La prison idéale

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La prison idéale

Ainsi que j’en discutais avec un ami, la plupart des gens sont victimes d’un phénomène d’autant plus terrible qu’il ne le perçoivent pas.

En effet, la prison mondaine qui nous contraint n’est pas visible et n’est pas ressentie par la quasi-totalité de la population. C’est la prison idéale que celle dont le prisonnier ignore l’existence !

Dans la cosmogonie cathare, le tiers de l’empyrée céleste — ou de l’Esprit unique si vous préférez —, que j’appelle les esprits saints, a été arraché à son origine divine pour être précipité dans la création maligne. Là, ces esprits saints se mirent à pleurer et à chanter le cantique de Sion. Le diable leur annonça qu’il les enfermerait dans des tuniques d’oubli où ils n’auraient plus le souvenir de leur origine. Ces tuniques d’oubli sont les corps humains.

Au sein de cette prison nous avons créé des cloisonnements qui sont autant de prisons. Ainsi, culturellement, depuis le 4e siècle, le judéo-christianisme catholique a formaté la population jusqu’à lui faire admettre que son credo est en fait la définition du christianisme. Toute remise en question de ce credo faisait automatiquement de ceux qui en étaient responsables, des hérétiques. Mais, le christianisme ne se définit pas par le credo catholique, ni par les conceptions judéo-chrétiennes ; il se définit uniquement par le message de l’envoyé divin : le Christ, qu’on l’imagine incarné dans Jésus ou strictement spirituel ! Le christianisme est donc la religion de l’Amour universel, que j’appelle Bienveillance, et de la volonté de retourner au Père.

S’appuyant sur le judaïsme, lui-même construit sur les religions antérieures, le catholicisme des premiers siècles, ainsi que ses surgeons judéo-chrétiens (orthodoxe, protestants, etc.), considère que Dieu est créateur de l’univers. Pourtant, le message christique est clair : ce monde n’est pas celui de Dieu dont le royaume n’est pas de ce monde. Du coup nous avons deux conceptions chrétiennes diamétralement opposées : la judéo-chrétienne qui voit dans ce monde l’œuvre de Dieu, et la pagano-chrétienne qui considère ce monde comme l’œuvre du Mal par le truchement du démiurge que nous appelons commodément le diable, qui signifie diviseur, puisqu’il a divisé l’Esprit unique.

Quelles sont les conséquences de cette présentation ?

On peut très bien être chrétien sans partager les conceptions judéo-chrétiennes.
On peut très bien être judéo-chrétien sans être catholique.
Les pagano-chrétiens peuvent être en divergence sur de nombreux points tout en ayant un fondamental commun et des convergences ponctuelles sur de nombreux autres points. Le fondamental commun est que nous ne sommes pas de ce monde où nous a emprisonné le démiurge.

Les cathares sont pagano-chrétiens, donc chrétiens, et ils avaient réalisé ce bouleversement extrême dans leur conception religieuse qui est de comprendre et d’admettre sans restriction que ce monde est l’œuvre du Mal et que rien ne pourrait le rendre compatible avec le Bien.
Donc, si vous n’arrivez pas encore à partager ce point de vue avec les cathares, c’est que vous n’avez pas réalisé ce changement radical, quoique vous pensiez des religions judéo-chrétiennes que vous critiquez peut-être.
Ce changement s’appelle l’éveil chez les cathares ; il est comparable à la scène du film Matrix© où le héros, ayant avalé la pilule ad hoc quitte l’illusion confortable de la matrice pour rejoindre le monde austère de la réalité.

Enfin, la conception bouddhiste de l’évolution spirituelle, au travers de nombreuses vies qui constituent autant d’étapes vers le salut, n’est pas chrétienne. Pour nous le salut est indépendant du monde et plus vite nous le quitterons sans être «réincarnés» mieux ce sera.

Pourquoi cette hypothèse est-elle défendable ?

En matière de cosmogonie personne ne peut rien affirmer comme étant la vérité, vu que personne ne peut apporter le moindre élément de validation.
Pour autant, les hypothèses peuvent être retenues ou invalidées selon leur cohérence. Les cathares sont habitués à ce mode de réflexion. Toute leur doctrine et leur praxis sont appuyées sur le principe de cohérence.
Si l’on ne peut pas prouver que la division de l’Esprit unique a conduit à l’enfermement des esprits saints dans les corps de matière, nous pouvons faire des remarques qui peuvent donner de la cohérence à cette hypothèse.

L’hypothèse vétéro-testamentaire

«Élohim dit : «Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance…» Élohim créa donc l’homme à son image… Il les créa mâle et femelle… sixième jour.» Gen. 1, 26-31.

«Alors Iahvé Élohim forma l’homme, poussière provenant du sol, et il insuffla en ses narines une haleine de vie et l’homme devint âme vivante… Iahvé bâtit en femme la côte qu’il avait prise de l’homme.» Gen. 2, 7. 22.

Iahvé crée l’homme à son image, ce qui est peu flatteur pour un Dieu quand on voit le résultat. Dans le premier chapitre il crée l’homme et la femme en même temps et à partir de rien. Mais, dans le deuxième, le scribe juif propose une autre hypothèse. Si Iahvé fabrique le corps d’Adam à partir de la poussière, il lui donne vie en insufflant quelque chose en lui. On peut donc imaginer qu’il insuffle une part de l’Esprit unique divisé.

Mais cette hypothèse repose sur des documents d’origine humaine et manifestement discordants.

L’hypothèse anthropologique

Pour essayer de trouver une argumentation plus acceptable des hommes d’aujourd’hui, il faut s’éloigner des textes religieux dans un premier temps, quitte à les croiser avec des documents scientifiques.
Ce que nous apprend la science c’est que la nature évolue par sauts biologiques. L’être humain en est la preuve. Entre les premiers «proto-humains» (Ororin et Toumaï) il y a 7 et 8 millions d’années pour les connaissances actuelles, les pré-humains comme les australopithèques (Lucy) il y a 4 millions d’années et les humains (lignée homo) apparus il y a environ un million d’années, c’est ce principe qui s’est appliqué. De même, ces êtres qui nous précèdent ont évolué en adaptant la nature à leurs besoins afin de se faciliter la vie. Le fait de se mettre debout dans hautes herbes a permis d’anticiper sur les menaces et de libérer les bras pour d’autres tâches simultanées au déplacement. Le taillage des pierres, le feu, etc. ont apporté plus d’efficacité et de confort. Donc, là aussi, la sélection aboutit à un plus matériel qui permet l’évolution.
Pourtant, un changement intervenu, dans une fourchette de temps évaluée entre 100 000 et 40 000 ans, a concerné simultanément deux espèces humaines déjà présentes depuis plus de 200 000 ans pour n’aboutir à aucun avantage dans la vie quotidienne. Pire, cette «évolution» a créé des complications aux humains qui l’ont adoptée.
Il s’agit de la prise de conscience d’une transcendance divine. C’est à cette époque que les hommes ont commencé à prendre soin de leurs morts, à chasser les animaux que leur chamane leur indiquait comme exigé par les dieux et même à les élever pour les avoir à disposition facile.
Pourquoi se donner tant de mal et aller à l’encontre de sa nature mondaine ? La moins mauvaise explication que je puisse donner à cela est que ces hommes, d’espèces et de mode de vie différents, ont reçu une «modification» importante qui les a poussée vers ces choix. Et si l’on considérait que ce changement est l’infusion dans les corps de matière de l’étincelle divine dérobée par le diable ? En attendant que la science me propose une hypothèse plus cohérente, celle-ci me convient parfaitement.

Les deux options

Si l’on admet la possibilité d’un tel processus, que l’on soit croyant ou pas va déterminer deux options.
Pour un athée, il n’y a pas de solution. Ce processus est irréversible et cette «évolution», qui tient plus du bug que d’autre chose, fait que les humains resteront à jamais d’indécrottables marionnettes prêtes à croire à des chimères.
Pour les croyants, admettre cette hypothèse d’infusion d’une part divine dans un réceptacle mondain, fait de nous un mélange imparfait dont il convient de rompre la malédiction.

C’est le point de vue des cathares qui, quand ils ont la conviction d’être étrangers à ce monde et prisonniers de leur corps de chair, s’éveillent à la foi cathare et n’ont alors d’autre objectif que de chercher à revenir au sein de l’Esprit unique, ce que nous appelons le mariage mystique.

Si cette conception des choses est tout à fait discutable, elle me semble néanmoins cohérente. Je suis donc prêt à en discuter avec des personnes qui pourront m’en proposer d’autres, tout aussi cohérentes.

Guilhem de Carcassonne – 3 février 2021.

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