous.

Le nouveau consolé dit un Pater à haute voix suivi d’une sizaine à voix basse.

Ensuite, il dit trois Prions devant avec venias.

Il dit un Pater à voix haute.

Il dit ensuite le Prologue de Jean (17 premiers versets du chapitre 1 de l’Évangile selon Jean) :

1 – Au principe était la parole, la parole était chez Dieu et la parole était Dieu.

2 – Elle était au principe chez Dieu.

3 – Tout a existé par elle et rien de ce qui existe n’a existé sans elle.

4 – En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes.

5 – La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas trouvée.

6 – Il y eut un homme envoyé de Dieu, un nommé Jean.

7 – Il vint en témoin pour attester la lumière, pour que tous aient foi par lui.

8 – Il n’était pas la lumière mais le témoin de la lumière.

9 – La lumière véritable qui illumine tout homme venait dans le monde.

10 – Elle était dans le monde et le monde existait par elle et le monde ne l’a pas connue.

11 – Elle vint chez elle et les siens ne l’ont pas reçue.

12 – Mais ceux qui l’ont reçue, elle leur a donné pouvoir d’être enfants de Dieu, ceux qui se fient à son nom,

13 – ceux qui ne sont nés ni du sang, ni d’une volonté de chair, ni d’une volonté d’homme mais de Dieu.

14 – Oui, la parole s’est faite chair, elle s’est abritée parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, gloire que tient de son père un fils unique plein de grâce et de vérité.

15 – Jean témoigne de lui, il crie : C’était de lui que je disais : Lui qui vient derrière moi me dépasse, car il était avant moi.

16 – Car nous avons tous reçu de sa plénitude et grâce pour grâce.

17 – Car la loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Il dit ensuite trois Prions devant avec venias.

Et puis il doit faire la paix avec le livre envers le Saint-Esprit paraclet et envers les croyants.

Et s’il y a des croyants, qu’ils fassent la paix aussi, et que les croyantes, s’il y en a, fassent la paix avec le livre et entre elles.

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Sacrement de la Consolation

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Sacrement de la Consolation

Présentation

Ce sacrement nous est clairement et précisément transmis par la meilleure source possible. En effet, un Nouveau Testament a échappé aux flammes et à la destruction du temps et se trouve aujourd’hui aux archives de la Bibliothèque municipale de Lyon.
Ce document est très particulier. Non seulement il contient l’ensemble des textes que l’on trouve dans tous les Nouveaux Testaments, mais on y trouve également une lettre de Paul inédite, celle adressée aux Laodicéens.

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La Consolation – La convention – L’endura

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La Consolation

Les cathares ne connaissaient qu’un seul sacrement, car dans leur rigueur à vouloir ne pas dévoyer l’enseignement du christ, ils ne reconnaissaient comme valable que ce que son apparence physique, nommée Jésus, avait fait lors de son ministère. Or, comme cela est précisé dans l’Évangile selon Jean[1], le Christ — après la mort apparente de Jésus —, administre le souffle divin aux disciples réunis après l’annonce de sa résurrection que vient de leur faire Marie Madeleine.Read more

L’Amélioration au Moyen Âge

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L’Amélioration

Présentation

Rituel d’entrée en Catharisme

La réalisation de ce rituel signe l’entrée d’un auditeur (sympathisant) en vie chrétienne et en fait dès lors un croyant, c’est-à-dire une personne qui chemine sur la voie qui mène au baptême, la Consolation. Il est donc le premier de tous les rituels que pratiquera un croyant face à un Bon-Chrétien (un cathare ayant reçu la Consolation).

On l’appelle Melhiorer ou Melioirer en occitan — melhoramentum[1] dans les registres d’Inquisition — ce qui signifie Amélioration. C’est ce terme que je préfère conserver, car effectivement, par ce rituel le croyant va demander à s’améliorer en vue d’une bonne fin chrétienne et il le fait par l’entremise d’un Bon-Chrétien dont l’état d’avancement signe qu’il est en lien avec le Saint-Esprit et promet une meilleure transmission du souhait exprimé. Pour autant, comme dans tous les rituels cathares, l’intermédiaire humain n’est aucunement celui qui confère ce qui est demandé, car cela ne peut relever que d’un intervenant qui n’est pas soumis à ce monde. La référence est donc le saint Esprit consolateur (Paraclet).

C’est le Bon-Chrétien qui va demander à un auditeur — c’est-à-dire un sympathisant qui répond favorablement à l’enseignement (la catéchèse) — de réaliser sa première Amélioration en lui en indiquant la procédure. Auparavant, le Bon-Chrétien évalue si le postulant éventuel est en mesure de le pratiquer. C’est également une marque de la relation qui unit la communauté ecclésiale croyante et la communauté évangélique chrétienne.

Ce rituel se pratique également entre les Bons-Chrétiens d’une maison cathare, à l’intention de l’ancien de la maison, le matin et le soir. C’est également le cas de tout Bon-Chrétien envers un autre détenteur d’une mission importante : diacre, fils mineur ou majeur, évêque.
Comme pour tous les rituels et sacrement cathare, l’officiant (Bon-Chrétien, ancien, diacre, fils, évêque) doit être en état d’assumer sa charge, c’est-à-dire sans péché majeur au moment du rituel. Sinon, son incapacité à tenir sa charge invaliderait le rituel ou le sacrement.

Rituel intime

Le croyant ne peut pas refuser cette demande du Bon-Chrétien sauf à lui signifier discrètement un empêchement généralement lié par exemple à la présence de personnes apparemment extérieures à la communauté qui se trouveraient à proximité[2]. En effet l’Amélioration n’est pas un rituel public, mais un échange intime entre le pratiquant et le Bon-Chrétien. C’est pour cela que le Bon-Chrétien parle à voix basse, ce qui fit dire à bon nombre de témoins que les propos du Bon-Chrétien étaient inaudibles.

Cette pratique doit demeurer discrète. Le Traité sur les hérétiques d’Anselme d’Alexandrie[3] précise qu’un croyant arrivant en un lieu où se trouvent des Bons-Chrétiens s’enquière premièrement de la situation des personnes présentes par une phrase codée. S‘il obtient la réponse voulue, il peut faire son Amélioration, sinon il s’en abstient.

Je ne vais pas faire ici un historique et un recensement des textes traitant de ce sujet ; Ruben Sartori l’a réalisé de façon tout à fait convaincante dans un document publié sur le site des Amis du Sabartés[4]. Ce travail très complet est particulièrement intéressant et je ne peux que vous inviter à le consulter. Pour autant je ne partage pas l’avis de l’auteur sur un ou deux points de détail ; mais nous en reparlerons.

Description

La gestuelle que Ruben Sartori pro­pose, d’après ses recherches, me semble tout à fait correcte. On la trouve dans divers témoignages issus de plusieurs registres qu’il convient parfois de compiler, car les descriptions des notaires de l’Inquisition sont souvent sommaires.
La voici présentée de façon illustrée.

Révérence
© Monique Vidal

La gestuelle est dirigée vers le Bon-Chrétien qui officie, c’est-à-dire le plus ancien dans la foi. Le croyant ou le Bon-Chrétien moins ancien joint ses deux mains, paume contre paume et doigts serrés, contre sa poitrine, baisse la tête et courbe le dos en référence à ce que représente le Bon-Chrétien, c’est-à-dire à la présence du Saint-Esprit consolateur, seul intermédiaire entre le bon Principe et celui qui effectue l’Amélioration. Il n’y a en effet aucune confusion pour les participants entre le rôle du Bon-Chrétien, intermédiaire neutre, et celui à qui s’adresse en fait le croyant, le Saint-Esprit Consolateur.

Le croyant commence par joindre les mains, puis incline la tête et enfin plie le buste. Cette phase muette s’enchaîne directement avec la suivante et ne dure donc que quelques secondes. Elle permet au croyant de se mettre en préparation psychologique et spirituelle de ce qui va suivre.

Agenouillement
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Ensuite le croyant va s’agenouiller, soit directement au sol, soit en posant les genoux sur un oreiller (ou un coussin)[5], soit en appuyant ses mains sur un banc. Ce dernier cas semble être prévu pour les personnes ayant des difficultés physiques à s’agenouiller directement. Aujourd’hui on peut imaginer de remplacer le banc par un prie-Dieu adapté, c’est-à-dire avec une tablette surbaissée de façon à permettre la prosternation complète. C’est dans cette position que le croyant fait sa demande :

Bon-chrétien (ou Bonne-Dame), la bénédiction de Dieu et la vôtre ![6]

Dans une version collective la phrase se limite à : Bénissez-nous[7]

 

Bénédiction
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Selon les sources, cette bénédiction, effectuée par l’ancien, peut se faire à une ou deux mains. Aujourd’hui on observe régulièrement que les bénédictions se font plus souvent à une main. On peut donc raisonnablement retenir cette pratique. Bien entendu, et particulièrement lorsque le ministre et le croyant sont de sexe différent, il n’y a pas de contact physique entre la main du premier et la tête du second.

C’est à ce moment que Bon-Chrétien répond à la demande du croyant :

La bénédiction de Dieu et la nôtre.[8]

Dans la version de Schmidt, la réponse est : Que Dieu vous bénisse.

 

Adoration
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Après cette réponse, le croyant met les mains à plat sur le sol (ou sur le banc) et se prosterne en touchant ses mains avec le front. Certains témoignages disent qu’il baise ses mains ainsi disposées. C’est typiquement la description de la veniæ décrite dans la pratique de l’Oraison.
Il se redresse tout en demeurant à genoux et renouvelle sa demande une deuxième fois dans les mêmes termes. Le Bon-Chrétien lui répond de même et le croyant se prosterne à nouveau.
La troisième fois, le croyant modifie sa demande de la façon suivante (version Schmidt) :

Priez pour nous pêcheurs, afin qu’il fasse de nous de Bons-Chrétiens et qu’il nous conduise à bonne fin.

Le Bon-Chrétien répond alors :

Que Dieu vous bénisse. Dieu veuille faire de vous de Bons-Chrétiens, et vous conduire à une bonne fin.

Dans la déposition de Pierre Maury la formulation est quasi identique :

Dieu vous bénisse, Dieu vous amène à bonne fin, et Dieu vous fasse Bon-Chrétien.

Cependant, dans cette déposition cette phrase est prononcée trois fois, ponctuant chaque accolade du Baiser de Paix qui est donc simultané dans ce cas.

Le croyant se relève alors et l’Amélioration se termine, comme la plupart des autres rituels, par les caretas, c’est-à-dire le Baiser de Paix (ou la Paix).

Nous comprenons que si l’esprit et la forme de ce rituel sont bien définis, les formules prononcées peuvent légèrement varier pour peu qu’elles reprennent les mêmes éléments de terminologie.


[1]. La religion des cathares, Le catharisme t. 2, Jean Duvernoy, édition Privat (1976)

[2]. Dans sa déposition, Pierre de Luzenac signale qu’il refuse l’Amélioration qui lui est demandée au motif qu’il pourrait être vu d’un témoin indésirable. Geoffroy d’Ablis et les Cathares du comté de Foix. Annette Palès-Gobillard. Éditions du CNRS (Paris).

[3]. Tractatus de hereticis. Ms. Budapest, Musée national, lat. 352 par Anselme d’Alexandrie in La hiérarchie cathare en Italie. Antoine Dondaine O. P. Archivum Fratrum Praedicatorum, volumen XX (1950). Traduction française par Ruben Sartori dans Catharisme d’aujourd’hui (http://www.Catharisme.eu/Catharisme-europe/tractatus-hereticis/)

[4]. http://www.occitanie-cathare.eu/le-rite-du-melioramentum-1ere-partie

[5]. Doat XXIII. Déposition de Pierre Maury.

[6]. Version de la déposition de Pierre Maury, cf note ci-dessus.

[7]. Doat XXII. Déposition du f° 110b d’après Charles Schmidt, Histoire et doctrine des Cathares. Éditions Harriet 1983 (Bayonne). Première édition 1849-1849.

[8]. La réponse du Bon-Chrétien ne veut pas dire qu’il accorde la bénédiction, mais qu’il se fait le relais. Mais il ne fait qu’appliquer ce que Matthieu rapporte dans son évangile : «Oui je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel.» Matt. 18, 18 – voir aussi Matt. 16, 19.

Une Consolation à Carcassonne ?

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La Consolation (consolamentum)

Comme je l’explique sur mon site, la Consolation se compose de deux temps très différents :

  1. La Consolation spirituelle qui est acquise quand le novice où le mourant parvient à extraire sa part spirituelle de sa part mondaine, de façon suffisamment nette et durable, pour réaliser la résurrection du Christ en lui et réunir sa part spirituelle à l’Esprit unique dont elle a été momentanément détachée (le mariage spirituel).
  2. La Consolation sacramentelle est une manifestation rituelle organisée au sein de l’Église cathare pour confirmer la Consolation spirituelle devant les consolés, les croyants et même les sympathisants. Cela permet d’officialiser ce que chacun ressent face à celui qui s’engage dans la voie du salut en choisissant un cheminement spirituel aussi complet que possible.

Mon noviciat, qui terminera sa quatrième année dans trois mois environ, en est au point où j’ai le sentiment qu’il me reste peu d’attaches mondaines dont je peux me libérer pour atteindre l’état de la Consolation.

C’est pourquoi je me permet de penser qu’il se pourrait bien que je décide de réunir les croyants et les sympathisants qui le souhaitent, lors de notre rendez-vous annuel de la Pentecôte 2021, pour organiser cette Consolation sacramentelle à la maison cathare de Carcassonne.

Si j’en parle de façon aussi précoce c’est à la fois pour indiquer où j’en suis de ce cheminement entrepris voici bientôt quatre ans et pour vous permettre de vous organiser en ce sens.

Il est vrai que depuis quelques temps, certains s’interrogeaient, et m’interrogeaient pour savoir si je comptais demeurer en noviciat jusqu’à ma mort.

Si j’organise une telle cérémonie, il est clair que ce n’est pas pour moi. Ma Consolation spirituelle n’a pas besoin de manifestation mondaine.

Mais je n’oublie pas que je représente pour certain un point de repère de l’évolution de la résurgence cathare et pour les croyants qui se sont manifestés auprès de moi, une sorte de référence dans leur propre cheminement.

Même si j’ai conscience que ces considérations sont un peu excessives, il n’en reste pas moins que la réalité de la résurgence cathare, largement discutée voire niée par nombre de personnes, a besoin d’une manifestation clairement identifiable pour se manifester clairement et sans l’ombre d’un doute sur sa réalité et sa sincérité.

Bien entendu je reste à la disposition de tous pour parler de ce projet et pour en définir les contraintes en terme d’organisation. Les croyants qui souhaiteront participer peuvent me contacter directement afin d’être pleinement partie prenante dans cette cérémonie qui les concerne tout autant que moi.

Avec toute ma Bienveillance

Éric Delmas, 20 février 2020.

Le Pater d’aujourd’hui

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Le Pater d’aujourd’hui

Le document que je vous présente ci-dessous est la version du Pater pratiquée à la maison cathare de Carcassonne.
Il repose sur un travail d’étude des Pater existant dans la littérature et sur la glose du Pater que j’ai réalisée personnellement.

Présentation

Le Pater est clairement présenté, dans tous les textes qui le citent, comme la prière des chrétiens par excellence. Les Bons-Chrétiens cathares utilisaient la version longue, celle de Matthieu, car elle correspondait à la vision sociale et spirituelle de leur époque.
Cette prière était réservée aux novices ayant été admis à la tradition de la sainte Oraison dominicale, qui pouvaient donc quitter l’état de simple observateurs qu’ils respectaient depuis le début de leur noviciat, pour devenir des pratiquants actifs de ce rituel des Heures communautaires. Bien entendu, le Bon-Chrétien, c’est-à-dire le chrétien consolé, l’utilisait quotidiennement, non seulement lors des Heures, mais aussi à divers autres moments de la journée et lors de plusieurs autres rituels.

Les croyants et les novices n’ayant pas atteint le stade indiqué ci-dessus, devaient se contenter de la prière du croyant, connu sous le nom de Père saint.
Bien entendu cette interdiction ne valait que pour la pratique rituelle du Pater ; croyants et novices peuvent très bien lire et étudier le Pater, dans le but de le connaître et d’en apprécier la profondeur.

Pater

 Père tout puissant, principe des esprits saints.

Ta volonté agit sur tout le Bien.

Ton Saint-Esprit nous guide comme il te plaît

Pour que ta grâce puisse nous être accordée.

Donne-nous chaque jour, la nourriture

Que ta Parole et ton Amour procurent.

Remets-nous nos fautes et nos manquements,

Comme pour nos frères, nous en faisons autant.

Et soutiens-nous dans les difficultés,

Afin de nous délivrer du Mauvais !

Amen.

Explication

Le but de ce texte est de présenter une version adaptée à notre époque et mettant plus en valeur la pensée cathare.
Ainsi, chaque mot étudié dans la glose, est utile et apporte une information sur le catharisme et l’ensemble du texte est un résumé complet de la doctrine cathare.

Il n’y a pas de mot inutile et il n’y a aucun mot manquant.
Par contre, tout ce qui pouvait relever de l’organisation sociale du premier siècle et du Moyen Âge a été remplacé par des termes adaptés à notre époque.
De même, ce qui relevait de l’anthropomorphisme, nécessaire pour une population largement analphabète et empreinte de mysticisme, a été remplacé par des termes appropriés.
Seule exception, le terme Père est conservé dans son sens principiel et non familial.

Éric Delmas, 19 février 2020.

La Paix (Baiser de Paix ou Caretas)

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Baiser de paix
© Monique Vidal

La Paix (Baiser de Paix ou Caretas)

Le texte est issu du livre Catharisme d’aujourd’hui. Les notes de bas de page et les références scripturaires ont été retirées afin de ne pas léser les personnes ayant acheté le livre.

Ce rituel est couramment employé par les croyants et les Bons-Chrétiens, notamment à la fin d’un autre rituel. C’est d’ailleurs ce que fait le nouveau croyant quand il vient de réaliser sa première Amélioration.

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Heures communautaires

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Les Heures communautaires

L’étude du rituel des heures communautaires cathares a donné lieu à des interprétations diverses. Je les ai personnellement présentées dans mon livre[1], mais je n’ai pas précisé les sources sur lesquelles je m’appuyais à l’époque. J’ai présenté ces travaux dans des articles publiés sur ce site, mais là encore ces deux articles étaient davantage axés sur mon analyse et sur la pratique, que sur l’analyse des sources.
Aussi vais-je faire un travail complet sur ce sujet en espérant que vous trouverez mon propos à la fois complet et accessible.

Qu’appelle-t-on Heures communautaires ?

La vie communautaire a pour premier sens de réunir des croyants dans une démarche spirituelle. Cette démarche se manifeste dans les relations des membres entre eux, à l’égard de leur environnement et vis-à-vis des habitants extérieurs à la communauté.
Elle se manifeste aussi par des temps où le groupe se réunit pour exprimer sa foi et développer sa compréhension de la religion au moyen d’études de textes, de formations dispensées par un frère plus compétent en la matière et par un travail personnel d’analyse.
Ces activités ont une place très importante chez les cathares comme dans tous les groupes communautaires de toutes les religions. Elles portent des noms variés dont les plus courants sont Heures monastiques ou canoniales et Heures régulières (pour les moines) ou séculières (pour la communauté ecclésiale).
Pour marquer le particularisme cathare je les ai appelées Heures communautaires.
Chez les judéo-chrétiens, les clercs avaient la mission de prier pour les autres, d’où leur nom médiéval de oratores.
Chez les cathares, on trouve d’autres termes, comme oraison ou prières. Cela désigne le même rituel, mais pour éviter notamment la confusion avec un autre rituel appelé tradition de la sainte Oraison dominicale, je préfère conserver le terme d’Heures. De même la prière est le nom communément donné au Pater, aussi je préfère éviter ce terme mis au pluriel pour désigner les Heures[2].

Étude spirituelle et pratique

Répartition et nombre

Comme le montre le tableau 1, dont les heures affichées sont celles du soleil (ajouter une heure en hiver et deux en été pour la France), l’amplitude solaire est d’environ quatre heures entre le solstice d’été (lever à 4 heures solaire) et le solstice d’hiver (lever à 8 heures solaire). Ce qui fait pour notre système horaire actuel, un lever à 6 heures au solstice d’été et un lever à 9 heures pour le solstice d’hiver. Cette amplitude de trois heures légales contraint à effectuer des adaptations régulières si l’on veut respecter les horaires des périodes rituelles situés aux extrêmes du nycthémère.

La première particularité notable des Heures communautaires est qu’elles sont ancrées dans le nycthémère de façon à respecter un rythme circadien incluant une période de repos de huit heures au moins (heures de nuit), en accord avec le psaume 119, 164 : Sept fois par jour je te loue, à cause de tes jugements de justice.
Il y a donc sept Heures qui se déroulent de jour (temps de veille) et une de nuit (à la fin du temps de repos).

Les Vigiles (ou Matines) sont généralement célébrées à la huitième heure de la nuit, selon la règle de saint Benoît, ce qui correspondait à l’époque à deux heures du matin (heure « solaire »). Elle se déroulait dans l’obscurité, pour ne pas gâcher de chandelle, ce qui accrédite les témoignages parlant de prière au milieu de la nuit.
Les Laudes sont les Heures du lever du jour et servent de repère aux Heures suivantes. La Prime intervient dans l’heure suivante, la Tierce dans la troisième heure, la sexte (ou sixte) dans la sixième et la None dans la neuvième.
Enfin, les Vêpres, qui correspondent à la douzième heure du jour, marquent la fin du travail et sont dites avant le repas du soir. Enfin, les Complies sont dites avant le coucher, c’est-à-dire huit heures avant les prochaines Vigiles.

Cette organisation vise à montrer que le moine prie tout le temps, de jour comme de nuit. Il est clair que cette répartition amenait les dernières Heures à se dérouler de nuit dans les périodes hivernales. En effet, si en été le soleil se levait vers 4 heures du matin, les Complies devaient intervenir avant le coucher, c’est-à-dire vers 19 heures (21h de notre heure d’été), afin de respecter les huit heures de repos avant les prochaines Vigiles. En hiver, le décalage induit par le soleil (lever à 8 heures solaires, soit 9h selon l’heure d’hiver) oblige à reporter d’autant l’heure de coucher. Cela s’adapte selon la zone géographique. Par exemple, Carcassonne a presque une demi-heure de décalage négatif par rapport à Paris.

Source : Lever de soleil à Paris par Poulpy pour fr.wikipedia.org sous licence gnu free documentation licence

Particularités pratiques

Les textes dont nous disposons venant des polémistes pour l’essentiel ne nous renseignent pas très bien sur le détail des pratiques rituelles cathares. Ce qui est certain c’est que ces pratiques sont fréquentes, comme dans les communautés monastiques des autres christianismes, rythmées et qu’elles se pratiquent également de nuit.
Il est plus que probable que les cathares respectaient cette organisation, d’une part car elle s’appuyait sur les psaumes qu’ils ne rejetaient pas dans leur totalité et, d’autre part car elle correspondait également à leur conception de l’obligation de prière du chrétien consolé.

Les cathares se considéraient comme des chrétiens à part entière et l’on sait qu’il est arrivé que des bons chrétiens (hommes et femmes) ont vécu dans des monastères catholiques sans renoncer à leur foi.
Il est plus que probable qu’ils aient calqué, peu ou prou, leur organisation rituelle sur les règles monastiques en vigueur à l’époque. L’occident chrétien était alors sous la règle de Benoît de Nurcie et l’orient chrétien sous celle de Basile de Césaré.

Bien entendu concernant les Heures communautaires, il est bon de préciser quelques points.
Les cathares pratiquaient des rituels décrits comme simples et doubles. Un texte nous précise qu’ils pratiquaient jusqu’à cent génuflexions (venias) par jour. Le total des rituels est énoncé comme variant entre 14 et 15 par jour avec une répartition variable entre le jour et la nuit.
Outre qu’il est fort possible que chaque communauté ait pu adapter ses pratiques à sa convenance, il est clair que les personnes nous les rapportant ne les ont pas vécues de l’intérieur, ce qui explique l’apparente confusion entre les récits.
Ce qui ressort clairement c’est l’importante fréquence des pratiques rituelles.

Nous avons une présentation assez claire des Heures communautaires (oraisons) en vigueur à l’époque, comme de nos jours.

Huit périodes sont décrites et portent des noms précis :
– Les Matines ou Vigiles sont le premier rituel. Elles se tiennent de nuit.
– Les Laudes viennent ensuite, à l’aurore.
Prime correspond à la première heure durant laquelle se lève le jour.
Tierce est le rituel de troisième heure du jour.
Sexte est le rituel de sixième heure du jour.
None est le rituel de neuvième heure du jour.
– Les Vêpres sont le rituel du soir, avant le dernier repas, correspondent à la douzième heure.
– Les Complies sont le rituel précédant le coucher.

Le seul rituel clairement précisé comme devant se dérouler de nuit sont les Vigiles. Les Complies auront lieu de nuit ou de jour selon la saison.

Concernant le fait de dire simple ou double en vigueur chez les cathares, je note que les Heures communautaires comportent quatre temps désignés par un terme écrit au pluriel et quatre par un terme au singulier. Comment ne pas en déduire que les Heures doubles correspondent aux premiers et les simples aux seconds ?
Ce que j’appelle une période rituelle est partagée en deux parties, un rituel à proprement parler dirigé par l’ancien ou par un ministre à la demande de l’ancien et une période d’étude et de discussion en groupe qui correspond à la partie du rituel judéo-chrétien appelé le capitule.

Contrairement aux judéo-chrétiens qui ont une liturgie variée et mouvante empruntant à plusieurs partie de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, les cathares semblaient privilégier une pratique plus répétitive qui n’est pas sans rappeler les pratiques bouddhistes ou chamaniques. On peut envisager que cela visait également à induire une forme de dissociation entre la part mondaine et la part spirituelle par saturation des sens mondains.

Ce rituel nous est apparemment bien rendu par Anselme d’Alexandrie dans son Traité sur les hérétiques (Tractatus de hereticis).
Mais cet inquisiteur ne s’attarde pas trop sur ce sujet qu’il inclut juste après l’appel au repas (chap. 8) et dont il ne fait que citer les temps différents.

Particularités de l’oraison

Si l’on veut rendre cela de façon claire, il faut chercher des informations ailleurs. Malheureusement, le Nouveau Testament occitan, dont le manuscrit conservé à Lyon, contient une partie rituelle ne nous renseigne pas sur la pratique de l’oraison. Il faut être très clair et précis sur les termes que nous employons :

  • un rituel est une cérémonie spécifique à un objectif précis : rituel de l’Oraison dominicale, rituel des Heures, etc.
  • l’oraison est la pratique rituelle visant à prier lors des Heures communautaires.
  • la prière désigne soit le Pater pour les consolés et les novices admis au rituel de l’Oraison dominicale, soit le Père saint pour les croyants et les novices débutants.

En effet, dans le Nouveau Testament (NT) occitan, les deux textes qui parlent de l’oraison sont les deux rituels décrits, à savoir : celui de la tradition de l’Oraison dominicale et celui de la Consolation. Or, on y trouve la remarque « Et puis, que l’ancien dise l’oraison, et que le croyant la suive. » (p. XV éd. Sltakine), dans le rituel de l’Oraison dominicale et « Et qu’ils prient Dieu avec l’oraison, … et l’oraison une fois à haute voix, …» (p. XXI éd. Slatkine). Pourtant des éléments figurant dans l’oraison sont situés avant ou après ces citations. De même, dans la Consolation, on voit apparaître la notion de sixaine dite par l’évêque. Pourquoi l’oraison n’est pas détaillée, mais simplement citée et pourquoi d’autres éléments sont-ils cités ?
La réponse n’est pas simple et plusieurs auteurs s’y sont trompés involontairement, comme Jean Duvernoy et plus récemment Ruben de Labastide. Moi-même je n’avais pas compris la subtilité de ce point jusqu’à la publication du travail de Anne Brenon et David Zbiral (et leurs collègues) concernant ce document écrit par des cathares pour des cathares.
Le NT occitan a été écrit à la fin du 13e siècle par des cathares réfugiés en Italie du Nord, membres des communautés cathares du Languedoc et de France. Il était destiné à accompagner les cathares consolés qui revenaient en terre soumise à l’Inquisition pour soutenir les croyants dépossédés de leur Église depuis la chute de Montségur. Ces cathares n’étaient, ni des diacres, ni des évêques, qui préféraient rester en Italie — relativement protégés des méfaits de l’Inquisition grâce à la résistance des partisans de l’empereur (gibelins) opposés aux partisans du Pape (guelfes).
Les rituels de la tradition de l’Oraison dominicale et de la Consolation étaient normalement dirigés par l’évêque ou, sur autorisation spéciale de ce dernier, par le diacre. Les bons-chrétiens ne pratiquaient pas ce rituel et encore moins le sacrement de baptême. Donc, à titre exceptionnel, ils reçurent l’autorisation de le faire, afin de permettre la renaissance de l’Église en terres occitanes, et il leur fut remis ce document qui détaillait de façon précise ces deux moments forts de la vie liturgique cathare.
En effet, il fallait qu’ils disposent d’un support écrit pour pouvoir dire ce texte sans omission et de façon identique à chaque fois. C’est d’ailleurs confirmé par le la présence dans ces textes des admonestations que faisait l’évêque au novice ou au mourant. Elles sont entièrement rédigées pour être assuré qu’elles seraient dites correctement. En temps normal il est probable que les évêques devaient dire des admonestations de leur crû, ce qui ne pouvait être admis de la part de simples consolés.
Par contre, l’oraison n’est pas détaillée pour la bonne raison que ces bons-chrétiens la pratiquaient quotidiennement et n’avaient aucun mal à se la rappeler.
Nous pouvons donc dire que l’oraison (Heure), à proprement parler, est bien celle dont Anselme d’Alexandrie nous livre le contenu. En effet, cet inquisiteur a interrogé des croyants et sans doute aussi des bons-chrétiens. Il a donc pu entendre le détail de cette oraison, même si son compte-rendu est brouillon, alors qu’il est plus que probable qu’il n’a pas eu droit au récit détaillé d’un rituel de la sainte Oraison dominicale et encore moins d’un sacrement de la Consolation.

La pratique

Il découle de ce travail de recherche la version que j’ai publiée et que j’utilise au quotidien depuis le début de mon noviciat. Je vous le rappelle ci-dessous.

L’ancien de la communauté débute ainsi :
Bénissez-nous, épargnez-nous [Benedicite parcite[3] nobis]
À quoi l’assistance répond :
Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous remettent et nous épargnent tous nos péchés [Pater et Filius et Spiritus sanctus dimittat[4] nobis et parcat omnia peccata nostra]
Ensuite l’ancien dit à haute voix :
Prions devant le Père, le Fils et le Saint-Esprit [Adoremus[5] Patrem et Filium et Spiritum sanctum]
L’assistance répond :
Cela est digne et juste [Dignum et justum est]
À ce moment, tous font une veniæ[6] (ils s’agenouillent et se prosternent, puis se relèvent).
L’ancien recommence à voix basse (Prions devant le Père, le Fils et le Saint-Esprit) et l’assistance répond de même (Cela est digne et juste) et tous font une deuxième veniæ.
Enfin l’ancien réitère à haute voix (Prions devant le Père, le Fils et le Saint-Esprit) et l’assistance répond de même (Cela est digne et juste), puis tous font une troisième veniæ.
Ensuite, tous disent avec l’ancien treize Notre Père. L’ancien en dit un quatorzième seul.
Il reprend immédiatement une série de trois Prions devant le Père, le Fils et le Saint-Esprit avec répons de l’assistance (Cela est digne et juste), ponctués de trois venias (comme précédemment).
Enfin, tous disent avec l’ancien un dernier Notre Père.
L’ancien dit seul une série de trois Notre Père suivis d’un seul Prions devant le Père, le Fils et le Saint-Esprit avec répons de l’assistance (Cela est digne et juste) et une veniæ.
L’ancien dit alors :
Que la grâce à notre Seigneur Jésus Christ soit toujours avec nous [Gracia domini nostri Jesu Christi sit semper cum omnibus nobis].
L’assistance répond : Amen.
Pour finir l’ancien reprend comme au début :
Bénissez-nous, épargnez-nous [Benedicite parcite nobis]
À quoi l’assistance répond :
Que le Père, le Fils et le Saint-Esprit nous remettent et nous épargnent tous nos péchés [Pater et Filius et Spiritus sanctus dimittat nobis et parcat omnia peccata nostra]

La gestuelle associée est double. Pour les parties où l’assemblée se tient debout, les mains sont jointes à plat, doigts serrés et l’on se tient légèrement penché en avant. Pour les Prions devant, chacun commence par s’agenouiller et, posant les mains à plat sur le sol, vient les toucher avec le front[7]. C’est cela que l’on appelle veniæ. Bien entendu, il faut se redresser à chaque fois, ce qui donne une veniæ pour chaque Prions devant.

Le rituel des Heures communautaires d’après les sources

J’ai restitué ce rituel en me basant sur le travail d’Anselme d’Alexandrie et j’ai précisé les points les moins clairs d’après des notions éparses.

Le rituel

Le rituel des Heures comporte deux fois trois Adoremus ponctués chacun par une génuflexion (veniae) plus un autre final. Cela donne 84 venias par jour, proche des 100 génuflexions des témoignages.

Pour que la vie diurne puisse se pratiquer de façon à peu près correcte il faut admettre que les Heures de jour qui viennent s’inclure dans l’activité mondaine doivent être des Heures simples, ne dépassant pas la demi-heure de rituel, ce que semble confirmer leur orthographe mise au singulier (Prime, Tierce, Sexte, None).
Par contre les Vigiles qui marquent l’éveil sont doubles et sont suivie d’une heure de battement pendant laquelle il est possible d’effectuer ses ablutions et de prendre un petit déjeuner, hors période de jeûne.
Ensuite, les Laudes, doubles également se terminent avant la fin de l’heure du lever du soleil. Elles constituent le temps 0 de la journée.
La Prime est dite dès le début de l’heure qui suit, ce qui fait que ce sont un double rituel suivi d’un simple qui se confondent si on y ajoute le temps d’étude (capitule) qui suit obligatoirement chaque Heure.
Ensuite, le rythme est régulier, chaque Heure intervenant trois heures après la précédente, la première étant les Laudes, car la Prime est déjà décalée de son côté. Cela se termine aux Vêpres (douzième heure) qui clôturent les Heures de jour. Les Complies sont calculées par rapport à l’heure des Vigiles (huit heures d’écart).

Les horaires

Pour que les Laudes correspondent à l’heure du lever du soleil, elles doivent donc débuter au plus tôt à 7h30 solaire (8h30) au solstice d’hiver et au plus tard à 4h00 solaire (6 h00) au solstice d’été.
Cela veut dire que les Vigiles débuteraient une heure plus tôt pour être assuré qu’elles aient lieu de nuit.
Mais la variation de l’heure du lever du soleil est régulière (env. une demi-heure par mois), ce qui obligerait à des adaptations au fil de l’année.
Si l’on suit les variations de l’heure légale, on peut envisager deux périodes. De fin octobre à fin mars — le jour se levant entre 8h00 et 7h00 (heure légale), l’amplitude d’une heure permettrait un lever à 6h00 pour une heure de matines entre 6h30 et 7h00. De fin mars à fin octobre — le jour se levant entre 8h00 et 6h00 (heure légale), il faudrait avancer le lever d’une heure (entre 5h00 et 5h30).
Bien entendu l’adaptation se fera à l’usage de façon à équilibrer au mieux les choses. Cette organisation n’a pas vocation à être contraignante.
Au total, Vigiles, Laudes, Vêpres et Complies sont doubles alors que Prime, Tierce, Sexte et None sont simples. Cela représente douze périodes rituelles correspondant à quatre-vingt-quatre venias.
On le voit, cette organisation permettait de vaquer aux occupations quotidiennes internes à la communauté mais si l’on travaille à l’extérieur, Tierce, Sexte et None, sont impossibles à respecter. Certes il est envisageable de faire un rituel simplifié sur son lieu de travail mais la coupure communautaire est néanmoins majeure.

Les sources

À ce jour nous disposons de quatre sources décrivant ce rituel et de mentions marginales.
Jean Duvernoy tente même de les comparer dans son livre[8], malgré les apparentes contradictions qu’il note. Il recense ainsi les écrits de Héribert, de Landulfus senior, de Jacques Fournier, du ms 609 de Toulouse, de Robert de Torigny, de Euthyme Zigabène et d’Anselme d’Alexandrie. Un témoignage spécial existe dans le Nouveau Testament cathare occitan de Lyon. Ce dernier est le seul émanant directement des cathares. En outre, il est sans doute le plus récent puisque écrit à la fin du 13e siècle en Italie du Nord où une forte communauté cathare languedocienne s’était réfugiée. Ces témoignages s’étalent du 10e au 13e siècle. À l’exception de celui attribué à Anselme d’Alexandrie, publiée par Antoine Dondaine et du Nouveau testament occitan, les autres sont très fragmentaires, voire se limitent à de simples remarques marginales.

Par souci d’honnêteté je vais vous présenter ces différents témoignages et vous donner des clés permettant de les interpréter.

Les rituels

Les variations présentes dans les rapports des polémistes et inquisiteurs peuvent se comprendre du fait qu’ils rapportent des témoignages issus de croyants et de témoins les ayants plus ou moins bien compris, selon leur interlocuteurs, et eux mêmes plus ou moins désireux de les magnifier pour indiquer la grande ferveur des bons-chrétiens. Cependant, on note que ces témoignages s’approchent très près de la réalité. Les génuflexions quotidiennes sont au nombre de 84 aujourd’hui, quand Héribert parle de 100[9]. La répartition des Heures est elle aussi proche de la réalité car les comportements des cathares devaient peu différer de ceux des moins catholiques à cette époque. La population avait du mal à les différencier comme le montre certaines discussions entre auditeurs et consolés.
En outre, les clercs catholiques, comme Anselme d’Alexandrie ne faisaient pas œuvre de journalistes. Ils rapportaient des faits destinés à informer une autorité qui ne viendrait pas pinailler sur des détails.
Les cathares, où les hérétiques s’y assimilant, sont présentés comme priant sans cesse et se livrant à la prière et au travail de jour comme de nuit. Cette description indique simplement, qu’à la différence des gens du peuple qui calquaient leur vie active sur la période de jour, les cathares — mais aussi sans doute les religieux catholiques — n’hésitaient pas à s’activer la nuit tombée. Dans son témoignage devant l’inquisiteur Jacques Fournier, Arnaud Sicre précise que le bon croyant Pierre Maury lui avait confié que le consolé Guilhem Bélibaste se levait six fois dans la nuit pour dire ses Heures[10].

Faisons une première analyse de commentaire. Le récit semble dater des environs d’avril 1319, mais le déposant est tellement vague quant aux dates qu’il est difficile de l’affirmer. À supposer que ce témoignage soit précis, à cette période les jours et les nuits s’équilibrent (équinoxe). Le soleil se lève aux alentours de 5h00 et se couche vers 20h30 (calendrier solaire). On sait que les cathares priaient dans l’heure précédant le lever du soleil (donc de nuit). Ils priaient également dans l’heure du lever, qui selon le moment de la saison pouvait très bien commencer de nuit. Or, ces deux prières, comme je vous l’expliquerai plus tard, étaient des « doubles », c’est-à-dire qu’elles regroupaient deux rituels chacune. Cela fait donc potentiellement jusqu’à quatre rituels prononcés de nuit en début de journée. De même, en fin de journée, le coucher se faisant au coucher du soleil, les cathares pouvaient se relever pour faire leur dernier rituel du soir. Donc, on avait bien au moins six rituels prononcés de nuit. Par contre, en été, hormis les deux premiers rituels qui se déroulaient forcément de nuit, les autres couvraient des heures de jour, y compris les deux derniers.

Robert de Torigny[11] et Euthyme Zigabène[12] parlent de 12 rituels s’échelonnant de jour et de nuit, ce qui correspond à la réalité, même si la répartition diurne et nocturne diffère, ce qui peut s’expliquer selon la saison de l’observation. Anselme d’Alexandrie, pour sa part est proche puisqu’il parle de 15 rituels quotidiens[13].

Au final, il faut comprendre que la notion de nuit est différente au Moyen-Âge comparativement à aujourd’hui, surtout chez la population pauvre où l’on ne gaspillait pas les chandelles ou l’huile pour s’éclairer. Il fallait vivre au rythme des saisons et de la course du soleil.

Le contenu et les variantes

Nous le voyons avec Jean Duvernoy, le contenu des rituels diffère d’un auteur à l’autre. Mais deux sont manifestement incomplets et les deux autres comportent une différence fondamentale qui a échappé aux chercheurs.

Il comporte un Benedicite (Anselme, NT Lyon) suivi d’un Parcat, mais le NT de Lyon insère entre les deux un Fiat nobis secundum verbum tuum (Qu’il nous soit fait selon ta parole).
Ensuite suivent trois Adoremus (un seul chez Euthyme), chacun suivi d’un Dignum chez Anselme et Euthyme, mais pas dans le NT de Lyon.
Ensuite vient la série des Pater : 13 ensemble et un par l’ancien en plus (Anselme), six ensemble et un ( ?) par l’ancien (NT Lyon) et un ensemble pour Radosav et Euthyme.
Anselme et le NT Lyon proposent ensuite 3 Adoremus et Radosav[14] un seul.
Le Dignum n’apparaît que chez Anselme et Radosav, mais Anselme est le seul à annoncer un Pater ensemble et 3 par l’ancien en suivant.
Un dernier Adoremus est présent chez Anselme et Radosav, suivi d’un Gratias et d’un Benedicite chez les trois (Anselme, NT Lyon et Radosav).

Le NT Lyon et Radosav ajoutent un Fiat nobis et tous finissent avec un Parcat.

Le plus court de tous est Euthyme qui s’arrête dès le premier Pater. Est-ce parce qu’il est incomplet ? On ne peut le dire. Peut-être est-ce une admonestation sans rapport avec le rituel des Heures.
Radosav est complet dans la seconde partie, mais il semble manquer la première. Peut-être est-ce une version raccourcie, car il n’y a qu’un seul Pater, ce qui semble court pour une oraison.
Anselme et le NT de Lyon sont beaucoup plus complet, mais diffèrent l’un de l’autre sur plusieurs points.

Le NT ne peut être remis en cause puisqu’il s’agit d’un document complet écrit par des cathares. Mais l’oraison qui y figure est celle du sacrement de la Consolation et non celle des Heures quotidiennes en usage dans les maisons cathare. Anselme, lui, nous parle de ce dernier cérémonial.
Il est donc raisonnable d’attribuer ces différences au fait qu’il s’agit de cérémonies différentes.
En effet, dans ce cas tout devient clair. L’oraison, dans la cérémonie de la Consolation n’est pas le fonds du sacrement. Qu’une version réduite ait été choisie afin de ne pas alourdir inutilement la cérémonie semble compréhensible.

C’est pour cela que j’ai dissocié les deux textes, ne gardant que Anselme pour l’oraison des Heures et le NT de Lyon pour la Consolation. Radosav et Euthyme étant trop incomplets, volontairement ou non, ne peuvent être utiles d’autant que leur contenu se retrouve dans les deux autres textes.

Exégèse et analyse

Comme vous le comprenez l’analyse de textes ne peut se faire que dans leur contexte. Il faut comprendre de quoi parlent les auteurs avant de se lancer dans des reconstructions qui peuvent s’avérer hasardeuses.

Il me semble que Ruben de Labastide[15] a commis une erreur dans son analyse en croyant que Jean Duvernoy voulait reconstituer le texte unique en y incluant les phrases éparses dans les autres textes. Ce que Jean Duvernoy dit est : « Le rapprochement de ces quatre sources permet de se faire une idée de la liturgie intégrale, si l’on tient compte du fait que le but des deux Rituels était plus de fournir un exemplaire de chaque élément que de donner une description complète. »
En fait J. Duvernoy dit deux choses en une ; une vraie et l’autre fausse. Oui, les deux Rituels présentés (l’oraison des Heures et le Rituel de la Consolation) sont destinés à fournir un exemplaire de chacun d’eux. On ne peut imaginer que le NT de Lyon puisse être incomplet. En effet, il servait à des consolés qui n’étaient ni diacres, ni évêques pour tenir ce rôle lors de Consolations se déroulant en temps de crise. Il leur fallait donc, tant pour le Rituel de la sainte Oraison dominicale que pour le sacrement de la Consolation — souvent réunis lors de la même cérémonie —, un document complet qu’ils puissent consulter et lire de façon à maintenir cette pratique sans risquer de la dénaturer.
Mais J. Duvernoy se trompe, et Ruben avec lui, quand il pense qu’il existe une version complète qu’aucun des deux textes ne propose. En fait ces textes sont complets, chacun pour son usage.
Anselme d’Alexandrie nous livre un texte issu de la vie interne des consolés et des novices. Ce texte est très bien connu de tous et il a donc pu aisément se le procurer. Par contre, le texte de la Consolation est connu des seuls revêtus en charge de l’administration de l’Église, les évêques et les diacres. Il était donc beaucoup plus difficile pour Anselme d’en avoir connaissance. C’est pour cela qu’il n’en parle pas.

Conclusion

On le voit, les Heures communautaires rythment la vie du groupe comme il convient à une communauté tournée vers l’aspect spirituel de la vie.
Sauf contrainte exceptionnelle elles s’imposent à toute autre activité mondaine.
Elles requièrent la présence régulière des membres, et notamment de l’ancien ou du ministre, afin de maintenir une cohésion dans le déroulé des enseignements qui font partie intégrante de ces Heures communautaires.


[1] La pratique ecclésiale, in Catharisme d’aujourd’hui. Seconde édition 2015 (Carcassonne)

[2] Dans son Livre contre les hérétiques (Liber contra hereticos), attribué à Ermengaud, l’auteur semble faire cette confusion puisqu’il parle du Pater en disant : … ils disent sept oraisons dominicales. Traduction de Ruben de Labastide, éd. lamaisoncathare.org 2015.

[3] Le terme pardon, repris dans les textes français, et même dans l’occitan du Nouveau Testament de Lyon, ne rend pas la notion d’égalité parfaite et de Bienveillance propre à la doctrine cathare. Dans le pardon, il y toujours une supériorité de fait de celui qui pardonne vis-à-vis de celui qui est pardonné. Or, le terme latin ne se traduit pas exactement par pardon mais plutôt par quelque chose qui est du domaine de l’économie (par ex. parcus se traduit par économe ou pingre) et de la protection. En français le terme le plus proche est épargne qui désigne à la fois ce que l’on met de côté sur le plan financier et celui que l’on met de côté pour le protéger, attitude classique d’un fort protégeant un faible.

[4] La traduction de dimittat n’est pas évidente. D’après le dicolatin il s’agit de la troisième personne du singulier du subjonctif du temps actif. Le sens varie de remettre une faute à congédier une assemblée. Dans le cas présent il semble que ce soit la première hypothèse qui convienne le mieux.

[5] Là encore, la traduction directe donne adorons, terme exact dans sa construction mais fortement connoté de nos jours et qui laisse penser à une dévotion extrême proche d’un comportement sectaire. Mais ce n’est pas du tout l’esprit de l’époque où l’on décrit simplement la position de l’orant qui s’agenouille et s’allonge pour signifier sa piété. La locution prions devant est donc plus appropriée.

[6] Cette prosternation (veniæ) est la même que celle décrite et illustrée dans l’Amélioration.

[7] Ruben de Labastide suggère que cela pourrait indiquer que les mains sont posées au sol l’une sur l’autre de façon croisée. Cela n’a rien d’indispensable. Elles peuvent tout aussi bien être posées une à côté de l’autre, le front venant s’appuyer sur les deux. La pratique courante dans la plupart des religions est de poser les mains latéralement et le front vienne toucher le sol entre les deux. Cela me semble plus propice à l’équilibre du pratiquant.

[8] Le catharisme, t. 1 La religion des cathares. Édition Privat 1976 (Toulouse), pp. 184-186.

[9] Héribert : Patrologie latine, 181, c. 1721

[10] Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier, t. 3 p. 765. Édition Bibliothèque des introuvables 2006 (Paris).

[11] Robert de Torigny : Annales de Margan, Rerum britannicarum script. Ann. monastici. I, p. 15

[12] Euthyme Zigabène : Patrologie grecque, 130, cc. 1314-1315

[13] Anselme d’Alexandrie : La hiérarchie cathare en Italie, Antoine Dondaine, II, dans Archivum Fratrum Praedicatorum, t. XX, 1950, p. 316

[14] Radosav : Bogomilska crkva Bosanskih crstijana. Édition Mandic, 1962 (Chicago) p. 88-89 et 461-462.

[15] Traité sur les hérétiques, Ruben de Labastide in Sources cathares. Éditions lamaisoncathare.org 2016(lulu.com).