Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.
ÉVANGILE SELON MATTHIEU
Chapitre quinze
1 – Alors des pharisiens et des scribes de Jérusalem s’approchent de Jésus et lui disent :
2 – Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens ? car ils ne se lavent pas les mains quand ils mangent du pain.
3 – II leur répondit : Et vous, pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu par votre tradition ?
4 – car Dieu dit : Honore ton père et ta mère, et : Que celui qui maudit père ou mère meure de mort.
5 – Et vous, vous dites : Celui qui dit à son père ou à sa mère : Tout ce que j’ai et qui te servirait est OFFRANDE
6 – n’a plus à honorer son père ou sa mère. Et vous annulez la parole de Dieu par votre tradition.
7 – Comédiens ! Isaïe prophétise bien de vous quand il dit :
8 – Ce peuple m’honore des lèvres mais leur cœur est loin de moi.
9 – Ils me révèrent en vain puisqu’ils enseignent pour enseignements des commandements d’hommes.
Mon analyse :
Nous trouvons deux notions dans ce passage : d’abord, la Loi qu’impose la Torah aux hommes est imparfaite, donc elle ne peut venir du vrai Dieu ; ensuite : si le principe initial est bon c’est ce qui en découle qui est mauvais, donc c’est que cela vient des hommes. Les hommes corrompent les choix justes en voulant en faire des lois positives déconnectées des idées initiales. Il faut donc toujours garder présent à l’esprit l’idée initiale avant de valider quelque règle que ce soit.
10 – Puis appelant la foule il leur dit Écoutez et comprenez,
11 – ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui profane l’homme : mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui profane l’homme.
12 – Alors les disciples s’approchent et lui disent : Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés d’entendre cette parole ?
13 – II leur répondit : Tout plant que mon père céleste n’a pas planté sera déraciné.
14 – Laissez-les : ce sont des aveugles, conducteurs d’aveugles. Or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous les deux dans un trou.
15 – Pierre lui demanda : Explique-nous la parabole.
16 – Jésus lui dit : Êtes-vous encore, vous aussi, sans intelligence ?
17 – Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre et est expulsé aux cabinets ?
18 – Mais ce qui sort de la bouche vient du cœur, et voilà ce qui profane l’homme.
19 – Car du cœur viennent les mauvaises raisons, les meurtres, les adultères, les prostitutions, les vols, les faux témoignages, les blasphèmes ;
20 – c’est cela qui profane l’homme. Mais manger avec des mains non lavées ne profane pas l’homme.
Mon analyse :
Là encore Jésus invalide la loi juive, et notamment ses prescriptions alimentaires. Ce qui importe est ce que l’homme a dans son cœur et ce qu’il exprime dans sa relation aux autres ; car cela montre son fond véritable. Suivre des prescriptions légales est facile, changer son fond est difficile. C’est pourquoi il critique les autorités juives qui ont un fond privé d’Amour mais qui le cachent derrière une forme parfaitement en accord avec les prescriptions de leur loi.
21 – En sortant de là, Jésus se retira dans la province de Tyr et Sidon.
22 – Et voilà qu’une Cananéenne de ce territoire sortit et se mit à crier : Aie pitié de moi, seigneur, fils de David, ma fille est possédée d’un mauvais démon.
23 – Jésus ne lui répondit pas un mot. Ses disciples s’approchèrent et lui demandèrent : Renvoie-la car elle crie derrière nous.
24 – II répondit : Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël.
25 – Mais elle vint se prosterner devant lui et dit : Seigneur, secours-moi !
26 – II lui répondit : Ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens.
27 – Elle dit : Si, seigneur ; car les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs seigneurs.
28 – Alors Jésus lui répondit : Ô femme, ta foi est grande ! Qu’il te soit fait comme tu veux. Et sa fille fut guérie sur l’heure.
Mon analyse :
Cet épisode est étonnant. Jésus refuse de s’intéresser au cas d’une Cananéenne, c’est-à-dire une personne originaire d’une région d’Israël méprisée par les Juifs, comme c’est le cas des Samaritains. Il se dit envoyé aux seuls Juifs d’Israël. Est-ce une manifestation des auteurs de l’évangile qui voulaient ainsi mettre le doigt sur le fait qu’une foi véritable peut se trouver hors du peuple élu ? Ou bien c’est peut-être une façon pour Jésus de dire qu’il faut se tenir prêt à aider tout le monde, jusqu’à aider les païens comme le proposera Paul plus tard. Cette femme manifeste une grande humilité et c’est cela qui semble intéresser Jésus et justifie son intervention. C’est comme pour le centurion qui demande juste une intervention à distance.
29 – Puis Jésus s’en alla, il vint près de la mer de Galilée, monta sur la montagne et s’y assit.
30 – De grosses foules s’approchèrent et, avec elles, des boiteux, des estropiés, des aveugles, des muets et beaucoup d’autres, qu’on rejetait à ses pieds ; et il les soigna,
31 – de sorte que la foule s’étonnait de voir des muets parler, des estropiés guérir, des boiteux marcher et des aveugles voir, et elle glorifia le Dieu d’Israël.
32 – Jésus appela ses disciples et leur dit : Cette foule m’émeut, car voilà déjà trois jours qu’ils restent avec moi et ils n’ont pas de quoi manger. Je ne veux pas les renvoyer à jeun, de peur qu’ils ne défaillent en chemin.
33 – Les disciples lui disent : Où trouver dans un désert tant de pains pour rassasier une telle foule ?
34 – Jésus leur dit : Combien de pains avez-vous ? — Ils dirent : Sept, et quelques petits poissons.
35 – II ordonna à la foule de s’étendre par terre,
36 – il prit les sept pains et les poissons et, rendant grâces, il les rompit, et il les donnait aux disciples et les disciples aux foules.
37 – Tous mangèrent et furent rassasiés ; et on enleva sept paniers pleins de restes.
38 – Quant aux mangeurs, ils étaient quatre mille hommes, sans compter femmes et enfants.
39 – Puis il renvoya les foules, entra dans le bateau et vint dans le territoire de Magadan.
Mon analyse :
Ce nouveau miracle des pains n’est pas une surenchère par rapport au premier. Il y a plus de pains et moins de restes. La symbolique des chiffres demeure et il se pourrait que ces allusions au pains soient liées à une pénurie de cette denrée ayant eut lieu à l’époque. Bien entendu, pour nous ce pain est celui de la parole de Jésus. On comprend mieux ainsi que les judéo-chrétiens aient poursuivi leur méprise jusque dans l’interprétation du pain supra-substantiel du Notre Père.