L’Église cathare de France
Nous savons qu’au Moyen Âge (1167) s’est tenue une assemblée à Saint-Félix Caraman (aujourd’hui de Lauraguais) qui réunissait les représentants du catharisme de France et d’Occitanie. Parmi eux, voici ceux dont nous avons conservé les noms : Sicard Cellerier, « évêque d’Albi » – Marc, de Lombardie (qui appartenait alors à l’Occitanie) – Bernard Raimond, de Toulouse – Guiraud Mercier, de Carcassonne – Raimond de Casalis, d’Agen et Robert d’Épernon, « évêque des Français », sans que soit précisé si ce dernier était attaché à une région particulière ou s’il portait ce titre faute d’avoir pu s’implanter de façon précise dans un royaume où les « cathares » connaissaient invariablement un sort funeste.
Ils avaient convié à cette réunion un représentant de l’Église bogomile bulgare, papa Nicétas (Niquinta), qui soutenait une vision strictement dyarchienne du catharisme, à l’instar des participants à cette assemblée.
Cette réunion décida de la reconnaissance par cette autorité de l’organisation ecclésiale française, dont la hiérarchie fut validée par la transmission d’une Consolation spécifique de Nicétas.
Moins d’un siècle plus tard, le 16 mars 1244, à Montségur (Ariège), cette Église cathare de France — désormais concentrée sur le Languedoc —, fut décapitée et ses membres principaux assassinés. Une partie avait déjà fuit vers le refuge de l’Italie du Nord (occitane à cette époque) et d’autres la rejoignirent ensuite. Au début du 13e siècle, quelques chrétiens cathares consolés tentèrent de réanimer cette Église de France en profitant d’un affaiblissement, malheureusement temporaire, de la sinistre Inquisition papale. L’échec de cette tentative fut consommé avec l’assassinat du dernier chrétien cathare consolé, Guilhem Bélibaste, sur le bûcher de Villerouge Termenès (Aude) le 24 août 1321.
Même si personne ne doute que quelques bons-chrétiens ont pu passer à travers les mailles du filet inquisitorial, l’Église cathare de France a disparu à ce moment, car elle ne pouvait exister légitimement sans maintenir ses réseaux apostoliques qui venaient d’être détruits.
Mais l’Église cathare de France est une institution mondaine destinée à réunir une institution spirituelle : l’ecclésia cathare. Or, c’est d’une ecclésia cathare organisée et cohérente que l’Église cathare de France tire sa légitimité, et non l’inverse !
Sans prétendre donner une quelconque légitimité à un dicton d’origine douteuse qui prétendait prédire la résurgence du catharisme : « Au bout de sept cent ans le laurier reverdira. », il faut bien constater qu’aujourd’hui une ecclésia cathare cohérente est en train de s’organiser. Elle dispose de nombreux sympathisants, de quelques croyants avérés et d’un novice en cours de formation.
Surtout elle est dans la droite et ferme ligne de la doctrine cathare de l’Église cathare de France disparue 700 ans plus tôt sur le bûcher de Villerouge Termenès.
La résurgence cathare
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer à maintes reprises, le terme de résurgence — concernant le catharisme — doit être utilisé avec sérieux et précautions.
Ce terme est employé en hydrologie pour désigner la réapparition — à l’identique — d’un cours d’eau qui s’était enfoncé dans le sol en amont.
La validation de cette authenticité du cours d’eau est habituellement effectuée au moyen d’un colorant dilué en amont que l’on voit apparaître dans l’eau d’aval.
Concernant la résurgence cathare les termes et les méthodes se doivent d’être identiques pour justifier l’usage du qualificatif.
Plusieurs point sont à considérer :
- Comme toute autre pensée, une pensée spirituelle ne s’éteint pas à la mort de son dernier pratiquant connu.
- Toute personne découvrant cette pensée et la faisant sienne, lui redonne vie.
- Le « colorant » d’une spiritualité c’est sa doctrine ; il ne peut donc y avoir résurgence sans identité entre la doctrine disparue et celle qui réapparaît.
- Les personnes qui relèvent la religion avec la volonté d’en assumer la résurgence, doivent s’abstenir de toute modification structurelle majeure de la doctrine et de la pratique qui en découle.
- La résurgence ne pourra être complète que si, à côté des croyants et des sympathisants, apparaissent des chrétiens cathares consolés.
Bien entendu, le catharisme ayant toujours été une religion a-dogmatique, la doctrine qui la sous-tend n’est pas figée, mais s’appuie sur une argumentation cohérente en parfaite conjonction avec le fondamental chrétien : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. ».
Il ne peut donc y avoir des adaptations des choix doctrinaux et de la pratique que si elles reposent sur une meilleure connaissance d’éléments inconnus à l’époque de la disparition du catharisme médiéval, mais aucune adaptation de « confort » ne peut s’envisager, pour quelque motif que ce soit.
C’est pourquoi si beaucoup aujourd’hui se réclament du catharisme, prétendent lui avoir redonné vie, évoquent même sa résurgence, il est facile de voir que cela ne dépasse pas les déclarations d’intention.
L’Église cathare de France aujourd’hui
Plusieurs personnes ont envisagé cette résurgence, mais soit leur initiative dérogeait à l’un des points cités ci-dessus, soit elles n’ont pas pu mener leur projet à bien.
En 2009, je me suis inscris dans cette volonté de résurgence cathare et j’ai cherché les moyens de la réaliser. De mes travaux est sorti cinq ans plus tard mon livre Catharisme d’aujourd’hui qui, proposait quelques pistes pour la mise en œuvre de cette résurgence.
Afin de mener à bien mon propre cheminement et pour m’assurer que ma démarche était bien cohérente avec cette résurgence que j’appelais de mes vœux, j’ai entamé en mai 2016 un noviciat adapté à la situation inédite du cathare d’aujourd’hui.
Donc, si je mène à bien ce noviciat, forcément long compte tenu des contraintes spécifiques qu’il nécessite, peut-être aurai-je la responsabilité d’assumer l’encadrement et l’apostolat de cette résurgence cathare.
Il ne restera alors qu’à redonner corps en ce monde à l’Église cathare de France en la dotant d’un statut juridique adapté à notre époque.
Éric Delmas, 27 juin 2020.