Nouveau Testament cathare
Avertissement
Je présente ici les travaux préparatoires au Nouveau Testament cathare que nous préparons en vue de doter la communauté cathare de France d’un ouvrage de référence sur le plan spirituel. Ces textes sont loin d’être définitifs, aussi j’invite les lecteurs à les considérer comme des points d’étape et à ne pas hésiter à faire remonter d’éventuelles critiques positives ou suggestions. Ce premier article est lisible par tous, mais les suivants seront réservés aux abonnés.
Introduction
Au cours des siècles, un grand nombre d’hommes et de femmes ont porté en eux — de diverses manières — la foi des chrétiens cathares sans pouvoir l’exprimer de façon ouverte et bienveillante.
À la fin du 14e siècle, un groupe d’hommes s’est formé, à l’initiative de deux d’entre eux, Pierre et Guillaume Authié — de retour d’Italie du nord —, pour relancer les communautés cathares du Languedoc, durement éprouvées par l’Inquisition pontificale. Ces deux hommes disposaient d’une version authentiquement cathare du Nouveau Testament (NT), réalisée dans le nord de l’Italie, en occitan dit provençal. De cette époque, il nous reste un seul exemplaire de cet ouvrage dont les chercheurs pensent qu’il fut utilisé par les prédicateurs cathares, et notamment par Pierre Autié et son équipe, vraisemblablement dépositaire de ce dernier exemplaire, aujourd’hui classé sous la côte ms. 36 de la bibliothèque municipale de Lyon. Cet ouvrage est particulier, car il contient en plus des textes du NT, un document que l’on appelle « Rituel » qui contient les procédures des rituels et du sacrement de la Consolation. Cela permettait à ces chrétiens qui n’étaient ni diacres ni évêques de réaliser les pratiques habituellement réservés à cette hiérarchie.
Le NT occitan de Lyon
Lorsque j’ai écrit mon ouvrage, Catharisme d’aujourd’hui, je ne saisissais pas l’importance, pour une communauté de croyants cathares, de disposer d’un Nouveau Testament spécifique à leur foi. Les spécialistes considéraient que ce document, toujours pas traduit intégralement à ce jour, était un Nouveau Testament comme les autres. Pourtant, plusieurs indices venaient contredire cette affirmation.
Le sommaire de ce document nous indique un ordre des textes présentés différents de celui des ouvrages disponibles aujourd’hui :
- les quatre évangiles canoniques et les Actes des apôtres sont bien présentés en première partie, mais ils sont immédiatement suivis de l’Apocalypse de Jean qui figure en fin des ouvrages modernes ;
- les lettres (ou épitres) attribuées à Paul terminent l’ouvrage alors qu’elles sont situées après les actes actuellement ;
- les lettres catholiques (Jacques, Pierre, Jean, Jude) précèdent celles attribuées à Paul alors qu’elles les suivent aujourd’hui.
Comme si ce bouleversement n’était pas suffisant, d’autres points posent question :
- la lettre de Paul aux Laodicéens figure dans cet ouvrage médiéval alors qu’elle est absente des versions plus récentes ; certains spécialistes prétendent même qu’elle n’a jamais existée, confondue avec celle adressée aux Philippiens, voire aux Colossiens ;
- les rituels du service et de la sainte oraison dominicale, ainsi que le sacrement de la Consolation (incluant la version destinée aux mourants) et quelques points de la règle observée par les bons-chrétiens, figurent en fin d’ouvrage, en continuité avec la dernière lettre de Paul et dans le même style de graphie et d’illustration.
On le voit, ce Nouveau Testament « cathare » ne peut être considéré comme anodin.
Bien entendu, ces particularités sont trop frappantes et trop nombreuses pour être attribuées au seul hasard.
Les lecteurs ont tendance à mieux retenir les textes de début et de fin d’un ouvrage, que ceux qui figurent au milieu. Ce phénomène bien connu peut expliquer le changement d’ordonnancement effectué depuis le septième siècle, mais que les cathares n’ont pas suivi. En effet, Paul considéré comme « hérétique » par plusieurs pères de l’Église de Rome jusqu’au 3e siècle, a vu ses textes intégrés dans le canon, en raison de leur grande notoriété dans le monde chrétien et de leur ancienneté par rapport à tous les autres textes retenus. C’est peut-être la raison d’un placement en fin d’ouvrage. Mais, pour réduire l’imprégnation mémorielle que ce placement provoquait chez les lecteurs et favoriser d’autres textes moins appréciés et de qualité souvent plus discutable, ils furent renvoyés vers le milieu de l’ouvrage et furent suivis de nombreux textes « catholiques ».
Le grand nombre de textes attribués à Paul, malgré des compilations déjà réalisées de plusieurs lettres, a peut-être conduit à supprimer la lettre adressée aux Laodicéens, certes courte et ne comportant pas d’information essentielle apparemment.
Par contre, la lettre aux Hébreux qui clôt l’ouvrage est aujourd’hui unanimement reconnue comme un faux d’origine catholique, faussement attribué à Paul, sans doute pour amoindrir son message jugé dissident.
Il convient donc de proposer, dans le Nouveau Testament cathare d’aujourd’hui, une présentation plus respectueuse de celui en usage au 14e siècle.
Un sommaire spécifique
Le sommaire que je me propose d’établir sera respectueux de celui du Nouveau Testament, dit de Lyon. Cependant, je prévois d’y effectuer quelques modifications liées à des données scientifiques plus récentes.
Bien entendu, la lettre — faussement attribuée à Paul — adressée aux Hébreux, viendra rejoindre les lettres catholiques et se classera en fin de ce corpus qui va de l’apocalypse à la lettre de saint Jude.
La lettre aux Laodicéens figurera dans le document à la place qui était la sienne à l’époque.
Les rituels et le sacrement seront également intégrés dans l’ouvrage, car ils permettront aux croyants de mieux comprendre la vie d’une cathare consolé.
En appendice, je pense à ajouter l’évangile que Marcion attribuait à Paul, même si les cathares médiévaux lui préféraient nettement celui attribué à Jean.
Les motivations de ce travail
L’idée est de rendre à ce Nouveau Testament sa fonction initiale et d’en faire également un ouvrage d’éducation et d’avancement des croyants cathares d’aujourd’hui.
En effet, cet ouvrage est essentiel pour les croyants cathares, désireux de vivre leur foi et d’édifier la communauté spirituelle qui deviendra un jour, à n’en pas douter, l’Église cathare de France au sein de laquelle une résurgence verra se lever des bons-chrétiens d’aujourd’hui œuvrant pour leur bonne fin.
Lors de la cérémonie du rituel de la transmission du livre et de la sainte oraison dominicale, le livre qui est remis au novice en cours de formation, pour qu’il puisse suivre les offices des heures communautaire et étudier, par lui-même les textes fondateurs du christianisme, sera ce Nouveau Testament spécifique à cette approche spirituelle qui fait la particularité du catharisme.
Fort de cette conviction et soutenu par un groupe de croyants, j’ai donc considéré qu’il était temps de se mettre à l’ouvrage pour proposer un version moderne et cependant totalement respectueuse des enseignements de nos prédécesseurs.
Certes, ce Nouveau Testament ne saurait prétendre avoir atteint l’idéal que nous recherchons tous, dès sa première mouture ; cependant, il faut bien commencer et c’est en proposant un premier texte que nous pourrons l’améliorer et le transmettre, comme le faisaient ceux qui ont précédé les cathares depuis le 1er siècle jusqu’au Moyen Âge.
Cette première pierre ne fait pas l’Église, mais elle y participe. Il y en aura bien d’autres jusqu’à ce que les bons esprits, prisonniers ici-bas, ne soient tous retournés leur origine spirituelle.