Le rituel cathare de Dublin – Présentation

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Le rituel de Dublin – Présentation générale

Introduction

Ce rituel, publié au début des années soixante par Théo Venckeleer dans la Revue Belge de Philologie et d’Histoire, est un fragment de texte occitan inclus dans un document plus volumineux.

Ce manuscrit, portant la côte « 269 », faisait partie d’un fond de documents vaudois rassemblés au XVIIe siècle. il ne fut reconnu comme d’origine cathare qu’au siècle dernier. Il est daté de la seconde moitié du XIVe siècle, ce qui est tardif pour un ouvrage cathare. Déodat Roché en attribuait la rédaction à un auteur cathare influencé par les positions des Garatistes de l’Église de Concorezzo. La traduction du chercheur belge comportant quelques erreurs, c’est à partir du document original que Anne Brenon effectua une nouvelle traduction qui fut ajoutée à l’ouvrage de René Nelli « Écritures cathares » à l’occasion d’une révision qu’elle fit de l’ouvrage.

Qualités et défauts

L’intérêt majeur de ce texte est qu’il offre une approche détaillée — bien plus que ne le font les deux autres rituels disponibles — de la catéchèse cathare. Malheureusement, ce texte pose plusieurs problèmes, certains liés à la personne qui en a effectué la retranscription initiale, d’autres liés à son contenu même. En effet, « la Glose du Pater » montre une qualité de copie nettement inférieure à celle du traité de « l’Église de Dieu ». Cela est à attribuer au copiste initial dont la graphie et la qualité sont sans rapport d’un texte à l’autre d’après Anne Brenon.

Mais, essayons de voir les choses d’un peu plus près.

« L’Église de Dieu »

Cette partie constitue un véritable traité, à l’image de celui du « Livre des deux Principes » de Jean de Lugio. Comme ce dernier, il s’agit clairement d’un texte à usage interne à l’église cathare et non d’un ouvrage de prédication à destination des croyants. On y retrouve tous les fondamentaux de la doctrine cathare.

Ce qui est marquant et typiquement cathare est la mise en avant de prééminence du sens intelligible d’un texte sur son sens littéral. Cette particularité marquera clairement la différence entre le catharisme et le catholicisme.

« La Glose du Pater »

Ce texte correspond à l’enseignement précédant la transmission de la Sainte Oraison qui faisait d’un sympathisant, un vrai croyant autorisé à réciter le Pater en compagnie des Bons Chrétiens. Ce qui frappe au premier abord, c’est l’abondance de références prises dans l’Ancien Testament quand les deux autres rituels en appellent eux au Nouveau Testament, même si c’est plus sensible dans le « Rituel occitan de Lyon » que dans le « Rituel latin de Florence » quoique ce dernier soit infiniment plus avare de telles citations que l’ouvrage de Dublin.

Les explications verbeuses cherchant à présenter la création divine selon une hiérarchisation en sept niveaux fut considéré par Déodat Roché comme une influence d’Origène. En effet, la tentative de rapprochement qu’opère ce texte avec les positions de l’Église romaine est manifeste.

C’est sur cette base que Anne Brenon proposa d’attribuer ce document à Didier de Concorezzo, Garatiste et fils majeur de l’évêque Nazaire. Cet adversaire acharné de Jean de Lugio aurait, par ce texte, tenté d’infléchir encore plus la position — déjà très mitigée du monisme de son Église — pour la rapprocher encore de la position de l’église catholique romaine.

On retrouve également dans ce texte l’énoncé de la théorie traducianiste qui permettait aux monistes d’intégrer le péché originel dans une doctrine cathare, là où les dyarchiens le rejetaient formellement.

Si Didier de Concorezzo est validé comme auteur vraisemblable de ce texte, il faut rappeler qu’il était considéré comme favorable à la notion de jugement dernier et de punition divine, se basant pour cela sur l’« Interrogatio Johannis », apocryphe chrétien du IIe siècle donné aux monistes italiens par une Église bogomile.

Enfin, cette partie semble s’éloigner fortement des écrits cathares en ce sens que sa compréhension des Écritures est trop souvent littérale ce qui est l’opposé de la méthode cathare que nous avons vu précédemment.

Conclusion

Que faut-il retenir de ce rituel ? Je pense qu’il faut savoir lui reconnaître sa qualité de traité cathare exposant clairement et méthodiquement les fondamentaux de la doctrine cathare. Cependant, je n’y vois pas un ouvrage supérieur aux autres textes cathares, bien au contraire, en raison de ce que je viens d’expliquer dans le chapitre précédent. Sans compter que l’on peut craindre légitimement que les vaudois qui l’ont conservé aient pu, le modifier ou ne garder que les fragments correspondant à leurs vues.

À l’instar de Déodat Roché — et l’on ne peut que rendre hommage à l’intégrité intellectuelle de ce farouche partisan d’une mystique cathare — on doit se garder de tout débordement mystique à la lecture de ce document, comme on pu le faire certains.

Certes ce document est régulièrement mis en avant par des auteurs modernes qui y voit une mystique cathare conforme aux vœux des démarches ésotériques actuelles, mais en fait je crains qu’il ne faille considérer ce travail comme très moyen, voire médiocre pour ce qui est de la « Glose du Pater ». En outre, la position mitigée, à la limite du monisme catholique, y démontre ses limites argumentaires et scripturaires.

Au total, je le trouve intéressant, surtout pour ce qui est du traité de « L’Église de Dieu », mais sans rapport avec la qualité du traité de Jean de Lugio.

Éric Delmas (10/09/2009)

Bibliographie

Écritures cathares par René Nelli aux éditions du Rocher. Nouvelle édition actualisée et augmentée par Anne Brenon.

Les Archipels cathares. Dissidence chrétienne dans l’Europe médiévale (Volume I) par Anne Brenon aux éditions de l’Hydre.

Le Consolament Cathare. Commentaire sur un fragment de rituel, le manuscrit de Dublin 269 par Philippe Roy aux éditions Dervy.

La religion des cathares par Jean Duvernoy, Collection Domaine cathare aux éditions Privat.

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