Le cheminement cathare

Informations du site

129 vue(s)

Le cheminement cathare

Nous avons vu le mois dernier que l’éveil est ce qui détermine l’état de croyant cathare. Je voudrais vous parler aujourd’hui de la façon dont se fait le cheminement qui peut mener de sympathisant à l’état de croyant et ensuite à atteindre l’état de consolé.

Le cheminement est la façon dont les personnes qui se reconnaissent dans la spiritualité cathare organisent leur vie mondaine de manière à se rapprocher autant que faire se peut d’un état spirituel compatible avec le salut. Ce cheminement comporte des jalons, mais il ne cesse jamais quel que soit le niveau d’avancement atteint.

J’avais utilisé pour mieux visualiser ce cheminement l’analogie avec la vie d’un être humain de l’enfance à la retraite.

Les étapes

L’enfance

Je place à ce niveau le curieux qui trouve le catharisme étonnant sans pour autant y voir plus qu’un vague sujet d’intérêt. En effet, il peut être croyant d’une autre religion ou SDF (sans doctrine fixe), voire athée.

Son intérêt pour le catharisme peut être motivé par bien des raisons, dont la plus courante est l’empathie pour ces pauvres cathares massacrés au Moyen Âge.

Ce qui caractérise le curieux c’est d’être suffisamment intéressé pour avoir envie d’apprendre toujours plus et vouloir échanger avec les autres pour se constituer une base argumentaire solide face à tous ceux qui déblatèrent sur la base d’un document mal compris.

Le curieux, même s’il trouve la doctrine cathare valable, ne deviendra pas forcément un croyant cathare, car cela dépend de l’intensité de sa foi. Le sujet de la foi interroge beaucoup, car en règle générale, il se pose assez peu dans les autres christianismes ; disons plutôt qu’il semble aller de soi. Le catharisme a cette particularité que la foi n’y est pas fournie « clés en mains », mais doit se construire, notamment par l’étude et l’introspection qui mènent à la connaissance.

Celui, ou celle, qui découvre le catharisme entre donc dans un domaine vierge pour lequel il ne dispose d’aucune référence valable, alors que l’ensemble paraît avoir un air de déjà-vu.

La recherche et l’étude du catharisme va potentiellement être l’outil qui mènera le curieux aux portes du statut de croyant en passant par le stade du sympathisant. Rien ne garantit qu’il accèdera à l’éveil, cet appel intérieur à laisser s’exprimer la part spirituelle enfermée dans notre tunique d’oubli, mais c’est quand le savoir accumulé devient connaissance fine et intériorisée que l’éveil se produit.

L’adolescence

Le sympathisant est un curieux qui en vient à considérer que le catharisme offre une approche doctrinale et religieuse cohérente, sans pour autant ressentir le besoin d’en faire sa foi personnelle. Quand il sera largement et valablement informé sur le catharisme, il en arrivera à s’interroger sur sa foi afin de définir s’il croit en Dieu et si le catharisme lui semble être la seule voie possible à suivre pour atteindre son salut ; si c’est le cas il va se trouver en état d’accéder à l’éveil.

Ce premier degré s’accompagne généralement d’une forme d’exaltation, plus ou moins marquée selon chacun, qui correspond à celle de celui qui découvre le monde.

Plus le sympathisant s’approche de l’éveil et plus il risque d’être emporté par la joie d’avoir acquis la conviction d’être en accord sur le plan spirituel avec d’autres ; l’entrée dans une ecclesia— une Église — c’est-à-dire une assemblée humaine portée par une identité spirituelle a de quoi nous emporter.

L’évolution du sympathisant va dépendre de sa capacité à s’interroger sur son état spirituel dans ce monde, à détecter ses faiblesses, souvent ressenties comme des forces dans le monde (égo, domination, etc.) et à comprendre l’importance de comportements qui sont vécus comme des faiblesses ou des trahisons dans le monde (humilité, non-violence, etc.).

De cette évolution dépendra clairement la capacité à se mettre en état d’accéder à l’éveil ou pas. Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que l’éveil est réservé au sympathisant qui a fait sienne la totalité des éléments de la Règle de justice et de vérité, mais il devra avoir déjà fait des progrès dans cette voie. Il aura ensuite toute la période où, après avoir reçu l’éveil, il pourra peaufiner son avancement dans ces domaines qui lui posaient problème auparavant.

Le jeune adulte

Comme l’adolescence est le moment le plus important de la construction de l’adulte en devenir, ce stade du croyant est important pour le devenir du futur chrétien cathare. C’est là qu’il devra trouver des guides et des compagnons de route qui sauront lui montrer les écueils les plus graves et qui pourront l’aider à trouver la voie de son propre avancement pour un meilleur cheminement.

En fait, la première chose qu’il devra intégrer c’est que le cheminement demande de l’humilité et beaucoup de patience.

C’est logiquement un moment propice à une frénésie d’apprentissage, de découvertes, de comparaisons et un désir profond d’aller encore plus loin, afin de se rapprocher du but ultime : la Consolation.

C’est aussi l’âge où les erreurs d’orientation doivent être identifiées pour éviter que le cheminement ne s’approfondisse dans l’erreur d’une route divergente. L’homme a un instinct grégaire qui le pousse à rechercher la compagnie des autres, et ce dans toutes les composantes de sa vie. « Accrocher » le wagon cathare est un comportement logique pour ceux qui se sentent isolés, mais si ce wagon n’est pas le bon, il faudra du temps pour s’en rendre compte et cela rendra d’autant plus difficile la correction de cette erreur.

Comme l’adolescent, confronté aux premières difficultés de la vie, le croyant cathare va lui aussi rencontrer des épreuves et devoir faire des choix essentiels.

Le croyant qui a su calmer ses impatiences et qui a compris les dangers que la vanité place devant ses pas, va logiquement chercher à affermir sa foi grâce à une bonne connaissance de sa religion. Finies les dérives classiques du début, où l’on cherche à toujours vouloir trouver dans une religion autre chose que ce qu’elle nous propose. Le croyant cathare de ce stade n’en est plus à accumuler les religions possibles ; il a fait son choix et il sait vers où il veut aller. Il sait aussi que la connaissance, au combien indispensable, ne l’empêchera pas de devoir un jour avancer sans garde-fou. Car la foi est justement cette action où l’on avance sans aucune garantie que l’on va trouver du solide sous son pas.

Si l’on a suffisamment acquis de connaissances pour savoir ce qu’est vraiment le catharisme et si l’on a suffisamment étudié sa propre conviction pour savoir ce à quoi notre intuition nous pousse, l’esprit éveillé en nous va nous convaincre de changer de paradigme. Ce ne sont plus les yeux humains, susceptibles d’être trompés par toutes sortes d’illusions, qui peuvent nous guider, mais les yeux de l’esprit qui savent que Dieu ne peut pas nous abandonner. Et nous faisons aussi ce pas au-dessus du gouffre des peurs mondaines pour toucher pour la première fois le chemin qui nous mène à la foi affermie.

Désormais les choses sérieuses commencent et il faut être certain de notre engagement, car une hésitation ou une erreur que l’on refuserait ou tarderait à reconnaître nous mènerait à la faute qui serait gravissime pour notre salut.

L’adulte accompli

Comme l’instant de l’éveil, ce choix d’avancement dans la foi est souvent ressenti de façon douloureuse. Cela doit être accepté comme une tentative de notre mondanité de reprendre le contrôle de notre vie.

Comme l’adulte dans la vie active, le croyant confirmé va rencontrer nombre d’écueils à son cheminement. Bien entendu, le premier est celui de l’humilité aiguisé par la vanité et l’impatience. Le sentiment d’avoir fait un bon bout de chemin peut se transformer en certitude d’être presque arrivé. Le souvenir des difficultés rencontrées peut conduire au désir d’être reconnu comme ayant déjà surmonté toutes les épreuves. L’altérité, c’est-à-dire l’accompagnement d’autres croyants, est le meilleur moyen d’apprendre à tempérer cette attitude.

Mais comme cet adulte, nous sommes amenés à faire des choix dans notre cheminement, à nous positionner, notamment vis-à-vis de nos proches, dans notre vie mondaine et à interroger la force de notre engagement spirituel. Le catharisme n’est pas la religion de la facilité et du laisser-aller. Quand on a compris que le chemin est long et ardu et que les portes qui le jalonnent n’en marquent pas la fin, mais seulement les étapes, il est nécessaire de se poser la question de la validité de son choix spirituel face à cette impression d’être face à un mur et de ne plus bien distinguer ce qu’il y a devant.

Je ne dis pas cela pour faire peur, mais pour vous rassurer au contraire. En effet, ce moment est généralement marqué par le doute. Le doute fait peur, car on y voit la marque d’un engagement insuffisant, d’une possible erreur de cheminement, d’une foi vacillante et faiblarde. En fait, c’est le contraire. Le doute a plein d’avantages. Il nous oblige à revoir de fond en comble notre engagement, ses motifs, sa genèse et son déroulé. Ainsi, la connaissance acquise nous permet de disposer de moyens de confronter nos choix à la réalité du catharisme, afin de savoir si nous nous sommes trompés ou pas. Il nous oblige à vérifier si nous maîtrisons bien les fondamentaux du catharisme que nous commençons à intégrer dans notre morale de vie. La non-violence est relativement facile à comprendre à ce stade. Elle doit concerner non seulement les autres, mais nous également. L’humilité est toujours le plus difficile à appréhender et à surmonter. Notre mondanité, encore fortement ancrée en nous, nous confronte à un monde profondément vaniteux, égoïste, méprisant, individualiste et aveugle à tout ce qui ne lui importe pas. L’humilité en ce monde est un boulet. Nous devons le traîner et considérer qu’elle ne nous ralentit pas, comme on pourrait le croire à priori, mais qu’elle nous évite d’aller trop vite et donc de courir le risque de quitter la route.

Si nous sommes sur la bonne voie, nous aurons alors logiquement des doutes sur la qualité de notre engagement, sur notre capacité à comprendre et intégrer la doctrine cathare dans nos choix spirituels et à poursuivre en ce monde avec ce bagage apparemment si peu adapté à notre cheminement. L’étude des religions nous montre que bien d’autres avant nous, ont eu, eux aussi ces moments de doute intense : Gandhi, mère Teresa, et même un certain Jésus qui, dans la noirceur de sa dernière nuit, espérait encore ne pas devoir boire la coupe. Le doute est fondamental et la peur de l’échec est salvatrice. Certes ; il nous provoque de grandes souffrances et ceux qui le vivent seuls courent le risque d’échouer par abandon.

Mais, comme l’adulte qui finit par assumer ses choix et qui en accepte les conséquences, le croyant qui a eu le temps de confirmer la valeur des siens va pouvoir continuer d’avancer. C’est là qu’il faut se garder du relatif confort de l’isolement. L’altérité est fondamentale en catharisme et il faut la rechercher à tout prix, non par esprit de confrontation, mais pour bénéficier de l’aide des autres quel que soit leur niveau d’avancement.

La maturité

En fonction des choix que l’on fait dans la période précédente, la période de la maturité va revêtir des aspects eux aussi différents.

Entre le croyant avancé en noviciat et celui qui reste dans le monde en raison de ses engagements, la différence peut sembler énorme. Elle ne l’est pas tant que cela. Le premier s’entraîne à l’ascèse pour approfondir la spiritualité cathare dans ses tréfonds et le second la vit de façon moins approfondie, mais la confronte davantage à la mondanité. L’un est un apnéiste quand l’autre est un marathonien. Les deux apprennent à séparer le mondain du spirituel pour que l’esprit qui est en eux puisse se détacher de la dépouille de l’Adam initial qui s’oppose à leur projet de résurrection.

Le novice qui a eu la chance de pouvoir s’extraire du monde à volonté, doit apprendre à explorer la religion cathare en comprenant qu’il n’ira que d’échec en échec, car la vivre dans la perfection n’est pas possible en ce monde. Vu de dehors on pourrait le trouver excessif et injuste envers lui-même dans ses exigences, mais lui sait qu’il n’en est rien. « Le diable est dans les détails » dit-on, et c’est vrai ! Les petites erreurs et les compromissions apparemment sans importance sont le lit de l’infection qui conduit à tout relativiser. Plus le novice sera rigoureux, plus il compensera la facilité qu’il a de pouvoir tenir le monde à distance.

Le croyant avancé pris dans le monde, doit accepter son état sans se plaindre. Dieu n’est pas caché dans une maison cathare. On peut suivre sa voie partout et en tout temps. L’application de la règle est certes moins facile et parfois impossible, mais rien n’empêche de l’adapter à son contexte de vie. L’erreur que l’on peut commettre à ce moment est de penser que l’on n’est pas responsable d’une situation qui s’impose à nous et qu’il suffit de laisser le temps filer jusqu’au moment où l’on pourra demander la Consolation aux mourants. Grave erreur ! Ce n’est pas parce que l’on ne peut entrer en noviciat qu’il faut rester les bras croisés. Au contraire, le cheminement que l’on fera jusqu’au moment opportun, soit de rejoindre une communauté pour y vivre ses dernières années, soit de la rejoindre dans son agonie lors d’une Consolation aux mourants, est essentiel à la réussite de ce dernier moment. C’est la période où les éléments de la Règle qui semblaient jusque là excessifs doivent devenir naturels.

Si les autres étapes ont aidé à construire la foi, celle-ci la met en pratique.

La retraite

Contrairement à celle que bien des travailleurs, épuisés par une vie de labeur, imaginent, la retraite du croyant est à l’image de celle de nos retraités d’aujourd’hui : particulièrement active.

Difficile pour moi de vous la détailler, car je suis encore à son début. Je vais donc essayer de vous en dresser un portrait approximatif.

À l’instar de la Consolation qui en marque le commencement, quelle qu’en soit la durée effective, la retraite du croyant devenu chrétien est active dans la spiritualité. C’est la période où se produit enfin la bascule entre la part mondaine et la part spirituelle du mélange qui nous définit. Le spirituel prend enfin réellement le pas sur le mondain et l’on entre dans ce que les anciens appelaient l’ataraxie.

Le Consolé n’en a pas fini d’approfondir sa foi quotidienne, mais il en appréhende tous les éléments : il n’est plus de ce monde ! Comme Christ disant au jardin de Gethsémani : « Mais que ta volonté soit faite », il s’abandonne enfin totalement à la volonté divine qu’il sert depuis si longtemps. On comprend bien qu’un tel état ne peut survenir ex abruptoet qu’il faut s’y préparer, comme je l’expliquais précédemment.

Certes le Consolé qui va vivre plusieurs années sera toujours en butte aux tentatives déstabilisatrices du monde désireux de le faire échouer, mais il en connaît tous les rouages et rien ne peut plus l’atteindre en ce monde qu’il a quitté volontairement.

Celui qui a reçu la Consolation aux mourants doit comprendre qu’il faut qu’il ait préalablement suffisamment bien labouré son champ spirituel s’il veut espérer que cette Consolation lui soit utile.

Je ne peux pas vous en dire plus, car c’est à peine si j’entrevois ce que je vous décris. Aller plus loin serait manquer d’humilité et faire preuve d’impatience.

Le croyant, élément essentiel du catharisme

Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce ne sont pas les consolés qui constituent l’épine dorsale du catharisme, mais les croyants. Les consolés sont limités dans leurs actions et leurs prêches ne suffisent pas à diffuser efficacement leur pensée. Les croyants sont les relais indispensables entre la vie régulière et la vie séculière où ils sont plongés en permanence.

C’est pour cela qu’il faut bien s’assurer que les croyants qui se présentent comme tels ne se sont pas fourvoyés. Dire à quelqu’un qu’il n’est pas croyant mais sympathisant n’est ni une punition, ni un jugement : c’est l’analyse d’un comportement destinée à lui montrer son état de cheminement et à lui permettre, soit de reprendre les éléments qui lui restent à développer, soit de chercher ailleurs ce qu’il n’a pas trouvé dans le catharisme.

Guilhem de Carcassonne, le 13 novembre 2022

Faites connaître cet article à vos amis !

Informations du site

Contenu soumis aux droits d'auteur.