Avignonet Lauragais
La commune d’Avignonet, se situe dans le département de la Haute-Garonne, au Sud-Est de Toulouse, au cœur de la région du Lauragais.
La commune d’Avignonet, se situe dans le département de la Haute-Garonne, au Sud-Est de Toulouse, au cœur de la région du Lauragais.
Le village se trouve au Nord-Ouest du département de l’Aude, sur les premiers contreforts de la Montagne Noire, à 306 mètres d’altitude. Il campe sur un promontoire, enserré entre une dépression de terrain à l’Ouest et le cours de l’Argentouire à l’Est, d’où l’on voit, au Sud, la grande plaine Lauragaise et l’étendue de la chaine des Pyrénées. Cette particularité topographique explique par elle-même l’existence d’un castrum au moyen-âge, suite d’une occupation ancienne. Comme toutes les communautés villageoises lauragaises, de plaine ou de montagne, Labécède n’échappera pas, du XIème au XIIIème siècle, à l’apparition et à l’implantation du Catharisme.
Sa situation géographique privilégiée en fera un lieu de villégiature et de refuge de grandes figures de l’hérésie, et sera peut-être même une des raisons pour laquelle on en fit le siège d’un diaconat de l’église dissidente.
La première mention qui faisant état de la présence d’un cathare revêtu à Labécède est celle d’Arnaud Jougla (vers 1205) qui enseigne ses fils dans les préceptes hérétiques. Son fils Pierre, et son épouse Ava, deviendront à leur tour parfait et parfaite, Pierre ne le restant cependant que quelques années.
Toujours au sein du castrum, sont également attestés en ces temps de paix, les hérétiques Raymond de Recaut, Pierre Guilhem, ainsi qu’une communauté d’une dizaine de bonnes femmes, preuves évidentes, de la bonne vitalité du catharisme en cette période et dans ce secteur du Lauragais, épicentre de l’hérésie.
Mais cela ne va malheureusement pas durer…
En 1209, le pape Innocent III, voyant la foi catholique menacée par cette « nouvelle » spiritualité, fera, suite à l’échec des prédicateurs catholiques pour ramener les égarés à l’Église de Rome, appel aux armes pour l’éradiquer.
Une tempête de fer et de feu va s’abattre sur les terres Occitanes et en changer à jamais la destinée (principalement le comté de Toulouse et la vicomté de Béziers, Albi, Carcassonne).
Le quotidien des hérétiques va s’en trouver considérablement bouleversé. Ceux qui en auront le temps, fuiront les zones de combat et d’occupation, les autres entreront en clandestinité.
Malgré une situation de plus en plus difficile, la menace militaire, les bûchers (140 bons hommes et bonnes femmes périssent à Minerve (34) en 1210, 400 parfaites et parfaits brûlés à Lavaur (81) en 1211 et 60 cathares brûlés à Les Cassés (11) la même année), l’église cathare va continuer de prêcher, d’ordonner, de consoler. Même dans les pires moments, et ce jusqu’aux derniers de ces membres, elle n’abandonnera jamais ces fidèles…
C’est dans ce contexte, qu’en 1215, le diacre Bernard de la Mothe siège à Labécède-Lauragais. Il réside alors avec un autre hérésiarque de la contre-église albigeoise, Guilhabert de Castres, fils majeur du patriarche cathare Gaulcem, évêque du toulousain, lequel, loge également d’ailleurs, en compagnie de son coadjuteur.
Devenu à son tour patriarche cathare du toulousain, l’illustre Guilhabert, malgré sa nouvelle charge, continuera à séjourner régulièrement dans le bourg, avant son départ définitif pour Montségur en 1232, car l’église cathare y possédait une maison. C’est dans celle-ci qu’il recevra Guiraud de Gourdon, diacre de Caraman, cousin du grand seigneur occitan Bernard-Othon de Niort, sous la protection du seigneur du lieu, Pagan, et de Trèsemine de Roqueville.
Néanmoins il n’y avait pas que des hérétiques qui rendaient visite et séjournaient au castrum. Vers 1226, Arnaud Baro, chapelain de Saint-Michel de Lanès venait ainsi s’assoir à la table des parfaits de Labécède, quand il n’en invitait pas, parfois, à la sienne.
Mais, ce qui était pour certains un havre de paix, un refuge, ou un foyer spirituel était pour d’autres, une verrue dont il fallait se débarrasser.
Pour plaire à la couronne de France, Humbert de Beaujeu, sénéchal de Carcassonne, pris la décision de liquider ce nid d’hérétiques ; il vint en faire le siège durant l’été 1227.
La garnison du castrum qui avait été renforcée l’année précédente par Raymond VII, était alors commandée par les chevaliers Olivier de Termes et Pons de Villeneuve. L’armée française comptait, elle, dans ses rangs, puisque l’affaire regardait aussi l’église de Rome, l’archevêque de Narbonne et Foulques, l’évêque de Toulouse. Ce dernier, qui vint une fois à passer devant les remparts, s’entendit crier au loin par les assiégés : « Voilà l’Évêque des démons ! »
Alors ceux qui l’accompagnait lui dirent :
« — Entendez-vous qu’ils vous appellent l’Évêque des démons ? »
« — Oui ! Répondit messire Foulques, et ils disent la vérité ; car ce sont des démons et je suis leur évêque ! »
Cependant, les machines de guerre frappèrent si bien les remparts, les habitations, et firent tant de dégâts, que la place ne put résister. Chevaliers, soldats, et habitants s’enfuirent nuitamment.
Le lendemain, une brèche ayant été ouverte dans les fortifications, l’assaut fut donné. Tous ceux qui n’avaient pu s’échapper furent massacrés. La plupart au moyen de l’épée, les autres à coup de pierres, à l’exception toutefois, des femmes et des jeunes enfants, sauvés grâce au zèle de l’évêque catholique. Quant aux hérétiques et à leur diacre, Géraud de la Mothe, frère de Bernard, devenu fils majeur du légendaire Guilhabert de Castres, ils furent livrés aux flammes.
En 1229 la paix fut enfin signée. Le traité de Paris entérina la défaite occitane. Une de ses clauses prévoyait la remise de places fortes au roi de France ; le castrum, en raison de sa situation et de son passé, fut du nombre.
On crut que le catharisme, ferait désormais parti du passé à Labécède-Lauragais.
Il n’en fut rien. Dès 1231, quelques cathares s’y réunirent à nouveau, sous l’égide du seigneur Pons de Saint-Michel. Parmi eux se trouvait un clerc, Guillaume Raymond qui, à cette occasion, lut le Nouveau Testament, que les hérétiques expliquèrent dans leur prêche, à l’assemblée.
L’année suivante, seront capturés, une nuit, dans la forêt de Labécède, Pagan, son ancien seigneur faydit devenu parfait et dix-neuf sectaires, par Raymond du Fauga, le nouvel évêque catholique de Toulouse, et le comte Raymond VII. Sous la pression de l’église romaine, ce dernier se verra contraint de prononcer à leur encontre, la peine du bûcher.
Puis, à la suite de l’Inquisition épiscopale, qui ne donna pas, finalement, les résultats escomptés, vint le temps de l’inquisition dominicaine.
Cette dernière à peine instaurée, en 1233, le castrum aura les « honneurs » de la visite des frères Guillaume Arnaud et Pierre Sellan qui sillonnaient alors la région à la recherche d’hérétiques.
Pendant que certains enquêtaient au grand jour, d’autres prêchaient dans l’ombre.
C’est en cette époque, que l’est, le sud-est du Lauragais et Labécède, seront les théâtres des prônes secrets, jusqu’à sa capture par l’abbé de Saint-Papoul en 1241, du diacre cathare Guillaume Vital. La vie terrestre de l’hérétique s’acheva probablement par le supplice du feu, en la ville de Toulouse.
Début du XIVème siècle, en l’an 1305, le dominicain Geoffroy d’Ablis, à la recherche des membres de la petite église cathare de la reconquête des frères Autier, ordonnera une rafle des populations de Prunet, Verdun et…Labécède-Lauragais qu’il fera déporter pour interrogatoires, au siège du diocèse inquisitorial de Carcassonne.
Cette fois-ci, le catharisme, moribond car mortellement blessé, s’éteignit lentement à Labécède comme en Lauragais.
Les évènements liés au catharisme qui se sont déroulés dans ce petit village de la Montagne Noire lauragaise, donnent à celui-ci une réelle et incontestable importance historique. C’est toutefois aujourd’hui, un lieu tombé dans l’oubli, auquel il faut cependant se rendre. Hors des circuits touristiques traditionnels, il est resté un site authentique, qu’il est grandement recommandé de visiter. On peut encore y voir de grands pans des fortifications, la porte nord robustement assise, couronnée d’une salle de guet, une place nommée place de la brèche (par laquelle les croisés auraient donné l’assaut), les murs d’enceinte du castellas ou château-fort (aujourd’hui disparu) situés près de l’église, en dehors et en aval du village, au-dessus du moulin sur l’Argentouyre, une tour de guet (propriété privée) partie intégrante du système défensif du castrum.
Déambuler dans les rues de Labécède-Lauragais, c’est voir les allées et venues des silhouettes émaciées des hérétiques, entendre les prêches, les consolaments conférés, deviner la fureur et l’horreur des massacres, éprouver l’angoisse à la simple évocation de l’inquisition.
Allez à Labécède-Lauragais, une grande page de l’histoire du catharisme occitan vous y attend !
Toujours dans le Lauragais, à huit kms à l’est de Labécède se trouve planté sur une presqu’ile rocheuse, à l’instar de Minerve (34) et de Montolieu (11), cernée par la petite rivière le Tenten au Nord-Est et le ruisseau la Goutine au sud-ouest, le village de Verdun-Lauragais. Il se situe à 315 mètres d’altitude sur le flan méridional de la Montagne Noire, face aux Pyrénées et dominant la vaste plaine de Castelnaudary. Son relatif isolement n’empêchera nullement de le préserver de l’ancrage du catharisme lors des XIIème et XIIIème siècles, en faisant même, au contraire, un des derniers saillants de celui-ci en Lauragais au tout début du siècle suivant.
Ce n’est qu’en 1152 que les fils d’Hugues de Saissac, annoncent à leur suzerain Raymond Trencavel (le vicomte d’Albi, Carcassonne, Béziers) avoir pris la décision de la fondation d’un castrum au lieu de Verdun. Le site est alors entouré de remparts et pourvu de deux portes (que l’on devine encore de nos jours), la porte d’aval et la porte du Cers.
Le castrum aura, comme tous les castrums du Lauragais de cette époque, sa maison d’hérétiques cathares, où les jeunes gens du bourg venaient apprendre à tisser et s’instruire en religion.
L’opération militaire contre les albigeois (1209-1229) ne génèrera aucun événement à Verdun. Malgré les instaurations successives des inquisitions épiscopales (1229) et dominicaines (1233), il faudra attendre le début des années 1240, pour que le nom du castrum soit par l’entremise de son bayle, associé à un acte de violence. Sur incitation de ce dernier et du collecteur de dimes, une dizaine d’habitants de Caraman tendront une embuscade au curé de Vitrac (81) et son clerc. Le prêtre parviendra à s’enfuir, mais le clerc sera assassiné et jeté dans un puits. Nous ne savons rien sur les suites (s’il y en a eu) de cette affaire. Faute d’informations, nous ne pouvons que supposer la quiétude du village et de ses abords immédiats, pour les quelques années qui ont suivi cet événement vengeur…
Néanmoins, nous apprenons, qu’en l’an 1254, Raymond Donati, de son nom en religion Montouty, diacre cathare de Toulouse, prêchait dans un bois proche de Verdun. La même année, peut-être à seulement quelques jours ou semaines de distance des prédications, hasard ou coincidence ?, l’inquisition perquisitionne le castrum. C’est alors, en ces tragiques moments, que des croyantes de Dreuilhe et de Verdun vont annoncer, aux parfaits du lieu qui se cachaient au bord de la rivière le Tenten, leur départ imminent pour l’Italie afin de s’y faire ordonner ; le Lauragais ne disposant plus à cet instant de diacre pour conférer le sacrement.
L’opération terminée, trois des « héréticus perfectus » qui s’étaient préservés de l’intervention inquisitoriale, sachant ne plus pouvoir retourner chez les croyants, seront cachés et ravitaillés pendant deux mois dans les environs du castrum. Puis l’un d’eux se terrera encore quelques temps au lieu-dit les Pierres Blanches, tout près du bourg. Il s’appelait Guillaume Carrère. Après avoir mené une douzaine d’années durant, la vie clandestine d’un parfait de son temps, découragé, il finira par abjurer volontairement sa foi hérétique auprès de l’inquisition.
La pression du tribunal de la foi s’accentuant, nombre de verdunois et verdunoises choisiront l’option d’aller chercher refuge en Lombardie, à l’exemple du natif du castrum, le parfait Bernard Ollier vu en la ville de Pavie, et que l’on retrouvera avec rang d’évêque, à Sirmione par la suite. Pour l’anecdote, il avait été de ceux qui avaient soutenu Guillaume Carrère, quand celui-ci se cachait dans les bois du village.
En 1305, une nouvelle et grande rafle sera ordonnée par l’inquisiteur Geoffroy d’Ablis, elle aboutira à l’envoi de dix-huit habitants du castrum au mur (prison inquisitoriale) de Carcassonne. Elle permettra également à l’enquête de se mettre sur la piste de l’église des frères Authier, dont les membres avaient rendu de fréquentes visites aux bons croyants et bonnes croyantes du bourg.
Quatre ans plus tard, la traque des disciples de Pierre Authié se poursuivant, c’est l’arrestation de l’un d’eux, Amiel de Perles, dans une borde dans les environs de Verdun. Parmi les soutiens actifs des Bons Chrétiens de la dernière église Cathare Occitane des frères Authié, figuraient trois fidèles issus du castrum, Guilhem Falquet, Pèire Bernier et sa femme Serdane, preuve, s’il en est, de la résistance de la population verdunoise à la répression inquistoriale. Pèire Bernier, sera lui, après avoir été arrêté et condamné comme relaps, les inquisiteurs disaient « comme un chien retourne à son vomi », un des cinq brûlés originaires de Verdun, des 25 cathares exécutés à Toulouse entre 1308 à 1321.
Verdun, nous venons de le voir, de par son histoire, est une étape incontournable pour qui voudrait sillonner « les routes du catharisme » en Lauragais. Sur place, vous pourrez y constater la configuration remarquable du castrum, dont les contours sont parfaitement adaptés à la topographie du lieu. L’hérésie albigeoise y a été particulièrement présente et ses adeptes singulièrement fervents. De grands noms du Catharisme, y ont séjournés, y ont prêché, y ont consolé, s’y sont réfugiés… 800 ans plus tard, l’endroit transpire encore leur présence. C’est un haut lieu du catharisme qu’il faut absolument visiter.
Bruno Joulia – Peyrens (11400) ©2023 (texte et photos)
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