Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.
ÉVANGILE SELON LUC
Chapitre III
1 – L’an XV du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque d’Iturée et du pays Trachonite, Lysanias tétrarque d’Abilène,
2 – sous le pontificat d’Anne et de Caïphe, la parole de Dieu fut sur Jean fils de Zacharie, dans le désert.
3 – Il vint dans toute la contrée du Jourdain proclamer un baptême de conversion en rémission des péchés,
4 – comme il est écrit au livre des paroles du prophète Isaïe : Voix qui clame dans le désert : Apprêtez le chemin du Seigneur, rendez droites ses chaussées.
5 – Que tout ravin se remplisse et toute montagne ou colline s’abaisse ; que le tortueux devienne droit, que les chemins raboteux deviennent lisses
6 – et toute chair verra le salut de Dieu.
7 – Il disait donc aux foules qui sortaient pour se faire immerger par lui : Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui vient ?
8 – Faites donc des fruits dignes de la conversion et ne commencez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père ; car je vous dis que Dieu peut de ces pierres susciter des enfants à Abraham.
Mon analyse :
Ce chapitre donne avec précision la date de début de la prédication de Jean qui est présentée comme parfaitement inscrite dans la tradition juive et dans les textes de la Torah.
En fait, en lisant l’Évangélion de Marcion de Sinope, on s’aperçoit qu’il considère qu’il s’agit d’une interpolation et qu’en fait c’est la prédication de Jésus qui débute là :
1 – La quinzième année du principat de Tibère, 2 – Christ, descendu du Ciel, apparut à Capharnaüm. 3 – Ayant pris semblance d’homme, il paraissait âgé de 30 ans. 4 – Accoururent vers lui Caïn et ceux qui lui sont semblables, les sodomites, les égyptiens et autres, tous ceux qui s’étaient rendus coupables d’indignités, 5 – et Christ les sauva. 6 – Tous étaient frappés par son enseignement, car sa parole avait de la puissance
9 – Déjà la cognée est à la racine des arbres. Tout arbre donc qui ne fait pas de beau fruit est coupé et jeté au feu.
10 – Et les foules lui demandaient : Qu’est-ce qu’il faut donc faire ?
11 – Il leur répondait : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas; et que celui qui a de quoi manger fasse pareil.
12 – Des percepteurs aussi vinrent se faire immerger et lui dirent : Maître, qu’est-ce qu’il faut faire ?
13 – Il leur dit : Conformez-vous sans plus à vos instructions.
14 – Des militaires lui demandèrent aussi : Et nous, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il leur dit : Ne brutalisez personne et ne mouchardez pas ; qu’il vous suffise de votre solde.
15 – Comme le peuple était en attente et que tous se demandaient dans leurs cœurs si Jean lui-même n’était pas le christ,
16 – Jean répondait à tous : Moi, je vous immerge dans l’eau, mais il en vient un plus fort que moi et je ne suis pas digne de délier le lacet de ses chaussures ; lui vous immergera dans l’Esprit saint et le feu ;
17 – il a la pelle en main pour nettoyer son aire et ramasser le blé dans sa grange, et il brûlera la balle au feu inextinguible.
18 – C’est en exhortant ainsi tant et plus qu’il évangélisait le peuple.
19 – Mais Hérode le tétrarque, prouvé coupable par lui au sujet d’Hérodiade, la femme de son frère, et de tous les méfaits qu’Hérode avait commis,
20 – ajouta encore à tous celui de faire enfermer Jean en prison.
Mon analyse :
Ce qui donne à penser que ce texte a été écrit tardivement c’est le caractère ultra-légaliste qui s’en dégage. Non seulement il reprend les mêmes thèmes que les autres synoptiques, mais il y ajoute des injonctions à ne rien perturber envers les serviteurs de l’État.
21 – Comme tout le peuple se faisait immerger et que Jésus, immergé lui aussi, priait, voilà que le ciel s’ouvrit,
22 – l’Esprit saint descendit sur lui sous un aspect corporel comme de colombe, et une voix vint du ciel : Tu es mon fils, l’aimé dont je suis content.
23 – Jésus, qui commençait, avait environ trente ans et était, à ce qu’on croyait, fils de Joseph fils d’Héli
24 – fils de Matthat fils de Lévi fils de Melchi fils de Jannaï fils de Joseph
25 – fils de Mattathias fils d’Amos fils de Naoum fils d’Esli fils de Naggaï
26 – fils de Maath fils de Mattathias fils de Séméïn fils de Josech fils de Jôda
27 – fils de Joanan fils de Résa fils de Zorobabel fils de Salathiel fils de Néri
28 – fils de Melchi fils d’Addi fils de Kôsam fils d’Elmadam fils de Er
29 – fils de Jésus fils d’Éliézer fils de Jôrim fils de Matthat fils de Lévi
30 – fils de Syméon fils de Juda fils de Joseph fils de Jonam fils d’Éliakim
31 – fils de Méléa fils de Menna fils de Mattatha fils de Natham fils de David
32 – fils de Jessé fils de Jobed fils de Booz fils de Sala fils de Naasson
33 – fils d’Aminadab fils d’Admin fils d’Arni fils de Hesrôm fils de Phares fils de Juda
34 – fils de Jacob fils d’Isaac fils d’Abraham fils de Thara fils de Nachor
35 – fils de Sérouch fils de Ragau fils de Phalec fils d’Eber fils de Sala
36 – fils de Kaïnam fils d’Arphaxad fils de Sem fils de Noé fils de Lamech
37 – fils de Mathousala fils d’Hénoch fils de Jaret fils de Maléléel fils de Kaïnam
38 – fils d’Énos fils de Seth fils d’Adam fils de Dieu.
Mon analyse :
L’auteur reprend le texte de Marcion concernant l’âge approximatif de Jésus, mais ce qui est notable est la filiation qui est supposée et non plus certaine et dont le détail montre des différences avec celle de Matthieu. En outre, dans cette généalogie, Jésus devient le fils de Joseph et c’est Adam qui est déclaré fils de Dieu. Si le rédacteur a voulu faire croire que Luc — qui est le transcripteur vraisemblable de la parole de Paul — était orthodoxe, il a tellement forcé le trait que cela se voit de façon excessive.