Le Catharisme, alibi de la mondanité

Informations du site

1 855 vue(s)

Le Catharisme, alibi de la mondanité

Au Moyen Âge, quand les maisons cathares fleurissaient ici ou là, tout un chacun pouvait aisément savoir ce que Catharisme voulait dire. Nul besoin de s’interroger longuement pour savoir si faire ceci ou cela était « cathare » ou pas. Et c’est bien pour cela que très peu de personnes étaient impliquées directement dans le Catharisme, que ce soit en qualité de croyant ou de Bon-Chrétien.

Mais aujourd’hui les choses sont beaucoup plus floues. Faute de références immédiatement identifiables, beaucoup ont tendance à adapter le Catharisme à leur sauce et à se dire que ce dernier devrait accepter ce qui les arrange et qu’ils n’ont pas envie de changer.

La remarque que j’entends le plus souvent quand je signale un problème à quelqu’un c’est : « Ce n’est pas cathare ça… » Comment faut-il comprendre ce genre de point de vue ?

Déjà, il faut regarder dans quel contexte quelqu’un se sent justifié à dire une telle chose. Le plus souvent, il s’agit d’une personne qui n’a pas une grande connaissance du Catharisme et qui se trouve, ou se sent, en faute dans une situation mondaine. L’objectif de la remarque est, soit d’obtenir une prise en considération plus favorable que celle qui devrait lui être appliquée, soit d’obtenir un droit d’exception à un titre que cette personne pense devoir lui être reconnu.

Aussi je crois devoir faire quelques rappels.

Catharisme et mondanité

«  Nous ne sommes pas du monde et le monde n’est pas de nous. » Ce passage de la prière des croyant, le Père saint, est éloquent. Le Catharisme et la mondanité ne font pas bon ménage, aussi invoquer le Catharisme pour asseoir une position mondaine est une erreur.

En fait le Catharisme agit vis-à-vis de la mondanité comme les plumes du canard le font avec la pluie. C’est cette volonté de non ingérence qui peut parfois être mal interprétée. Quand Pierre Authié décide de partir en Lombardie pour suivre son noviciat, il fait le tour de ses proches et de ses relations d’affaire pour se mettre en règle avec la mondanité. C’est—à-dire qu’il s’assure de ne pas laisser derrière lui quelqu’un qui pourrait considérer qu’il l’a laissé alors qu’il était en dette financière ou morale envers lui. C’est un point important car il signe une volonté de nette séparation entre ce qui relève de la foi cathare et ce qui relève de la vie mondaine.

Je comprends que beaucoup aient du mal à s’extraire d’un lien entre spiritualité chrétienne et mondanité. En effet, le Judéo-christianisme est loin d’être aussi clair sur l’idée d’une séparation. Le Catholicisme développe la notion que le rapport à l’argent est mauvais, mais dans le même temps, la hiérarchie catholique se garde bien d’avoir des pratiques claires à ce sujet. Il n’est pas rare de voir les puissants mieux traités par elle que les pauvres hères. Les Églises réformées sont très variables dans ce domaine. On y trouve des mouvements un peu marginaux que l’on pourrait regrouper sous la dénomination d’anabaptistes (mouvements évangéliques, mennonistes, amish, etc.) qui sont à mes yeux à la frontière entre une lecture judéo-chrétienne protestante et une plus proche du Catharisme. Ces groupes sont souvent animés par un désir de rejet du monde. Les autres mouvements protestants (Luthériens, Calvinistes, etc.) sont beaucoup plus ancrés dans la mondanité. Leur rapport à l’argent est beaucoup plus décomplexé que ne l’est celui des Catholiques. La réussite sociale n’est pas honteuse. Les Orthodoxes ont eux aussi un rapport au monde plus proche des protestants comme on le voit dans les pays où ils dominent. Ils accumulent des biens et leurs églises manifestent clairement le lien entre pouvoir, richesse et manifestation de la foi.

Le Catharisme est lui tout aussi clair. Ce monde étant, à ses yeux, issu du Mal, il ne saurait être question d’y souscrire de quelque manière que ce soit. C’est pourquoi il rejette tout rapport au pouvoir, à l’argent et à la possession de quelque manière que ce soit. De même, il s’extrait des règles du monde en refusant de participer à leur élaboration et à leur application. Mais, cela ne veut pas dire qu’il les combat pour autant. Non, il vit en marge, autant que faire se peut, et quand il faut interagir avec elles, il le fait à moindre frais.

Application au monde d’aujourd’hui

À notre époque, où la mondanité est encore plus triomphante qu’au Moyen Âge, cette règle est toujours valable mais pose d’infinis problèmes à ceux qui aimeraient bien allier Catharisme et mondanité.

En effet, la modernité a permis de nous éloigner du monde primitif en nous entourant d’un monde technologique, confortable et rassurant. Rejeter ce monde est vécu par beaucoup comme un retour à l’époque où le rapport au monde était pétri d’incertitude, d’angoisse et de souffrance. Ce que nous avons oublié de voir c’est qu’en fait, rien n’a changé. Seule l’apparence nous donne à voir ce que nous voulons voir. Aussi, quand nous croyons vivre dans un monde où l’on ne se fait pas forcément agresser à chaque virage du chemin, nous oublions que la violence est plus variable et plus sournoise mais qu’elle est toujours là. C’est un peu comme avec les maladies. Les vieux fléaux comme la rage, la peste et le choléra reculent par endroits, mais d’autres pathologies les remplacent qui n’en sont pas moins meurtrières et quand l’espérance de vie s’allonge, c’est la fertilité qui recule. La vie est plus longue mais les dégénérescences font de la fin de vie un véritable chemin de croix.

Pour autant, comme la moule à son rocher, nous nous accrochons à ce que nous croyons détenir de positif et tentons de plier la spiritualité à nos intérêts plutôt que d’accepter ce que la spiritualité nous enseigne : le détachement. En fait, ce qu’il faut comprendre, c’est que soit nous sommes capables de vivre dans la spiritualité profonde du Catharisme, ce qui impose de repousser la mondanité, soit nous sommes encore trop imprégnés d’une mondanité à laquelle nous trouvons bine des avantages, et alors il nous faut accepter l’idée que notre spiritualité est encore très loin de ce que nous espérions. Le Catharisme n’a jamais eu vocation à inonder les esprits et à conquérir les foules. Si chacun de nous pouvait assez simplement accéder à l’éveil et mener une vie de bon cheminement, cela ferait des siècles qu’il ne resterait plus un seul esprit prisonnier ici-bas. Si nous sommes encore là, c’est que nous avons échoué à maintes reprises et que nous risquons d’échouer encore en cette vie. Chaque génération ne connaît et ne connaîtra que très peu de personnes ayant les capacités et la volonté de réussir sa bonne fin. Ce monde n’est pas encore près de disparaître et, si notre planète peut elle être rayée de la carte du ciel, il y en a sans aucun doute bien d’autre où nous pourrons échouer quand la terre disparaîtra.

Ce que nous devons retenir c’est que l’on ne doit pas chercher à allier attitude mondaine et Catharisme.

Dans ce monde nous faisons des choix, nous concluons des contrats, nous prenons des engagements et la seule attitude à peu près « cathare » est de les respecter au lieu de chercher dans le Catharisme des arguments pour nous y soustraire. Si nous voulons demeurer dans un groupe, nous devons en accepter les règles et les appliquer telles qu’elles ont été acceptées. Si nous voulons le quitter, soyons honnêtes et courageux et affirmons notre désir de partir plutôt que de laisser pourrir une situation jusqu’à l’exclusion, pour mieux se plaindre ensuite de la rigueur de ceux qui n’auront fait qu’appliquer la règle.

Celui qui se réclame du Catharisme affronte le monde, agit à visage découvert, respecte la règle de justice et de vérité y compris au risque de devoir renoncer à des avantages du monde dont la règle serait opposée et fait preuve de Bienveillance dans le cadre spirituel et moral au lieu d’attendre de la Bienveillance des autres des avantages mondains qui n’ont pas lieu d’être.

Éric Delmas, 1er septembre 2017.

Faites connaître cet article à vos amis !

Informations du site

Contenu soumis aux droits d'auteur.