8 – Église cathare

Où est Dieu ?

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Où est Dieu ?

J’ai conscience du caractère iconoclaste de cette remarque. Pourtant je ne peux m’empêcher de me la poser quand je vois combien ce monde semble fonctionner sur le concept de l’élimination de Dieu. En effet, le mal est omniprésent et le monde souffre de nombreuses imperfections sans que l’on puisse dire clairement qui est responsable de cette situation.

Pourtant il est courant d’entendre les rescapés d’une catastrophe humaine ou naturelle remercier Dieu de les avoir épargnés. Faut-il en conclure qu’ils pensent que ce dernier est responsable de l’événement, ou seulement de leur salut ? Et que dire des religions qui font de Dieu le facteur (créateur) du monde au sens large tout en le considérant comme absolument parfait ?

Qui est Dieu ?

Le point de vue cathare

Nous avons déjà tenté d’apporter des éléments de réponse à cette question. Un croyant définit Dieu comme une « entité » spirituelle omnisciente, omnipotente et bonne.

D’un point de vue cathare, les choses sont encore plus définies. Dieu est le principe du Bien, c’est-à-dire à l’origine du Bien absolu, inaltérable et éternel. Il dispose de l’Être ce qui l’élève au-dessus du simple état principiel et en fait le seul et unique vrai Dieu.

Qu’en pensent les autres ?

Les judéo-chrétiens en font le créateur du ciel et de la terre et ils considèrent qu’il nous a créés à son image. Cela interroge. Comment un être totalement tourné vers le Bien, omnipotent et omniscient peut-il être à l’origine de créations imparfaites, indifférentes aux maux qu’elles causent, voire volontairement tournées vers le mal ? La réponse de ces courants religieux chrétiens est que le mal est dû au péché originel. Mais comment expliquer le mal antérieur à l’homme ? Plusieurs extinctions massives des espèces vivantes se sont produites avant même que l’homme n’apparaisse sur terre. La dernière et plus connue a provoqué la disparition des dinosaures voici 65 millions d’années. Le péché originel ne saurait être incriminé. C’est bien le caractère chaotique et imprévisible de la création de ce monde qui favorise et provoque des cataclysmes responsables de ces catastrophes dont rien ne nous dit que la prochaine pourrait être à l’origine de notre propre disparition.

Les hommes sont capables du pire comme du meilleur et l’actualité récente nous le confirme malheureusement de façon claire et indiscutable. Comment imaginer que Dieu ait pu nous créer à son image ? Ou alors ces religions, auxquelles nous pouvons ajouter l’islam et le judaïsme, considèrent que Dieu serait comme nous capable du pire comme du meilleur, ce qui invalide totalement l’idée princeps que l’on se fait de lui. Il ne serait plus la référence absolue du Bien inaltérable et éternel comme cela était mis en avant dans les religions polythéistes qui faisaient des dieux des entités supérieures certes, mais dotées des mêmes qualités et défauts que l’humanité. Il va sans dire que les cathares s’opposent fermement à cette idée, ce qui explique qu’ils aient énoncé la réalité d’un principe du Mal, dépourvu d’Être et seul responsable du mal dans une création imparfaite et corruptible dont il est le seul auteur.

Pourquoi le mal ?

Si certains philosophent sur le fait que le mal est indispensable au bien, on est droit de chercher un peu plus loin. Un ami philosophe, Yves Maris, disait avec une pointe d’humour que « Le mal c’est ce qui fait mal ». Certes, mais cela ne nous fait guère avancer.

Pour sortir des schémas anthropocentriques et géocentriques, voyons comment analyser le mal. Il y a le mal qui ne doit rien à l’humanité, comme la chute d’un corps céleste ou une éruption volcanique et le mal que l’on peut attribuer à l’homme, comme les violences individuelles et collectives ou le dérèglement climatique. Mais dans le cas des maux que l’on impute à l’homme, nous pouvons rétorquer que si l’homme est à l’image de Dieu, c’est ce dernier qui doit porter la responsabilité de ses actions.

En fait, la question qui se pose est de savoir si le mal est inéluctable et indispensable à l’univers. Sans la violence du big bang et ses conséquences sur les matières et les gaz qu’il a libéré, jamais les étoiles et les planètes n’auraient pu apparaître et s’organiser en galaxies. La violence de la nature modèle la terre et sélectionne les espèces pour favoriser les plus aptes et pour terraformer notre monde qui est devenu humainement vivable grâce à ces bouleversements. Il est donc raisonnable de considérer que le mal est indispensable à la création et, d’une certaine façon, qu’il lui est même consubstantiel.

C’est d’ailleurs ce que pensent les cathares. Mais au lieu de faire le grand écart en l’attribuant, directement ou non, à Dieu, ils ont eu la cohérence et la logique de considérer que cet univers était la création du démiurge, Deus ex machina du principe du Mal.

Alors, si l’univers est la création du Mal, la question qui se pose est de savoir où est Dieu ?

Dieu est un anachronisme en ce monde

Quelle est la part divine ici-bas ?

En fait, cette question est strictement humaine. Car à un moment de leur évolution, les espèces homo néandethalensis, naledi et sapiens, nos ancêtres du point de vue phylogénétique, se sont mises à rechercher une transcendance hors du monde au lieu de la vénérer dans les objets et les phénomènes climatiques. Ce changement psychologique, même s’il obéissait aussi à des impératifs mimétiques, liés au regroupement des cellules familiales nucléaires du paléolithique, signe une modification sélective et profonde d’espèces pourtant déjà installées depuis longtemps.

Pour les cathares, cet instant signerait possiblement l’infusion d’une part de l’Esprit unique — émanation divine — créant de fait un composé humain comportant, d’une part un corps et un système d’organisation appelé âme humaine et, d’autre part une parcelle spirituelle issue sans être séparée de l’Esprit unique que j’appelle l’esprit-saint pour ne pas le confondre avec le saint Esprit consolateur. C’est cette infusion qui a donné à ces animaux terrestres des capacités nouvelles qui leur a profité sur le plan intellectuel et organisationnel, même si sur le plan pratique, elle leur a plutôt compliqué la vie, contrairement aux autres « inventions » précédentes comme la bipédie et la taille des silex. On retrouve cette idée dans un film de science-fiction : 2001, l’Odyssée de l’espace où l’on voit un groupe de singes, en compétition plutôt défavorables avec leurs congénères, découvrir un monolithe noir et lisse de forme parallélépipédique dont le simple contact favorise leur évolution intellectuelle.

Si c’est cette infusion spirituelle qui a fait de nous ce composé humain, à la fois issu du mauvais et du principe du Bien, c’est que Dieu n’est pas impliqué dans ce monde ni même dans ce qui fait ce principe malin. Comme le disent les cathares et leurs prédécesseurs, Dieu est étranger et inconnu dans ce monde. Cela explique que les hommes échouent systématiquement à imaginer que Dieu puisse avoir quelque responsabilité dans l’existence du mal.

À la recherche de Dieu

Si les hommes sont sans cesse à la recherche d’un Dieu perceptible c’est sans doute parce qu’ils ont conscience qu’ils sont issus d’un ailleurs indéfinissable où Dieu serait la référence unique. Comme le disait le poète : « L’homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux ». Cela pourrait expliquer que nous soyons si fortement attirés par l’hypothèse d’une vie extraterrestre, sous la forme d’êtres qui seraient à l’origine de notre création ou qu’ils seraient débarrassés de nos tares congénitales et que leur sagesse pacifique les aurait portés à un niveau de savoir tel qu’ils viendraient à nous pour en partager une partie. Mais, notre nature étant ce qu’elle est, nous imaginons aussi qu’ils puissent être désireux de nous éliminer pour profiter des produits de notre planète ou qu’ils se soient fait passer pour Dieu afin de nous manipuler comme cela est proposé dans le film Stargate, la porte des étoiles.

Mais nous commettons l’erreur géocentrique la plus commune qui est d’imaginer que l’univers où nous vivons et celui où est Dieu sont séparés d’un point de vue dimensionnel. En fait, comme essaie de le rendre le film de science-fiction, Interstellar, nous devons considérer que l’empyrée divin n’est pas soumis aux dimensions que nous connaissons et qu’il est à la fois autour de nous et en nous, puisque la parcelle d’Esprit unique qui donne à notre corps-prison l’illusion de la durée, reste indissolublement rattachée à son origine.

Dieu n’est donc ni dans, ni hors du monde : il est ailleurs.

Le bien et le mal sont étrangers à Dieu

Une fois posée cette hypothèse, nous devons nous demander si malgré son « éloignement » Dieu peut avoir une influence sur ce monde. La réalité est claire ; Dieu ne peut agir contre le Mal pour la bonne raison que le principe du Bien et celui du Mal sont tous les deux totalement étrangers l’un à l’autre et ne peuvent agir dans la sphère d’influence de l’autre, car ils sont dépourvus de ce qui est l’essence de l’autre principe. Dieu n’a pas de mal à opposer au Mal et le Mal ne peut interférer sur la part divine qui est prisonnière ici-bas.

Dans ce monde, le bien et le mal sont toujours relatifs. Un mal peut déboucher sur du positif (un accouchement par exemple) et un bien peut déboucher sur du négatif (gagner au Loto® par exemple). Or Dieu n’est pas relatif, il est absolu ; il est donc étranger au mal dans ce monde et même au bien relatif. Cependant, il faut introduire une nuance à mon propos démoralisant. La parcelle divine qui est notre fonds réel, même enfermée dans cette enveloppe de chair et soumise aux agissements de l’âme mondaine qui cherchent à l’empêcher de revenir à Dieu, peut s’exprimer quand elle parvient à supplanter ces contraintes. Cela peut être exceptionnel ou plus régulier.

Les cathares appellent cela l’éveil, c’est-à-dire le moment où nous découvrons la réalité de notre situation mondaine et où nous décidons de changer de paradigmes, comme lorsque le héros du film Matrix, choisit la gélule rouge qui ouvre sur la vérité de son état au lieu de la pilule bleue qui lui procure un confort relatif au sein de la matrice.

Quand un être humain, cathare ou non, spirituel ou non, décide d’agir en accord avec son intime conviction d’être étranger au mal, il peut produire des choix qui produisent du bien sans provoquer en contrepartie le moindre mal. Cela est rare, mais pas exceptionnel.

Donc, quand nous voyons un bien relatif émerger d’un mal absolu, comme lors d’une catastrophe humaine ou liée à la nature, cessons de louer Dieu des vies sauvées en oubliant les vies perdues, et tentons de nous élever au-dessus des considérations bassement mondaines pour étudier les causes et les aboutissants de ce qui nous entoure. C’est par le savoir que nous pouvons accéder à un niveau de compréhension suffisant pour titiller notre part spirituelle et favoriser l’éveil. Cela ne peut venir que de nous. Alors nous saurons où est Dieu.

Guilhem de Carcassonne, le 05 novembre 2023.

Monothéisme et dualisme

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Monothéisme et dualisme[1]

La philosophie et la théologie cathares — même si ce terme peut sembler impropre s’agissant d’une spiritualité où Dieu est inconnaissable — font appel à des concepts extrêmement forts car ils ont fait l’objet d’études poussées jusqu’à leurs limites argumentaires, logiques et rationnelles.
Ces concepts sont nécessaires à la juste compréhension d’une spiritualité qui a toujours voulu que ses adeptes avancent les yeux grands ouverts afin que leur foi soit une volonté consciente et non un engagement aveugle.
Pour autant tous n’ont pas la formation générale ou plus simplement l’appétence pour de tels sujets. Il est donc nécessaire et utile de les expliquer correctement et complètement.

L’être en soi et les principes

Comme Socrate dans Phédon[2] de Platon ou comme Aristote dans Métaphysique[3], il convient de réfléchir sainement et sagement à ce que l’on pense quand on veut exprimer le plus haut niveau de manifestation d’un élément. Il s’agit donc à la fois de ce qui est premier, et de ce qui ne peut connaître quoi que ce soit d’antérieur ou de supérieur à lui. Ne dit-on pas : « Au principe de toutes choses… » ?
Qu’on l’appelle être en soi et pour soi ou principe, l’élément ainsi désigné est considéré par Platon, qui donne la parole à Socrate, comme ce qui est naturellement composé[4] et qui ne peut être décomposé — sous entendu en parties dont la réunion produirait le composé désigné — ou par Aristote, comme une cause la plus haute qui relève de ce qui est une nature par soi[5].

Ce qui ressort de cette étude c’est que le principe est donc invariable puisque de nature unique[6].

Les cathares médiévaux s’appuyaient clairement sur la philosophie d’Aristote — qui lui-même développe les théories socratiques — pour définir cette notion de principes[7]. Voici les concepts qu’on y trouve :
« … pourquoi certains êtres sont-ils corruptibles et d’autres non, s’il est vrai qu’ils sont formés des mêmes éléments ? […]… les principes ne sauraient être les mêmes.[8] ». L’analyse de la différence entre les éléments corruptibles et les éléments incorruptibles conduit nécessairement au constat de la différence fondamentale entre ces éléments.
De la même façon : « … ces principes seront-ils incorruptibles ou corruptibles ?[…]… tout ce qui périt revient aux éléments dont il est formé…[…]… comment les êtres corruptibles existeront-ils si leurs principes sont supprimés ? » la détermination d’un élément comme principe tient à son unicité indivisible.
Enfin : « Les contraires se ramènent à des principes : l’être et le non-être, l’un et le multiple.[9] » la séparation entre les principes s’étend à leurs causes et est intangible. Cet axiome est appelé principe de non-contradiction : « […] il est impossible que le même appartienne et n’appartienne pas en même temps à la même chose et du même point de vue.[10] »

Cette analyse n’est pas totalement spécifique aux cathares puisqu’on la retrouve dans les évangiles : « Ainsi tout bon arbre fait de beaux fruits, et l’arbre pourri fait de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un arbre pourri porter de beaux fruits.[11] »

Aristote nous dit également que vouloir avoir toutes les significations en même temps (dont nous venons de voir que c’était impossible), revient à n’en avoir aucune. C’est un élément qui permet de comprendre le néant de ce monde qui prétend être à la fois bien et mal alors qu’il s’agit de principes contraires et opposés.

Conclusion : Je laisse à tout un chacun le choix de s’adonner à la philosophie en reprenant ces ouvrages afin d’accéder à ces informations dans leur contexte. Pour celles et ceux que ce sujet ne passionne pas, je résumerai en disant qu’un principe ne peut accepter qu’une valeur et ne peut en aucune façon être dissocié en éléments qui le composeraient. Que de ce fait ses causes ne peuvent être liées qu’à lui et qu’il ne peut accepter des causes provenant de principes différents et a fortiori contraire. Enfin que ce qui émet l’hypothèse d’un étant qui disposerait de toutes les substances, et particulièrement de substances contraires, ne disposerait en fait d’aucune et serait un néant.

Application au Bien et au Mal

Le catharisme parle du principe du Bien et du principe du Mal préférentiellement à Dieu et diable. En effet, si l’anthropomorphisme a toujours cours car il rend les éléments transcendants plus compréhensibles du commun des mortels, il est trompeur car il laisse supposer à une forme définie de principes qui ne sauraient être réduits à cela.

Ce qui nous importe est de considérer le Bien et le Mal absolus comme indivisibles dans leur unité et comme opposés, ce qui ne veut pas dire égaux. La différence majeure qui fait du Bien le seul principe divin, est qu’il existe en positif — c’est-à-dire qu’il dispose de l’élément divin fondamental, l’Être — alors que le Mal n’existe qu’en négatif. Ce dernier est révélé lorsque la création divine émanant de toute éternité de son créateur, le principe divin, laisse transparaître le néant d’Être.

Pour simplifier ce concept je propose une image parabolique simple. Imaginons un boulanger qui veut fabriquer du pain. Il met dans une jatte tous les ingrédients nécessaires : farine, eau, sel et levure. Il remplit si bien le récipient (qui ne participe pas à la démonstration) que celui-ci est plein à ras bord, au point que rien ne puisse être ajouté sans le faire déborder. Il mélange alors les ingrédients afin d’en faire une pâte homogène et, quand le mélange est terminé, apparaît entre la boule de pâte et les bords du récipient un espace vide qui n’existait pas auparavant. C’est le néant de pâte !

Sans prétendre que ma démonstration soit indemne de critique, elle permet de comprendre deux choses. Le Mal est aussi éternel que le Bien et il n’a rien en lui du Bien ou de sa création.
On retrouve dans les rares écrits cathares disponibles cette idée du Mal nécessaire pour expliquer ce qui est perceptible en ce monde sans pouvoir être attribué au Bien, sauf à lui retirer ce qui le caractérise[12].
Le principe du Mal est logiquement éternel puisque la création divine dont il est l’image négative l’est aussi. Doit-on pour autant lui accorder le statut divin, c’est-à-dire les compétences et les qualités du principe du Bien ? Non bien évidemment puisque tout ce qui fait la qualité divine, l’Être en soi, est réservé au principe du Bien et à son émanation.

Le faux problème du dualisme

Le christianisme que nous connaissons aujourd’hui a ceci de commun avec le judaïsme et même l’Islam qu’il considère Dieu comme le seul créateur de l’univers. De fait il fallait trouver une explication à l’incohérence qui voulait qu’un Dieu parfait dans le Bien et inaccessible à quelque altération que ce soit, puisse dans le même temps créer des éléments corruptibles et tolérer le mal.
La réponse la plus couramment proposée, qui permet d’accepter à la fois un tel paradoxe et d’exonérer Dieu de toute responsabilité, est d’en faire porter la responsabilité à l’homme. Ainsi le système théologique donnait l’impression d’une cohérence, qui pourtant fut largement remise en cause au cours de l’histoire du christianisme. À partir du Ve siècle, devenu seul courant chrétien autorisé, il élimina les critiques en faisant subir à ses opposants le même martyre dont il avait été victime durant les siècles précédents.

Pour les chrétiens issu du courant paulinien, qui refusaient cette conception cosmologique, la seule réponse possible, qui n’entachait ni Dieu ni sa création — logiquement de même substance —, était d’admettre l’existence d’une autre entité entièrement vouée au mal. Mais ils n’acceptèrent jamais de considérer cette entité à l’égal de Dieu, ce qui exclut de fait les accusations de dithéisme, voire de manichéisme qui leur collèrent si longtemps à la peau. Encore aujourd’hui, que ce soit du côté des historiens ou des chercheurs en religion, ce monothéisme est déclaré dualiste afin de le différencier du monothéisme judéo-chrétien.
Pourtant le catharisme, qui est dans la même lignée théologique, n’est pas dualiste, ou plutôt devrais-je dire, il n’est pas plus dualiste que le judéo-christianisme, c’est-à-dire les christianismes mêlant judaïsme — via les éléments constitutifs de la Torah regroupés dans l’Ancien Testament — et le message christique regroupé pour partie dans le Nouveau Testament.

En effet, l’apparent dualisme du catharisme qui sépare dès l’origine le Bien et le Mal pour finalement en arriver à l’anéantissement du Mal, ne l’est pas plus que celui du judéo-christianisme qui permet au Mal de dominer l’humanité au point que la plus grande partie des hommes sont voués à l’enfer si l’on en croit les critères assurant le salut en cette vie terrestre. Certes, à la fin des temps le Mal sera vaincu mais rien ne dit que les damnés seront sauvés, bien au contraire.
Le catharisme pourrait même être considéré comme moins dualiste puisqu’il considère qu’à la fin des temps tous les esprits prisonniers rejoindront la création divine — réalisant ainsi une unité retrouvée —, ce qui n’est pas le cas des créatures du Dieu judéo-chrétien qui maintient l’exil infernal de façon éternelle semble-t-il.

En réalité, la différence porte davantage sur l’attribution ou non d’une capacité de création pure[13] au Mal et c’est en fait cela qui différencie les cathares dits monarchiens qui ne reconnaissent qu’à Dieu un tel pouvoir quand les cathares dits dyarchiens l’autorisent aussi au Mal.
Cette compétence, apparemment divine par essence, fut l’objet de longues controverses et d’ailleurs un évêque cathare du XIIIe siècle, Jean de Lugio, en proposa une explication logique très convaincante[14]. En outre, de nos jours, l’homme a déjà réussi à très petite échelle des expériences qui approchent de près cette capacité. Voilà qui réduit d’autant le caractère « divin » de cette compétence de démiurge.


[1] Étude figurant dans son intégralité dans Catharisme d’aujourd’hui de Éric Delmas, disponible dans la bibliothèque du site : www.catharisme.eu

[2] Phédon, Platon. Cet ouvrage montre Socrate, au seuil de sa propre mort, discutant de la nature et de la destinée de l’âme avec ses amis et disciples.

[3] Métaphysique, Aristote. Cet ouvrage rassemble des textes d’origines diverses mais ayant une convergence thématique. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux parties traitant de l’étude de l’Être ainsi qu’à celles traitant des principes et des causes.

[4] Phédon, op. cit., Chapitre : Les objets des sens et les objets de la pensée. Ne pas confondre, naturellement composé, c’est-à-dire réalisé directement de ce qui a été composé, c’est-à-dire qui peut donc être décomposé.

[5] Métaphysique, op. cit. Livre Γ : La science de l’être, en tant qu’être.

[6] « Ce qu’est chacune de ces choses, l’unicité en soi et par soi de son être, cela garde-t-il toujours identiquement les mêmes rapports et admet-il jamais, nulle part, d’aucune façon, aucune altération ? — Cela, c’est forcé, Socrate, garde identiquement les mêmes rapports ! dit Cébès. » Platon, Phédon.

[7] Aristote, Métaphysique (éditions Flammarion 2008). Il explique que les principes relèvent de la science de l’être, en tant qu’être (ontologie) et qu’ils ne peuvent être principes uniques de choses qui seraient contradictoires entre elles (Livre Γ). Il établit donc que des choses contradictoires doivent avoir des principes contradictoires eux aussi (Livre Δ) et que rien ne peut précéder un principe.

[8] Métaphysique, Livre B

[9] Métaphysique, Livre Γ

[10] Ibid.

[11] Matthieu (VII, 17 – 18). La Bible. Nouveau Testament, collection Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard NRF 1971.

[12] Jean de Lugio, Le Livre des deux Principes dans Écritures cathares, René Nelli aux éditions du Rocher 1995.

[13] J’emploie ce vocable qui désigne la production d’une émanation consubstantielle par différentiation avec l’acception courante du terme création qui désigna la fabrication ex nihilo ou à partir d’un substrat, comme on le voit dans les deux premiers chapitre de la Genèse.

[14] Jean de Lugio, Le Livre des deux Principes, op. cit.

Le chemin entre éros et agapè pour moi 

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Le chemin entre éros et agapè pour moi

Ce n’est pas ce que je mange ou respire qui est important, mais la manière dont je le fais : la conscience du Bien, la Bienveillance pour la manière (terme de Guilhem qui me va à ravir).

La science nous apprend maintenant que tout est vibration, tout est vivant, tout est sensible, ce que les mystiques disent depuis toujours : le Bien suprême n’a pas créé que les Hommes mais aussi tout le reste dans son assomption du Bien ; le mal étant une création du vide, de l’ombre laissée.
Donc une hiérarchie s’établit, du moins au plus, du celui qui a le plus oublié (le caillou) au plus éveillé (pour les cathares le consolé si j’ai bien compris) s’impose, mais il y a une forme de non-amour ou de cruauté dans tous mes vaines tentatives.

Pour moi le problème n’est donc pas ce que je mange (le plus bio avec le respect de la filière, de la terre, la plante, l’animal et ceux qui les font pousser) ou mes relations avec les autres mais plutôt la manière dont je les aborde, car si dans un verre de vin, je prends conscience du Bien suprême: la terre qui porte la vigne, la vigne qui porte le raisin, le vigneron qui l’élève… jusqu’à la manière d’ouvrir la bouteille en pleine conscience du Bien, ne suis je pas dans la bonne voie ?
Car du minéral à la plante puis à l’animal ne suis je pas dans une forme de cruauté plus ou moins dissimulée  ?

Je comprends pour autant la démarche du moins pire mais n’est-elle pas simplement un exercice d’entraînement plus qu’une finalité : je ne pense pas dans cette cage mondaine arriver à ne me nourrir que de lumière divine !

Philippe

Le croyant ne mange pas à la carte

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Le croyant ne mange pas à la carte !

Présentation

Cela fait longtemps que l’on me pose les mêmes questions sur l’intérêt de la religion, sur la foi, sur la définition du croyant cathare et sur les rapports entre les religions. Cela donne parfois motif à débats enflammés et à ruptures durables.

Mais il est très difficile d’expliquer à des personnes qui n’ont pas eu l’expérience de la foi intime, ce que cela recouvre. Je prends souvent l’image de l’adolescent et de l’adulte pour tenter de l’expliquer : le premier croit savoir ce qu’est la vie d’adulte et le second sait qu’il n’en est rien, mais il n’a pas les moyens de le faire comprendre au premier.
De même, dire à quelqu’un qu’il est sympathisant quand il se pense croyant ou qu’il est croyant alors qu’il se pose des questions et doute, est un exercice difficile et peut s’avérer source de conflit.

À la façon des orateurs médiévaux et même du premier siècle, je vais utiliser le principe de la parabole pour que chacun puisse mieux visualiser ce que souhaite vous faire passer comme message.

Choisir sa table

Imaginons deux personnes désirant manger dans un restaurant un peu particulier. En effet, ce restaurant propose, comme ses confrères, de manger à la carte ou au menu. Première particularité : si vous mangez à la carte, ce sera en mélangeant des mets qui figurent sur des menus différents, et si vous choisissez un menu vous ne pourrez refuser ou modifier aucun des mets qui y figurent. La seconde particularité est que si vous mangez selon les règles d’un menu, vous occuperez une place dans la salle et à la table du menu choisi, alors que si vous choisissez la carte, vous devrez vous asseoir à une table où ne se trouvent que des personnes comme vous. Et ce, même si votre choix de mets ne diffère d’un des menus que sur un seul plat.

L’avantage de la carte, que beaucoup se voient déjà choisir, est que l’on peut manger ce que l’on veut et rejeter ce que l’on ne veut pas. De ce choix peut découler un repas nourrissant et équilibré ou, au contraire, un repas mauvais pour votre santé, c’est-à-dire pour le salut de votre intestin. L’inconvénient est que vous ne pourrez pas vous intégrer à ceux qui auront choisi un menu, même si cela correspond à vos aspirations.

L’avantage du menu est que vous êtes assuré, si vous le suivez scrupuleusement, qu’il vous apportera une alimentation saine et équilibrée tout à fait utile à votre santé. En outre, vous serez à table avec des personnes qui partagent toutes vos aspirations et vos convictions. Vous serez entouré de convives qui, bien qu’installés à d’autres tables, car leur menu diffère plus ou moins du vôtre, pourront partager avec vous sur certains points et débattre éventuellement sur des sujets où vous différez, comme le choix de certains plats, la disposition des couverts, la façon de se tenir à table, etc.

Choisir la carte ou le menu ?

Certes, nous l’avons dit, choisir la carte semble le choix le plus évident : on met dans son assiette uniquement ce qui nous convient ou nous demande le moins d’efforts et ainsi on est assuré que tout le repas se déroulera de façon assez agréable. Mais le but du repas est de manger correctement, pas de se faire plaisir. Il ne faut pas confondre les activités. Et c’est d’ailleurs le problème principal de notre époque où l’on tente de nous faire croire qu’une activité sans plaisir est mauvaise et que le plaisir est la base de nos nécessités. Il vaut mieux manger bien, quitte à consommer certains mets moins faciles à manger ou d’un goût moins agréable que d’autres et être certain de la qualité de notre alimentation, que de n’ingérer que ce qui fait plaisir et de risquer l’indigestion ou une maladie sur le long terme.
Par contre, la carte nous astreint à manger séparé de ceux dont nous pensions être proche, mais qui eux ont choisi un menu. Menu qui nous plaît aussi globalement, mais dont nous voulions rejeter certains plats qui ne nous permettent pas d’affirmer notre droit au plaisir. Cette séparation, maintenant qu’elle apparaît clairement, nous met mal à l’aise, voire nous insupporte et, au lieu de nous interroger sur les motifs de nos choix, nous considérons que la faute en revient aux autres et nous fustigeons ceux qui mangent ainsi à l’écart de nous et nous mettent le doigt sur nos différences.
Il suffirait donc de choisir le menu, mais il impose des contraintes qui peuvent nous poser problème. Déjà, chaque menu nous conduit à choisir une table spécifique et pas une autre. Certes, les menus chrétiens nous placent à des tables proches les unes des autres, car les différences peuvent être très faibles parfois : la table cathare et la table gnostique ont certes une nappe et des couverts différents, mais c’est à peu près tout, même si à la table gnostique on peut éventuellement refuser un convive s’il se prénomme Paul.

Parfois, les différences sont plus marquées. La table catholique et la table protestante se supportent, mais la table musulmane veut que tous reconnaissent que son installation est la meilleure, ce que contestent la table catholique et la table orthodoxe, sans parler de la table juive où l’on sourit en coin en pensant que ces jeunes trublions ne sont que des avatars manqués de ses propres convives.
De même, les plats peuvent fortement différer d’une table à l’autre. Ces plats sont d’ailleurs parfois l’objet de polémiques violentes : l’homosexualité est absente de presque toutes les tables, la planification des naissances, l’avortement, la PMA, le mariage des ministres du Culte, etc. Ce sont d’ailleurs souvent ces points qui ont poussé d’autres convives à choisir la carte.

Les convives

Ceux qui veulent un menu précis et qui mangent à la même table

Pour ceux-là, les choses sont claires ; ils acceptent de manger tous les plats de leur menu et ils sont en harmonie avec les autres convives de la même table. Il peut arriver qu’ils jettent parfois un œil sur les tables adjacentes ou plus éloignées et s’étonnent ou raillent les choix d’organisation de ces autres tables ou les plats de leur menu.
Mais ils savent que le respect de leur menu les conduira à un repas de qualité qui, sauf accident ou changement de cap, leur assurera le salut de leur santé future.
Ils peuvent être un peu tristes de voir au loin, dans l’autre salle, des amis qu’ils croyaient proches d’eux manger à la carte faute d’avoir pu comprendre l’intérêt du menu qu’ils ont choisi.
Pour manger ainsi il faut être au courant de ce qu’implique ce menu et l’avoir suffisamment étudié et comparé pour être certain de ne pas faire d’erreur.

Ceux qui veulent manger à la table d’un menu en le modifiant

Ces amis justement auraient bien voulu manger à leur table, mais certains plats leur semblaient trop indigestes ou trop contraignants et ils ont finalement opté pour la carte, faute de pouvoir modifier le menu. Ils sont donc insatisfaits globalement, même si leurs choix les contentent sur le moment. Ils se doutent que s’en tenir à un menu doit offrir quelque chose d’important qu’ils ne peuvent saisir et dont ils ont peur que cela leur fasse défaut à terme. Alors, soit ils sont moroses, soit ils deviennent vindicatifs. Moroses, ils vont perdre un peu du plaisir qu’ils auraient dû éprouver en consommant ces mets choisis sur mesure et ils vont profiter de toutes les occasions pour se lever de table et passer à proximité de la table réservée au menu qu’ils ont finalement refusé. Vindicatifs, ils vont exprimer haut et fort leur indépendance et critiquer ceux qui les ont rejetés, ce qui est à leurs yeux une forme de mépris et d’extrémisme.
En fait, ces convives sont tiraillés par leurs envies et refusent cependant d’être à l’écart, car l’isolement les inquiète.

Ceux qui ne veulent pas de menu et qui préfèrent la carte

Mais à leur table se trouvent des personnes qui ont délibérément choisi de ne se nourrir qu’à la carte. Tout simplement parce qu’ils considèrent que la qualité nutritionnelle des menus est une fable et que leur organisme peut supporter tout ce que leur plaisir leur commandera de manger. Que ces personnes croient à une règle nutritionnelle judicieuse sans savoir l’identifier dans les menus proposés, parce qu’ils n’ont pas encore la connaissance nécessaire, ou qu’ils ne croient à aucune règle nutritionnelle et considèrent même cette croyance comme avilissante pour le libre arbitre de chacun, chacun est là pour une bonne raison. Ils l’acceptent volontiers et s’ils regardent les tables des menus, c’est davantage pour en rire ou pour plaindre ceux qui s’imposent de telles contraintes que par envie.
Pour autant, ils choisissent dans la carte des plats qui figurent dans certains menus, ce qui amoindrit un peu leur sensation d’indépendance.

La qualité du repas

Exprimer un point de vue sur la qualité du repas est un exercice difficile. En effet, ayant fait le choix d’un menu, j’ai logiquement tendance à être convaincu de l’importance de la qualité du repas et de préférer le mien à celui des autres.

Essayons néanmoins d’être pragmatiques dans notre réflexion.
De deux choses l’une : soit la qualité des repas n’aura aucune incidence sur l’état futur de notre santé et pour le salut de notre bien-être, soit il est essentiel d’avoir des repas équilibrés et de qualité pour espérer sauver notre peau.
Dans le premier cas de figure, où l’on s’installe et quoi que l’on mange, notre santé n’a pas à en souffrir. Du coup, ceux qui mangent à la carte n’ont rien à redouter et les menus non plus en fait. Certes, les cartes vont se moquer de leurs efforts et contraintes finalement inutiles. Mais ce qui compte c’est d’être en bonne santé.
Dans le second cas de figure, ceux qui mangent à la carte vont au-devant de gros ennuis et quand ils finiront par s’en rendre compte et par l’admettre, ils devront suivre un traitement et un régime draconiens pour espérer rejoindre l’état de santé des autres ; s’il est encore temps de la faire. Ceux qui auront choisi un menu, pour autant que le cœur du menu — c’est-à-dire l’équilibre alimentaire — y soit respecté, auront de bien meilleures chances d’être en bonne santé et de se sauver.

Cela correspond à la discussion que je peux avoir avec des personnes qui ne comprennent pas mes choix spirituels et qui voudraient les moquer, mais craignent mes arguments. Pour ma part, je me contente de leur expliquer que mes choix sont strictement pragmatiques. En effet, ayant choisi la voie que m’indique ma foi et le comportement qu’approuve ma morale, je n’ai que deux issues possibles :

  • soit je me trompe et il n’y a rien après la mort, auquel cas je n’aurais rien perdu puisque j’aurais vécu en accord avec mon point de vue ;
  • soit il y a bien un au-delà de la mort, auquel cas je serai satisfait d’avoir suivi ma voie.

Pour mon interlocuteur qui fait le choix de ne pas avoir la foi, il y aussi deux hypothèses :

  • soit il n’y a rien après la mort et il n’aura rien perdu non plus ;
  • soit si son comportement n’a visé qu’à satisfaire ses pulsions et qu’il y a un au-delà, il court le risque d’en supporter les conséquences.

Au final, je me trouve plutôt bien avisé d’agir comme je le fais, surtout que ce qui est vécu comme une contrainte par les autres n’en est pas une pour moi.

Conclusion

Comme dans toute parabole, il convient de proposer une courte analyse afin d’expliquer clairement les choses à celles et ceux qui hésiteraient encore sur l’interprétation à donner à ce texte.
Quand on est croyant, on accepte la doctrine de sa foi sans réserve. Si l’on veut commencer par arranger le menu à sa guise on n’est plus croyant, mais au mieux sympathisant.

Le croyant ne mange pas à la carte !

Certes, beaucoup de personnes, qui ont perdu le sens de ce que croyant veut dire, se pensent croyantes et laissent leur mondanité et leur sensualité dicter des choix qui, de fait, les remettent hors de la foi à laquelle elles prétendent appartenir. On voit notamment cela dans le catholicisme où les croyants critiquent le célibat des prêtres, le rejet de la contraception et de l’avortement, la PMA et que sais-je encore. Il est tout à fait légitime d’être choqué par certains choix de l’Église catholique ; la seule voie honnête est alors de s’en séparer au lieu de vouloir imposer ses choix.

Concernant le catharisme, c’est la même chose. Nous avons maintenant une idée précise de ce qu’est la doctrine cathare. Soit on la fait sienne et l’on est croyant, soit on voudrait en modifier certains points et on n’est, au mieux que sympathisant.

Enfin, cessons de nous focaliser sur des points secondaires. L’habitude du judéo-christianisme est de nous faire croire que tout est doctrine. C’est faux ! La doctrine est l’ensemble des points qui définissent l’attitude du croyant en vue de son salut. La cosmogonie n’est pas doctrine ; c’est tout au mieux une tentative de compréhension ou d’explication fortement limitée par les capacités de notre cerveau mondain à se projeter dans un espace qui lui sera à tout jamais totalement étranger et inaccessible.

Cependant, la cosmogonie ne peut s’opposer à certains éléments doctrinaux fondamentaux, sous peine de nullité de la doctrine et, par nécessité, de la religion elle-même. Selon les religions concernées, peu importe que l’on pense que Dieu est créateur de l’univers ou pas, que Jésus a vécu en homme ou pas, que Marie fut vierge et mère ou pas. Ce qui compte, c’est que l’on suive la doctrine de façon à pouvoir accéder au salut. Et si l’on ne peut se fixer sur une foi, cette doctrine qui est généralement à peu près la même dans toutes les religions, peut s’appliquer globalement hors de la religion et elle devient alors une morale de vie, ce qui permet à un athée de vivre aussi bien qu’un croyant.

Pour le catharisme, la cosmologie ne peut faire de Dieu le créateur d’un monde imparfait ou de Jésus un être humain volontairement déchu de son état spirituel. Mais outre le minimum cosmologique cohérent avec la doctrine, ce que le catharisme nous rappelle, comme le faisait la philosophie grecque, c’est que la doctrine seule est insuffisante ; il faut vivre au quotidien en accord avec sa doctrine si l’on veut avancer sur deux jambes et non boiter bas.

Fort de cette réflexion, je vous invite à vous interroger sereinement et en toute conscience, puis à vous comporter en accord avec le résultat de votre propre réflexion.

Guilhem de Carcassonne.

Les trois mondes

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Les trois mondes

Le démontrable et le reste

Nous sommes habitués à définir les choses selon deux critères : ce qui est scientifiquement démontrable et ce qui ne l’est pas. Les progrès de la science poussent les athées à considérer que ce qui ne l’est pas le sera un jour, ce qui leur évite de s’interroger sur les raisons qui rendent certains phénomènes indémontrables. C’est un peu la même démarche que l’on retrouve chez les religieux dogmatiques qui, face à des phénomènes incompréhensibles dans leur conception de la divinité, se content de déclarer que les desseins de Dieu sont impénétrables.

En fait, ces deux visions interdisent finalement aux hommes, croyants ou athées, de chercher à comprendre et d’avancer dans leurs recherches. Pour les cathares, l’acquisition du savoir et son analyse fine sont à la base de la justification de leur croyance qui se transformera à terme en connaissance, porte d’accès à l’éveil. Mais, si ce qui est démontrable est facile à définir, il n’en va pas de même pour ce qui n’est pas démontrable : existence de Dieu, capacités supra-sensorielles, etc.

La théorie des trois mondes

Une question que l’on me pose souvent, et que je me suis également posée, est de savoir distinguer ce qui relève de la création mondaine maléfique de ce qui relève de l’empyrée divin en ce monde sensible. D’autant que dans ce monde certaines personnes ou certains phénomènes semblent pouvoir accéder à une dimension non sensorielle.

C’est pour expliquer cela que j’ai élaboré la théorie des trois mondes.

Imaginons trois mondes : un sensoriel et visible, que nous côtoyons au quotidien, un spirituel et éternel, que nous essayons d’imaginer sans tomber dans l’anthropomorphisme et un situé entre les deux. Ces trois mondes seraient séparés par l’équivalent de membranes perméable, pour l’une, qui permet des échanges réciproques, comparable à celle que l’on trouve dans une « bobine » de rein artificiel et une semi-étanche unidirectionnelle que l’on pourrait comparer à celle posée sur la surface d’une maison, afin de permettre la sortie de l’air en empêchant la pénétration de l’eau.

Mais ces trois mondes sont difficiles à délimiter. Il peut y avoir du Mal dans le monde sensible, qui est son domaine d’excellence, mais aussi dans le monde intermédiaire et il peut y avoir du Bien dans le monde intermédiaire et, plus rarement, dans le monde sensible.

Pour évoquer ce sujet difficile il faut d’abord définir ce que sont le bien et le mal, car cela est différent de l’idée communément admise. Le bien est la manifestation sensible — et non pas simplement spirituelle — de l’action de la Bienveillance divine. Le mal, au contraire, est tout ce qui vient perturber, atténuer ou abolir cette action, manifestant ainsi l’action du Mal. Pour définir si une action relève du Bien il faut donc s’interroger pour vérifier si cette action ne peut être l’occasion d’un mal ici ou ailleurs. Les exemples pullulent où le bien pour les uns est en fait un mal pour les autres. Dans le monde sensible cela est assez facile à appréhender, mais dans le monde extrasensoriel c’est bien plus difficile. Or, justement, c’est dans ce domaine mal connu et peu accessible à la plupart d’entre-nous, que la frontière entre le bien et le mal est la plus difficile à estimer. Ce qui est clair, est qua dans un monde où le Mal domine largement, l’expression du Bien est extrêmement limitée et qu’il suffit d’un rien pour qu’un bien apparent ne soit en fait un mal. Cela est souvent refusé car, considéré comme trop restrictif, ce qui fait dire des cathares qu’ils sont trop négatifs.

Le monde sensible

Le monde le plus facile à étudier est clairement celui que nous pouvons appréhender par nos cinq sens et que nous pouvons démontrer grâce à la science ou à la philosophie.

Dans le monde sensible tout semble facile à comprendre, mais encore faut-il faire attention à la façon dont on le regarde. En effet, comme le loup revêtu d’une peau de mouton pour tromper le berger, un regard superficiel ou mal habitué peut nous faire prendre une chose pour son contraire. Il y a quelques temps déjà, suite à une de mes publications où j’expliquais que ce monde sensible étant créé par l’envoyé du Mal, qu’on l’appelle le démiurge ou le diable, une dame m’adressa une carte postale représentant un chalet suisse confortablement posé sur une prairie verdoyante. En guise de commentaire, elle m’écrivait que je ne pouvais pas honnêtement prétendre voir dans ce « tableau » une création maligne. Je lui répondis qu’elle regardait mal sa photo. En effet, vue de loin elle paraissait paisible et merveilleuse, mais si l’on zoomait sur la prairie au point de se retrouver à l’échelle des brins d’herbe, les choses étaient très différentes. Ce monde, que nous ignorons le plus souvent, n’est rien d’autre qu’un immense champ de bataille. Que ce soit les végétaux ou les animaux, ce ne sont que combat à mort pour survivre et prendre le dessus sur l’autre. Par émission de produits chimique pour les plantes et pour certains animaux ou par des luttes sanglantes, chacun cherche à se faire la meilleure place et, s’il y parvient, il continue la lutte pour la conserver. Finalement, les hommes qui sont constamment en guerre, ici ou là, paraissent presque pacifiques comparés aux autres espèces animales et végétales. La seule différence notable est que nous luttons ou tuons pour des motivations rarement vitales, voire pour le plaisir.

Il faut dire que le monde sensible est caractérisé par son incapacité à conserver un état d’équilibre qui serait propice à sa stabilité. Comme l’homme qui se déplace ou tente de rester debout de façon statique, son organisme lutte en permanence contre la perte d’équilibre, compensant une fois la chute en avant et tout de suite après la chute en arrière.

Mais il peut arriver que, dans ce monde malin, l’on puisse observer ce qui semble s’apparenter au Bien. Pourtant une analyse sérieuse nous montre clairement que ce bien s’obtient au détriment d’autre chose qui produit du mal, souvent dans des proportions plus importantes que le bien apparent. Il y a des exemples évidents : tel qui gagne le gros lot du Loto® n’y parvient qu’en raison de l’échec d’un grand nombre d’autres dont les mises lui reviennent partiellement, puisque l’État et la Française des Jeux prélèvent leur part ; un vêtement bon marché ne l’est qu’au détriment de personnes dont le travail mal rémunéré permet d’obtenir ce prix attractif, sans parler des désastres écologiques ayant présidé à sa confection. Et pour la nourriture, je ne m’étendrai pas sur la souffrance animale qu’elle nécessite, y compris pour les produits ne nécessitant pas la mise à mort, comme on peut l’observer pour les produits lactés, le miel, etc. Et la production animale, consommant en moyenne 7 fois plus de protéines et bien plus d’eau encore, aggrave la progression de la malnutrition, alors qu’une alimentation végétalienne générale permettrait de nourrir cinq à sept fois plus de population sans risque en matière sanitaire ou de développement.

Désolé de vous avoir dépeint ce monde sous un tel jour, mais la réalité, une fois dévoilée, est rarement attirante.

Le monde spirituel

Comment définir ce monde spirituel dont personne n’est jamais revenu pour nous le décrire, et même comment le nommer sans tomber dans l’anthropomorphisme et ce que je pourrais nommer le géomorphisme[1] par néologisme ? J’utilise souvent le terme d’empyrée divin qui est à peine plus clair que celui de monde spirituel. En fait, il est impossible de désigner ce qui n’a pas de réalité physique que l’on puisse appréhender, car notre imagination n’est pas assez puissante pour ce faire. Non seulement nous ne savons pas le nommer précisément, mais nous ne pouvons le définir et le situer. La raison en est simple, le monde spirituel n’a pas d’aspect physique ni de position dans l’espace et le temps. En fait, il est partout et nulle part ou, plus précisément, il est là où se trouvent ce qui constitue sa raison d’être.

Comme vous le comprenez nous entrons dans le domaine de la cosmogonie qui, en ce qui concerne le catharisme, est assez souple pour autant que sa description ne vienne pas contredire les éléments fondamentaux de la foi cathare.

Nous connaissons la cosmogonie judéo-chrétienne qui propose deux zones : le paradis et l’enfer, avec un cas peu clair appelé le purgatoire. La répartition des âmes fait penser à une sorte de gare de triage où chacun est jugé et dirigé vers le lieu adapté à son cas. Je vous invite à ce propos à lire l’inénarrable Curé de Cucugan[2] dans lequel le bon curé audois, imaginé par Alphonse Daudet, visite le paradis, le purgatoire et l’enfer à la recherche de ses anciens paroissiens. La vision populaire imaginait aussi, au début du christianisme et notamment dans le gnosticisme, un empilement de cieux de verre qui allait du moins pur au plus parfait, avec le christ occupant le septième niveau et Dieu le huitième. Paul de Tarse dit avoir été enlevé au troisième ciel qu’il appelle le paradis. De même les cathares médiévaux imaginaient que christ était descendu de son ciel en cachant sa nature (kénose) pour ne pas alerter les forces du Mal qui occupaient la terre et les premiers cieux.

Je vais donc vous donner ma vision du monde spirituel et en préciser la nature et les contours. D’abord, c’est à la philosophie que je m’en remets pour formaliser intellectuellement ce qui ne peut pas l’être. Le monde spirituel est la façon dont nous pouvons « situer » Dieu et son émanation consubstantielle, l’Esprit unique. Or, nous qui sommes « exilés » en ce monde sensible, sommes également parties du monde spirituel, ce qui montre son extrême laxité. La meilleure façon que j’ai pu trouver pour le représenter est tirée du film Interstellar[3] dans lequel le héros se retrouve dans une dimension qu’il assimile à la gravité et qui lui permet de se déplacer et d’agir sur le monde classique qu’il aperçoit au travers des rayonnages de la bibliothèque de sa fille, sans être limité dans le temps, mais sans pouvoir interagir avec elle directement. De la même façon j’entrevois que l’émanation divine est capable de pénétrer dans notre monde physique, sans pour autant y agir sur les éléments mondains ni en être affectée. Notre part spirituelle, prisonnière de notre corps physique et de notre âme mondaine, est donc à la fois contrainte en ce monde et rattachée au monde spirituel. Bien entendu, le monde spirituel n’a pour seule référence que l’Être, au sens ontologique, lequel ne peut s’exprimer que dans le Bien absolu.

Mais me direz-vous, comment situer le Mal dans tout cela ? Je dirais que l’espace d’expression du Mal est à mes yeux sa création : l’univers et tout ce qu’il contient.

L’autre approche est spirituelle et dépend de notre position vis-à-vis de la foi. Pour ma part, depuis l’adolescence, je n’ai cessé de m’interroger sur ce qui est bien ou mal, sur ce que je faisais dans ce monde, sur les raisons de ma naissance et la justification de ma mort, sur la mission qui pourrait justifier tout cela et sur l’orientation que je souhaitais donner à mes choix de vie en fonction de ma conception de l’au-delà. J’en suis arrivé à la conclusion que la morale devait guider ma vie, morale personnelle sur ma conception de ce qui est bien et de ce qui est mal, morale sociale pour définir et appliquer ma morale personnelle à mes échanges sociaux, morale spirituelle pour guider mes choix en fonction de l’idée que je me fais de Dieu.

Le monde intermédiaire

Nous abordons là la partie la plus difficile de ma réflexion. En effet, alors que nous ne disposons d’informations relativement fiables que sur un seul des deux mondes déjà présentés, comment faire pour délimiter ce monde intermédiaire ?

Tout d’abord, je suis partie du principe que ce monde ne devait pas relever du sensible et du démontrable et qu’il devait se situer un cran en dessous de ma conception du monde spirituel. Ainsi, je vois deux domaines qui pourraient relever de ce monde intermédiaire : celui de l’imagination et du rêve et celui de l’extrasensorialité.

Le premier m’est difficilement accessible, n’ayant pas une imagination débordante et n’ayant aucun souvenir de mes rêves et le second m’est encore plus étranger, n’ayant jamais eu de telles expériences. Mais j’ai côtoyé des personnes qui m’ont relaté leurs propres expériences en ce domaine et je lis régulièrement des ouvrages de personnes dont l’imagination dépasse largement la moyenne habituelle.

Comme je viens de le faire à propos du film cité ci-dessus, l’imagination conduit certains d’entre-nous à envisager des possibles permettant de faire un lien entre notre monde et ce qui pourrait relever d’un autre espace dont les dimensions et les lois physiques sont sans aucun rapport avec le monde sensible. Cette imagination hors-norme est-elle le signe d’une interaction entre le monde physique et le monde spirituel ? Je ne peux l’affirmer à tout coup ; cela dépend des conséquences de cette imagination. Ainsi le monde d’Orwell[4] qui nous est présenté dans 1984, met le Mal en évidence, ce qui me semble incompatible avec une origine spirituelle. Pour autant on ne peut ignorer certaines fulgurances dans l’imagination des auteurs de science-fiction. Ainsi, Matrix[5] est clairement plein de références à l’éveil, même s’il est peu probable que ses auteurs en aient eu conscience du point de vue cathare.

J’ai également connu plusieurs personnes ayant affirmé disposer de compétences extra-sensorielles, notamment de type précognition, qui m’ont interrogé sur la nature de ces dons. Là aussi, il faut se poser la question de savoir si ces dons sont uniquement tournés vers le Bien, ce qui semble peu probable pour différentes raisons : leurs détenteurs se trouvent ainsi favorisés par rapport aux autres, ce qui est incompatible avec la Bienveillance divine et l’Esprit unique, et ces dons peuvent être utilisés à des fins mauvaises selon la nature de leurs détenteurs. Il n’est donc pas possible de les considérer comme émanant du Bien.

Enfin, il y a le concept des réminiscences. Là aussi nombres de personnes m’ont raconté avoir eu la « vision » de leurs vies antérieures, notamment celles où elles étaient des cathares revêtus. Il est clair que cela ne peut venir du Bien, car ces visions cherchent à égarer ceux qui les ressentent en leur faisant croire à une forme de supériorité. En outre, si l’on est un cathare revêtu à une époque, on ne doit pas avoir l’occasion de vivre d’autres vies, sauf à s’être déchu de ce statut.

Ainsi, j’en conclus que ce monde intermédiaire est plus proche du monde physique que du monde spirituel. C’est à mon avis l’action de l’âme mondaine qui crée ce monde afin de mieux nous leurrer, et de nous empêcher de tendre, dans notre emprisonnement en ce monde, vers un cheminement entièrement tourné vers notre retour au Père.

Conclusion

Si j’ai pris le temps de vous faire part de mes réflexions sur ces sujets, c’est au cas où vous auriez eu, vous aussi, l’occasion d’y réfléchir et dans l’intention de vous proposer des pistes de réflexions auxquelles vous n’auriez peut-être pas pensé, mais aussi pour vous rappeler que la doctrine cathare est sans ambages sur l’effacement mémoriel qui précède notre transmigration et sur le fait que le Bien ne peut tolérer la moindre trace d’amoindrissement dans ses effets.

Guilhem de Carcassonne, le 11 juin 2023.


[1] Néologisme créé à partir du préfixe géo (la Terre) pour exprimer l’habitude que nous avons de vouloir comparer des « espaces » qui nous sont inconnus avec des références de notre vie sur Terre.

[2] Le curé de Cucugnan in Lettres de mon moulin, par Alphonse Daudet (1869) d’après un sermon recueilli par Auguste Blanchot de Brenas en 1858.

[3] Interstellar, film de Christopher Nolan (2014) réalisé sur la base de plusieurs films de science-fiction et des travaux du physicien Kip Thorne.

[4] Eric Arthur Blair, dit George Orwell, écrivain et journaliste britannique, né le 25/06/1903 en Inde et mort le 21/01/1950 à Londres, est l’auteur de livres fantastiques et philosophiques comme La ferme des animaux et 1984.

[5] Matrix, film des frères Larry (devenu Lana en 2012) et Andy (devenu Lilly en 2016) Wachowski (1999).

Le cathare dans le monde

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Le cathare dans le monde

L’objectif premier du cathare est de ne plus être du monde, comme cela est dit par Christ d’après les évangiles[1]. Mais, le consolé comme le croyant vit au quotidien dans le monde. Alors, faut-il se tenir à l’écart du monde, pour moins en ressentir les effets, si l’on veut vivre en cathare ? Non, mais il faut acquérir le juste savoir du monde pour que l’intuition, qui est la forme émergée de notre part spirituelle, puisse s’y mêler afin de faire émerger la connaissance qui conduit à l’éveil.

Le savoir du monde

Je pourrais m’en tenir à cette introduction qui contient l’essentiel de ce qu’il faut comprendre, mais pour que vous l’acceptiez en pleine conscience je dois l’analyser plus profondément.
La méconnaissance du monde mène à la répétition des erreurs, comme je l’expliquais déjà dans mon article de 2010, Le marcheur du désert.[2] Une citation de Karl Marx et Friedrich Engels nous le dit également : « Ceux qui ne connaissent pas l’histoire sont condamnés à la revivre »[3]
Il faut donc acquérir un bon savoir de ce qu’est le monde pour, d’une part éviter de refaire les mêmes erreurs qui conduisent souvent aux mêmes résultats, d’autre part pouvoir le décrypter dans sa nature profondément maline et ainsi rechercher notre part spirituelle.
Malheureusement, nous sommes aujourd’hui pleinement pris par le savoir maléfique du monde, tant au point de vue national qu’international, comme le montre une série d’événements auxquels nous sommes confrontés depuis plusieurs mois.

Au point de vue national, les événements du mois dernier sur la loi concernant la retraite montrent que la méconnaissance des règles de notre démocratie et la prégnance égotique nous conduisent à une situation préinsurrectionnelle. Au-delà des motivations des uns et des autres, il ressort de cet épisode que les opposants ne connaissent pas les lois et que ceux qui les connaissent les poussent à agir sans leur dire que c’est impossible.
En effet, un référendum — qu’il soit d’origine présidentielle ou d’initiative partagée — ne peut intervenir pour modifier une loi adoptée qu’à partir d’un an après son adoption. Il est donc illégal d’exiger un référendum sur la loi concernant les retraites avant mars 2024.
Concernant l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, il est clairement utilisé de façon légale quand le gouvernement considère que l’adoption d’une loi est menacée. Cet article est destiné à éviter le blocage de l’action du Parlement comme cela se passe depuis quelques années avec le dépôt de milliers d’amendement (aucune limite n’existe dans la loi), ce qui conduit l’opposition à en abuser pour empêcher d’étudier la loi dans le délai imparti. Donc s’opposer à l’article 49,3 impose logiquement à empêcher le blocage des débats en limitant fortement le nombre d’amendements.

Bien entendu, cet exemple récent n’est pas le seul marqueur d’un manque de savoir de la population qui lui nuit au quotidien. Cependant, il ressort de cela que la petite partie de la population qui maîtrise le savoir, au lieu d’éduquer les autres, se contente de s’en servir dans son intérêt, y compris si cela peut provoquer une situation nuisible à tous. Que ce soit en 1789 ou en 1968, pour ne conserver que les événements les mieux connus, ce ne sont pas les émeutiers, et encore moins la majorité silencieuse, qui ont profité des troubles gravissimes auxquels ont participé activement des personnes sans savoir, mais les sachants qui les ont utilisés dans l’espoir d’évincer du pouvoir les régnants et de les remplacer. Cela a fonctionné en 1789 et cela a échoué en 1968.

Mais le danger pour notre démocratie ne vient pas que de l’intérieur et là encore nous voyons que l’absence de savoir du monde est fortement délétère et dangereuse pour nos démocraties. En effet, l’Europe est encore une fois à feu et à sang parce qu’un dirigeant autoritaire, qui a confisqué le pouvoir dans son pays, cherche à conquérir un territoire qu’il convoite afin de peser sur la destinée de l’Europe au nom de considérations géopolitiques et historiques tendancieuses et erronées. Si nous avions le savoir historique nécessaire, nous ne manquerions pas de voir dans l’enchaînement des événements une triste répétition déjà vécue dramatiquement il y a 85 ans. En effet, le 12 mars 1938, l’armée allemande aux ordres du parti nazi d’Adolf Hitler annexait l’Autriche par la force militaire (Anschluss), faute d’avoir pu y installer un gouvernement de même obédience. Cela ressemble fortement aux annexions russes en Crimée et au Donbass ukrainiens en 2014. En septembre 1938, sous prétexte de la présence d’habitants de culture germanique dans les monts Sudètes de Tchécoslovaquie, Hitler les annexe au Reich allemand dès l’arrivée à Munich des négociateurs italien (Mussolini), britannique (Chamberlain) et français (Daladier) venus régler pacifiquement ce conflit, les mettant ainsi devant le fait accompli. Cela ressemble fortement aux annexions russes des régions de Transnistrie (Moldavie), d’Ossétie du Sud et d’Abhkasie (Géorgie) et de Tchétchénie, sans parler de l’annexion brutale des régions du Donbass (Donetsk, Louhansk) et de celles de Kherson et Zaporija. Début septembre 1939, sous le prétexte d’agressions soi-disant subies par des germanophones polonais, Hitler envahit ce pays malgré l’accord de non-agression signé cinq ans plus tôt et malgré les promesses faites à Munich un an plus tôt. Dès lors, la France et le Royaume-Uni se virent dans l’obligation de déclarer la guerre à l’Allemagne. Le 14 juin 1940, l’armée allemande entra dans Paris, signant une occupation de quatre ans de notre pays. Comment ne pas voir les terribles similitudes de ces événements, même s’il paraît que « l’Histoire ne repasse pas les plats » comme disait Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline ?

Ces explications, aussi détaillées que nécessaire, me permettent de montrer qu’un savoir mauvais ou incomplet met en danger notre sécurité, voire notre vie dans ce monde. Il faut donc se donner la peine d’acquérir ce savoir au lieu de suivre des manipulateurs d’opinion qui sont souvent eux-mêmes dépourvus de ce savoir.

L’intuition individuelle

Si je devais définir une façon dont notre part spirituelle parvient à s’exprimer à notre intellect mondain, c’est sans aucun doute par la voie de l’intuition que je dirais qu’elle le fait.
Qu’est-ce que l’intuition ? Un sentiment confus dont nous ne parvenons pas à définir l’origine ni la méthode d’action. Ce fameux sixième sens est-il lié à notre mondanité ou bien vient-il d’ailleurs ?

Pour autant, toute l’intuition est-elle expression de la part spirituelle ? Je ne le crois pas. Mais aiguiser son intuition permet de favoriser l’expression de la part spirituelle qui, associée au savoir permet de comprendre le monde dans son intimité profonde et ainsi de voir que l’explication qui nous en est généralement donnée est fausse. Ensuite, ainsi aiguisée notre intuition spirituelle pourra rechercher une vérité qui s’approchera sans doute de près de la Vérité.

Mais comment faire pour aiguiser notre intuition individuelle ? Tout d’abord il faut oublier l’idée ridicule selon laquelle on peut faire bien plusieurs choses à la fois. Seuls les ordinateurs sont multitâches. L’homme et la femme doivent se concentrer, s’isoler, pour réfléchir efficacement. Il faut donc prendre le temps de réfléchir sur les problèmes que l’on étudie, ne pas hésiter à parfaire sa documentation, étudier les tenants et aboutissants, rechercher les pièges que nous tend le monde, construire une opinion argumentée à partir de sources vérifiées et croisées pour éviter les manipulations et finir par en tirer une opinion personnelle qu’il faudra ensuite mettre à l’épreuve de la contradiction. Quand on lit Platon, on remarque que la technique rhétorique de Socrate, que l’on appelle la maïeutique, n’est rien d’autre que cela. En partant d’une opinion honnêtement formée chez son interlocuteur, il l’amenait à l’étudier et à la critiquer par lui-même, puisqu’en affirmant ne rien savoir de son côté, il mettait son interlocuteur en demeure de faire tout le travail. Pour l’aider, il lui montrait les conséquences de ses affirmations et ainsi lui permettait de faire le tour de son sujet pour revenir au point initial où sa conclusion était généralement à l’opposé de son affirmation initiale.

Pourquoi cela fonctionne-t-il ? La raison en est simple. Notre intuition intime est le mode d’expression de l’Esprit unique enfermé dans notre corps de chair. Or, l’Esprit unique est l’émanation divine, et comme Dieu est dans la Vérité absolue, il est normal que cela déteigne un peu sur notre intuition. Donc, en abandonnant l’égo qui nous conduit généralement sur le chemin opposé à la Vérité, en ne recherchant ni la domination, ni la réussite en ce monde, nous sommes capables de cheminer vers la Vérité au moyen du véhicule le plus efficace : la Bienveillance.

La connaissance

Le savoir sans l’intuition nous maintient dans l’état animal qui est celui de notre prison de chair. L’intuition sans savoir est une loterie où tout est possible. Mais le savoir combiné à l’intuition crée les conditions d’accès à la connaissance.
Pour autant, disposer de la connaissance ne suffira pas à atteindre l’éveil, car pour cela il faut s’élever au-dessus du monde et donner le pas à l’intuition sur le savoir. En quelque sorte, le savoir est le premier étage de la maison et l’intuition est le deuxième. On ne peut pas se priver ni de l’un ni de l’autre si l’on veut atteindre le grenier où se trouve ce que l’on cherche. Par contre, on risque à tout moment de se décourager et d’abandonner l’ascension pour rester en panne sur l’un des deux paliers, voire régresser jusqu’au rez-de-chaussée.

Le choix des mots est important ; le savoir est ce qu’on acquiert de façon intellectuelle, notamment par l’étude ; l’intuition est un sentiment profond et non une idée fugace qui vous aide éventuellement à faire confiance à une personne ou à choisir les numéros du Loto® ; la connaissance est la révélation de la réalité de ce qui nous entoure dans sa nature réelle. Si le savoir est indispensable, il sans utilité pour aller vers notre salut s’il ne nous conduit pas à la connaissance, ce qui implique d’utiliser l’intuition. Et la connaissance ne peut nous suffire, car elle ne permet que le constat de notre situation. Pour aller plus loin il faut y ajouter la foi. C’est en choisissant à quoi nous sommes prêts à nous abandonner en toute confiance que nous pouvons espérer atteindre le salut, comme le héros du Truman show décide à un moment de ramer vers l’horizon, sans savoir ce qu’il va trouver.

Le cathare en ce monde, qu’il soit consolé ou croyant, peut « lire » dans ce monde comme dans un livre ouvert. Avec un peu d’entraînement, il peut en décrypter les manigances et les pièges et en comprendre les ressorts « survivalistes » aussi ridicules que vains pour mieux choisir la voie de la liberté qui le préparera à quitter ce monde de son vivant et à vivre enfin éternellement.

Guilhem de Carcassonne le 09 avril 2023


[1] « Je ne suis plus dans le monde, mais ils sont dans le monde… » Évangile selon Jean (17, 11).

[2] Le marcheur du désert, site Catharisme d’aujourd’hui.

[3] Karl Marx, Friedrich Engels et al. : Manifeste du parti communiste.

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