Préparation spirituelle au noviciat
La finalité, je devrais dire l’alpha et l’oméga, de la mise en place d’une communauté évangélique est de permettre à ses membres de mener une vie tournée vers la spiritualité dans le but de poursuivre leur cheminement vers l’objectif de tout cathare, du croyant au Bon-Chrétien, la grâce divine menant au Salut, c’est-à-dire à la bonne fin.
Mais la vie mondaine est souvent un obstacle, difficile à surmonter, dans l’approfondissement de la spiritualité. C’est pourquoi la vie communautaire est recherchée comme un outil permettant de privilégier la spiritualité en écartant partiellement les interférences mondaines qui gênent son expression. Pour autant, l’entrée en noviciat ne peut être considérée comme une protection contre le monde. Elle doit être un passage entre deux états d’être, ce qui implique de s’y préparer.
Du croyant au novice
Même si le croyant avancé est déjà en train de se projeter mentalement dans le noviciat, il n’en reste pas moins pleinement contraint par la mondanité qui rythme ses jours. Le novice, lui, inverse son mode de fonctionnement et fait de la spiritualité son mode de vie. Pour effectuer ce renversement de gestion de sa spiritualité, le croyant doit commencer une préparation spirituelle qui va lui permettre, petit à petit, de mettre la spiritualité en première place dans sa vie quotidienne.
Tout d’abord, et comme toujours en catharisme, le croyant va s’atteler à parfaire ses connaissances spirituelles. Notre référence principale, en cela qu’elle contient le message transmis par Christ, est le Nouveau Testament. Certes, il est connu que cet ouvrage est loin d’être totalement vierge de remaniements et d’interpolations, sans compter les retraits et les ajouts destinés à favoriser la lecture judéo-chrétienne de ces textes. Cela veut donc dire qu’il faut le lire en gardant l’esprit éveillé et en prenant tout le temps nécessaire à la recherche du contenu essentiel de ces textes. Autant dire qu’une lecture unique ne saurait suffire. Il faut s’imprégner de ce document afin d’être prêt à son étude approfondie qui sera l’objet du début du noviciat. D’autres textes sont eux aussi utiles. Je pense que les rares textes cathares qui nous sont encore accessibles sont à mettre en avant dans cette démarche. Mais, il n’y a pas que les documents chrétiens. La philosophie grecque, même si on ne l’aborde que par bribes sur des sujets précis et certains philosophes plus récents, sont utiles également à la compréhension de la logique et de la cohérence cathares. La spiritualité, quand elle n’est pas comprise comme un isolement social, s’intéresse à tous les sujets, car ils sont porteurs d’information sur l’évolution du monde et sur la société humaine. Il ne faut donc rien s’interdire a priori, mais être très prudent quant aux choix de lecture que l’on fait, car certains ouvrages nécessitent une préparation avant d’être lus, sous peine d’être mal compris, voire d’être interprétés à l’opposé de leur sens véritable.
Le croyant est comme un jeune enfant. Tout d’abord prudent, il exerce sa curiosité afin d’engranger un maximum d’informations. Puis, il prend de l’assurance, persuadé qu’il est de sa compétence à comprendre et à trier parmi les connaissances qu’il acquiert. Comme un jeune conducteur, il est prudent au début, puis il prend de l’assurance et se croit capable de rivaliser avec tous les obstacles. Ce n’est que bien plus tard, une fois appréhendé de façon plus globale la connaissance spirituelle, qu’il redeviendra prudent et humble. Cela nous amène à un point crucial et pourtant extrêmement compliqué. Je parle de l’altérité. L’autre est nécessaire à notre propre avancement, mais quand on débute on ne sait pas choisir celui qui va nous accompagner et l’on risque de tomber sous l’influence de personnes qui, par incompétence et plus rarement par malveillance, vont nous égarer dans notre cheminement spirituel.
Choisir ses accompagnants est donc essentiel et difficile. Tout d’abord, je conseillerais toujours de ne pas se limiter à une personne ou à un groupe de personnes déjà rattachées à un même leader. Ensuite, il ne faut pas croire que l’on doive obligatoirement se limiter à des personnes partageant notre spiritualité. L’intelligence, l’humilité et le respect de l’autre ne sont pas réservés aux spirituels. Cependant, il est bon de pouvoir s’appuyer aussi sur des personnes capables de comprendre notre démarche spirituelle et de nous aider dans l’amélioration de notre connaissance. D’ailleurs, de ce point de vue, il me semble important de préciser, qu’en l’absence reconnue de Bon-Chrétien aujourd’hui, il faut se garder de prêter trop d’importance à des opinions concernant les textes religieux qui chercheraient à imposer une lecture au détriment de toute autre réflexion possible. Même si votre alter ego est convaincu d’avoir fait la bonne interprétation d’un texte, le fait de rejeter tout autre point de vue sans en débattre ou en le dénigrant sans argument, montre un manque évident d’humilité. Les Bons-Chrétiens n’étaient affirmatifs en rien et s’exprimaient toujours par paraphrases conditionnelles. Ceux qui pensent avoir tout compris et ne sont pas disposés à réfléchir à d’autres lectures sont dans l’erreur.
L’altérité impose logiquement le partage et l’échange. Même si l’on est plusieurs à partager un point de vue, et surtout si l’on ressent une communion d’esprit avec un petit groupe, il faut s’abstenir absolument de se fermer aux autres, au motif qu’ils ne nous comprennent pas ou qu’ils pourraient être nuisibles à notre avancement. Cela démontre une faiblesse dans l’affermissement de notre foi et une volonté sectaire destinée à masquer un doute quant à la validité de nos arguments. Certes, discuter avec des personnes qui vous contredisent peut paraître comme une perte de temps. Mais tant que ces personnes argumentent et proposent des sources de vérification de leurs arguments, elles sont utiles à notre progression, car elles nous apprennent ainsi à explorer notre propre conviction et à les éprouver pour en vérifier la validité. Les sectes l’ont bien compris, qui ont fait de l’isolement psychologique la base de leur emprise morale et spirituelle sur les faibles.
Mais le point le plus important, parce que c’est le plus difficile à mettre en œuvre, est l’humilité. Faire sienne l’opinion selon laquelle on ne sait rien en fait, impose une révolution psychologique pour nous qui pensons devenir savants par nos apprentissages. Ce n’est pas par hasard que les Bons-Chrétiens tenaient les croyants à distance prudente en les considérant à l’aune des autres personnes, c’est-à-dire sans considération particulière, excepté en ce qui concernait leur maîtrise des bases de la foi. Les croyants n’étaient pas chrétiens et n’étaient pas capables de pécher, non pas du fait de leurs qualités morales liées au catharisme, mais en raison du fait qu’ils n’avaient pas l’entendement du Bien. Seuls les Bons-Chrétiens se considéraient comme capables de commettre des péchés. Autant dire qu’aujourd’hui, nous sommes bien loin de la compétence que nous pensons posséder. Cela n’a rien de démoralisant ou de rédhibitoire. Il faut simplement avoir de la patience et de la bonne volonté. La patience est en contradiction avec le monde survolté dans lequel nous vivons. L’adage « Tout vient à temps à qui sait attendre », doit guider nos pas et nous rappeler que l’on tombe d’autant plus facilement que l’on court vite. De même que l’alpiniste qui approche du sommet se retient de vouloir en terminer plus rapidement et continue d’assurer des prises courtes et efficaces, le croyant doit se rappeler sans cesse sa condition fragile et malléable. D’après notre foi, nous sommes des esprits tombés voici plusieurs milliers d’années et sans cesse transmigrés depuis, faute d’avoir réussi notre « évasion » de cet enfer mondain. Comment peut-on être vaniteux quand on a autant échoué ? J’ai croisé sans cesse des gens qui m’expliquaient que j’avançais trop lentement alors qu’eux étaient déjà arrivés. Où en sont-ils aujourd’hui ? La plupart ont disparu des radars, en démontrant parfois que le Mal guidait leurs pas, ou ils en sont toujours au même point, dans une impasse dont ils ne parviennent pas à sortir faute d’avoir pris le temps de construire leur maison spirituelle, pas à pas. Ne commettons pas la même erreur.
Ce journal est ma façon de solliciter votre altérité et de vous soumettre mon avancement pour que vous puissiez en apprécier les bons points et mettre en avant les erreurs que je pourrai alors corriger, si nécessaire. La communauté croyante est nécessaire, mais notre monde est un peu comme l’univers. En expansion permanente, il empêche les rapprochements entre les hommes. C’est pourquoi j’ai choisi Internet comme moyen de venir à votre rencontre. Ne laissez pas mes efforts sans réponse. Exprimez-vous sur les forums ou écrivez-moi personnellement, selon votre préférence, mais aidez-moi à avancer.
Éric Delmas – 08/06/2015