Le Mas-Saintes-Puelles
Le Mas-Saintes-Puelles est aujourd’hui, une modeste commune située dans le département de l’Aude. Elle est nichée, à quelques kilomètres à l’Ouest de Castelnaudary, au pied des premières collines de la microrégion de la Piège, en bordure de la grande plaine lauragaise. Au cours des XIIème et XIIIème elle a été un haut-lieu de l’hérésie Albigeoise.
Rappels historiques
Dans l’Occitanie, du XIIème et du tout début du XIIIème siècles, les prélats de l’église catholique romaine, prédateurs, corrompus, n’assurant plus leur tâche, permettront, en ne donnant plus l’exemple de la probité, du détachement du temporel et de la charité, l’implantation et la diffusion du catharisme.
La petite noblesse rurale d’alors, dans un large ensemble, se détournera de la grande Église et adhèrera par conséquent sans réserve à la secte prêchant la « nouvelle » foi. La famille seigneuriale du Mas ne fit pas exception à la règle ; comme nombre de membres de la caste nobiliaire de cette époque, la châtelaine Garsende, deviendra bonne femme, c’est à dire ordonnée dans la contre-Église Albigeoise, et tiendra maison hérétique en son fief. Sa vie terrestre s’achevera, après une long sacerdoce, sur le même bûcher que celui de sa fille Gailharde, elle aussi parfaite, peu avant 1245. C’est également dans son village natal que l’on verra officier un parfait du nom de Raymond du Mas, avant son départ, en raison de la pression grandissante de l’Inquisition, pour le refuge pyrénéen de Montségur. Il en descendra avec rang de diacre pour le Vielmorès, mais pour peu de temps, car sentant les filets du tribunal de la foi se resserrer dangereusement, il décidera de fuir en Lombardie (Italie). Quant aux seigneurs et chevaliers, qui n’avaient pas choisis la vêture, ils prendront le parti des armes. À l’image de Jourdain du Mas, le petit-fils de Garsende, ils résisteront aux envahisseurs croisés puis à l’inquisition. En 1242, la famille seigneuriale du Mas s’impliquera grandement, comme de juste, dans le massacre des inquisiteurs à Avignonet (31). Afin que le chef du commando descendu de Montségur (09), Pierre-Roger de Mirepoix, puisse diriger l’opération en toute quiétude, elle mettra à sa disposition le petit castrum d’Antioche (proche de Payra-sur-l’Hers 11410). De là partira la troupe chargée de la besogne, dans laquelle seront compris le jeune noble du Mas et ses cousins massogiens, Jourdain et Bertrand de Quiders. Le forfait commis, le commando retournera à sa base emmenant avec lui Jordanet (surnom de Jourdain du Mas) vers son exil pyrénéen. Mais sa destinée va très vite le rattraper; il trouvera la mort en défendant le refuge cathare lors du siège de celui-ci par les troupes royales en 1244. Parmi les soixantes victimes connues, sur un peu plus de deux cent selon les témoignages, du bûcher qui suivit la chute du pog, figurent Raymonde Barbe, fille de dame Na Rica du Mas-Sainte-Puelles, et le parfait Pierre du Mas originaire du bourg éponyme. Par la suite, les enquêtes inquisitoriales menées après ce tragique épisode, révèleront que Jourdain le vieux, le père du jeune héros Jordanet, à été, également et évidemment pourrait-on dire, croyant des hérétiques. Bertrand de Quiders, pour sa part, affirmera plus tard s’être enfui en Lombardie grâce à l’argent que lui aurait donné le comte de Toulouse Raymond VII (soupçonné d’être le commanditaire des assassinats d’Avignonet) et Sicard Alaman (l’administrateur des possessions du comte). En 1285, pour réaffirmer son emprise trop longtemps contestée sur les âmes du Mas, l’Église catholique y fondera un couvent avec une grande Église, qu’occuperont des moines de l’ordre de Saint-Augustin. Preuve, s’il en est, de la place considérable qu’avait pris le catharisme dans le village. Le nom du bourg apparaîtra encore bien des fois dans les registres des enquêtes inquisitoriales qui se poursuivront jusqu’à la fin du XIIIème siècle et même après. Il résonnera à nouveau à l’occasion d’une péripétie qui se produira au début du XIVème siècle. En 1320 l’ancienne châtelaine de Montaillou (09), Béatrice de Planissolles, suspectée d’hérésie (cathare), sorcellerie, et blasphème sera sommée de comparaître devant le tribunal d’inquisition de Pamiers. Affolée, elle tentera désespérement de se soustraire des griffes de l’accusation en prenant la fuite; cependant recherchée avec zèle, elle sera retrouvée et arrêtée, au cœur du Lauragais, dans la petite localité du Mas-Saintes-Puelles où elle se cachait…
Sociologie du catharisme
L’histoire du catharisme est affaire de famille. La famille ou plutôt le clan seigneurial du Mas-Saintes-Puelles a été, peut-être plus que tous autres (Lanta, Laurac…), grandement empreint de l’hérésie Albigeoise. Plusieurs de ses membres ont même embrassé la «nouvelle spiritualité» au point de devenir des religieux de la contre-église hérétique. À leur exemple environ cinquante pour cent de la population du bourg a adhéré à la croyance dissidente. Un record absolu en Lauragais, mais aussi certainement au-delà. On ne peut prétendre avoir visité le Lauragais cathare, sans avoir fait une halte au Mas-Saintes-Puelles. Malgré les destructions qu’eut à subir le village au cours de son histoire, on peut encore y voir, comme menus témoins de cette époque, des vestiges du château, sur une partie desquels à été bâtie l’église (voir l’abside) et dont le sommet du clocher semble assis sur une des tours. Déambuler dans les rues du village (dont le nom de certaines nous rappelle le passé : rue des remparts, rue du couvent…), c’est marcher sur les pas des cathares, s’en rapprocher autant que faire se peut, sentir leur présence par delà les siècles… .Encore un site, pour qui s’intéresse à la célèbre hérésie, absolument incontournable.
© Bruno Joulia