Haïti, un résumé de ce monde ?

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Haïti, un résumé de ce monde ?

Nous sommes noyés dans un flot continu d’informations toutes plus terribles les unes que les autres à propos de ce drame humain et national qu’est le tremblement de terre à Haïti.
Comment raisonner froidement face à une telle misère qui touche bien entendu les plus faibles et les plus opprimés de nos frères humains ?
Et pourtant, si l’on ne s’arrête pas un instant de pleurer pour s’interroger, comment espérer comprendre ce qui se passe réellement au-delà des effets de caméras ?

Haïti est un pays qui s’est soulevé face au joug de l’esclavage et de la colonisation. Nous pouvons en parler puisque c’est nous les français qui étions les oppresseurs.
En guise de représailles, la France d’alors a exigé un tribu financier colossal dont les intérêts à eux seuls dépassent les capacités de remboursement de ce pays.
Rendu exsangue par nos soins, ce pays — que l’on dit le plus pauvre du monde — n’a aucune chance de sortir un jour la tête du trou. Les États-Unis ne sont pas en reste dans l’appauvrissement de ce pays que l’on a gentiment transformé en pays d’esclaves longtemps tenu en laisse par des dictateurs à nos ordres qui dilapidaient l’argent destinés à soulager la souffrance du peuple.
Une fois ces dictateurs renversés et mis à l’abri, en France et sous notre protection avec les centaines de millions volés à leur peuple, Haïti continue d’être une réserve de main d’œuvre quasi gratuite pour notre approvisionnement.

Et voilà que survient une catastrophe naturelle. Enfin, si le cataclysme est naturel, la catastrophe ne l’est pas. Car sans cette dette honteuse — la dette de l’esclavage et de la colonisation ne l’oublions pas — Haïti aurait eu les moyens d’un développement au moins comparable à celui de la partie de l’île restée prisonnière : Saint-Domingue. Il aurait donc été possible d’avoir des constructions mieux à même de protéger la population.
Dans notre immense cynisme et notre désir de récupérer une main-d’œuvre si importante pour notre confort consumériste, les grandes nations altruistes lancent à l’assaut d’Haïti leurs super moyens salvateurs.
Enfin, salvateurs pour une centaine de victimes ensevelies mais sans effets sur les vraisemblablement 200000 victimes que l’on finira par dénombrer. Sans effet pour les dizaines de milliers de blessés dont beaucoup finiront handicapés. Par contre, les conditions de vie vont demeurer dramatiques pour longtemps encore, ce qui aura l’avantage de fournir un vivier de candidats à l’adoption pour nos familles occidentales en mal d’enfant. Car il est clair que les haïtïens abandonnent leurs enfants afin d’en rendre l’adoption possible c’est faute d’avoir les moyens de les élever.

Ce qui surprend et choque parfois, c’est la ferveur religieuse d’un peuple si malmené. Remercier Dieu de vous avoir épargné c’est en quelque sorte approuver qu’il ait massacré tant d’innocents. Certes, vu les conditions de vie que le monde offre à ce peuple, on peut comprendre que pour certains la mort ne soit pas un si grand mal.
J’imagine aussi le désarroi qui doit déstabiliser nombre de bons croyants judéo-chrétiens, musulmans et peut-être juifs aussi qui doivent avoir bien du mal à lire les desseins de Dieu dans cette situation.
Cela explique sans nul doute l’importance de la mobilisation donatrice que l’on observe.

Comment puis-je lire cela du bas de ma situation de croyant cathare ?
À première vue cela semble assez clair. Le démiurge est responsable de ce cataclysme, soit en raison de son incompétence chronique à créer quoi que ce soit de stable, soit en raison de sa malignité à affirmer son pouvoir sur une humanité tremblante comme cela nous est raconté dans bien des mythologies, dont la judéo-chrétienne (déluge, Sodome et Gomorrhe, etc.).
Mais en fait, cela n’est pas pire que ce que l’on vit au quotidien des guerres et massacres divers. C’est le caractère collectif et instantané de l’événement qui fait sursauter. Que 4000 français meurent sur les routes chaque année n’émeut guère, mais que 500 passagers d’un avion meurent d’un coup mérite la une pendant une semaine.
Donc, la mort de ces personnes s’inscrit dans une logique démiurgique implacable mais cohérente. De même, le fait que ce soit ceux qui sont les plus faibles, les moins responsables de leur situation et que ce soit les coupables qui apparaissent comme des sauveurs est aussi dans cette logique.
Finalement, rien de bien nouveau sous ce soleil. C’est un peu comme dans ces histoires terribles vécues dans des camps de prisonniers en Europe ou en Asie où l’on voit des prisonniers tellement convaincus du caractère inéluctable du sort qui leur est promis, que soit ils l’anticipent en se jetant sur des barbelés électrifiés ou en jouant à la roulette russe jusqu’à perdre, soit ils se rebellent dans un dernier sursaut tout en sachant qu’ils n’ont aucune chance de s’en sortir.

Quelle peut être notre attitude de croyants cathares ?
Ce n’est pas parce qu’on analyse clairement le caractère inéluctable et machiavélique d’une situation que l’on peut se croire autorisé à s’en tenir à l’écart.
Quand il est possible d’aider celui qui souffre, il est légitime de le faire et sans restriction.
Certes il peut sembler un peu surréaliste de donner une goutte d’eau à celui dont on observe qu’il est en train de se faire broyer les chairs mais, si c’est sa demande du moment, il est légitime de la satisfaire.
Bien entendu, nous avons les moyens de lire à travers les lignes du projet démiurgique et de comprendre la situation au-delà de l’émotion que l’on cherche à nous faire ressentir pour anesthésier notre esprit. Il n’y a nulle satisfaction à aider celui qui est victime de ce monde, tout juste un léger soulagement si l’on parvient à alléger quelque peu sa souffrance.

Le seul point positif est que, pour nos esprits en éveil, ces situations permettent de confirmer notre compréhension du monde et confortent notre désir de nous en retirer quand viendra l’heure de le faire.
En attendant, portons notre fardeau et assistons nos frères en esprits quand nous le pouvons.

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