Autonomie et économie
Vivre un projet de communauté mondaine, sous-tendue par un objectif spirituel cathare, impose de réfléchir à une ascèse qui dépasse le simple cadre alimentaire ou vestimentaire, quoique il y ait là aussi pas mal à dire.
Un point important est d’éviter gaspillage et interaction environnementale excessive.
Si l’on veut vivre avec peu de moyens financiers il faut penser à atteindre une certaine indépendance vis-à-vis de fournisseurs dont les tarifs ont peu de chance de diminuer avec le temps.
Cependant, il faut tenir compte d’éventuelles difficultés avec des municipalités qui peuvent imposer des raccordements dès lors qu’on est dans une emprise territoriale équipée.
Autonomie des apports
Pour satisfaire les besoins élémentaires, alimentation, chauffage et toilette, il faut se procurer de l’eau potable et une source énergétique adaptée aux différents besoins.
Pour l’eau, il faut différencier les usages.
L’eau
L’eau destinée à l’arrosage, au nettoyage et au lavage du linge n’a pas besoin d’être potable. Celle destinée à l’alimentation et à la vaisselle doit l’être ainsi que celle de la douche et du lavabo en raison du risque d’ingestion. Or, concernant l’eau potable la France a une politique administrative assez peu cohérente.
Dans le premier cas une eau de pluie filtrée, pour en éliminer les gros débris (feuilles, brindilles, mousse, etc., suffit largement. L’acidité de cette eau de pluie peut être compensée par l’usage d’un récupérateur en béton ou l’adjonction de parpaings dans un récupérateur plastique.
Concernant l’eau de boisson, il faut une filtration compatible avec une potabilité réelle (filtres céramique, osmose inverse, stérilisation U.V.), mais l’Administration refuse toujours de reconnaître la potabilité d’une eau obtenue hors réseau. Pour une sécurité optimale, il convient de faire réaliser par un laboratoire une analyse semestrielle (légale) ou trimestrielle (sécurité).
Mais la solution passe surtout par des économies. La plus connue est l’usage de toilettes sèches ou à séparation, car les WC absorbent jusqu’à 40% de l’eau (le plus souvent potable en outre) d’un foyer.
Il est également possible de faire des économies en récupérant et en filtrant l’eau de l’évier ou des appareils de lavage et en les ré-utilisants dans des circuits ne nécessitant pas d’eau potable (arrosage, lavage véhicule ou terrain).
Réduire de moitié la consommation d’eau n’est donc pas utopique et peut permettre de l’adapter à la fourniture pluviale. Certes, la disponibilité d’une source souterraine est un confort supplémentaire mais pas toujours financièrement aisé. Ne pas oublier que l’eau issue d’une nappe phréatique est souvent moins garantie en terme de qualité que l’eau de pluie en raison de la pollution chronique des nappes phréatiques.
L’électricité
L’apport électrique est indispensable pour les appareils utilisant cette énergie et peut même constituer une énergie unique pour tous les usages (appareillage, chauffage, éclairage, cuisine).
Cependant, l’électricité n’est pas bon marché à moins de pouvoir la produire à moindre coût et de pouvoir trouver des sources d’économie.
L’éclairage peut faire appel à des astuces utilisant le soleil grâce à une disposition judicieuse des ouvertures et de l’habitat lui-même. On peut aussi choisir des éclairages peu consommateurs comme les ampoules LED, d’autant plus intéressantes dans un habitat de dimensions réduites.
Une partie de l’électroménager peut être repensé en termes d’économie surtout dans une optique de vie ascétique. Foin de la plupart des appareils énergivores. La cuisson des aliments peut aussi se faire, alternativement, via des fours solaires artisanaux convenant bien aux ragoûts de légumes ainsi qu’à la cuisson des féculents (céréales et légumineuses). Pour les cuissons à la poêle, une parabole solaire peut convenir.
Enfin, un four à pain à bois assurera, outre cette fonction, celle de cuisson des quiches et tartes ou pizzas.
Le choix d’un électroménager peu énergivore et adapté à un usage économe (lave-linge ou vaisselle alimenté en eau chaude) et le recours à un chauffe-eau solaire fera sensiblement baisser les frais.
L’apport électrique peut recourir à trois sources largement dominées par le photovoltaïque. L’éolien n’est pas toujours rentable et est très long à mettre en œuvre en raison d’une législation dissuasive qui fait durer les procédures. L’hydroélectricité nécessite un cours d’eau adapté à proximité immédiate et un accord des autorités locales (droit de bief). Attention à bien adapter la captation pour éviter toute nuisance à la faune aquatique.
Un point très important est que l’autonomie électrique totale est difficile à obtenir, ce qui peut justifier de se raccorder au réseau ERDF pendant les premières années de façon à adapter les apports et les dépenses pour atteindre l’autonomie. Attention également aux surcharges ponctuelles qui nécessitent de trouver des systèmes de décharge pour éviter de détériorer le réseau local.
Le chauffage
Le chauffage est un poste de dépense important. Il est donc logique d’essayer de s’en passer. Cela implique une forte passivité du bâti (RT 2020 = 15 Kwh/m2/an) qui fait de la maison un habitat à énergie positive. L’isolation est donc essentielle, mais la recherche d’une totale étanchéité peut au final revenir plus cher que prévu. Il faut trouver un équilibre raisonnable, car le chauffage fait appel à des énergies fossiles ou au bois dont la pollution aux particules fines risque d’en rendre l’usage délicat à l’avenir.
Le chauffage qui semble le plus intéressant serait obtenu par plancher chauffant à basse température qui, dans l’idéal, serait couplé avec le ballon d’eau chaude sanitaire solaire. Ainsi l’eau accumulée serait toujours en mouvement et serait mieux rentabilisée en période de chauffage.
Un complément d’apports par panneaux photo-voltaïques et/ou éolienne devrait assurer l’autonomie énergétique.
On le voit bien ces techniques permettent de réaliser de fortes économies qui permettent d’obtenir un retour sur investissement pour les matériels coûteux utilisés (cuves, panneaux solaires, etc.).
Gestion des déchets
Pour les déchets solides, le compostage et la fumure permettent de recycler les déchets organiques tels que les selles pré-traitées dans les WC à séparation ou dans des toilettes à litière bio-maîtrisée. L’urine issue des WC à séparation peut être stockée et utilisé en arrosage des jardin à 20% du volume total d’eau.
L’épandage ou le filtrage en bacs plantés est la solution de filtration des eaux grises, après filtration des mousses, puisque l’usage de toilettes sèches ou à séparation supprime la production d’eaux brunes. Une filtration garantit la qualité des eaux avant leur restitution à l’environnement ou leur récupération pour l’arrosage.
Ces systèmes sont très peu coûteux et peuvent fournir à terme des engrais naturels très utiles pour le potager.
Alimentation
Même pour des personnes qui adopteraient le mode de vie ascétique des cathares médiévaux, il reste nécessaire de réfléchir aux économies réalisables dans le domaine de la production potagère.
Il est possible de produire localement les légumes verts (salades, haricots verts, tomates, etc.), quelques légumineuses à graines (petits pois, haricots mange-tout, etc.), des herbacées féculentes (pomme de terre), des fruits et des fruits secs.
La limite viendra nécessairement des compétences et des contraintes qu’imposeront de telles cultures.
Cependant, une alimentation raisonnée peut permettre de couvrir un pourcentage des besoins proche de la moitié, voire de produire en excédent certains produits qui généreraient des rentrées financières nécessaires à l’approvisionnement en moyens de culture (graines, plants, matériel) et à l’achat du reste (céréales, condiments, etc.).
En outre, un potager serait un moyen d’utiliser les fertilisants naturels générés par la vie des habitants de la communauté d’anachorètes.
Comme toujours, la viabilité de ce système est dépendant du nombre de personnes impliquées et des moyens financiers mis en œuvre, donc générés en amont.
Conclusion
Cet article constitue une fenêtre ouverte sur des recherches en cours et à venir destinées à donner à un projet de vie chrétienne cathare toutes ses chances de réussite.
D’autres viendront pour détailler les choses à la lumière des découvertes faites et pour étudier le rendement des projets, donc leur viabilité.
Ces études, loin d’éloigner le travail de l’esprit, sont indispensable à lui donner les moyens de s’exprimer dans un environnement qui ne sera, ni de nature à l’amoindrir en raison d’une opulence excessive, ni de nature à l’empêcher en raison d’une misère omniprésente.
Guilhem de Carcassonne, le 30 mai 2021. (mise à jour d’un article de 2010)