prêche de l’Oraison dominicale

Rituel de l’Oraison dominicale – NT occitan de Lyon

4-1-Les textes cathares
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Rituel de l’Oraison – NT occitan de Lyon

Remarques préliminaires

Le Nouveau Testament (NT) occitan de Lyon est, selon les chercheurs qui l’ont étudié récemment[1], un document rédigé en Italie du nord à la fin du 13e siècle. Il est plus que probable qu’il soit un de ceux (ou le seul) dont disposait l’équipe de Pierre Authié lors de leur tentative de reconquête du Languedoc, tombé sous les coups de l’Inquisition papale.

Que pouvons-nous tirer comme conclusion de cela ?

D’abord, ce document revenait très cher à produire, même si les scribes étaient sans doute des Bons-Chrétiens qui ne faisaient pas payer leur travail. Restait le parchemin et au moins la reliure à financer. Il était très volumineux, ce qui aggravait encore les coûts.
Les textes et témoignages nous apprennent que les Bons-Chrétiens portaient en permanence sur eux, dans une pochette fixée à leur ceinture, un Nouveau Testament ! Vu le volume de ce document cela semble impossible.
Seuls les prédicateurs pouvaient utiliser ce Nouveau Testament pour effectuer leurs prêches. Par contre, et notamment en ces temps difficiles, tout Bon-Chrétien pouvait administrer le sacrement de la Consolation. Il est donc peu raisonnable d’imaginer que tous les Bons-Chrétiens avaient un Nouveau Testament « intégral » dans leur poche ; seuls les prédicateurs justifiaient d’en posséder un.
Les Bons-Chrétiens non prédicateurs devaient cependant disposer d’un document contenant les éléments utiles, comme le prologue de l’Évangile selon Jean et quelques éléments de la Règle de Justice et de Vérité. Il est donc vraisemblable qu’ils disposaient d’un mémento, comparable au bréviaire des catholiques. Ce dernier devait comporter le rituel de l’Oraison dominicale et celui de la Consolation. Ainsi en cas de séparation d’avec les autres, et notamment en l’absence d’un prédicateur disposant du NT complet, ils pouvaient assumer leur charge spirituelle auprès des croyants et poursuivre leurs obligations régulières sans risque de perdre leur statut.
Enfin, les Bons-Chrétiens analphabètes — à ne pas confondre avec illettrés —, étaient tenus d’apprendre l’essentiel par cœur, faute de pouvoir le lire. Avaient-ils un « bréviaire » sur eux, difficile de l’affirmer.

Il faut donc considérer que le NT de Lyon était peut-être un exemplaire unique, à la disposition de Pierre Authié ou bien qu’avec son frère Guilhem, ils en avaient un chacun. On sait que Pierre Authié avait payé un passeur pour lui procurer d’autres livres lors de son activité en Languedoc. S’agissait-il d’autres NT destinés à ses meilleurs prédicateurs, comme Philippe d’Alayrac ou son fils Jacques, je ne saurai l’affirmer.

Ce qui semble avéré, de par la situation particulière liée à l’Inquisition et de par la nature des textes du rituel dont nous avons la traduction, c’est que les évêques restés en Italie, avaient fait rédiger ce document afin de s’assurer que les actions qu’ils avaient déléguées à ces bons-chrétiens seraient exécutées en conformité avec la doctrine. Comme ces derniers n’étaient logiquement pas des habitués de ces pratiques, réservées aux évêques et aux diacres, le document était aussi complet que possible pour garantir la bonne pratique du rituel de l’Oraison dominicale et du sacrement de la Consolation.

Les prêches du NT sont-ils fixes ou variables ?

Le rituel de l’Oraison dominicale et le sacrement de la Consolation, tels qu’ils sont décrits dans le NT de Lyon, comportent chacun un prêche envers le récipiendaire. Est-ce un exemple ou bien s’agit-il d’un texte fixe conforme à la tradition de l’Église cathare dyarchienne du nord de l’Italie ?

Sachant que ces textes, inclus dans le NT sont écrits par les scribes de la même façon et avec les mêmes enluminures que le reste du document, il faut considérer qu’il ne peut s’agir d’ajouts ou d’annotations. Donc, ces textes sont clairement fixes et doivent être répétés tels quels lors de chaque cérémonie. Il est juste précisé que le prénom doit être adapté selon celui du récipiendaire.
Par conséquent, nous devons tenir compte de cela de nos jours et respecter ces textes, pour peu que nous nous considérions comme des croyants de cette obédience cathare.
Les respecter, c’est-à-dire en suivre le fonds mais, si besoin adapter quelque peu la forme au parler moderne.
Je me propose donc de travailler ce texte, disponible ci-dessous, afin de vous proposer un texte plus adapté mais scrupuleusement respectueux du fond de celui-ci :

Prêche de l’Oraison

Si un croyant est en abstinence, et si les chrétiens sont d’accord pour lui livrer l’oraison, qu’ils se lavent les mains, et les croyants, s’il y en a, également. Et puis que l’un des « bons hommes », celui qui est après l’ancien, fasse trois révérences à l’ancien, et puis qu’il prépare une table, et puis trois autres (révérences), et qu’il mette une nappe sur la table, et puis trois autres (révérences), et qu’il mette le livre sur la nappe. Et puis qu’il dise : Benedicite parcite nobis. Et puis que le croyant fasse son melioramentum et prenne le livre de la main de l’ancien. Et l’ancien doit l’admonester et le prêcher avec témoignages convenables. Et si le croyant à nom Pierre, qu’il lui dise ainsi :

« Pierre, vous devez comprendre que, quand vous êtes devant l’église de Dieu, vous êtes devant le père et le fils et le Saint esprit. Car l’église signifie réunion, et là où sont les vrais chrétiens, là est le père et le fils et le Saint esprit, comme les divines écritures le démontrent. Car Christ a dit, dans l’évangile de Saint Mathieu (XVIII, 20) : « En quelque lieu que seront deux ou trois personnes réunies en mon nom, je suis là au milieu d’elles. » Et dans l’évangile de Saint Jean (XIV, 23), il a dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous demeurerons avec lui. » Et Saint Paul dit dans la seconde épitre aux Corinthiens (VI, 16-18) : « Vous êtes le temple du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit par Isaac : car j’habiterai en eux, et j’irai, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. C’est pourquoi, sortez du milieu d’eux, et séparez vous-en, dit le seigneur. Et vous ne toucherez pas les choses impures, et je vous recevrai. Et je serai à vous comme un père, et vous serez à moi comme des fils et des filles, dit le seigneur Dieu tout-puissant. » Et en un autre endroit il dit (2e aux Cor., XIII, 3) : « Cherchez la preuve du Christ qui parle en moi. » Et dans la première épitre à Timothée (III, 14et 15), il dit : « Je t’écris ces choses, espérant venir à toi bientôt. Mais si je tarde, sache de quelle manière il faut te conduire en la maison de Dieu, laquelle est l’église du Dieu vivant, colonne et appui de la vérité. » Et le même dit aux Hébreux (III, 6) : « Mais Christ est comme un fils en sa maison, laquelle maison nous sommes. » Que l’esprit de Dieu soit avec les fidèles de Jésus-Christ, Christ le démontre ainsi dans l’évangile de Saint ]ean (XIV, 15-18) : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements. Et je prierai le père, et il vous donnera un autre consolateur qui soit avec vous éternellement, l’esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit ni ne le connaît, mais vous le connaîtrez, car il habitera avec vous, et avec vous sera. Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai a vous. » Et dans l’évangile de Saint Mathieu (XXVIII, 20) il dit : «Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la consommation du siècle. » Et Saint Paul dit dans la première épître aux Corinthiens (III, 16, 17) : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Dieu vivant, et que l’esprit de Dieu est en vous ? Mais si quelqu’un viole le temple de Dieu, Dieu le détruira. Car le temple de Dieu est saint, et ce temple c’est vous. » Le Christ le démontre ainsi dans l’évangile de Saint Mathieu (X, 20) : « Car ce n’est pas vous qui parlez, mais l’esprit de votre père qui parle en vous. » Et Saint Jean dit dans l’épitre (I. ch. IV, 13) ; « En cela nous savons que nous demeurons en lui, et lui en nous, car il nous a donné de son esprit. » Et Saint Paul dit aux Galates (IV, 6) : « Parce que vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé l’esprit de son fils en votre cœur, criant : Père, père ! » Par quoi il faut entendre que votre présentation que vous faites devant les fils de Jésus-Christ confirme la foi et la prédication de l’église de Dieu, selon que les divines écritures nous le donnent a entendre. Car le peuple de Dieu s’est séparé anciennement de son seigneur Dieu. Et il s’est séparé du conseil et de la volonté de son Saint père, par la tromperie des malins esprits et par sa soumission à leur volonté. Et par ces raisons et par beaucoup d’autres, il est donné à entendre que le Saint père veut avoir pitié de son peuple, et le recevoir dans la paix et dans sa concorde, par l’avènement de son fils Jésus-Christ, et en voici l’occasion. Car vous êtes ici devant les disciples de Jésus-Christ, dans un lieu où habitent spirituellement le père, le fils et le Saint esprit, comme il est démontré ci-dessus, pour recevoir cette sainte oraison que le seigneur Jésus-Christ a donnée a ses disciples, de façon que vos oraisons et vos prières soient exaucées de notre Saint père. C’est pourquoi vous devez comprendre, si vous voulez recevoir cette sainte oraison, qu’il faut vous repentir de tous vos péchés et pardonner à tous les hommes. Car notre seigneur Jésus-Christ dit (Ev. saint Mathieu, VI, 15) : « Si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs péchés, votre père céleste ne vous pardonnera pas vos propres péchés. » Derechef, il convient que vous vous proposiez en votre cœur de garder cette sainte oraison tout le temps de votre vie, si Dieu vous donne la grâce de la recevoir, selon la coutume de l’église de Dieu, avec chasteté et avec vérité, et avec toutes les autres bonnes vertus que Dieu voudra vous donner. C’est pourquoi nous prions le bon seigneur, qui a donné aux disciples de Jésus-Christ la vertu de recevoir cette sainte oraison avec fermeté, qu’il vous donne aussi la grâce de la recevoir, avec fermeté et à l’honneur de lui et de votre salut. Parcite nobis. »

Et puis, que l’ancien dise l’oraison, et que le croyant la suive. Et puis que l’ancien dise : « Nous vous livrons cette sainte oraison, pour que vous la receviez de Dieu, et de nous et de l’église, et que vous ayez pouvoir de la dire tout le temps de votre vie, de jour et de nuit, seul et en compagnie, et que jamais vous ne mangiez ni ne buviez, sans dire premièrement cette oraison. Et si vous y manquiez, il faudrait que vous en portassiez pénitence. Et il doit dire : « Je la reçois de Dieu et de vous, et de l’église. » Et puis qu’il fasse son melioramentum, et qu’il rende grâces, et puis que les chrétiens fassent une « double » avec venia, et le croyant après eux.

[1] Anne Brenon, David Zbiral et leur équipe.

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