La foi cathare

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La foi cathare

Le sujet de la foi interroge beaucoup, car en règle générale, il se pose assez peu dans les autres christianismes ; disons plutôt qu’il semble aller de soi. Le catharisme a cette particularité que la foi n’y est pas fournie « clés en mains », mais doit se construire, notamment par la connaissance et l’introspection.
Celui ou celle qui découvre le catharisme entre donc dans un domaine vierge pour lequel il ne dispose d’aucune référence valable, alors que l’ensemble paraît avoir un air de déjà vu.
Je voudrais essayer, à la faible lumière de mon expérience et de mes propres réflexions, de vous présenter la foi cathare de façon suffisamment simple pour que chacun puisse mieux en comprendre les différents stades.
En effet, la foi cathare n’est pas monolithique, mais elle est en évolution permanente et les différents stades que j’ai identifiés me semblent comparable à la vie d’un être humain, à savoir, la petite enfance, l’adolescence, l’âge de la vie active, la maturité et la retraite.

La découverte de sa foi

Habituellement, les gens découvrent le catharisme, s’y intéressent, approfondissent sa connaissance par la sympathie qu’il leur inspire, et parfois, se sentent aspirés par cette religion qui leur paraît répondre à leurs conceptions spirituelles.
Ce premier éveil s’accompagne généralement d’une forme d’exaltation, plus ou moins marquée selon chacun, qui correspond à celle du petit enfant découvrant le monde.
Le croyant est emporté par la joie d’avoir acquis la conviction d’être enfin en accord sur le plan spirituel avec d’autres ; l’entrée dans une ecclesia— une Église — c’est-à-dire une assemblée humaine portée par une identité spirituelle a de quoi nous emporter.
C’est logiquement un moment propice à une frénésie d’apprentissage, de découvertes, de comparaisons et un désir profond d’aller encore plus loin, afin de se rapprocher du but ultime : la Consolation.

C’est aussi l’âge où les erreurs d’orientation doivent être identifiées pour éviter que le cheminement ne s’approfondisse dans l’erreur de route. L’homme a un instinct grégaire qui le pousse à rechercher la compagnie des autres, et ce dans toutes les composantes de sa vie. « Accrocher » le wagon cathare est un comportement logique pour ceux qui se sentent SDF (sans doctrine fixe), mais si ce wagon n’est pas le bon, il faudra du temps pour s’en rendre compte et cela rendra d’autant plus difficile le retour à la gare où le bon wagon sera peut-être déjà parti dans une autre direction qui nous aurait mieux convenue.

Comme la petite enfance est le moment le plus important de la construction de l’adulte en devenir, ce premier stade de l’éveil est important pour le devenir du futur chrétien cathare. C’est là qu’il devra trouver des guides et des compagnons de route qui sauront lui montrer les écueils les plus graves et qui pourront l’aider à trouver la voie de son propre avancement pour un meilleur cheminement.
En fait, la première chose qu’il devra intégrer c’est que le cheminement demande de l’humilité et beaucoup de patience.

L’entrée réelle dans la foi

Comme l’adolescent qui quitte le monde merveilleux de l’enfance pour affronter les premières difficultés de la vie, les premiers déboires que ses parents ne pourront pas gérer pour lui et les premiers choix essentiels qui vont déterminer son avenir, le croyant cathare va lui aussi rencontrer des épreuves et faire des choix essentiels.
Le croyant qui a su calmer ses impatiences et qui a compris les dangers que la vanité place devant ses pas, va logiquement chercher à affermir sa foi grâce à une bonne connaissance de sa religion. Finies les dérives classiques du début, où l’on cherche à toujours vouloir trouver dans une religion autre chose que ce qu’elle nous propose. Le croyant cathare de ce stade n’en est plus à accumuler les religions possibles ; il a fait son choix et il sait vers où il veut aller. Il sait aussi que la connaissance, au combien indispensable, ne l’empêchera pas de devoir un jour avancer sans garde-fou. Car la foi est justement cette action où l’on avance sans aucune garantie que l’on va trouver du solide sous son pas. J’évoque souvent pour illustrer cela, le moment dans le film : Indiana Jones et la dernière croisade, où le héros doit faire la dernière partie du chemin censé le mener au Graal en passant les épreuves du pénitent qui donne lieu à des pièges physiques dans cette histoire. L’humilité vient en premier, qui le conduit à adopter l’attitude voutée qui le sauve de scies automatiques, puis la marche dans le nom de Dieu qui lui évite de tomber dans les éboulis, etc. Mais le moment suprême est celui où il doit affirmer sa foi. En effet, il se trouve dos à une paroi rocheuse et face à l’entrée de la grotte dont il est séparé par un gouffre immense. Entre les deux, rien ! Pas de pont, pas de corde tendue, aucun moyen de passer normalement. Alors, il se rappelle que la foi est comme un saut dans le vide et il pose son pied au-dessus de ce gouffre. Surprise ! il découvre qu’un pont existe, mais qu’il lui était caché par une illusion d’optique, et ainsi il peut continuer à avancer.
Cette image est excellente. Si l’on a suffisamment acquis de connaissances pour savoir ce qu’est vraiment le catharisme et si l’on a suffisamment étudié sa propre conviction pour savoir ce à quoi notre intuition nous pousse, l’esprit éveillé en nous va nous convaincre de changer de paradigme. Ce ne sont plus les yeux humains, susceptibles d’être trompés par toutes sortes d’illusions, qui peuvent nous guider, mais les yeux de l’esprit qui savent que Dieu ne peut pas nous abandonner. Et nous faisons aussi ce pas au-dessus du gouffre des peurs mondaines pour toucher pour la première fois le « pont » qui nous mène à la foi affermie.
Désormais les choses sérieuses commencent et il faut être certain de notre engagement, car une hésitation ou une erreur que l’on hésiterait à reconnaître nous mènerait à l’erreur qui serait gravissime pour notre salut.

La spiritualité active

Après ce passage difficile, douloureux parfois aussi, vient le moment, où porté par notre foi, nous cheminons sereinement en approfondissant la connaissance des ressorts profonds du catharisme et en ressentons pleinement la spiritualité.
Tout au moins est-ce le début de cette phase. En effet, comme l’adulte qui s’est lancé dans la vie active, le croyant confirmé va rencontrer nombre d’écueils à son cheminement. Bien entendu, le premier est celui de l’humilité aiguisé par la vanité et l’impatience. Le sentiment d’avoir fait un bon bout de chemin peut se transformer en certitude d’être presque arrivé. Le souvenir des difficultés rencontrées peut conduire au désir d’être reconnu comma ayant déjà surmonté toutes les épreuves. L’altérité, c’est-à-dire l’accompagnement d’autres croyants, est le meilleur moyen d’apprendre à tempérer cette attitude.
Mais comme ce jeune adulte, nous sommes amenés à faire des choix dans notre cheminement, à nous positionner, notamment vis-à-vis de nos proches, dans notre vie mondaine et à interroger la force de notre engagement spirituel. Le catharisme n’est pas la religion de la facilité et du laisser-aller. Quand on a compris que le chemin est long et ardu et que les portes qui le jalonnent n’en marquent pas la fin, mais seulement les étapes, il est nécessaire de se poser la question de la validité de son choix spirituel face à cette impression d’être face à un mur et de ne plus bien distinguer ce qu’il y a devant.
Je ne dis pas cela pour faire peur, mais pour vous rassurer au contraire. En effet, ce moment est généralement marqué par le doute. Le doute fait peur, car on y voit la marque d’un engagement insuffisant, d’une possible erreur de cheminement, d’une foi vacillante et faiblarde. En fait, c’est le contraire. Le doute a plein d’avantages. Il nous oblige à revoir de fond en comble notre engagement, ses motifs, sa genèse et son déroulé. Ainsi, la connaissance acquise nous permet de disposer de moyens de confronter nos choix à la réalité du catharisme, afin de savoir si nous nous sommes trompés ou pas. Il nous oblige à vérifier si nous maîtrisons bien les fondamentaux du catharisme. La non-violence est relativement facile à comprendre à ce stade. Elle doit concerner non seulement les autres, mais nous également. L’humilité est toujours le plus difficile à appréhender et à surmonter. Notre mondanité, encore fortement ancrée en nous, nous confronte à un monde profondément vaniteux, égoïste, méprisant, individualiste et aveugle à tout ce qui ne lui importe pas. L’humilité en ce monde est un boulet. Nous devons le traîner et considérer qu’elle ne nous ralentit pas, comme on pourrait le croire à priori, mais qu’elle nous évite d’aller trop vite et donc de courir le risque de quitter la route.

Si nous sommes sur la bonne voie, nous aurons alors logiquement des doutes sur la qualité de notre engagement, sur notre capacité à comprendre et intégrer la doctrine cathare dans nos choix spirituels et à poursuivre en ce monde avec ce bagage apparemment si peu adapté à notre cheminement. L’étude des religions nous montre que bien d’autres avant nous ont eu, eux aussi ces moments de doute intense : Gandhi, mère Teresa, et même un certain Jésus qui, dans la noirceur de sa dernière nuit, espérait encore ne pas devoir boire la coupe. Le doute est fondamental et la peur de l’échec est salvatrice. Certes ; il nous provoque de grandes souffrances et ceux qui le vivent seuls courent le risque d’échouer par abandon.
Mais, comme l’adulte qui finit par assumer ses choix et qui en accepte les conséquences, le croyant qui eu le temps de confirmer la valeur des siens va pouvoir continuer d’avancer.

La maturité

En fonction des choix que l’on fait dans la période précédente, la période de la maturité va revêtir des aspects eux aussi différents.
Entre le croyant avancé en noviciat et celui qui reste dans le monde en raison de ses engagements, la différence peut sembler énorme. Elle ne l’est pas tant que cela. Le premier s’entraîne à l’ascèse pour approfondir la spiritualité cathare dans ses tréfonds et le second la vit de façon moins approfondie, mais la confronte davantage à la mondanité. L’un est apnéiste quand l’autre est un marathonien. Les deux apprennent à séparer le mondain du spirituel pour que l’esprit qui est en eux puisse se détacher de la dépouille de l’Adam qui s’oppose à leur projet de résurrection.
Le novice qui a eu la chance de pouvoir s’extraire du monde à volonté, doit apprendre à explorer la religion cathare en comprenant qu’il n’ira que d’échec en échec, car la vivre dans la perfection n’est pas possible en ce monde. Vu de dehors on pourrait le trouver excessif et injuste envers lui-même dans ses exigences, mais lui sait qu’il n’en est rien. « Le diable est dans les détails » dit-on, et c’est vrai ! Les petites erreurs et les compromissions apparemment sans importance sont le lit de l’infection qui conduit à tout relativiser. Plus le novice sera rigoureux, plus il compensera l’avantage qu’il a de pouvoir tenir le monde à distance plus facilement que d’autres.
Le croyant avancé pris dans le monde, doit accepter son état sans se plaindre. Dieu n’est pas caché dans une maison cathare. On peut suivre sa voie partout et en tout temps. L’application de la règle est certes moins facile et parfois impossible, mais rien n’empêche de l’adapter à son contexte de vie. L’erreur que l’on peut commettre à ce moment est de penser que l’on n’est pas responsable d’une situation qui s’impose à nous et qu’il suffit de laisser le temps filer jusqu’au moment où l’on pourra demander la Consolation aux mourants. Grave erreur ! Ce n’est pas parce que l’on ne peut entrer en noviciat qu’il faut rester les bras croisés. Au contraire, le cheminement que l’on fera jusqu’au moment opportun, soit de rejoindre une communauté pour y vivre ses dernières années, soit de la rejoindre dans son agonie lors d’une Consolation aux mourants, est essentiel à la réussite de ce dernier moment.

Si les trois premières étapes ont aidé à construire la foi, celle-ci la met en pratique.

La retraite

Contrairement à celle que bien des travailleurs, épuisés par une vie de labeur, imaginent, la retraite du croyant est à l’image de celle de nos retraités d’aujourd’hui : particulièrement active.
Difficile pour moi de vous la détailler, car je n’en suis pas encore à ce stade. Je vais donc essayer de vous en dresser un portrait approximatif.

À l’instar de la Consolation qui en marque le commencement, quelle qu’en soit la durée effective ensuite, la retraite du croyant devenu chrétien est active dans la spiritualité. C’est la période où se produit enfin la bascule entre la part mondaine et la part spirituelle du mélange qui nous définit. Le spirituel prend enfin réellement le pas sur le mondain et l’on entre dans ce que les anciens appelaient l’ataraxie.
Le Consolé n’en a pas fini d’approfondir sa foi quotidienne, mais il en appréhende tous les éléments : il n’est plus de ce monde ! Comme Christ disant au jardin de Gethsémani : « Mais que ta volonté soit faite », il s’abandonne enfin totalement à la volonté divine qu’il sert depuis si longtemps. On comprend bien qu’un tel état ne peut survenir ex abrupto et qu’il faut s’y préparer, comme je l’expliquais précédemment.
Certes le Consolé qui va vivre plusieurs années sera toujours en butte aux tentatives déstabilisatrices du monde désireux de le faire échouer, mais il en connaît tous les rouages et rien ne peut plus l’atteindre en ce monde qu’il a quitté volontairement.
Je ne peux pas vous en dire plus, car c’est à peine si j’entrevois ce que je vous décris. Aller plus loin serait manquer d’humilité et faire preuve d’impatience.

Éric Delmas, 26 septembre 2018.

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