Prêche cathare

Notre apocalypse

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Notre apocalypse

Ce terme est porteur de deux acceptions très différentes. La plus commune évoque une catastrophe porteuse de la menace de la fin du monde ; la peur la plus importante qu’un être humain puisse concevoir. L’autre est de portée religieuse et nous parle d’une révélation que nous propose Christ.

Le titre de ce prêche est, selon l’acception antique ou moderne, selon notre compréhension cathare, à la fois le début et la fin. Je vous propose de vous en livrer ma compréhension afin que vous vous en imprégniez profondément, car de cette compréhension dépendra sans aucun doute le devenir de votre part spirituelle en ce monde malin.

La révélation

Le texte, attribué à Jean le disciple, qui figure dans le Nouveau Testament, révèle à ce dernier comment se passera la fin du monde et le devenir des hommes selon qu’ils auront suivi l’enseignement reçu de Christ ou qu’ils l’auront ignoré.

Mais la vraie révélation que Christ nous apporte est que pour atteindre le salut, il ne faut plus suivre seulement la loi mosaïque qui est faite pour vivre dans ce monde, mais suivre le seul commandement que Christ nous enseigne qui nous permettra d’être hors du monde, voire parfois en opposition avec le monde.

« Un chef lui demanda : Bon maître, qu’est-ce que je peux faire pour hériter de la vie éternelle ? Jésus lui dit : Pourquoi me dis-tu bon ? Personne n’est bon, que Dieu seul. Tu sais les commandements : Tu ne seras pas adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne témoigneras pas à faux ; honore ton père et ta mère. Il dit : J’ai gardé tout cela dès ma jeunesse. À cette parole, Jésus lui dit : Une chose te manque encore : vends tout ce que tu as et distribues-en le prix aux pauvres ; et tu auras un trésor dans les cieux. Et viens ici, suis-moi. À ces paroles il devint triste, car il était fort riche. Jésus le vit et dit : Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses d’entrer dans le règne de Dieu ! Il est en effet plus facile à un chameau d’entrer par un trou d’aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le règne de Dieu. Ceux qui l’écoutaient lui dirent : Et qui peut être sauvé ? Il dit : Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Et Pierre lui dit : Voilà, nous avons laissé nos affaires pour te suivre. Il leur dit : Oui je vous le dis, personne n’aura laissé maison, femme, frères, parents ou enfants à cause du règne de Dieu, qu’il ne reçoive à l’instant plusieurs fois autant et, dans l’âge qui vient, la vie éternelle. » (Lc 18, 18-30 – Matth. 19, 16-26)

« Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés, vous aussi vous aimer les uns les autres. Par là tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 34-35).

La révélation qui nous est donnée n’est pas de ce monde en cela qu’elle ne nous impose pas des pratiques mondaines, comme le fait la loi mosaïque (aimer Dieu, aimer ses proches…). Elle nous montre que la seule loi qui nous donnera accès au salut est contraire aux pratiques du monde et qu’elle fera de nous des parias : aimer sans distinction et sans limite. Cela met en avant notre dualité : la première est notre part mondaine qui se fixe une morale en suivant la loi mosaïque et la seconde est notre part spirituelle qui ne connaît aucune règle, mais se contente d’aimer. C’est ce que les cathares appelaient laisser mourir en nous la part mondaine constituée d’un élément animal animé survalorisé par l’emprisonnement de l’esprit-saint (l’Adam primordial) et laisser ressusciter la part spirituelle détachée du monde et prête à rejoindre Dieu (le Christ).

La compréhension et l’adoption de cette révélation marque le passage entre l’état de sympathisant ou de croyant débutant et celui de croyant affirmé. Ce passage est, à mon avis, le plus difficile et générateur de souffrance de tout le cheminement cathare, car il exige l’acceptation pleine et entière que ce monde est du diable, malgré les points positifs que nous pouvons lui trouver, et qu’il faut donc le rejeter pour qu’il perde tout pouvoir sur nous et permettre à notre part spirituelle de guider nos pas. Cet abandon du monde est un crime aux yeux du monde qui ne manquera pas de nous le faire payer cher. C’est pour cela que, consciemment ou non, nous résistons violemment à cette obligation, car tout en nous : notre culture, notre inconscient, notre volonté s’oppose à un choix qui se présente comme une impasse sans possibilité de retour. En effet, faute de pouvoir expérimenter sans risque une telle hypothèse, notre mondanité nous enjoint de la refuser, comme nous refuserions de sauter d’un avion sans parachute ou de nager sans protection au milieu des requins.

Seuls ceux qui auront été éblouis par la puissance de cette révélation pourront envisager de la suivre comme le joueur de poker persuadé de sa main n’hésite pas à jeter tous ses jetons sur le tapis.

C’est ce que Paul fit en son temps et qu’il nous rappelle dans ses lettres :

« Le langage de la croix en effet est stupidité pour ceux qui périssent mais, pour nous qui sommes sauvés, il est puissance de Dieu, » (Première lettre aux Corinthiens 1, 18)

« Alors que les Juifs demandent des signes et que les Grecs cherchent une sagesse, nous autres, nous prêchons un christ crucifié, embûche pour les Juifs et stupidité pour les nations, un christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu pour les appelés, Juifs ou Grecs ; car la stupidité de Dieu est plus sage que les hommes et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes. » (1 Cor. 1-23-25)

« J’aurais beau parler les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas de charité, je ne suis qu’un cuivre retentissant, une cymbale glapissante ; j’aurais beau prophétiser, savoir tous les mystères et toute la science, j’aurais beau avoir toute la foi au point de déplacer des montagnes, si je n’ai pas de charité, je ne suis rien ; quand je donnerais tous mes biens en pâture, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas de charité, cela ne me sert à rien. » (1 Cor. 13, 1-3)

Cet homme érudit et disposant d’une place éminente dans la société juive de son époque, n’a pas hésité à tout sacrifier sur la base d’une simple « vision » qu’il fut le seul à ressentir. Sachant ce que cela lui a apporté par la suite, qui sommes-nous pour penser qu’il aurait eu tort ?

C’est pourquoi j’insiste à dire que quiconque refuse de lâcher prise en ce monde se ferme la porte du salut, car ce monde n’est pas de Dieu et qu’il est fait pour nous maintenir prisonniers ici-bas. Cela nous concerne tous, que ce monde nous ai favorisés ou, au contraire, qu’il nous ai maltraité, car dans les deux cas il crée des liens fermes et quasi-indissolubles, soit pour améliorer la situation qui est la nôtre qui ne nous satisfait jamais réellement.

Abandonner le monde n’est pas un choix que l’on peut faire de façon partielle. Il faut être en état de quitter ce monde à tout instant comme nous le rappelle l’autre acception du terme apocalypse.

La fin du monde : échec ou salut

C’est aujourd’hui l’acception la plus commune d’apocalypse qui est synonyme de catastrophe majeure assimilable à la fin du monde, non pas comme élément malin auquel nous n’avons aucune part, mais comme le seul monde que nous connaissions faute d’éveil spirituel.

Cela explique le caractère terrible que revêt ce terme pour ceux qui ne se sont pas éveillés par la pleine conscience de la révélation. Ce terme porte aussi l’idée intrinsèque que l’événement dramatique est imprévisible pour nous qui devrons le subir et programmé par celui qui le déclenchera. En effet, pour les judéo-chrétiens, c’est la seconde parousie de christ qui enclenchera l’apocalypse. Pour les cathares les choses sont moins clairement datées. Si du point de vue humain le déclenchement du phénomène est également imprévisible, la responsabilité de ce déclenchement n’est pas imputable à une entité — que ce soit, Dieu, le christ ou le diable —, mais dépend d’un équilibre précaire qui sera rompu par une sorte d’usure.

Pour les chrétiens, ce caractère imprévisible est largement documenté dans Le Nouveau Testament :

« Mais le jour et l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais seulement le Père. » (Matth. 24, 36)

« Prenez garde, chassez le sommeil, car vous ne savez pas quand c’est l’instant. » (Mc 13, 33)

Pour répondre à ce phénomène aussi imprévisible qu’inéluctable il faut être prêt, comme le rappelle Matthieu :

« Alors le règne des cieux sera pareil à dix vierges qui ont pris leurs lampes et sont sorties au-devant du marié. Cinq d’entre elles étaient stupides et cinq, sensées. Les stupides avaient pris leurs lampes mais elles n’avaient pas pris d’huile ; les sensées avaient pris de l’huile dans des récipients en même temps que les lampes. Comme le marié tardait, elles se sont toutes assoupies et se sont endormies. Au milieu de la nuit, il y a eu un cri : Voilà le marié ! Sortez au-devant de lui ! Alors toutes ces vierges se sont levées pour garnir leurs lampes. Et les stupides ont dit aux sensées : Donnez-nous de votre huile, parce que nos lampes s’éteignent. Les sensées ont répondu : Cela ne suffirait pas pour nous et pour vous ; allez plutôt en acheter chez les marchands. Pendant qu’elles y allaient le marié est venu et celles qui étaient prêtes sont entrées avec lui aux noces, et on a fermé la porte. Enfin viennent aussi les autres vierges, qui disent : Seigneur, seigneur, ouvre-nous. Mais il leur répond : Oui je vous le dis, je ne vous connais pas. Réveillez-vous donc car vous ne savez ni le jour ni l’heure. » (Matth. 25, 1-13)

Pour les cathares, nous ne quitterons ce monde que nous assimilons à l’enfer que lorsque nous aurons fait nôtre le commandement de Christ, la Bienveillance absolue et que nous l’aurons pratiquée jusqu’à notre dernier souffle. Faute de quoi nous reviendrons dans une nouvelle enveloppe charnelle, mais sans la moindre garantie que cette nouvelle vie permettra d’entrevoir cette possibilité de salut comme c’est le cas aujourd’hui, car il n’y a pas, du point de vue cathare, de progressivité et de mémorisation d’une vie à l’autre. Comme l’énonçait naïvement Bélibaste, l’« âme » libérée du corps erre nue et tremblante et se jette dans le premier corps naissant disponible.

En fait, comme je viens de vous le montrer, l’apocalypse — du point de vue cathare —, est l’alpha et l’oméga du cheminement cathare puisqu’elle marque à la fois l’éveil et le salut du croyant et du consolé.

Le point commun entre ces deux extrêmes est la compréhension de la nécessité de quitter le monde, dans ses œuvres en attendant la mort de la prison charnelle qui nous contraint, mais que nous pouvons surmonter.

Or, c’est le point crucial qui constitue la principale pierre d’achoppement pour tous ceux qui souhaitent s’engager dans la foi cathare. C’est donc au moment où la volonté d’engagement est la plus faible que cet obstacle se dresse devant vous.

Mais l’objectif en vaut la peine. Aussi, si vous découvrez le catharisme, ne vous inquiétez pas de ce passage, car quand il surviendra devant vous vous serez mieux à même de le surmonter. Si vous êtes déjà convaincu que le catharisme est la seule voie vers le salut pour vous, ne procrastinez pas et faites le ménage dans vos chaînes mondaines. Après coup vous en ressentirez les bénéfices immédiats comme le prisonnier à qui on vient de retirer ses entraves.

Contrairement à l’intention du texte judéo-chrétien qui clôt le Nouveau Testament, dont l’objectif était de terroriser les communautés pauliniennes pour les forcer à revenir au judéo-christianisme de Rome, l’apocalypse n’a que des significations positives : accéder à l’éveil d’une part et au salut d’autre part.

© le 19 janvier 2025 par Guilhem de Carcassonne

Trois Prêches de Bélibaste

3-1-Doctrine cathare | 3-3-Pensée moderne | 4-2-Bible
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Trois Prêches de Bélibaste

Je me propose ici de réunir trois prêches du chrétien de l’exil. Ils sont issus des dépositions devant l’Inquisition de Pèire Maury, le berger croyant, ami fidèle de Bélibaste, et d’Arnaud Sicre (ou Arnaud Baille), l’homme qui livra Bélibaste à Jacques Fournier dans le but de récupérer les biens de sa mère confisqués par l’inquisiteur.Read more

Ascèse et simplicité (2)

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Ascèse et simplicité (2)

Prêche du 09 janvier 2022 par Guilhem de Carcassonne

Si la rigueur morale impressionne, la rigueur pratique peut parfois effrayer.

En effet, vue de l’extérieur, elle semble s’apparenter à une pulsion suicidaire. Cette conception tient à une double méconnaissance : la capacité du corps humain à supporter des privations sans en souffrir et les abus dont nous sommes devenus coutumiers à l’aune du dérèglement entre les besoins et les apports liés à la sédentarisation et à la mécanisation.

L’ascèse comportementale, une morale pratique

Si j’en crois la définition du Petit Robert, le terme « morale » peut très bien s’adapter à une action pratique. En effet, elle stipule : « Science du bien et du mal : théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien. »

D’un point de vue strictement littéraire et encyclopédique, il s’agit d’une technique de discipline du corps en vue d’une libération spirituelle. Les cathares avaient développé ce concept.

Si le terme « morale » est souvent employé dans un sens rigoriste, la mise en pratique (praxis) doit être vue comme un apprentissage conduisant à des actions qui demandent un peu de rigueur, mais dont l’apprentissage a largement amoindri la sévérité apparente.

La pratique ascétique

Elle est directement liée aux deux fondamentaux : la non-violence et l’humilité.

Comme l’ascèse morale, elle vise à préparer notre corps à se retirer du monde qui le domine habituellement. Cela touche aussi bien à l’aspect physique qu’à l’entretien du corps, sans oublier nos relations physiques aux autres.

L’habillement

La spécificité de l’habillement cathare repose sur deux points : les matériaux et les couleurs.

Concernant les matériaux, l’usage médiéval touchait aux produits animaux (peaux, soies, laine, poils, etc.) et aux produits d’origine agricole (lin, chanvre) pour les tissus et à la nacre, l’os voire au bois pour les moyens de fermeture.

Aujourd’hui notre choix est plus facile et plus large. Si nous éliminons les peaux et la laine, il nous reste le lin, le coton et tous les matériaux issus de la chimie du pétrole, sans oublier des produits naturels inconnus sans doute pour cet usage à l’époque (bambou, liège, etc.). Pour les fermetures, le métal et le plastique permettent aujourd’hui de couvrir les besoins.

Comme nous le savons, la couleur noire n’a pu être techniquement fixée qu’à partir du XVe siècle. Pourtant les cathares s’habillaient de noir en usant de teintures, souvent de mauvaise qualité et de durée brève. La noix de gale n’était pas utilisée en raison de son prix. La cendre l’était et donnait une teinte plus anthracite que noire. Comment expliquer ce choix ? Au Moyen Âge le noir était la marque de l’humilité et c’est sans doute là qu’il faut chercher l’explication des efforts fournis pour un résultat aussi mince. Aujourd’hui, le noir est facile à obtenir et la science nous prouve qu’il s’agit d’une couleur qui témoigne d’une volonté de détachement du monde puisqu’elle résulte d’une absence totale de réflexion de la lumière sur le support. En laissant passer tout le spectre lumineux, le noir n’agit pas sur la part lumineuse de ce monde. Les textes de l’Inquisition parlent aussi de la couleur verte ou bleue des vêtements des Bons Chrétiens qui ainsi se faisaient moins remarquer. J’ai donc validé le choix initial des cathares dont la justification est double et ne porte que du noir.

Autre point important ; il faut se doter de ce qui est utile et s’abstenir du superflu ou de ce qui est ostentatoire. Ne pas gâcher son temps et son argent dans des domaines futiles.

L’alimentation

L’alimentation est très importante, car elle repose sur les moyens d’approvisionnement et sur les connaissances scientifiques.

Au Moyen Âge, l’Amérique étant encore inconnue, les nombreux produits qu’elle nous a donnés sont absents des régimes alimentaires. Les apports sont liés à l’agriculture et à l’élevage pour l’essentiel ; à la chasse et à la pêche de façon plus limitée en raison des apanages féodaux qui en réservaient l’usage aux nobles.

L’alimentation des populations était donc limitée à l’agriculture qui produisait beaucoup plus de légumineuses que nous n’en consommons aujourd’hui. Les haricots et les fèves constituaient d’excellents apports caloriques et protéiniques. Aujourd’hui nous pouvons y adjoindre, outre les produits d’origine américaine (pomme de terre, tomates, quinoa, etc.) les produits issus du soja (tofu, tempeh, etc.).

La science médiévale limitait le titre d’animal à des formes de vies se reproduisant par copulation et respirant à l’air libre). C’est pourquoi les poissons étaient considérés comme des algues dont les spores apparaissaient spontanément dans l’eau et dont la respiration oxygénée était inconnue. Aujourd’hui nos connaissances nous conduisent logiquement à rejeter ces produits dont l’origine animale ne fait aucun doute. Quant aux produits relevant des fruits de mer et des crustacés, si leur origine diabolique — également attribuée à la plupart des reptiles —, est écartée, leur statut animal les interdit également.

Fort heureusement, il ne manque pas de produits originaux ou transformés accessibles et en développement depuis la montée en puissance du véganisme.

La possession

Aujourd’hui comme au Moyen Âge, l’homme se positionne dans le corps social en fonction de ce qu’il possède et non en fonction de ce qu’il peut apporter de positif à la société. Il n’est pas difficile de le remarquer de nos jours en comparant la rémunération des métiers essentiels à la vie de la société (soignants, employés à l’hygiène et à la propreté, transporteurs, personnes en charge de la fourniture et de la production alimentaire, etc.). L’argent produit de l’argent et ceux qui en possèdent le plus en reçoivent encore, comme dans la parabole des talents, pendant que ceux qui en ont peu sont encore plus privé de ce peu qu’ils ont.

Mais posséder est un leurre, car la possession crée le sentiment de supériorité et la peur de perdre. En effet, la disproportion entre ceux qui possèdent et font savoir que la possession donne, non seulement le pouvoir, mais aussi un sens à la vie, crée chez ceux qui ont moins qu’eux le désir mimétique de s’approprier leur bien, fut-il acquis honnêtement. Dès lors, conserver ce que l’on possède oblige à se concentrer quasi uniquement sur cette problématique d’éviter de perdre ce que l’on a, voire d’acquérir davantage pour avoir plus de pouvoir et croire être mieux protégé. De possédant on devient vite possédé à son tour.

Le bon chemin est donc d’adapter sa vie à une pauvreté choisie qui nous libère ainsi des affres de la possession. Mais il faut essayer d’éviter la misère qui crée un asservissement inverse de celles et ceux qui doivent alors se battre au quotidien pour survivre.

Se déposséder de son superflu au bénéfice de ceux qui n’ont pas assez, soit directement, soit en donnant à des œuvres qui se chargeront de répartir ce superflu au mieux des besoins nécessite de conserver le fondamental d’humilité, ce qui interdit d’en faire étalage ou de créer des œuvres cathares.

Si nous sommes attirés par le catharisme, nous devons non seulement nous déposséder de notre superflu au profit de ceux qui sont dans la misère, au nom du principe d’humilité, mais aussi réduire nos besoins essentiels au nom du principe de non-violence, car la planète étant en difficulté, maintenir notre consommation revient à valider les activités étatiques de prise de pouvoir dans des pays étrangers, notamment en Afrique, pour assouvir les besoin du pays qui relance une nouvelle forme de colonisation.

Réduire ses besoins, ne conserver que le nécessaire, arrêter de détruire la planète par des choix inadéquats seront les moyens de retarder l’échéance apocalyptique qui se profile devant nous.

La méditation et la ritualité

Au-delà de nos actions dans ce monde que je viens de détailler, il faut aussi préserver du temps pour la ritualité. Contrairement à d’autres christianismes qui délaissent cela à l’unique activité des religieux, le catharisme rappelle que le cheminement est individuel et que l’on ne peut pas demander à un chrétien consolé de cheminer à votre place.

Certes, leur ritualité est approfondie et riche et il est évident que chaque sympathisant ou croyant cathare n’a pas la possibilité de se détacher du monde autant qu’eux. Pour autant, chacun doit s’organiser pour libérer du temps consacré à une forme de ritualité adaptée. Chacun doit consacrer des temps de vie à la ritualité en prenant sur le temps que le monde laisse libre.

Cette ritualité doit être le support d’une méditation active accompagnée de la prière des croyants : Le père saint.

La méditation est l’occasion de faire le point sur son parcours de sympathisant et de croyant ; d’y rechercher les points qui peuvent être améliorés et ceux qui doivent être proscrits. Tout le monde n’aura pas l’occasion de se retirer en maison cathare pour faire son noviciat. Il faut donc, dans ce monde, tout mettre en œuvre pour tenter de se mettre dans les meilleures conditions possibles pour faire son salut le moment venu.

La pratique ascétique dans l’espace social

L’étude et la connaissance

La conviction que la connaissance est le premier pas du cheminement cathare doit accompagner tout sympathisant et être fortement ancré dans la pensée de tout croyant. Cette connaissance s’acquiert par l’étude et la méditation. Suivre une catéchèse, s’informer des données que le catharisme d’aujourd’hui a remis à l’honneur, adapter sa vie quotidienne pour suivre au mieux les préceptes de la règle de justice et de vérité, sont les points importants de l’acquisition de cette connaissance.

Là où les croyants allaient s’informer auprès des Bons Chrétiens, à l’occasion de prêches parfois dangereux en période de croisade et d’Inquisition, les sympathisants et les croyants d’aujourd’hui doivent le faire en utilisant tous les outils que nous donne la technologie moderne : forums, visioconférences, rencontres, etc.

Les rapports sociaux et l’altérité

Si autrefois, l’Église cathare était reconnue et intégrée dans l’espace social, aujourd’hui nous avons tout à reconstruire. Cependant, que ce soit à titre individuel ou à titre collectif, nous devons respecter les obligations de non-violence et d’humilité.

Comme nous l’avons vu dans le prêche précédent, notre implication dans les rapports sociaux doit rester humble et modeste. Nous devons être là pour ceux que nous pouvons aider et demeurer neutre et bienveillants envers ceux pour qui nous ne pouvons rien ou qui ne souhaitent pas notre aide.

Dans nos relations ecclésiales nous devons mettre en avant l’importance de l’altérité et ce dès le stade de sympathisant. En effet, si l’altérité est essentielle à tous les niveaux de notre avancement, elle l’est encore plus quand nous sommes fragiles parce qu’encore hésitants sur la route à suivre. Le sympathisant et le croyant cathare doivent comprendre qu’ils ne doivent pas s’isoler, au risque de ne plus être en mesure de cheminer dans la voie cathare.

Les consolés et les novices auront une altérité plus réduite, car il est nécessaire de conserver des rapports qui maintiennent une certaine égalité d’avancement entre les membres au risque que l’un n’arrête de progresser en n’étant plus qu’une sorte de guide pour l’autre.

Guilhem de Carcassonne

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