Évangile selon Jean – Chapitre 12

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Ce texte est tiré du Nouveau Testament publié dans la collection La Bibliothèque de la Pléiade des éditions NRF Gallimard.
Introduction de Jean Grosjean, textes traduits, présentés et annotés par Jean Grosjean et Michel Léturmy avec la collaboration de Paul Gros.
Afin de respecter le droit d’auteur, l’introduction, les présentations et les annotations ne sont pas reproduites. Je vous invite donc à vous procurer ce livre pour bénéficier pleinement de la grande qualité de cet ouvrage.

ÉVANGILE SELON JEAN

Chapitre XII

1 – Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où était Lazare que Jésus avait relevé d’entre les morts.
2 – On lui fit là un dîner, et Marthe servait, et Lazare était un des convives.
3 – Alors Marie prit une livre d’un parfum de nard fort coûteux, en oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux. Et la maison s’emplit de l’odeur du parfum.
4 – Judas Iscariote, un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit :
5 – Pourquoi n’avoir pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux pauvres ?
6 – Il ne disait pas cela par souci des pauvres, mais parce qu’il était voleur, avait la bourse et en emportait le contenu.
7 – Jésus lui dit : Laisse-la garder cela pour le jour de mon ensevelissement,
8 – car vous aurez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m’aurez pas toujours.

Mon analyse :
Le texte cherche à noircir l’image de Judas en en faisant le méchant de l’histoire a priori. Ce qui est intéressant, c’est le verset 7 que je comprends vis-à-vis de la mémoire du moment à conserver et non du parfum. Jésus détourne le sujet et fait de l’incident une occasion de renforcement communautaire en créant une histoire mémorielle. On remarque également la place à part de Marie. Elle se comporte de manière intime.

9 – La foule des Juifs sut qu’il était là et ils vinrent non seulement pour Jésus mais aussi pour voir Lazare qu’il avait relevé d’entre les morts.
10 – Et les grands prêtres résolurent de tuer aussi Lazare
11 – parce qu’à cause de lui beaucoup de Juifs les quittaient et se fiaient à Jésus.
12 – Le lendemain la foule venue à la fête entendit que Jésus venait à Jérusalem.
13 – Ils prirent des rameaux de palmiers et sortirent au-devant de lui, et ils criaient : Hosanna ! béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël.
14 – Jésus trouva un petit âne et monta dessus selon qu’il est écrit :
15 – Ne crains pas, fille de Sion, voici, ton roi vient, monté sur un petit d’ânesse.
16 – Les disciples, d’abord, ne le surent pas, mais quand Jésus fut glorifié, ils se souvinrent que c’était écrit de lui et qu’on le lui avait fait.

Mon analyse :
Il peut sembler surprenant que Jésus se prête au jeu de la correspondance vétéro-testamentaire, surtout qu’il est écrit : ton roi, ce que ne veut absolument pas être Jésus. Il faut en conclure qu’il s’agit plutôt d’une interpolation judéo-chrétienne destinée à rattacher le Nouveau Testament à l’Ancien. On note aussi les intentions homicides des grands prêtres. C’est classique dans les religions dites du Livre. Le fait de quitter la communauté religieuse d’origine vaut condamnation à mort. Même si le catholicisme d’aujourd’hui ne pratique plus cela, l’affaire Callas nous rappelle qu’il le faisait. Cela signe la faiblesse de ces religions pour lesquelles un départ est un signe d’affaiblissement. Dans le catharisme chacun est libre de quitter la communauté et d’y revenir, sans critique ni question.

17 – La foule qui était avec lui quand il avait rappelé Lazare du tombeau et l’avait relevé d’entre les morts, lui rendait témoignage.
18 – C’est pourquoi la foule vint au-devant de lui, parce qu’ils avaient entendu qu’il avait fait ce signe.
19 – Alors les pharisiens se dirent entre eux : Vous voyez que vous ne gagnez rien. Tout le monde court après lui.

Mon analyse :
Les pharisiens, eux aussi, constatent que l’affaiblissement des grands prêtres les touchent également. Ce n’est pas une crise interne mais une crise générale. Les actes sont plus parlant que les discours.

20 – Quelques Grecs de ceux qui étaient montés à la fête,
21 – abordèrent Philippe qui était de Bethsaïde de Galilée, et ils lui demandèrent : Seigneur, nous voulons voir Jésus.
22 – Philippe vint le dire à André. André et Philippe vinrent le dire à Jésus.
23 – Jésus leur répond : L’heure est venue que le fils de l’homme soit glorifié.
24 – Oui, oui, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits.
25 – Qui aime son âme la perd, mais qui déteste son âme en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
26 – Si quelqu’un me sert, qu’il me suive et mon serviteur sera où je suis. Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera.

Mon analyse :
Voici les versets importants (24, 25, 26). Cela confirme que ce monde ne saurait être partie prenante du salut puisque l’exclusion de ce monde (la mort) est nécessaire à la glorification. Le 26 précise même que tout attachement au monde interdit le salut. Enfin, Jésus se place clairement comme chef de file et demande que l’on serve sa personne (il est le message) et rien d’autre. La gloire est l’affaire du père.

27 – À présent mon âme est troublée. Que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cela que j’en suis venu à cette heure.
28 – Père, glorifie ton nom. Alors une voix vint du ciel : Je l’ai glorifié, je le glorifierai encore.
29 – La foule qui se tenait là et avait entendu, disait que c’était le tonnerre. D’autres disaient : Un ange lui a parlé.
30 – Jésus répondit : Cette voix n’a pas été pour moi, mais pour vous.
31 – C’est maintenant le jugement de ce monde. Maintenant le chef de ce monde va être jeté dehors.

Mon analyse :
Ce n’est pas une hésitation que Jésus manifeste mais un rappel de l’engagement qui justifie sa mission. Une fois encore Jésus dissocie Dieu du maître de ce monde. C’est encore une atteinte aux prétentions du judaïsme.

32 –Et moi, une fois haussé, j’attirerai tout à moi.
33 – Il disait cela pour signifier de quelle mort il allait mourir.
34 – La foule lui répondit : Nous avons entendu, dans la loi, que le christ demeure pour toujours. Comment dis-tu que le fils de l’homme doit être haussé ? Qui est ce fils de l’homme ?
35 – Jésus leur dit : La lumière n’est plus pour longtemps avec vous. Marchez tant que vous avez la lumière pour que les ténèbres ne vous surprennent pas. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.
36 – Tant que vous avez la lumière, fiez-vous à la lumière pour être des fils de lumière. Sur ces paroles, Jésus s’en alla et se cacha d’eux.
37 – S’ils ne se fiaient pas à lui qui avait fait tant de signes devant eux,
38 – c’était pour accomplir cette parole du prophète Isaïe : Seigneur, qui s’est fié à ce que nous entendions ? et à qui le bras du Seigneur a-t-il été dévoilé ?
39 – S’ils ne pouvaient se fier, c’est qu’Isaïe dit encore :
40 – Il a aveuglé leurs yeux, il a endurci leur cœur de peur que leurs yeux ne voient, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se retournent et que je ne les guérisse.
41 – C’est ce que dit Isaïe quand il vit sa gloire et qu’il parla de lui.

Mon analyse :
La foule ne comprend pas le message et Jésus, face à cette incompréhension préfère se retirer. L’auteur cherche à rattacher cette situation à la Torah alors même que l’on vient d’invalider son dieu. C’est toute l’ambivalence du judéo-christianisme.

42 – Pourtant, même parmi les chefs, beaucoup se fièrent à lui, mais à cause des pharisiens, ils ne l’avouaient pas pour ne pas être excommuniés,
43 – car ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.
44 – Or Jésus criait : Qui se fie à moi ne se fie pas à moi, mais à celui qui m’a envoyé.
45 – Qui me voit, voit celui qui m’a envoyé.
46 – Moi, la lumière, je suis venu en ce monde pour que quiconque se fie à moi ne demeure pas dans les ténèbres.
47 – Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu juger le monde, mais sauver le monde.
48 – Qui me rejette et ne reçoit pas mes paroles aura son juge : la parole que j’ai  dite le jugera le dernier jour.
49 – Car je n’ai pas parlé de moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a commandé ce que j’avais à dire et à exprimer.
50 – Et je sais que son commandement est vie éternelle. Ce que je dis, je le dis comme le Père me l’a dit.

Mon analyse :
Jésus répète qu’il ne doit pas être l’objet de la vénération car il n’est que le messager. Le refus de croire porte en lui son propre jugement. Il n’est pas question d’un jugement venu d’en haut mais intrinsèque à celui qui ne suit pas la bonne voie. Dans le catharisme, ce jugement est la transmigration qui nous renvoie en ce monde pour une nouvelle existence.

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