Le hasard fait bien les choses

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Le hasard fait bien les choses

Le moins que l’on puisse dire est que le modèle classique de la société humaine fut toujours celui d’une domination sans partage qui correspond si bien au modèle anthropologique du couple prédateur/proie.

Les religions dogmatiques ont perdu en crédibilité

Pendant longtemps, et sous toutes les latitudes, les sociétés furent dominées par un modèle religieux où une religion dominait les autres avant que finalement le modèle devint monolithique en imposant une religion à tous. Depuis le siècle des lumières, après une tentative avortée de suppression de la religion, on a constaté des manœuvres visant à détourner vers d’autres concepts ceux qui ne peuvent se détacher d’une recherche de la transcendance.

La science fut introduite en opposition à la religion puisqu’elle permettait de détruire les mythes religieux en démontrant leur caractère parfaitement explicable ou totalement contraires à l’explication religieuse. Mais on peut s’interroger pour savoir si cette destruction intéressait réellement la religion ou plus simplement l’idée que les religieux s’en étaient fait.

Ce qui a fait le plus de torts à la religion c’est que certains hommes ont voulu imposer leur point de vue ou leur analyse d’éléments trouvés dans des textes, et que pour ce faire ils ont créé des dogmes — j’entends par là des éléments doctrinaux figés et indiscutables — sans penser que ceux-ci finiraient par se fragiliser et par tomber du fait de l’avancement de la connaissance humaine.
De son côté la science a fini par prendre au sérieux sa mission de destruction du fait religieux et ses thuriféraires commirent la même erreur en prétendant que tout mystère pouvait trouver sa solution dans la science. Donc, dès qu’un problème semblait insoluble ils se contentaient de dire que l’avenir viendrait apporter la solution et quand un phénomène se produisait sans explication logique, il suffisait d’invoquer le hasard pour lui donner un caractère scientifique.

Il faut dire que dans un monde tangible comme le nôtre, cette façon de faire est fortement avantagée par rapport à celle choisie par la religion. En effet, toute découverte renforce la conviction que la science est bien plus efficace que la religion et tout échec est systématiquement considéré comme provisoire ou comme cohérent puisque attribué au hasard.
Comment s’empêcher de s’interroger sur ce hasard si prévenant à notre égard ?
Personnellement, je ne peux pas m’y résoudre car les failles qu’il révèle posent plus de questions qu’elles ne laissent entrevoir de solutions.

Réflexion sur la «chute des âmes»

Dans mon hypothèse sur la « chute des âmes » telle que révélée dans l’Apocalypse et étudiée dans les écrits cathares ou dans les prêches des Bons-Chrétiens, j’avais proposé de penser que l’évolution des premiers hommes découvrant le concept abstrait de la transcendance et de l’après-vie pourrait être une des explication cohérente de l’infusion de l’âme spirituelle (devenant l’esprit saint) dans le corps de matière jusque là dépourvu d’esprit. Au Moyen Âge, le modèle unique étant la création d’Adam et Ève par Dieu pour les uns et par le démiurge pour les autres, les Bons-Chrétiens s’étaient contenté de considérer que l’esprit était présent dès le premier homme.
La science, en remettant en cause le modèle créationniste au profit du modèle évolutionniste, a cru avoir invalidé définitivement l’idée d’une intervention divine alors qu’elle n’avait en fait que déplacé le problème.
En effet, quand on s’interroge sur le fait surprenant que de tous les animaux existant sur Terre, y compris d’ailleurs de tous les animaux relativement évolués des branches ayant donné les singes et les hommes, seul un petit rameau va évoluer rapidement et donner l’Homo Sapiens. La seule réponse que la science puisse proposer à cette particularité hautement singulière est… le hasard !

Pourquoi l’homme ?

Pourtant l’homme n’était pas forcément l’espèce la mieux positionnée pour réaliser cette avancée, alors pourquoi d’autres n’y sont pas parvenues et pourquoi l’homme a-t-il réussi ? L’utilisation de l’environnement pour améliorer ses conditions de vie n’est pas spécifique à l’homme. L’organisation sociale complexe non plus ; la création ou l’usage d’outils non plus. C’est au moment où l’homme a ressenti le besoin d’enterrer ses morts et de rendre un culte à une divinité transcendante qu’il s’est trouvé obligé de modifier ses codes sociaux et son mode de vie. Et c’est cela qui va le conduire à créer des pratiques qui lui donneront pour finir les capacités de développement et d’amélioration de son patrimoine génétique qui seront à l’origine de son développement spécifique. Mais cela n’est pas explicable par le saut qualitatif que représenta alors le passage d’une alimentation granivore-frugivore à une alimentation carnée, car alors tous les carnivores auraient dû évoluer eux aussi. La station debout ne peut pas tout expliquer car on constate que d’autres animaux l’ont pratiqué autant que nous sans en tirer une tel avantage qu’ils l’ont définitivement choisie comme nous l’avons fait.

Le hasard a bon dos

En fait, il semble bien que l’on n’ait pas d’explication indiscutable pour expliquer ce phénomène et qu’il faille donc admettre que cela relève du hasard qui aurait favorisé notre espèce au détriment des autres.
Mais qu’est-ce qui guide le hasard ? Et bien c’est justement… le hasard. Aie voilà une boucle philosophique courte qui ne risque pas de nous satisfaire.
On a aussi considéré que la nature procédait par essais et échecs afin de diriger l’évolution dans un sens positif. En fait cela semble peu probable car un tel système devrait logiquement finir par favoriser la seule voie valable, c’est-à-dire la nôtre, ce qui conduirait irrémédiablement à l’échec car l’hyper-spécialisation n’est pas viable à long terme. En outre, l’homme n’est pas le résultat d’une succession d’essais réussis mais parfois de choix qui, sans être forcément les plus aboutis, finirent par permettre la mise en valeur d’éléments initialement défavorables. C’est le cas de nos capacités physiques qui furent défavorables initialement mais qui furent compensées ensuite par nos capacités intellectuelles.

Donc, si c’est le hasard qui a permis l’évolution, le moins que l’on puisse dire est que le hasard semble avoir bénéficié d’un sérieux coup de pouce à un moment donné ; une sorte de saut évolutif que rien ne peut expliquer par les lois du hasard (à supposer qu’il y en ait) et que rien ne peut expliquer par une évolution sélective.

La science sans réponse

Sans aller jusqu’à prétendre que cette situation ambiguë prouve l’existence de Dieu, je ne peux m’empêcher de penser que, à tout le moins, elle laisse le champ ouvert à toutes les hypothèses. Certes, me diront les tenants de la science toute puissante, l’avenir révèlera sans doute la vérité et cette vérité sera scientifique et fera du hasard un phénomène scientifiquement démontrable. Mais comment accepter que depuis tout ce temps, que nos scientifiques essaient de dénouer les mystères de notre évolution, ce problème n’ait pas été résolu et même qu’il n’ait pas beaucoup évolué lui-même ?
En fait j’ai l’impression de retrouver chez les tenants de la science les mêmes comportements et dérives que ceux observés chez les tenants de la religion à tout prix. Chez les uns comme chez les autres, la lecture des faits est largement alignée sur la conviction philosophique ou spirituelle. Les défauts de la théorie sont masqués par un élément incontrôlable — hasard pour les uns, volonté divine ou miracle pour les autres — et l’impossibilité de résoudre un problème est masquée soit dans l’annonce d’une résolution prochaine grâce aux avancées de la connaissance, soit derrière le concept de mystère et d’incapacité de l’homme à appréhender les « voies du Seigneur ».

La vision cathare

Le christianisme authentique semble avoir fait preuve d’une plus grande humilité face à ce qu’il ne pouvait prouver. Certes il a élaboré des hypothèses mais elles n’étaient ni uniques, ni figées et il a même accepté de dire son ignorance. De même il n’a jamais hésité à mettre en doute ce qui semblait incohérent sans y voir autre chose qu’une remise en question de la façon dont les hommes croyaient comprendre le phénomène divin et non comme une remise en question d’un Dieu qui n’avait jamais été en contact direct avec l’homme.
Les théories cosmogoniques cathares et bogomiles sont variées comme le montrent les prêches des Bons-Chrétiens dont le témoignage des croyants et témoins donne à penser qu’elles furent parfois mêlées aussi au tradition culturelles locales. Comme on le voit chez les moines d’Orléans l’acceptation de l’ignorance ne pose pas de problème et ne pousse pas à admettre des théories apparemment incohérentes. En effet, à la question qui leur était posée sur le fait que Jésus serait né de la vierge Marie, aurait souffert la Passion, serait mort sur la croix et aurait ressuscité au troisième jour, ils se sont contentés de répondre : « Nous n’y étions pas, nous ne pouvons donc savoir si c’est vrai. ».

Mais l’humilité n’est pas la vertu cardinale des hommes, et ce depuis les temps les plus éloignés. Aussi cette façon d’être est-elle toujours restée marginale. Aujourd’hui encore on constate que les clivages demeurent forts entre l’approche scientifique et la réflexion religieuse.

Les biais de la recherche laïque

Il ne manque pourtant pas de chercheurs ayant une conviction religieuse, tant le fait religieux est largement majoritaire dans la population. Mais, quand ils traitent du sujet de leur recherche, ils s’interdisent toute réflexion religieuse, croyant sans doute qu’elle n’imprègne pas en fait toutes les fibres de leur être. Les athées ne sont pas en réserve sur ce point car leur conviction athée — souvent rebaptisée laïque, quand ce n’est pas objective — mène et organise leurs choix scientifiques, eux-même parfois pollués par une religiosité ambiante qui influence de nombreux domaines de la vie et de la réflexion. En effet, se positionner contre l’existence de Dieu revient d’une certaine façon à lui donner une réalité là où il suffirait de présenter les faits démontrables d’un côté et de laisser, pour les autres, la liberté à chacun de les attribuer à une cause connue ou pas.
En fait, plus j’écris ce texte et plus je me dis que le phénomène spirituel est universel et que seul la dénomination de l’élément transcendant que le dirige change. D’un côté on l’appellera Dieu, ou quelque chose du même genre, de l’autre on l’appellera hasard.

Et tout comme certains diront que la création divine est belle, en omettant ses nombreuses ratées, les autres diront que le hasard fait bien les choses.

Éric Delmas – 08/03/2014

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