Le cathare ne sait pas faire le tri

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Le cathare ne sait pas faire le tri

L’actualité récente m’amène à faire comme tout le monde, c’est-à-dire à m’exprimer à chaud sur l’information. Il faut dire qu’elle est parfois convergente l’information.

Et cette convergence me pousse à réfléchir, non pas pour apporter une vérité que je voudrais absolue, mais pour essayer de mettre en perspective certains éléments marquant de notre société vis à vis de problématiques religieuses qu’ils mettent à mal.

Le premier point concerne l’afflux de réfugiés. Nous connaissons malheureusement le sort de ces réfugiés qui partent d’Afrique du nord, notamment de Lybie, et qui tentent de rejoindre n’importe quelle terre située dans le territoire européen pour échapper à un sort qu’ils estiment moins enviable que les souffrance et, parfois la mort, qu’ils vont subir dans cette épreuve. Dire que nous sommes débordés dans cette histoire est faible. Ce qui m’interroge c’est le relatif silence des congrégations principales qui se limitent généralement à plaindre ces pauvres hères mais qui s’abstiennent de proposer des solutions en accord avec leurs idéaux, sauf s’il s’agit de catégories identifiées comme préférables à d’autres. Les chrétiens d’Orient ont ainsi pu bénéficier d’un sort un peu moins terrible que la masse des réfugiés politiques, économiques et ethniques dont les plus heureux arrivent chez nous épuisés, désespérés et souvent en pire situation qu’ils n’étaient partis.

Mais nous avons appris que d’autres réfugiés, très nombreux eux aussi, subissent un sort au moins aussi grave en Asie du sud-est où les autorités les rejettent à la mer en se contentant de leur jeter de la nourriture qu’ils vont chercher à la nage au risque de leur vie déjà fortement précarisée. Ces réfugiés semblent être majoritairement issus d’une communauté musulmane de Birmanie, déchue de sa nationalité par volonté de coercition d’un pouvoir autocratique qui, en la matière ne semble pas être contesté par la population et les opposants politiques locaux. En fait, le monde semble être partagé entre ceux qui fuient leur pays d’origine, poussé par la misère souvent, mais aussi par des considérations politiques, religieuses voire faussement morales et ceux qui cherchent à tout prix comment faire pour les rejeter loin de leurs contrées au motif d’une situation économique et sociale difficile.

Le problème est que l’égoïsme des États n’est qu’un reflet fidèle de celui de nos populations qui voient dans cet afflux un danger pour leur sécurité et leur confort. Du coup, les grandes chapelles religieuses ont du mal à laisser parler leur cœur. Quand il s’agit de chrétiens martyrisés, l’application de la loi sélective de Yahvé, « Tu aimeras ton proche comme toi-même » est plus facile, mais malheur à ceux qui ne sont pas considérés comme tels. Que l’on soit bouddhiste en Asie, musulman, catholique ou protestant en Europe, la réaction est la même. C’est la peur que renvoie cette image en miroir de peuples déstabilisés par des politiques guerrières dévastatrices et une économie détruite par une mondialisation sauvage qui pousse au vieux réflexe de repli identitaire. Et pourtant, à bien y regarder, ces situations ne sont pas le fait de ces peuples. C’est bien nous qui les avons mis dans la misère qui nous effraie aujourd’hui. C’est nous qui avons pillé leurs élites, leurs sols, leurs ressources énergétiques et même leur force de travail pour notre seul et unique intérêt ce qui les a conduits là où ils sont. Quand nous l’avons jugé nécessaire nous avons favorisé des régimes dictatoriaux ou, tout au moins, suffisamment sévères pour éviter toute révolte interne qui aurait pu nous priver de ce superflu dont nous ressentons le besoin.

Dans nos sociétés il y a aussi des exclus liés à l’évolution sociale qui ne se retrouve pas dans l’évolution des mentalités. C’est notamment le cas des minorités sexuelles et des familles construites de manière artificielle. La liberté individuelle accrue que nous avons acquis, a poussé des personnes qui vivaient jusque là cachés pour éviter des persécutions, à se faire connaître et à exister au grand jour. Les homosexuels, notamment, ont ainsi obtenu une relative reconnaissance égalitaire allant jusqu’à la légalisation de leur union civile. Certes, logiquement, cela devrait suffire car nul n’a le droit d’imposer à des religions, qui ont toujours inscrit dans leurs dogmes le rejet de ces personnes, l’obligation de changer d’attitude et de les accueillir en leur sein. Après tout, il appartient à chaque croyant de rejoindre la religion qui lui semble en accord avec sa vision du message divin. Mais il semblerait que cela pose problème à ces religions. En effet, le reconnaissance sociale les met en porte-à-faux, elles qui ont toujours en fait modelé les choix sociaux à l’aune de leur approche religieuse. Cette distanciation met en évidence l’absence de cohérence entre l’Amour qu’elles prônent toutes et la mise en pratique d’un ostracisme ciblé. Du coup, des tentatives maladroites sont mises en place et provoquent des remous dans le troupeau de moins en moins bêlant des ouailles qui n’hésitent plus à contester les décisions de leur hiérarchie. Le choix de l’Église protestante, pourtant très modéré, voire timide, d’autoriser les pasteurs à bénir les unions homosexuelles, fait débat parmi les protestants dont certains considèrent ces personnes comme indignes d’être traitées de façon égale à eux. Il faut dire que la nature humaine pousse toujours à rejeter ce qui est vécu comme un danger vital pour son expansion et sa sécurité. Or, l’homosexualité est considérée comme mortifère pour l’humanité, comme certains ont pu dire que l’ascèse des Bons-Chrétiens cathares aurait finalement conduit l’humanité à sa perte faute de reproduction. C’est pour cela que cette reconnaissance est mal vécue. Tout comme d’ailleurs celle de la procréation assistée par mère porteuse. En effet, pour l’humanité, la capacité à garantir la filiation est essentielle depuis la nuit des temps. Certes, la paternité a toujours posé problème, poussant certains peuples à ne pas s’intéresser au pères et certaines religions à se transmettre uniquement par la mère dont la place dans la filiation n’a jamais fait aucun doute. Or, voilà que cette place est remise en question par la gestation pour autrui. Tout à coup même la mère officielle peut ne plus être la mère réelle. Si cela était accepté dans l’adoption qui est vécue comme une substitution sociale, cela est difficile à accepter par beaucoup concernant une filiation vécue comme une substitution génétique.

Face à tous ces problèmes, la question qui me vient immédiatement à l’esprit est de me demander quelle place l’on fait à l’Amour dans tout cela ? Le catharisme étant clairement orienté vers cet Amour absolu, la Bienveillance, comment peut-il appréhender ces problématiques ? Certes, notre détachement du monde pourrait donner à penser que tout cela nous indiffère. Ce serait une erreur d’appréciation. Le croyant cathare est dans le monde et le Bon-Chrétien est à la fois dans et hors du monde.

Face à ces souffrances, et je reconnais comme souffrant les deux partis, c’est-à-dire ceux qui sont rejetés et ceux qui les rejettent, la réponse doit être la Bienveillance, mais cela ne donne pas les clés de solutions pratiques à mettre en œuvre. En fait, les solutions pratiques sont toujours les mêmes. Réparer ce qui fut brisé initialement et qui a causé le problème. Face à ceux qui fuient la misère et la guerre la solution n’est pas de leur offrir l’asile, ce qui ne peut être qu’un cataplasme temporaire, mais bien de leur donner la capacité de ne pas se déraciner. Si l’économie n’avait pas divisé le monde entre les pays consommateurs et les pays producteurs on aurait pu organiser dans chaque pays des réseaux de production adaptés à la consommation locale. Ainsi, seules les marchandises qui ne sont pas disponibles partout auraient pu faire l’objet d’un commerce international basé sur une stricte égalité de traitement des travailleurs dans chacun des pays afin de ne pas rentabiliser l’exploitation socio-professionnelle des pays pauvres et insuffisamment développés. C’est en cessant d’appauvrir ces pays que l’on donnera envie à leur habitants d’y vivre et, en améliorant leur niveau de vie, on leur donnera envie d’adopter des choix modérés en tous domaines, y compris dans le domaine religieux, ce qui évitera de voir émerger des groupes religieux totalitaires et guerriers.

Pour les rejetés d’une sexualité qui se diversifie ouvertement, la Bienveillance consiste simplement dans l’acceptation des différences et dans l’introspection que doit s’imposer chaque religion en permanence. Si l’on veut se référer à un Dieu d’amour, il faut pratiquer l’amour sans limite. Maintenant, d’un point de vue social, il serait peut-être plus intéressant de favoriser le regroupement des misères humaines entre ceux qui n’ont pas de parents aimants et ceux qui ne peuvent avoir d’enfants de leur sang et qui, pour beaucoup serait heureux de remplir leur vide affectif en mettant fin à celui de petits êtres malmenés de la vie.

La Bienveillance propose souvent des réponses simples et douces à des situations qui peuvent sembler inextricables de prime abord. Les mettre en œuvre nous demande simplement d’être en accord avec notre volonté réelle de Bienveillance et celle qui en a l’apparence mais n’en est pas. À chacun de se regarder en face et d’agir en conscience.

Éric Delmas – 18/05/2015

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