La règle de justice et de vérité – 2

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La règle de justice et de Vérité-2

Suite de la première partie.

La constance

Adopter une règle est, par définition, s’engager à la suivre. Il peut donc paraître superflu de préciser que s’inscrire dans cette règle nécessite de la constance. Mais le catharisme est assez particulier pour que cette évidence puisse potentiellement ne pas apparaître à tous, surtout dans une époque où l’individualisme tend à nous laisser croire que la constance est d’un autre temps.

Étude et connaissance

Même après avoir reçu la Consolation, le cathare ne doit jamais cesser d’étudier pour être en mesure de conserver son état de connaissance acquis au cours du noviciat. Certains, plus adaptés que d’autres à cette fonction, seront même amenés à poursuivre leur noviciat pour acquérir les compétences de prédicateur.

Détachement

Si la constance dans l’étude est nécessaire, la constance dans le détachement vis-à-vis du monde l’est plus encore. Notre nature mondaine est prégnante et ne nous laisse jamais en paix. Il faut donc agir pour maintenir ce détachement, sinon les appâts du monde auront tôt fait de nous prendre dans leurs filets pour nous ramollir dans notre détermination.

Obéissance

Dans le cadre d’une organisation ecclésiale et évangélique, il est aussi essentiel que cette constance se manifeste par une obéissance stricte aux directives concernant l’organisation structurelle qui seront données par la personne à qui l’ensemble du groupe aura donné la mission de veiller à cette organisation. La contestation et la démocratie directe n’ont pas leur place dans un système où le niveau d’éveil est très varié, ce qui motive ces remises en question.

Respect des engagements

Enfin, la constance est aussi à observer dans le cadre des engagements que nous prenons. Les autres n’ont pas à souffrir de nos éventuelles insuffisances. Ce dernier point est sans doute le plus important pour les croyants. En effet, un croyant ne peut échapper l’engagement qu’impose l’affirmation d’être croyant cathare : tout faire de son vivant pour tenter de rejoindre une communauté cathare en vue de sa Consolation, y compris si le préalable est d’agir au quotidien pour relever l’Église cathare.

Refus du mensonge

Le mensonge sous toutes ses formes favorise notre égo et nuit aux autres. Il faut donc le bannir, mais sous toutes ses formes, y compris par omission ou dans un cadre artistique et professionnel. Cela peut surprendre, mais il n’y a pas de petit mensonge et, même s’il est émis pour distraire ou pour protéger, il crée une situation dont nous ne pouvons pas maîtriser les conséquences.

Respecter la vie consciente

Si la constance relève essentiellement du fondamental d’humilité, le respect de la vie consciente s’attache clairement à la non-violence.

Respecter la vie consciente ne veut pas dire ignorer ou mépriser les autres formes de vie, connues ou non. Pour faire simple, la vie consciente est la vie animale et elle se déploie dans des niveaux de conscience extrêmement variés pour autant que notre connaissance nous permet de les apprécier.

Protéger la vie consciente selon son niveau

Sauf mise en danger d’une vie dont le niveau de conscience nous semble plus évoluée, et si aucune procédure d’évitement n’est possible, les moyens les moins agressifs possibles sont acceptables pour protéger la vie consciente la plus évoluée. Par exemple, si un animal sauvage menace une vie humaine, il est acceptable d’essayer de soustraire la victime réelle ou potentielle en tentant de faire fuir l’animal, voire en le blessant et, en dernier recours en le tuant.

Par contre aucune violence ne peut être envisagée dans le cas où le danger vient d’une vie consciente de même niveau que celle de la victime potentielle.

Nous savons que, naturellement, nous faisons preuve de violence envers de nombreuses vies de faible niveau de conscience (bactéries, virus, insectes, etc.), mais nous essayons toujours de limiter cette violence pour autant qu’elle ne constitue pas un risque potentiel pour la vie humaine par exemple.

Éviter de perturber toutes les formes de vie

Au-delà de la préservation de la vie nous devons aussi nous attacher à préserver le confort et le bien-être des autres formes de vie. Concernant la vie humaine, c’est bien entendu veiller à ne pas participer à ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur les êtres humains vivant à proximité aussi bien qu’à l’autre bout de la planète. Cela pourrait se regrouper sous le terme d’écologie, car notre respect de l’environnement impacte fortement la qualité de vie des autres populations moins favorisées. On peut y ajouter les rapports équitables, ce qui implique une révision de notre mode de vie et d’achat. Nous rejoignons ici, partiellement au moins, le point précédent en rappelant que le détachement du monde va réduire notre participation au consumérisme effréné que nos sociétés ont mis en valeur. En achetant moins, nous pouvons acheter mieux et à un meilleur prix pour les producteurs, sous réserve de bien surveiller les chaînes intermédiaires.

Favoriser les options les moins agressives

Concernant les animaux, il ne suffit pas d’éviter de les tuer, mais il faut aussi penser à leur confort. Or, la plupart des méthodes d’élevage sont agressives, même si elles n’aboutissent pas à la mise à mort. Le mieux est donc, dans le souci raisonné de l’écologie que je viens d’évoquer, de viser à ne pas recourir aux produits d’origine animale, si nous avons le moyen de nous en passer. Pour l’alimentation cela ne pose aucun problème, mais il y a un risque concernant la santé, car il ne faut pas mettre en danger la vie et la santé humaines sous prétexte que nous ne trouvons pas d’équivalent dans le monde végétal.

Concernant le monde végétal et minéral, la recherche doit s’orienter vers une moindre prégnance en favorisant au maximum des possibilités l’autonomie et la réversibilité.

L’ascèse

Les deux points précédant nous conduisent naturellement à évoquer une vie moins invasive que celle à laquelle nous sommes habitués. Vivre de façon plus consciente ne veut pas dire mal vivre. Ce n’est pas non plus réservé aux seuls religieux réguliers. Le sympathisant et le croyant peuvent appliquer l’ascèse dans leur vie sur certains points.

L’ascèse concerne la vie mondaine et la vie spirituelle. Dans la vie mondaine elle nous pousse à rechercher l’équilibre de vie à moindre investissement mondain et dans la vie spirituelle elle nous invite à approfondir le détachement mondain par des pratiques visant à la maîtrise du corps et à nous ouvrir à nos semblables par un développement de la Bienveillance.

Dépossession

« Nous ne possédons pas les objets, ce sont les objets qui nous possèdent. » Ce dicton est on ne peut plus vrai. La mondanité nous pousse à vouloir posséder toujours plus, poussés en cela par notre désir mimétique[1]. Plus nous sommes attachés aux biens de ce monde et plus nous sommes enchaînés à ce monde qui nous empêche de laisser notre part spirituelle de croître.

La juste suffisance

Dans un monde où les ressources sont limitées, plus des trois-quarts de la population manque de l’essentiel pendant que le reste de la population accapare et gaspille les ressources essentielles et fragiles. En ne réduisant pas notre consommation nous faisons violence à eux qui manquent, qu’ils soient à notre porte ou à l’autre bout du monde.

L’ataraxie

L’outil du monde pour nous empêcher d’accéder à l’éveil est la sensualité. Réduire sa soumission aux cinq sens est donc le moyen pour le croyant cathare de tendre vers l’apaisement de la lutte du corps contre l’Esprit que nous appelons l’ataraxie. Il faut donc, selon son niveau d’avancement dans le catharisme, réduire notre dépendance aux cinq sens en abandonnant petit à petit les stimulations inutiles qui nous contraignent dans différents domaines. On peut citer entre autres, la recherche excessive de la satisfaction des sens comme le goût ou l’odorat (alimentation sophistiquée, parfums, etc.), la recherche du plaisir de la vue et du toucher (vêtements de luxe, biens valorisants divers, etc.), la recherche de l’immersion auditive et visuelle (œuvres d’art, musique, etc.) et, bien entendu ce qui combine les cinq sens en une satisfaction plénière : la sexualité.

Le retrait du monde et de ses codes

On ne peut espérer se mettre en retrait du monde si l’on ne chasse pas les habitudes qui le valorisent. L’exemple de l’alimentation est évident, mais on peut y ajouter celui du confort excessif et celui des choix agréables. Un exemple évident tient à l’habillement. Si les cathares médiévaux s’échinaient à teinter de noir leurs vêtements, à une époque où cette teinture était encore impossible[2], ce n’était pas par plaisir, mais parce que cette couleur, avant devenir celle du deuil, était celle de l’humilité. Il se trouve que nous savons aujourd’hui que cette couleur nous apparaît parce que le support ne comporte aucune matière réfractaire aux rayons du spectre lumineux. C’est donc bien la couleur qui correspond à une totale inertie vis-à-vis de la matière.

Conclusion

Si vous pensez que j’ai réussi à lister dans ces deux articles la totalité des éléments susceptibles d’être pris en compte dans la Règle de justice et de vérité, vous vous trompez. Chacun aura l’occasion, au fil des jours, de s’interroger sur tel choix ou tel pratique et se demandera si une attitude appropriée est nécessaire pour respecter cette règle.

On comprend pourquoi aucun auteur ne s’est jamais risqué, jusques là, à présenter une liste exhaustive des critères de cette règle.

Le seul critère qui vous permettra de ne jamais vous tromper est de vous référer au fondement sur lequel se base cette règle : la Bienveillance. Et pour affiner votre appréciation, il vous suffira de vous référer aux fondamentaux que sont l’humilité et la non-violence.

Guilhem de Carcassonne.


[1] Voir Des choses cachées depuis la fondation du monde de René Girard.

[2] Noir, histoire d’une couleur – Michel Pastoureau – Éditions du Seuil Paris (2008)

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