Ah, les héritiers !
Celles et ceux qui, comme moi, ont amassé de la documentation sur le catharisme au cours de leurs années de travail sur le sujet, se pose sans aucun doute la question du devenir de cette documentation après leur mort. S’ils ont produit une œuvre, la question est la même à ce sujet.
En effet, les lois françaises — dans un souci bien mondain de permettre à ceux qui se sont donné le mal de naître de continuer à profiter du travail de leur ancêtre —, encadrent très sévèrement le devenir des biens du défunt. Nul besoin de rappeler les batailles juridiques qui accompagnent bien souvent les suites d’un décès pour vous convaincre. et, bien entendu, plus il y a de biens, plus la guerre est violente.
Si certains pays ont réglé le problème en laissant une totale liberté à chacun de disposer de ses biens après sa mort, la France a légiféré de façon tatillonne sur le sujet, au motif de protéger les liens du sang et ceux du sacro-saint mariage.
Les biens matériels
Ce sont le plus souvent les seuls que laisse le défunt à sa famille. Mais, si les héritiers savent très bien comment s’occuper des biens mobiliers et immobiliers, sans parler des placements et de l’argent, ils sont souvent démunis face à des biens culturels particuliers.
Je pense notamment aux bibliothèques qui sont intimement liées à la personnalité de leur propriétaire et dont les héritiers ne savent que faire, le plus souvent.
J’ai ainsi des prises de contact d’héritiers qui, ayant récupéré des ouvrages en lien avec le catharisme, me proposent de les récupérer. Généralement, ils ne se sont jamais intéressés au sujet et ont compris que les revendre serait difficile, car il ne suffit pas qu’un livre soit rare pour qu’i soit facile à vendre. Ainsi, récemment, une famille m’avait contacté pour me proposer de récupérer au plus vite des ouvrage d’un père décédé dont elle ne savait que faire. J’ai répondu immédiatement, mais la relation a tourné court sans explication. Ont-ils trouvé en leur sein une personne intéressée par le sujet ? Ont-ils réussi à vendre quelques livres à un bouquiniste ou sur Internet ? Je n’en sais rien. La seule chose que je me demande, c’est de savoir ce que le défunt aurait pensé de cela s’il avait pris la peine d’y réfléchir en amont ?
Car comprenez bien que votre passion n’est pas forcément partagée par vos héritiers. Les efforts consentis pour réunir votre bibliothèque risquent bien de finir en fumée une fois que vous ne serez plus là pour protéger ces ouvrages. Vos héritiers risquent fort de brader des biens de grande qualité, faute d’en connaître la valeur, voire de les jeter à la benne, histoire de se simplifier la vie.
Alors, si vous considérez que vos efforts sont sans intérêt, laissez faire. Sinon, il est temps d’y réfléchir sérieusement et de trouver une échappatoire, via un don anticipé par exemple.
Les biens immatériels
Il en va de même concernant les droits d’auteurs. Là encore, ne rêvez pas. faire publier ou rééditer un ouvrage après la mort de son auteur, n’a d’intérêt que si de juteux bénéfices sont pressentis. Dans les autres cas, les héritiers des droits moraux et les maisons d’éditions laisseront votre travail dans les poubelles de la mémoire humaine.
La France a le douteux privilège de favoriser l’extinction forcée des œuvres de l’esprit. En effet, pour préserver les bénéfices de ceux qui n’ont rien fait pour les mériter, elle bloque les droits des œuvres sur plus de soixante-dix ans !
Quand elles sont d’un intérêt public important (musiques, chansons, tableaux, etc.) cela ne pose pas de gros problèmes, mais s’agissant d’œuvres concernant un petit public, leur seul avenir est la disparition puisque les personnes susceptibles de faire vivre ces œuvres sont souvent contemporaines de l’auteur et mourront avant la fin des droits. Quant aux héritiers, constatant les efforts nécessaires à faire perdurer l’œuvre de leur défunt, ils auront tôt fait de laisser tomber : ils n’ont rien fait pour la faire naître et prospérer du vivant de leur parent, ne rêvez pas qu’ils feront quoi que ce soit après sa mort. Sans compter que si l’œuvre en question n’est pas de leur goût, ils veilleront jalousement à lui offrir un enterrement de première classe.
Protéger la mémoire
Il ne s’agit pas de chercher l’éternité pour soi. non, ce qui importe est de veiller à ne pas laisser perdre la connaissance. Que vous soyez auteur ou simplement en possession mondaine d’éléments de connaissance importants, organisez-vous pour assurer la survie des outils de mémoire et de connaissance.
La meilleure façon est de léguer officiellement ce qui vous appartient à des personnes ou des organismes aptes à les recevoir. Attention, très peu d’associations peuvent recevoir des legs. Un don manuel anticipé est donc préférable. Il en va de même des droits moraux. Donnez-les ou léguez-les à des personnes dont vous pensez qu’elles auront à cœur de faire vivre votre œuvre sans se soucier de sa rentabilité financière.
En tout état de cause, bannissez l’expression : « Après moi le déluge », car ne n’est pas le déluge qui attend votre travail, mais plutôt l’anéantissement immédiat et conjoint, comme c’était le cas quand les inquisiteurs jetaient dans le bûcher où ils avaient mis les bons-chrétiens, leurs bibliothèques et leurs œuvres.
Guilhem de Carcassonne – 25/07/2019