Préparation matérielle au noviciat
Introduction
Cela fait plusieurs années que nous parlons de la remise en œuvre potentielle d’un noviciat pour des croyants qui seraient suffisamment avancés dans leur cheminement cathare pour le faire.
Pour ma part, je n’ai jamais caché mon intention d’entrer en noviciat quand cela sera possible pour moi, de préférence en communauté avec d’autres croyants avec qui je partagerais la même approche de ce que doit être une communauté cathare.
Sur le plan psychologique, spirituel et doctrinal, il y a beaucoup de choses à préciser, et je le ferai en temps et en heures. Ce que je voudrais aborder aujourd’hui c’est l’aspect matériel.
L’absence d’une communauté de vie cathare, constituée et en accord avec la conception que nous avons de ce que doit être une telle organisation, sur la base de ce qu’il en était dans la région au Moyen Âge, nous oblige à réfléchir à la reconstitution de novo de celle-ci. Il y a deux façons de faire.
La plus connue, et nous en avons l’exemple avec la reconstitution d’écoles philosophiques basées sur celles qui existaient dans l’Antiquité en Grèce, consiste à reprendre et à adapter « au goût du jour » un système ayant pré-existé en retenant ce qui semble adapté et convenable et en modifiant le reste. Ce système donne le jour à ce qu’il est habituel d’appeler des néo-organisations (néo-pythagorisme, néo-platonisme, etc.).
Une autre approche, cherche à remettre en place une organisation telle qu’elle a existé en évitant autant que faire se peut d’en modifier quoi que ce soit, sauf à disposer d’éléments évidents et indiscutables justifiant une modification. C’est le principe de la résurgence.
C’est cette dernière approche qui a ma préférence. Je ne souhaite pas participer à un néo-catharisme qui remanierait profondément l’organisation qui existait au Moyen Âge. Malgré l’affection et le respect que j’avais et que je conserve pour Yves Maris, son choix d’un catharisme purement intellectuel où le regroupements ponctuels ne seraient destinés qu’à des échanges de points de vue, voire à une pratique limitée de l’ascèse, ne saurait me convenir. Je comprends très bien qu’au début de la résurgence il ait voulu ménager les susceptibilités des uns et des autres en évitant d’aller trop loin dans ce que chacun pouvait entendre, mais poursuivre sur cette voie serait signer l’arrêt de mort de la résurgence cathare. Il faut que chacun choisisse en conscience s’il veut participer à une résurgence du catharisme tel qu’il existait au Moyen Âge, avec quelques aménagements marginaux, ou s’il préfère initier une nouvelle voie qui serait un nouveau christianisme inspiré du catharisme. Nous savons que dans l’histoire, ce dernier cas fut souvent préféré, que ce soit par les pauliciens vis-à-vis des marcionites et par les bogomiles vis-à-vis des pauliciens.
Relancer un tel processus dans le monde d’aujourd’hui implique d’envisager un certain nombre de contraintes et de procéder à quelques adaptations liées à ces contraintes ou à ce que nous savons et qu’ignoraient les cathares médiévaux.
Les contraintes
La première contrainte majeure est que la France d’aujourd’hui est très différente de celle d’hier. Les lois et les règles sont plus nombreuses et contraignantes et nous ne pouvons pas nous y sustraire, sauf à vouloir être considérés comme hors du monde, ainsi que le font certains groupes souvent considérés comme sectaires. Il faudra donc structurer notre organisation selon les règles en vigueur aujourd’hui. J’en ai longuement parlé lors de la dernière Rencontre de Roquefixade et vous en trouverez le compte rendu dans le site. Un mélange d’associations sans but lucratif viendront organiser le fonctionnement de la communauté autour d’une association cultuelle respectueuse des obligations de la loi de 1905. Le choix d’un système éclaté est destiné à rendre ces structures fonctionnelles avec un coût de fonctionnement réduit, voire nul, à protéger l’essentiel en cas de dysfonctionnement d’un des éléments et à conserver une souplesse d’adaptation et d’utilisation à l’ensemble.
La deuxième contrainte est celle de l’argent. L’Église cathare médiévale disposait de moyens suffisant pour assurer la vie des Bons Chrétiens, qui individuellement ne possédaient rien, tout en évitant un excès de thésaurisation qui fut un des facteurs de la déliquescence du catholicisme. Il faudra donc reconstituer ce système en dotant la future communauté cathare de France de moyens suffisant pour permettre l’installation d’une communauté de vie et pour la doter, petit à petit, des moyens d’assurer sa mission apostolique. L’organisation que je présentais plus haut est notamment destinée à recueillir des fonds dans ce but. Chacun y participera selon ses choix et ses moyens. N’oublions pas que l’assistance que nous pourrons apporter à notre communauté physique pourra également se faire de façon pratique en aidant à son installation matérielle. Pour ma part, et comme j’ai l’intention de devenir novice, j’ai choisi de consacrer la totalité de mes moyens financiers à ce projet. Une fois que j’aurai vendu mes biens personnels ou que j’aurai transféré à la communauté certains biens matériels utiles, je pense pouvoir apporter quelques dizaines de milliers d’euros de valeurs pour ce projet. Avant de commencer à imaginer ce que nous voudrons créer il faudra bien que chacun se positionne afin de savoir ce qu’il est possible de mettre en place.
La troisième contrainte est directement liée à la deuxième. Il s’agit en effet de déterminer le nombre de personnes qui voudront participer activement à ce projet. Je vois trois catégories de personnes à considérer. Bienentendu, nous avons tout d’abord ceux qui souhaitent devenir novices dès que possible. Ceux-là vont s’investir totalement dans ce projet en mettant leurs moyens à disposition de la communauté pendant le temps de leur noviciat. S’ils vont jusqu’au bout de celui-ci, ils devront se départir de leurs biens personnels avant de demander la Consolation. Ce qui ne veut pas dire qu’ils devront obligatoirement en faire don à la communauté. Rappelons-nous la parole de Jésus dans les évangiles. Le jeune homme est invité à vendre ses biens et à en donner le fruit aux pauvres avant de suivre Jésus. Contrairement à ce que la communauté de Jacques et Pierre impose à Saphire et Ananie, sous peine de mort spirituelle, dans les Actes des apôtres, l’abandon de ses biens à la communauté n’est pas une nécessité.
Pour les croyants qui ne se sentent pas en mesure d’entamer immédiatement leur noviciat, reste la possibilité d’aider à la mise en place de la communauté par des aides variées (financières, pratiques, etc.). En outre, leur participation active à la mise en place des structures permettant le fonctionnement de l’ensemble sera essentielle car les novices et les futurs Bons Chrétiens ne peuvent trop s’y impliquer pour préserver leur cheminement.
Reste les sympathisants. Rien ne les oblige à participer activement, mais ils peuvent choisir d’assister le projet. Une méthode qui me semblerait adaptée à leur cas, serait de faire un prêt gracieux, c’est-à-dire sans intérêt ni valorisation en capital, pour permettre à la communauté de démarrer, prêt qui serait remboursé selon des modalités définies au fur et à mesure de la montée en puissanc ed el’organisation financière de l’ensemble. Bien entendu, une aide pratique serait également possible.
Les adaptations
Concernant les adaptations, et pour ne parler que de celles liées à ce qui précède, il faut faire le point sur la situation d’aujourd’hui.
Certes, de nombreuses personnes ont manifesté leur approbation au projet de résurgence cathare, mais je n’en connais aucune qui m’ai clairement annoncé son intention de se lancer effectivement en noviciat d’ici un à deux ans. Il me faut donc bien envisager que dans l’hypothèse la plus péjorative, il est possible que je doive débuter mon noviciat seul. Cela poserait le problème de l’altérité si importante pour les cathares. Nous savons cependant que, pendant la répression inquisitoriale, ce problème s’est posé à plusieurs Bons Chrétiens qui se sont adaptés. J’ai donc envisagé cette hypothèse et j’ai préparé le terrain, notamment en prévoyant d’utiliser Internet comme un relais permanent avec la communauté de croyants qui devraient me permettre de retrouver cette altérité si nécessaire.
Sur le plan matériel, mes moyens financiers personnels, si personne d’autre ne peut m’assister, risquent d’être un peu justes pour envisager l’achat d’un terrain constructible et pour y installer un habitat apte à ma vie quotidienne et à l’accueil de croyants et de sympathisants. Si mes moyens sont inférieurs à 50 000 € dans un premier temps, je devrai peut-être me contenter d’une location en attendant d’être rejoint par d’autres qui viendront rendre possible une installation plus organisée. Certes, je peux prévoir que d’ici quelques années ces moyens personnels pourraient au moins doubler, ce qui résoudrait ce problème financier, mais pour autant ce qui importera le plus ce sera d’avoir d’autres novices prêts à fonder une communauté de vie sur des choix librement acceptés par tous.
Ces choix porteront sur la façon dont nous déciderons d’adopter la règle de justice et de vérité. C’est pourquoi ce sujet occupera pleinement la septième Rencontre de Roquefixade 2015. En effet, de la façon dont nous serons capables de comprendre cette règle et de la respecter au plus près des choix de nos prédécesseurs médiévaux, dépendra l’apparition d’une communauté se revendiquant du catharisme ou l’émergence de groupes épars s’en réclamant avec des approches parfois très diverses. C’est alors la pratique des uns et des autres qui décidera de leur conformité à l’esprit de résurgence ou de leur engagement dans une voie néo-cathare.
Éric Delmas – 10/02/2015