Gérer l’eau potable en autonomie
Parmi les deux éléments basiques indispensables à notre survie, l’eau est le seul qui ne nous est pas accessible immédiatement en tous lieux.
En outre, l’eau potable ne représente qu’une toute petite partie de l’eau disponible et la dérive moderniste s’est accompagnées d’obligations légales qui favorisent les modes de traitement les plus inadaptés à la volonté de développement durable, voire les moins écologiques.
Le choix de l’autonomie impose donc de récupérer de l’eau en quantité suffisante et de la traiter pour la rendre potable tout en étant en mesure d’en apporter la preuve en tous temps et à toute autorité en faisant la demande.
Dans un projet visant à l’autarcie il faut considérer la situation la plus extrême, car toute amélioration des conditions d’accès à l’eau viendra en déduction des efforts consentis et le risque d’aggravation de la situation avec le temps sera quasiment nul.
Quelles sont les eaux disponibles ?
D’abord, nous avons les eaux déjà présentes à la surface de la Terre ou juste en dessous. L’eau salée est exclue car son traitement est très lourd et très polluant. Les eaux des lacs demandent aussi des traitements importants et les eaux de rivières également en raison notamment de l’activité industrielle et agricole en amont.
Les eaux de résurgence, comme les sources, sont intéressantes de même que les eaux souterraines, ce qui n’interdit pas une surveillance de leur qualité d’eau potable.
Ensuite, nous avons les eaux pluviales. Cependant nous savons que la pollution atmosphérique est une source de pollution des eaux pluviales, notamment en les acidifiant.
Quelle effluents produisons-nous ?
En fait, comme souvent en matière de recherche d’autonomie, le facteur primordial est l’économie. Ce que l’on ne dépense pas ne nécessite pas de remplacement, ne produit pas de pollution et ne vient pas en déduction des ressources naturelles.
Or, notre consommation d’eau produit de la pollution regroupée sous deux termes, les eaux grises et les eaux brunes.
Les eaux grises sont constituées des rejets d’eaux polluées par l’usage que l’on en fait et qui va les charger de produits chimiques, de métaux lourds, d’éléments bactériologiques, etc. Ce sont les eaux issues du lavage (voitures, terrain, vaisselle, lessive, douche et bain, etc.) qui ne sont donc plus aptes à la consommation directe (boisson et cuisine) ou indirecte (vaisselle, toilette). Elles peuvent néanmoins être retraitées facilement et resservir pour les mêmes usages. En fait, elles pourraient être rendues potables si d’autres sources n’étaient pas disponibles.
Les eaux brunes sont des eaux issues du mélange avec les matières fécales (eaux des WC et des fosses septiques). Leur retraitement avant remise en circulation naturelle produit des boues, matières hautement polluantes souvent épandues dans les champs comme fertilisants.
Si l’on réduit fortement la production d’eaux grises et brunes le besoin global en eau sera fortement réduit et sa production locale deviendra possible.
Les eaux brunes peuvent être totalement supprimées. Voir le chapitre consacré à ce sujet ci-dessous.
Les eaux grises
Les eaux grises peuvent être traitées par un meilleur usage et par une moindre pollution à la source.
Déjà il faut s’équiper de façon à réduire les gaspillages. Par exemple la récupération des eaux de lavage alimentaire (nettoyage des légumes) permet une réutilisation sans nécessité de traitement pour des usages secondaires (lavage de surfaces, arrosage des plantes). La mise en place d’un circuit fermé permet de réutiliser presque à l’infini des eaux qu’un filtrage simple rend tout à fait saines pour des usages non alimentaires. L’eau de la douche et des lavabos, celle des machines à laver, etc. peuvent être stockées dans une cuve à part et filtrées pour resservir dans le lave-linge, pour le nettoyage des surfaces et pour l’arrosage.
Cela nécessite cependant des frais, d’autant plus faibles qu’ils auront été anticipés, car les circuits d’eau potable et d’eau de récupération doivent être séparés. Dans la mesure du possible il est également intéressant de pouvoir réchauffer l’eau destinée au lave-linge pour économiser l’utilisation d’une résistance électrique énergivore.
Le traitement des eaux grises passe par le filtrage et l’épuration.
Le filtrage peut s’opérer de diverses manières. Par décantation sur lit de graviers et de sable de plus en plus fins ou dans des filtres placés sur le réseau interne. Le traitement des produits à risque peut se faire dans un système de filtration biologique faisant appel à des éléments micro-biologiques naturellement présents dans les systèmes racinaires de certaines plantes aquatiques.
Ce principe est beaucoup moins lourd à gérer que les mini stations d’épuration car l’absence de boues issues des eaux brunes permet une épuration plus simple et plus efficace pour les eaux rejetées dans la nature.
Il est une question qui revient sans cesse quand on réfléchit à des solutions pour réduire la consommation d’eau et pour valoriser les excréments.
Pourquoi devrions-nous envisager de repenser l’élimination de nos excréments ?
Nous l’avons dit, les deux premiers arguments sont écologiques :
– limiter le gaspillage de l’eau potable utilisée dans nos toilettes actuelles ;
– limiter notre empreinte polluante sur la planète dans l’espoir de retarder les effets néfastes de notre pollution.
L’argument économique n’est pas neutre. Diminuer sa facture d’eau de 20% est appréciable.
L’usage de toilettes adaptées permet aussi de réduire la consommation de produits d’entretien.
En effet, la stagnation d’eau dans les siphons qui permet d’empêcher la remontée des mauvaises odeurs est génératrice de deux problèmes :
– la formation de tartre car nos eaux sont calcaires ;
– la cristallisation de l’urée contenue dans l’urine par contact avec les minéraux de l’eau.
Cela oblige donc à vidanger régulièrement nos toilettes avec une quantité d’eau non négligeable (environ 3 litres de nos jours avec les wc modernes).
Le fait de mélanger les matières fécales avec de l’eau à une température moyenne favorise la prolifération microbienne dont les souches pathogènes résistent à des températures moyennes. Elles se retrouvent dans les stations d’épuration et, si ces dernières ne chauffent pas les boues à plus de 50°C, elles partiront dans les zones agricoles d’épandage avant de revenir à terme dans nos légumes.
Le mélange de produits chimiques et des matières fécales ainsi que des urines favorise la production de métaux lourds qui se retrouvent aussi dans les boues d’épandage.
Au total, outre le coût de traitement (eau, électricité, produits d’entretien) et le coût de traitement collectif (stations d’épuration), sans oublier la pollution générée, nos excréments sont perdus alors que leur caractère écologique est sans conteste réel et majeur.
Pourquoi acheter des engrais azotés chimiques, voire du fumier pour notre potager alors que nous gaspillons ceux que nous produisons naturellement ?
Il existe deux alternatives aux système de toilettes à chasse d’eau.
Tout d’abord un système vieux comme le monde s’appelant toilettes sèches était associé à l’image d’une caisse en bois percée d’une lunettes, à la façon des latrines de nos aïeux, et d’une caisse contenant de la sciure.
Avant de faire ses besoins, on versait une petite pelletée de sciure et l’on recommençait ensuite après avoir fait ses besoins.
Autant dire que ce système fut l’objet de nombreuses critiques car avec un seau de contenance normale, un famille de quatre personnes devait effectuer la vidange tous les jours et avec les systèmes les plus récents, tous les quatre jours. L’inquiétude portait également sur les odeurs, car qui n’a pas en tête celles dégagées par les WC de jardin des fermes d’antan ou les feuillées des camps de notre adolescence.
Un nouveau système, plus perfectionné, économique, performant, inventif et pratique est apparu, les toilettes sèches à séparation. Ces toilettes sèches ressemblent à des toilettes modernes et disposent d’un séparateur d’urine incorporé. Un adaptateur fourni permet aux enfants de les utiliser sans problème.
Un clapet associé à une ventilation permet d’isoler les matières fécales et de les sécher afin de supprimer les odeurs ce qui permet à une famille moyenne de vider le bac tous les quatre jours environ. Le contenant plastique et le sac bio-dégradable rendent la manœuvre parfaitement simple et propre.
Les matières sèches sont valorisées par compostage ou fumure.
L’urine est soit éliminée avec les eaux grises, soit mieux encore collectée dans un bac spécial que l’on peut connecter à un système d’arrosage pour valoriser le jardin. Pour ceux qui rechignent à uriner assis, des urinoirs existent qui utilisent diverses technologies dont une basée sur le principe de membranes qui s’accolent en situation humide empêchant toute remontée d’odeur. Ce système quasi inusable et sain associé à une cuvette mixte permet de satisfaire les hommes, les femmes et les enfants.
En outre, la suppression de l’arrivée d’eau et de l’électricité permet de confortables économies.
Lorsque j’ai écris cet article je fus enthousiasmé par cette technique. Malheureusement quelques recherches m’ont vite convaincu que si elle est un progrès considérable par rapport aux toilettes à chasse d’eau, elle n’apporte pas de véritable bénéfice écologique.
En effet et c’est d’ailleurs parfaitement admis dans le cadre de l’élevage, le concept visant à mélanger fèces et urines à de la cellulose est le seul système réellement écologique car la liaison moléculaire entre l’urine et la cellulose provoque une réaction chimique indispensable à la création d’humus à partir des fèces et bloque réellement les odeurs alors que les toilettes à séparation ont besoin de membranes et de ventilation pour éliminer les odeurs des urines et des fèces.
Ainsi des hôtels ont installé des toilettes sèches à litière bio-maîtrisée dans les chambres, en les cachant derrière un paravent, sans que les clients soient incommodés. Au contraire, cette réaction chimique dégage une légère odeur de sous bois. Maintenant, si à l’échelle individuelle un tel système ne pose aucun problème de maintenance, puisque une personne peut se contenter d’une vidange hebdomadaire, elle reste problématique dans un cadre collectif.
Les habitations en immeuble ne disposent pas des moyens de gérer le bio-compost même si certaines villes commencent à installer des composteurs public. Je rappelle néanmoins que les toilettes sèches nécessitent un compostage fermé afin que la température du compost s’élève au-dessus des 50° garantissant l’élimination des bactéries pathogènes.
Dans le cadre d’un habitat collectif, comme par exemple une communauté chrétienne cathare, l’idée de vidanger chaque jour les matières de l’ensemble du groupe peut rebuter certains. Je rappelle néanmoins que ce travail n’est gênant que d’un point de vue intellectuel car ces matières sont d’ores et déjà en cours de transformation et ne dégagent pas d’odeur nauséabonde. Mais rien n’empêche d’installer des toilettes à litière bio-maîtrisée (TLB) individuelles afin que chacun gère ses propres déchets.
je vous invite à lire les explications de ce scientifique sur l’intérêt de la TLB.
L’eau potable
Au total, il ne reste plus à fournir que l’eau potable pour usage alimentaire (boisson, lavage des aliments et cuisine) et pour la toilette (douche, lavabo). Extrait du site futura-sciences : « Pourtant, seulement 2,5 % de cette eau potable est réellement utilisée pour boire et cuisiner. Le reste alimente des usages qui ne nécessitent pas de l’eau potable : nettoyage et jardin (6 %), lessive (12 %) et wc (20 %). ».
Même si l’on surévalue de façon importante ce chiffre, il est clair que la production de cette eau devient raisonnablement envisageable grâce à l’eau de pluie.
La récupération intégrale de l’eau d’écoulement des toits peut-être optimisée par une forme de toiture adaptée ou, mieux encore, par la végétalisation qui augmente la récupération de 40% environ.
Stockée dans une cuve, idéalement en béton pour favoriser la neutralisation du pH acide et favoriser la reminéralisation (même si cela semble moins important qu’on ne le pensait encore récemment), cette eau doit être filtrée dans des des filtre micrométriques (charbon, céramique) afin de libérer une eau filtrée à 5 micromètres qui sera ensuite stérilisée dans un tube à UV. Les plus paranoïaque pourront même ajouter un système à osmose inversée pour disposer d’une eau de qualité nettement supérieure à celle du réseau. Des contrôles réguliers en laboratoire, via le pharmacien du village le plus proche, permettront de confirmer sa qualité au fil du temps pour quelques dizaines d’euros mensuels.
Voilà quelques outils pour gérer au mieux la problématique principale d’une installation en zone isolée et favoriser l’autonomie intégrale. Bien entendu le pompage d’une source naturelle ou d’une nappe via un puits viendront en déduction de ces efforts.
Voici quelques sites présentant ces solutions :
Futura science : le gaspillage de l’eau potable
Association Pierre & Terre : les toilettes sèches
Label verte : toilettes sèches ou à séparation
Eutarcie : lire la série d’articles sur le sujet. Essentiel !
Éric Delmas, 15 août 2011.