Paul, le marcheur du christianisme

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Paul, le marcheur du christianisme

Les affirmations ou hypothèses présentées ci-après sont argumentées et s’appuient sur des sources que vous trouverez listées dans les notes en fin d’article.
Ainsi vous pourrez vérifier par vous-même la validité des propos tenus ici.

Maintenant que nous avons montré que le premier siècle ne fut pas aussi lisse que ce que notre éducation nous a donné à croire, nous allons tenter de démêler le vrai du faux concernant ce courant chrétien, apparu en pleine lumière suite au « schisme » entre la vision judéo-chrétienne et la vision pagano-chrétienne.

Il est très difficile de trouver des auteurs capables de prendre de la distance avec la vision judéo-chrétienne. Nos sources sont donc à étudier finement et à croiser, autant que faire se peut avec d’autres pour éviter les manipulations.

État des lieux

La séparation de fait par accord tacite (48), devenue un « schisme » à l’occasion de l’incident d’Antioche[1] et confirmée par le concile de Jérusalem en 49, nous révèle clairement l’existence de deux groupes distincts de « proto-chrétiens », même si les textes de l’Église chrétienne officielle en minimisent largement la portée, en en faisant plus une licence donnée à Paul et aux païens qu’une véritable rupture. Cela a abouti à la mise en présence de deux visions chrétiennes différentes :

  • Le courant judéo-chrétien s’est imposé par le soutien impérial au début du 4e siècle (Constantin 1er)[2], avant de devenir la loi religieuse incontournable à la fin du même siècle avec la christianisation obligatoire de l’Empire romain (Théodose 1er)[3] et le pouvoir de justice religieuse donné à l’Église de Rome quelques années plus tard[4].
  • Le courant pagano-chrétien a d’abord dominé grâce à son extension large sur tout le bassin méditerranéen, mais la mise en action de la « loi judéo-chrétienne » l’a poussé à la clandestinité et l’a fait disparaître aux yeux de tous. Des initiatives manifesteront sa réalité, mais les chercheurs les traiteront le plus souvent comme des phénomènes isolés et non la continuité d’un mouvement initial.

Vous-mêmes qui suivez cette conférence avez, souvent sans vous en douter, des convictions qui ne sont que la suite logique d’un enseignement et d’une lecture du christianisme qui est totalement infléchie par cette domination quasiment sans faille.

Aussi allons-nous tenter de vous montrer ces failles et de vous éclairer, à travers elles, un chemin différent qui révèle ce christianisme très vite réprimé, mais jamais totalement éteint. Et c’est dans ce christianisme que vous retrouverez, petit à petit les fondamentaux du catharisme.

Deux courants proto-chrétiens

Ces deux groupes sont en fait très différents :

  1. les judéo-chrétiens sont plus des sectaires[5] juifs, comme il en existe de nombreux (esséniens, zélotes, sadducéens, pharisiens, thérapeutes, etc.) qui font de Jésus le messie davidique venue sauver le peuple élu de Iahvé. Ils sont, pour l’essentiel, installés à Jérusalem, puisque jusqu’à la chute du temple, ce dernier était le lieu de culte par excellence des juifs orthodoxes. Ils ne lanceront des missions apostoliques que plus tard.
  2. les pagano-chrétiens sont initialement des juifs qui considèrent que la mission christique étend la portée du message christique à toute l’humanité, ce qui met un terme à la domination de la loi juive et qui ouvre la voie à une autre loi, celle mise en place par le commandement d’Amour absolu initié par Jésus. Ils sont essentiellement issus de la diaspora juive, extérieure à Jérusalem, donc beaucoup moins attachés à l’orthodoxie juive. Leurs rangs se grossissent rapidement de païens — c’est-à-dire de non-juifs — des régions plus éloignées qui rejoignent le groupe, notamment sous l’impulsion de la prédication paulinienne. Leur prédication va se répandre vite et largement puisqu’elle s’adressera sans distinction à tous les peuples.

Paul, que ce certains chercheurs présentent à tort comme le « créateur » du christianisme, n’est pas non plus l’initiateur de ce mouvement.
En effet, il rejoint des communautés déjà installées, à l’occasion de sa conversion sur le chemin de Damas[6].
Elles sont le résultat de l’implantation des proto-chrétiens qui ont fui Jérusalem après la mort d’Étienne.
Mais c’est lui qui va les développer dans les communautés installées tout autour de la Méditerranée, qui se réclament de sa prédication, et il va instaurer une doctrine par ses activités apostoliques que l’on retrouve dans ses lettres.

Paul, le semeur de la foi

Nous avons vu que Paul, né à Tarse, venu à Jérusalem enfant sans doute puisqu’il y est instruit, à un âge qui à l’époque se situait entre 5 et 15 ans, par un rabbi célèbre, mène ensuite la vie d’un pharisien classique, même si l’on peut penser que sa double culture accentuée par un véritable bilinguisme (hébreu et grec), faisait de lui quelqu’un d’assez important.

Mais, nous n’avons pas parlé de son activité missionnaire. Or, Paul est connu pour ses fameux voyages à la rencontre de communautés juives et proto-chrétiennes.
Nous allons rapidement parler de ces trois voyages relatés dans les Actes des apôtres, dans certaines de ses lettres, ainsi que du voyage le menant en captivité à Rome, mais aussi d’un potentiel quatrième voyage missionnaire moins connu.Tout d’abord il faut s’interroger sur un point concernant la vision de Paul dans les Actes des apôtres qui est clairement anti-paulinienne alors que les judéo-chrétiens tentent de faire croire le contraire, notamment en rappelant qu’ils auraient été écrits par Luc, ami de Paul et auteur d’un évangile.

On constate dans les Actes nombre de remarques à l’encontre de Paul et des tentatives visant à faire croire que Paul était soumis à l’autorité des apôtres de Jérusalem (les colonnes), ce qui largement démenti par Paul lui-même.

La manipulation des textes

Ainsi, concernant ce qui suit la conversion de Paul à Damas et son baptême, d’abord par imposition des mains, puis par immersion (Ac. 9, 17-18), il est écrit que Paul se rendit à Jérusalem et, grâce à l’entremise de Barnabé, rencontra les apôtres avec qui il resta quelques temps avant d’être exfiltré vers Césarée et Tarse en raison d’une menace que faisaient peser sur lui les juifs hellénisants de Jérusalem. Que faut-il en penser ? Il est clair qu’il y a là une volonté d’amoindrir Paul en laissant croire qu’il n’arrivait pas à se faire reconnaître et que c’est comme un aspirant, mené par un disciple, qu’il fut mis au contact des apôtres. Ensuite, menacé, c’est toujours grâce à eux qu’il put échapper, non pas aux juifs orthodoxes, mais aux hellénisants, c’est-à-dire à ceux de la diaspora, installés à Jérusalem.

Mais Paul conteste ce récit des événements. Dans l’Épitre aux Galates, il reconnaît son passé de juif orthodoxe et ardent contre la secte chrétienne (Ga. 1, 13-14), mais précise que sa conversion lui vient de christ (Ga. 1, 12) qui le missionne directement (Ga. 1, 15-16) pour un apostolat universel (aux nations), en précisant que cela n’est en aucune façon soumis aux humains (Ga. 1, 15), ce qui veut dire qu’il ne se considère en aucune façon lié aux apôtres de Jérusalem ni au Jésus d’avant la résurrection. C’est de christ ressuscité et de lui seul, qu’il prétend tenir sa légitimité[7]. C’est donc de façon parfaitement logique qu’il indique être parti en Arabie et être revenu à Damas, sans jamais aller à Jérusalem pendant les trois premières années qui suivirent son baptême (Ga. 1, 17). Après ce délai, il indique être effectivement à Jérusalem pour rencontrer Pierre, auprès de qui il est resté deux semaines seulement, ce qui explique qu’il n’ait croisé que Jacques le mineur dans cette période et aucun autre apôtre.

On devine déjà, en filigrane, la volonté de récupération opérée par les responsables de l’Église de Rome quand ils firent rédiger les Actes à la fin du premier siècle, après la mort de l’apôtre. En effet, ses lettres sont antérieures et ne peuvent donc constituer une réaction aux affirmations des Actes. C’est en fait le contraire qui se produisit. Les Actes ne doivent pas être lus comme un livre d’histoire ; ils sont un livre visant à faire la propagande d’un courant proto-chrétien particulier et leur liaison avec le troisième évangile (Luc) n’est sans doute pas un hasard. Là où certains auteurs[8] voient, dans la répétition de l’épisode de l’ascension, sans tenir compte des différences entre les deux textes, une confirmation du lien et de l’auteur unique, je vois plutôt une récupération d’un texte visant à en authentifier un autre. L’adresse à Théophile, surprenante puisque ce personnage est inconnu, pourrait même suggérer que ce livre est une sorte de vade-mecum, rédigé à l’intention des judéo-chrétiens débutants, pour donner une version uniforme de cette période.

Comme dans tout mouvement naissant, le besoin de légitimité pousse à asseoir la littérature sur des personnages importants (pseudépigraphie) et à se référer à des origines lointaines. Le judéo-christianisme a largement pratiqué ainsi, mais les groupes pagano-chrétiens l’ont fait aussi. Il faut donc se méfier à la fois de la tentation de valider les attributions de textes aux personnages qui nous sont indiqués et de prêter fois aux liens faits entre le Nouveau Testament et l’Ancien Testament.

Premier voyage missionnaire (45-49 ?)

   Si l’on s’en tient à la version de Galates, Paul serait donc parti en Arabie avant de revenir à Damas.
Ce voyage en Arabie — qui comprenait alors toute la péninsule — peut s’expliquer de deux façons individuelles ou concomitantes.
D’abord, cet éloignement favorise la méditation de l’apôtre sur sa mission et la façon de la mener.
Ensuite, l’Arabie est largement dominée par les Nabatéens (capitale Petra), dont le cheik, Arétas roi de Damas, est en guerre avec Hérode Antipas en raison de la répudiation, par ce dernier, de sa première femme, fille du cheik.
Paul est donc à l’abri des poursuites des juifs de Damas qu’il a dû fuir précipitamment.

De retour à Damas, Paul s’installe à Antioche de Syrie où il enseigne avec Barnabé, Syméon, Mucius de Syrène et Manaen (Ac. 13, 1). Antioche est le centre religieux de ceux qui ont fui après la mort d’Étienne (Ac. 11, 19).
Paul qui est toujours dénommé Saul est désigné par l’Esprit saint pour effectuer une mission en compagnie de Barnabé (Ac. 13, 2-3). Ils partent donc à Séleucie où ils s’embarquent pour Salamine (Chypre) d’où ils évangélisent toute l’île jusqu’à Paphos. Là, convoqués par le proconsul Sergius Paulus, Paul aveugle le mage Élymas qui tentait de s’opposer à lui. Cela provoque la conversion du proconsul.
À partir de maintenant, les Actes appellent Saul de son nom romain Paul. Ensuite, Paul et son équipe, dont nous savons qu’elle compte en outre Jean, qui est aussi appelé Marc, s’embarque pour le continent et arrive à Pergé (Pamphylie) où Jean les abandonne et retourne à Jérusalem. La prédication de Paul, à la synagogue le jour du sabbat, connaît un grand succès et leur attire de nombreux adeptes. Il recommencera le sabbat suivant, ce qui finira par créer des jalousies de la part des juifs orthodoxes qui réussirent à les faire chasser de la ville.
Ils se rendirent à Iconium, sans précision sur l’itinéraire emprunté, où leurs prêches leur valent des menaces de mort qui les poussent à se déplacer dans les villes voisines de Lystres et Derbé (Lycaonie).
Là une guérison miraculeuse opérée par Paul amène la foule à les confondre avec leurs dieux greco-romains, ce qui irrite fortement les deux apôtres. Leurs tentatives d’expliquer leur foi aux habitants est mise à profit par des juifs venus d’Antioche et d’Iconium qui persuadèrent la foule de lapider Paul.
Laissé pour mort, hors les murs, il est récupéré par son équipe et partent vers Derbé. Malgré tous ces déboires, ils vont revenir sur leurs pas dans toutes les villes visitées précédemment où cette fois ils seront mieux accueillis.
Ils partent ensuite en Pisidie (Antioche), redescendent en Pamphylie d’où ils s’embarquent à Attali en direction d’Antioche de Syrie. Cela clos ce voyage estimé à 3 ou 4 années.

Deuxième voyage missionnaire (50-52)

Quelques temps après leur retour ils constatent que des envoyés de Judée viennent tenter d’imposer les obligations juives (circoncision) aux membres de leurs communautés. Ils se rendent donc à Jérusalem pour trancher cette question. Pierre les soutient et Jacques le mineur fixe les termes d’un accord autorisant les disciples d’Antioche à ne pas suivre la loi mosaïque. Cette présentation modérée des Actes cache mal en fait une rupture majeure (schisme) dont nous verrons qu’elle perdurera ensuite.

De retour à Antioche, Paul propose à Barnabée de retourner vers les villes évangélisées lors du premier voyage.
Un désaccord concernant Jean, qui les avait laissés à Pergé, provoque la séparation entre Barnabée et Jean d’une part et Paul et Silas d’autre part. Les deux premiers partent pour Chypre alors que Paul et Silas rejoignent la Cilice (Tarse) par voie terrestre.
De là ils se rendent dans les villes de Derbé et Lystres où ils rencontrent Timothée qui s’est fait remarquer des communautés constituées à la suite du premier voyage. Le voyage s’étend vers l’ouest, en Phrygie et en Galatie, semble-t-il en raison d’une forte opposition à leur prédication dans les villes de l’est (Asie) où ils avaient prévu de se rendre initialement.
Également empêchés de se rendre en Bythinie (Nicomédie et Nicée) sur le pont Euxin et en Mysie, ils se rendent directement à Troas située à la frontière sud de cette dernière. À la suite d’un songe, ils s’embarquent pour la Grèce où ils passent par l’île de Samothrace et Néapolis, port de la ville de Philippes en Macédoine. C’est là qu’ils convertissent Lydie et qu’une servante, avec des dons de divination, les loue publiquement sans cesse, au point qu’ils la libèrent de ce don pour qu’elle arrête, de peur que cela puisse leur nuire.
Pourchassés par les maîtres de la servante ainsi privée de ce don, ils sont lynchés et jetés en prison. Miraculeusement libérés dans la nuit, ils convertissent le geôlier et ses proches et, finalement acquittés, ils purent reprendre leur route. Suivant la côte, ils rejoignent Thessalonique (Salonique), capitale de la Macédoine, par Amphipolie et Apollonie. Leurs prêches efficaces leur valurent des poursuites des juifs locaux qui tentent d’ameuter les autorités civiles contre eux. Ils partent donc pour Bérée. Toujours en butte aux juifs de Philippes, Paul est exfiltré vers Athènes où pour la première fois il va également s’adresser aux philosophes grecs locaux en plus des juifs de la synagogue.
Il profite de la découverte d’un autel consacré à un « Dieu inconnu » pour prêcher son Dieu qui n’habite pas dans les sanctuaires des dieux grecs. Son discours passe difficilement en raison du concept de résurrection des morts que les grecs n’entendent pas.
D’Athènes il se rend à Corinthe où il rencontre Aquilas et sa femme Priscille déportés de Rome par édit de Claude évinçant les juifs de Rome. Il prêche les juifs et les grecs locaux, mais sans succès apparemment. Rejoint par Silas et Timothée, il convertit jusqu’au chef de la synagogue. Convaincu par une vision il reste sur place un an et demi pour installer des communautés. Finalement, poursuivi par les juifs locaux qui tentent de le faire condamner sans succès et qui agressent les nouveaux convertis, il choisit de s’embarquer pour la Syrie avec le couple Priscille et Aquilas.
Arrivé à Éphèse, il refuse de rester et s’embarque pour Césarée d’où il rejoignit Antioche de Syrie.

Pendant ce temps, il semble qu’à Éphèse, Aquilas et Priscille accueillirent un jeune converti d’Alexandrie nommé Apollos. Ses compétences et ses qualités d’orateur compensaient le fait qu’il n’était pas encore baptisé selon le rite de l’imposition des mains. Sur sa demande, il fut mandaté auprès des communautés grecques (Corinthe) où ses compétences furent remarquées.

Troisième voyage missionnaire (53-58)

Paul reparti rapidement en direction de la Galatie et de la Phrygie et finalement revint à Éphèse. Là il convertit et baptise des membres qui n’avaient reçu que le baptême de Jean (par immersion seulement). Il y resta deux ans à faire des miracles et des conversions.
Paul décide de retourner à Athènes par la même voie que lors du voyage précédent, envisageant même d’aller à Rome.
À Éphèse, après des problèmes avec des adorateurs d’Artémis, Paul quitte la ville, passe en Macédoine et descend à Athènes. Au moment de s’embarquer pour la Syrie il est contraint de retourner en Macédoine en raison d’un complot juif contre lui.
De Philippes ils rejoignent Troas où Paul sauve un jeune homme mort lors d’une chute d’un étage d’une maison. Paul rejoint son groupe à Assos d’où ils prennent a mer pour Mitylène, puis Chio, Samos et enfin Milet au sud d’Éphèse. Le voyage par mer reprend en direction de Cos, Rhodes et Patara. Après un changement de navire, Paul repart en direction de Tyr où il demeure une semaine.
Enfin, le bateau les mène à Ptolémaïs et à Césarée où Paul est averti d’une menace l’attendant à Jérusalem, par un juif venu de Judée. Paul s’y rend néanmoins et fait rapport de ses voyages aux apôtres, Jacques en tête. Là le texte nous apprend que les judéo-chrétiens de Jérusalem insistent auprès des juifs locaux sur le fait que Paul ne fait pas respecter les prescriptions mosaïques à ses adeptes.
Comment ne pas penser qu’en fait ce sont les judéo-chrétiens qui ont participé aux troubles qui allaient survenir les jours suivants et qui faillirent coûter la vie à Paul. Arrêté par un tribun romain averti du trouble, Paul obtient de s’adresser au peuple. Il raconte son histoire, mais en invoquant la mission que lui a donné christ envers les nations, il déchaîne de nouveau la colère des juifs présents.
Paul fait valoir sa citoyenneté romaine, ce qui lui vaut le respect des soldats qui le protègent. Le lendemain il est présenté devant le sanhédrin où son discours provoque des troubles importants. Remis à l’abri par les romains, il échappe à une conjuration juive et est envoyé chez le gouverneur Félix à Antipatris.

Voyage et captivité à Rome (58-62)

Devant le gouverneur, Paul est confronté au grand prêtre Ananie venu demander sa condamnation. Paul affirme que les accusations sont sans preuve et qu’il est respectueux de la loi juive.
Paul demeura là deux années durant, assigné à résidence chez le gouverneur Félix. Son successeur organisa un procès à Césarée.
Paul fait encore valoir sa citoyenneté romaine et le gouverneur Festus, ne trouvant rien qui justifie de le livrer au juifs décida de l’envoyer à Rome.
De Césarée, le bateau fait escale à Sidon, puis rejoint Myre en Lycie. Ayant changé de navire, ils font route sous la Crète et s’arrêtent momentanément à Beaux-Ports.
À peine repartis, une tempête menace le navire, mais Paul prophétise que les marins ne mourront pas. Après deux semaines de dérive, ils s’échouent sur l’île de Malte. Là encore Paul réalise des miracles pendant les trois mois d’immobilisation sur place. Ils repartent sur un autre navire en direction de Syracuse. Ils continuent leur route par Rhégium et rejoignent finalement Pouzzoles.
De là ils rejoignent Rome accompagnés par des coreligionnaires de Paul. Paul est alors placé en résidence surveillée chez des partisans pagano-chrétiens.
Cela nous révèle plusieurs choses. D’abord, les charges pesant contre Paul sont faibles et fragiles, ce qui explique qu’il soit placé sous le régime de détention le plus souple, un ou deux soldats seulement assurant sa surveillance dans le lieu où il réside, sans doute des amis ou des coreligionnaires pagano-chrétiens.
Il est libre de ses mouvements et peut recevoir à son aise. Ensuite, cette relative détention est limitée à deux ans qui est le délai légal, prévu par le droit romain, pour que les protagonistes puissent venir plaider leur cause à Rome.
Mais les accusateurs ne viendront pas, car le même droit romain prévoit qu’au cas où l’accusation ne pourrait fournir suffisamment de preuves, l’accusateur sera puni de la peine encourue par l’accusé s’il avait été condamné[9].
Cela explique sans doute que les Actes se terminent de façon inattendue et ne mentionnent ni le procès, ni la mort de l’apôtre.

Quatrième voyage missionnaire (62-67 ?) et martyre à Rome (68 ?)

Il est donc probable que Paul fut libéré au terme des deux ans requis et qu’il ait quitté Rome.
L’hypothèse qui semble privilégiée est qu’il soit parti pour l’Espagne[10]. Cette hypothèse est détaillée dans Actes de Pierre et de Simon, où Paul reçoit mission christique de se rendre en Espagne et ce malgré le désespoir de ses soutiens romains qui demandent que son voyage ne dure pas plus d’une année[11].
Plusieurs écrits de Pères de l’Église attestent ce voyage qui, s’il commença en Espagne, se serait poursuivi en Asie Mineure[12]. Il est difficile de préciser ces points à partir des Actes, sauf si certaines parties relatent en fait ce dernier voyage.
Les lettres pastorales pourraient être le récit de ce dernier voyage et de l’arrestation de Paul qui, cette fois, se trouve emprisonné dans des conditions beaucoup plus dures. On ne sait si cette seconde arrestation est due aux juifs de Rome ou aux judéo-chrétiens qui revenant à Rome auraient vu l’influence de Paul leur causer des dommages dans leurs propres communautés.
Les Actes évoquent aussi un grief de subversion à l’encontre de l’armée romaine dont certains soldats l’auraient rejoint. Enfin reste le grief de magie et de philosophie que Néron utilisait régulièrement et qu’il aurait pu appliquer à Paul, suspect de ressusciter les morts.
À l’issue d’une première comparution où l’apôtre est abandonné à son sort par la communauté chrétienne de Rome (2 Tm. 4, 16-17), peut-être affolée par l’implication de l’empereur (la gueule du lion), Paul comparaît une seconde fois, signe que les accusations sont graves. Cette comparution aboutit à la condamnation et à l’exécution de l’apôtre.
Le martyre de Paul est évoqué dans les lettres pastorales et celle aux Philippiens. Clément de Rome, dans sa lettre aux Corinthiens[13] en parle également et le détail, fortement romancé, en est donné dans les Actes de Paul (cf infra). L’exécution eut lieu hors les murs de la ville, au lieu-dit Aquae Salviae, sur la Via Laurentina, dit Tre Fontane en raison d’un miracle prétendu selon lequel la tête décapitée rebondissant trois fois sur le sol, aurait provoqué l’émergence de trois fontaines. Une autre tradition parle d’un lieu plus cohérent, sur la Via Ostiensis où il aurait été inhumé. C’est là que fut érigée, deux cent cinquante ans plus tard la basilique à sa mémoire.

Eusèbe de Césarée situe la mort de Paul à la quatorzième année du règne de Néron (68), car la reconstruction de Rome après l’incendie (64) prit du temps et ce n’est qu’après qu’il accusa les chrétiens face à l’hostilité de la population envers sa passivité[14].

Éric Delmas – 07/06/2020


[1] Nouveau Testament – Actes des apôtres, chap. 15, 1-31

[2] Constantin 1er conclue un édit de tolérance religieuse avec Licinius à Milan en 313, après la victoire prophétique du pont Milvius (apparition du chrisme de feu) qui selon Eusèbe de Césarée et Lactance provoque sa conversion.

[3] Édit de Thessalonique (380).

[4] Priscillien d’Avila et ses moines furent les premiers exécutés au nom de cette justice pour fait d’hérésie à Trèves en 385.

[5] Le terme secte (sectaire) doit être compris dans son acception originale, à savoir celle d’une séparation au sein d’un groupe élargi. Ne pas confondre avec l’acception moderne d’extrémiste.

[6] ICo 15, 3-8 — Ac 9, 3-19 — Ac 22, 6-11 — Ac 26, 12-19

[7] Sur le christocentrisme de l’Église et le statut des apôtres, lire l’article de Alain Nisus, Sept thèses sur l’autorité dans l’église, in Cahiers de l’école pastorale n°33 (sept. 1999).

[8] Chantal Reynier, Les Actes des Apôtres, éditions du Cerf, coll. Mon ABC de la Bible (2015).

[9] Chantal Reynier, Vie et mort de Paul à Rome, éditions du Cerf (2016).

[10] Fragment (Canon) de Muratori, in Premiers écrits chrétiens, éditions NRF Gallimard, coll. De la Pléiade, sous la direction de Bernard Pouderon, Jean-Marie Salamito et Vincent Zarini (2016).

[11] Actes de Pierre et de Simon, in Écrits apocryphes chrétiens t. 1, éditions NRF Gallimard, coll. De la Pléiade, sous la direction de François Bovon et Pierre Géoltrain (1997).

[12] Ibid. Vie et mort de Paul à Rome, cf supra.

[13] Clément de Rome. Épitre aux Corinthiens, in Premiers écrits chrétiens, éditions NRF Gallimard, coll. De la Pléiade, sous la direction de Bernard Pouderon, Jean-Marie Salamito et Vincent Zarini (2016).

[14] Tacite, Annales. XV.

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