Convergence, confluence et… confusion !

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Convergence, confluence et… confusion !

Il y a exactement dix ans, alors que je n’étais qu’un croyant cathare, j’ai écrit un texte qui portait le même titre. Déjà, à l’époque je m’agaçais de certains comportements dont je n’avais pas compris les raisons profondes.
Aussi, aujourd’hui, vais-je aborder le problème autrement.

Et quitte à changer, je vais commencer par la conclusion, comme cela si certains d’entre vous n’arrivent pas à m’écouter jusqu’au bout, au moins auront-ils eu l’information faute d’en avoir compris l’explication et la justification.

Comme la plupart des situations et des choses de notre vie, les religions ne sont pas organisables sur la simple base d’un ou de quelques éléments de base. C’est l’ensemble qui permet le classement.
Prenons quelques exemples plus simples à comprendre. L’autoroute qui mène de Paris à Toulouse est construite à partir des mêmes matériaux que celle qui mène de Paris à Strasbourg. On y voit circuler les mêmes types de véhicules, transportant les mêmes types d’êtres vivants. Donc, certains pourraient avoir envie de prétendre que n’importe quelle autoroute qui part de Paris me mènera obligatoirement à Toulouse puisqu’elles sont à ce point semblables. De même, une clé ouvrira toutes les serrures puisque toutes les serrures ont une clé. Cela vous semble stupide ? Pourtant nous lisons la même chose dans nombre de publications concernant le catharisme.

Les cathares sont des ariens puisqu’ils nient la double nature de Jésus-Christ. Les cathares sont des manichéens puisqu’ils reconnaissent deux entités principielles éternelles, même s’ils dénient au principe du Mal le titre de Dieu. Les cathares sont des origénistes puisqu’ils affirment que les âmes sont préexistantes aux corps, même si cela figure en toute lettre dans l’Apocalypse de Jean, document parfaitement accepté de ceux qui émettent cette affirmation.
Pourquoi dire cela ? Pour une seule et bonne raison : nier aux cathares la reconnaissance que leur christianisme provient d’une souche différente de celle des catholiques, des orthodoxes et des protestants. Et c’est essentiel quand on est d’un courant religieux qui se targue d’être le seul à pouvoir conduire au Salut… ce que ne font pas les cathares !

Maintenant que vous avez l’information, voyons un peu ce qui se cache derrière tout cela.

Confluences ou convergences ?

L’étude des courants philosophiques et spirituels donne effectivement le sentiment d’un tronc commun. Sans qu’elle ne soit la première manifestation historique de cette réalité, la philosophie grecque en rend assez bien compte. En fait, depuis que l’homme a acquis la capacité d’abstraction intellectuelle, il s’est interrogé sur sa réalité (qui suis-je, d’où viens-je et où vais-je finir ?), sur la raison d’être de ce monde (son origine, sa direction et son avenir) et sur ce qui préside à cet ensemble (Dieu ou le hasard). C’est donc assez naturellement que l’on observe dans chaque courant de pensée des points comparables qui ont permis à ces groupes de résoudre tel ou tel problème en usant des mêmes propositions. C’est ce que j’appelle des convergences. Convergence ne voulant pas dire confluence, car la convergence n’implique pas la fusion en un seul élément ce qui est le cas de la confluence. L’Islam et le judaïsme reconnaissent Abraham comme leur ancêtre commun sans pour autant prétendre être la même religion.

Confluences religieuses

À l’exception notable des polythéismes, notamment gréco-romains, il n’y a quasiment pas d’exemples de confluences religieuses ; la nature humaine nous portant plus facilement à la crise qu’à l’union. Les civilisations antiques avaient en fait tendance à intégrer les religions des peuples vaincus de façon à provoquer l’adhésion des populations. C’est une confluence a minima.

L’association de religions différentes, à égalité, peut aussi constituer une sorte de confluence. C’est le cas bien connu du manichéisme qui associe plusieurs courants religieux et philosophiques au christianisme. Selon les chercheurs on peut y trouver du bouddhisme, du mazdéisme, du judaïsme, de la philosophie grecque, etc.

Le problème des confluences en matière religieuse est qu’elles nécessiteraient qu’un ou plusieurs courants différents décident de se fondre en un autre existant ou d’en créer un nouveau unique.

L’œcuménisme

La reconstruction œcuménique actuelle, qui concernait surtout le christianisme jusque-là, met donc fortement l’accent sur les convergences et tente d’en faire des confluences pour aboutir à un corpus philosophique et spirituel unique. Sur le papier cela semble merveilleux et le catharisme n’y fait pas exception puisque l’on trouve des tentatives visant à le mettre en confluence avec d’autres spiritualités dites ouvertes comme le soufisme, le bouddhisme ou le jaïnisme.

Ce choix est en fait guidé par l’instinct grégaire qui permet d’apaiser l’angoisse de l’isolement et de se conforter dans l’idée que l’on est forcément sur la bonne voie puisque l’on est nombreux et puisque l’on ne prend que ce qui nous paraît être le meilleur chez les autres.

La contrepartie, largement minorée dans l’esprit de celles et ceux qui suivent cette voie, est qu’elle amène à taire ou à cacher les points de divergence de façon à trouver un dénominateur commun qui se rétrécit au fur et à mesure que l’on agrège de nouveaux éléments doctrinaux. Cette peau de chagrin devient presque infime à terme et cela relance le sentiment d’exclusion quand il s’avère que la majorité des concepts des autres sont différend des siens. Il ne reste plus qu’à amoindrir encore plus ses propres opinions ou à quitter le groupe et à se retrouver au point de départ. C’est comme vouloir réaliser un plat qui plaise aux carnivores, aux végétaliens, aux allergiques au gluten, à ceux qui ne veulent pas de sel et à ceux qui ne supportent pas les épices. À part de leur servir de l’eau, rien ne saurait convenir.

Convergences antiques

Plus les pensées philosophiques et religieuses durent dans le temps et plus elles agrègent des éléments convergents qui peuvent être effectivement issus d’autres courants ou qui peuvent être originaux mais comparables à d’autres. Dans la philosophie grecque, les courants semblent découler les uns des autres pendant un temps puis ils finissent par cohabiter en partageant des points communs et en se distinguant sur certains éléments spécifiques. Chacun est d’ailleurs persuadé que son courant est le meilleur et tend à vouloir discréditer un ou plusieurs autres comme c’est le cas d’Aristote vis-à-vis de Platon ou des cyniques vis-à-vis de Socrate, etc. La philosophie orientale va faire de même allant parfois jusqu’à la mesquinerie dans la désignation de l’autre (Petit véhicule désignant le bouddhisme du sud de l’Inde de la part de celui du nord qui se qualifie de Grand véhicule). Et comment parler du comportement occidental entre judaïsme et christianisme d’une part, puis au sein du christianisme d’autre part ?

L’exemple le mieux connu est celui de l’accusation de manichéisme, que certains continuent à brandir de nos jours. Quand, au Moyen Âge, les catholiques virent se développer des oppositions théologiques laissant entendre que Dieu ne serait peut-être pas la cause du mal en ce monde, ils cherchèrent un angle de réfutation possible. Mais leurs compétences étant largement moindres que celles de ceux qu’ils appelaient « hérétiques », ils se retournèrent vers un de leur maître à penser, Augustin d’Hippone, qui avait construit un argumentaire contre la religion manichéenne qu’il venait de quitter, après quinze années passées en son sein, sans que l’on sache précisément quel motif avait justifié cette abjuration. Mais, comme le catharisme comportait de grandes différences avec le manichéisme, ils se focalisèrent sur ce qu’ils identifiaient comme une convergence ponctuelle, oubliant que le catholicisme avait le même problème concernant le paradis et l’enfer. Ensuite, face à l’importance de cette opposition religieuse structurée et savante, ils créèrent des ordres et des formations spécialisées dans l’exégèse biblique avec des résultats pas toujours évidents.

Convergence moderne

À notre époque, il semblerait qu’une sorte de dépression mentale ait atteint l’espace philosophique et spirituel individuel et que l’homme se soit mis, non pas à chercher une autre voie au sein de sa famille religieuse, mais à tester d’autres cultures, forcément meilleurs puisque différentes ou à abandonner toute recherche spirituelle acceptable. C’est en quelque sorte le prolongement d’un système qui pensait qu’en allant chercher ailleurs ce que l’on ne voyait pas dans sa sphère philosophique locale, on devrait trouver mieux. Ce fut la grande époque de la philosophie orientale à laquelle nombre d’occidentaux ont adhéré sans en voir les nombreux défauts et contradictions.

Mais est-ce que cette démarche permet l’épanouissement de la pensée humaine ? Je ne le crois pas. C’est une sorte d’abandon de toute velléité d’effort personnel au profit d’un assouvissement des désir sensuels auxquels nous pousse notre part mondaine.

Confusion

En effet, ce monde, je devrais dire cet univers — car je ne doute pas qu’il existe en son sein d’autres mondes où d’autres espèces ont-elles aussi été pourvues d’un esprit-saint divin —, est basé sur la confusion qui ne se limite pas à l’approche spirituelle. La structure atomique de ce que nous sommes et de ce qui nous entoure, impose que l’essentiel de ce que nous appelons « matière » soit en fait composé de vide, comme c’est le cas des atomes dont le noyau et les électrons baignent dans un vide bien plus volumineux qu’eux. Pourtant quand nous touchons un objet nous sommes persuadés qu’il est solide, comme l’est la main qui le touche. Si nous pouvions voir les choses à l’échelle subatomique, que verrions-nous en fait ? Du vide interagissant avec du vide ?

Notre mondanité est sans cesse à l’affût de nos tentatives visant à favoriser notre part spirituelle. C’est en créant sans cesse une confusion dans notre intellect qu’elle parvient à empêcher l’éveil spirituel.

Confusion qui porte sur différents points : la réalité de notre emprisonnement qui est masquée à nos yeux, le prétendu libre-arbitre qui sert à nous accuser de tous les maux, la trompeuse possibilité d’améliorer ce monde corruptible et temporel qui nous incite à lutter sans espoir en ce sens alors que la réalité est inverse, la sensualité qui nous rend désirable ce chaos immonde et, bien entendu, l’insidieux développement d’un athéisme qui nous ferme tout espoir d’un Salut devenu impossible au profit d’un bonheur fugace et limité dans le temps.

En fait, ce que nous propose ce monde c’est un choix perdant-perdant. En effet, quelle que soit l’hypothèse que nous choisissons, soit nous ne gagnons rien, soit nous perdons tout. Si Dieu n’existe pas, ceux qui n’y croient pas ne perdent rien à vivre leur vie sans règle ni morale et ceux qui y croient sont perdants, mais se retrouvent dans la même situation que les autres. Si Dieu existe, ceux qui y croient et qui ont agi de manière à mériter sa grâce sont gagnants puisqu’ils seront libérés de cet enfer et ceux qui n’y croient pas pourront espérer retenter leur chance la prochaine fois. Comme disent les physiciens, selon la théorie heuristique d’économie du rasoir d’Occam (ou Okham), je préfère le choix le plus profitable, c’est-à-dire celui qui me donne une chance de ne pas tout perdre et c’est pourquoi je crois en Dieu.

Pour en revenir au catharisme, celles et ceux qui cherchent à créer de la confusion en rattachant le catharisme à des courants religieux qui lui sont étrangers, font le jeu de ce monde et de son maître maléfique, soit par bêtise s’ils ne comprennent pas ce qu’ils font, soit par malignité s’ils en sont conscients.

Conclusion

Je suis intimement convaincu que ces tentatives de confluences  et ces convergences forcées sont des erreurs graves qui ne peuvent que détourner ou retarder la prise de conscience philosophique ou spirituelle personnelle et qui conduisent dans l’impasse. Dans le christianisme l’unité ne sera pas de ce monde. Selon les courants elle sera réalisée lors de la seconde parousie du Christ ou bien elle ne peut relever que de la création divine vers laquelle nous sommes tous destinés à retourner. Cela me semble bien illustré par la parole attribuée à Jésus dans l’Évangile selon Jean : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père, sinon je vous l’aurais dit, moi qui vais vous préparer une place. » (Jean XIV, 2). D’un point de vue allégorique cet emboîtement est parfaitement clair. Les « demeures », c’est-à-dire les courants de pensée ont une part en elles de l’unité divine (la maison du Père) sans qu’aucune en ce monde ne puissent prétendre à en être l’égale. Mais aucune construction humaine en ce monde ne sera jamais la « maison » du Père car c’est le Christ qui nous y accueillera en temps voulu. Ce n’est donc pas à nous de nous évertuer à créer ici-bas une sorte de « maison » du Père, ce qui est impossible et peut même être considéré comme une sorte d’orgueil à vouloir imiter Dieu.

C’est pourquoi, sans nier les convergences ponctuelles, je veux m’attacher à rappeler l’intérêt de l’originalité de chacun des courants et à tracer la voie du catharisme en rappelant également les différences et non les divergences comme veulent le faire croire les tenants d’une « demeure » plus proche de la Vérité que les autres.
En outre, cette façon de faire me semble de nature à éviter les confusions et à montrer à chacun que toutes les voies sont bonnes pour peu qu’on les suive en esprit. Pour autant il ne faut pas faire différent pour le seul plaisir de se démarquer, mais il convient que les choix philosophiques et spirituels soient appuyés sur une solide argumentation, elle-même basée sur de bonnes sources, qui montre qu’il s’agit effectivement d’un choix réfléchi et cohérent.

Pour clore cette petite réflexion personnelle, je voudrais dire à tous que je ne méprise aucune autre voie empruntée par mes frères humains pour autant qu’elle dispose de cette cohérence qui démontre qu’elle n’est pas une impasse futile mais que je ne souhaite pas surévaluer de possibles convergences au risque de minimiser de vraies différences et de provoquer ainsi une confusion fortement délétère.

Ne cherchons pas à hâter ce qui viendra en son temps et comprenons que chaque voie empruntée peut mener l’homme à son salut pour autant qu’il chemine en esprit et dans la Bienveillance.

Guilhem de Carcassonne.

15/01/2023

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