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Les trois mondes

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Les trois mondes

Le démontrable et le reste

Nous sommes habitués à définir les choses selon deux critères : ce qui est scientifiquement démontrable et ce qui ne l’est pas. Les progrès de la science poussent les athées à considérer que ce qui ne l’est pas le sera un jour, ce qui leur évite de s’interroger sur les raisons qui rendent certains phénomènes indémontrables. C’est un peu la même démarche que l’on retrouve chez les religieux dogmatiques qui, face à des phénomènes incompréhensibles dans leur conception de la divinité, se content de déclarer que les desseins de Dieu sont impénétrables.

En fait, ces deux visions interdisent finalement aux hommes, croyants ou athées, de chercher à comprendre et d’avancer dans leurs recherches. Pour les cathares, l’acquisition du savoir et son analyse fine sont à la base de la justification de leur croyance qui se transformera à terme en connaissance, porte d’accès à l’éveil. Mais, si ce qui est démontrable est facile à définir, il n’en va pas de même pour ce qui n’est pas démontrable : existence de Dieu, capacités supra-sensorielles, etc.

La théorie des trois mondes

Une question que l’on me pose souvent, et que je me suis également posée, est de savoir distinguer ce qui relève de la création mondaine maléfique de ce qui relève de l’empyrée divin en ce monde sensible. D’autant que dans ce monde certaines personnes ou certains phénomènes semblent pouvoir accéder à une dimension non sensorielle.

C’est pour expliquer cela que j’ai élaboré la théorie des trois mondes.

Imaginons trois mondes : un sensoriel et visible, que nous côtoyons au quotidien, un spirituel et éternel, que nous essayons d’imaginer sans tomber dans l’anthropomorphisme et un situé entre les deux. Ces trois mondes seraient séparés par l’équivalent de membranes perméable, pour l’une, qui permet des échanges réciproques, comparable à celle que l’on trouve dans une « bobine » de rein artificiel et une semi-étanche unidirectionnelle que l’on pourrait comparer à celle posée sur la surface d’une maison, afin de permettre la sortie de l’air en empêchant la pénétration de l’eau.

Mais ces trois mondes sont difficiles à délimiter. Il peut y avoir du Mal dans le monde sensible, qui est son domaine d’excellence, mais aussi dans le monde intermédiaire et il peut y avoir du Bien dans le monde intermédiaire et, plus rarement, dans le monde sensible.

Pour évoquer ce sujet difficile il faut d’abord définir ce que sont le bien et le mal, car cela est différent de l’idée communément admise. Le bien est la manifestation sensible — et non pas simplement spirituelle — de l’action de la Bienveillance divine. Le mal, au contraire, est tout ce qui vient perturber, atténuer ou abolir cette action, manifestant ainsi l’action du Mal. Pour définir si une action relève du Bien il faut donc s’interroger pour vérifier si cette action ne peut être l’occasion d’un mal ici ou ailleurs. Les exemples pullulent où le bien pour les uns est en fait un mal pour les autres. Dans le monde sensible cela est assez facile à appréhender, mais dans le monde extrasensoriel c’est bien plus difficile. Or, justement, c’est dans ce domaine mal connu et peu accessible à la plupart d’entre-nous, que la frontière entre le bien et le mal est la plus difficile à estimer. Ce qui est clair, est qua dans un monde où le Mal domine largement, l’expression du Bien est extrêmement limitée et qu’il suffit d’un rien pour qu’un bien apparent ne soit en fait un mal. Cela est souvent refusé car, considéré comme trop restrictif, ce qui fait dire des cathares qu’ils sont trop négatifs.

Le monde sensible

Le monde le plus facile à étudier est clairement celui que nous pouvons appréhender par nos cinq sens et que nous pouvons démontrer grâce à la science ou à la philosophie.

Dans le monde sensible tout semble facile à comprendre, mais encore faut-il faire attention à la façon dont on le regarde. En effet, comme le loup revêtu d’une peau de mouton pour tromper le berger, un regard superficiel ou mal habitué peut nous faire prendre une chose pour son contraire. Il y a quelques temps déjà, suite à une de mes publications où j’expliquais que ce monde sensible étant créé par l’envoyé du Mal, qu’on l’appelle le démiurge ou le diable, une dame m’adressa une carte postale représentant un chalet suisse confortablement posé sur une prairie verdoyante. En guise de commentaire, elle m’écrivait que je ne pouvais pas honnêtement prétendre voir dans ce « tableau » une création maligne. Je lui répondis qu’elle regardait mal sa photo. En effet, vue de loin elle paraissait paisible et merveilleuse, mais si l’on zoomait sur la prairie au point de se retrouver à l’échelle des brins d’herbe, les choses étaient très différentes. Ce monde, que nous ignorons le plus souvent, n’est rien d’autre qu’un immense champ de bataille. Que ce soit les végétaux ou les animaux, ce ne sont que combat à mort pour survivre et prendre le dessus sur l’autre. Par émission de produits chimique pour les plantes et pour certains animaux ou par des luttes sanglantes, chacun cherche à se faire la meilleure place et, s’il y parvient, il continue la lutte pour la conserver. Finalement, les hommes qui sont constamment en guerre, ici ou là, paraissent presque pacifiques comparés aux autres espèces animales et végétales. La seule différence notable est que nous luttons ou tuons pour des motivations rarement vitales, voire pour le plaisir.

Il faut dire que le monde sensible est caractérisé par son incapacité à conserver un état d’équilibre qui serait propice à sa stabilité. Comme l’homme qui se déplace ou tente de rester debout de façon statique, son organisme lutte en permanence contre la perte d’équilibre, compensant une fois la chute en avant et tout de suite après la chute en arrière.

Mais il peut arriver que, dans ce monde malin, l’on puisse observer ce qui semble s’apparenter au Bien. Pourtant une analyse sérieuse nous montre clairement que ce bien s’obtient au détriment d’autre chose qui produit du mal, souvent dans des proportions plus importantes que le bien apparent. Il y a des exemples évidents : tel qui gagne le gros lot du Loto® n’y parvient qu’en raison de l’échec d’un grand nombre d’autres dont les mises lui reviennent partiellement, puisque l’État et la Française des Jeux prélèvent leur part ; un vêtement bon marché ne l’est qu’au détriment de personnes dont le travail mal rémunéré permet d’obtenir ce prix attractif, sans parler des désastres écologiques ayant présidé à sa confection. Et pour la nourriture, je ne m’étendrai pas sur la souffrance animale qu’elle nécessite, y compris pour les produits ne nécessitant pas la mise à mort, comme on peut l’observer pour les produits lactés, le miel, etc. Et la production animale, consommant en moyenne 7 fois plus de protéines et bien plus d’eau encore, aggrave la progression de la malnutrition, alors qu’une alimentation végétalienne générale permettrait de nourrir cinq à sept fois plus de population sans risque en matière sanitaire ou de développement.

Désolé de vous avoir dépeint ce monde sous un tel jour, mais la réalité, une fois dévoilée, est rarement attirante.

Le monde spirituel

Comment définir ce monde spirituel dont personne n’est jamais revenu pour nous le décrire, et même comment le nommer sans tomber dans l’anthropomorphisme et ce que je pourrais nommer le géomorphisme[1] par néologisme ? J’utilise souvent le terme d’empyrée divin qui est à peine plus clair que celui de monde spirituel. En fait, il est impossible de désigner ce qui n’a pas de réalité physique que l’on puisse appréhender, car notre imagination n’est pas assez puissante pour ce faire. Non seulement nous ne savons pas le nommer précisément, mais nous ne pouvons le définir et le situer. La raison en est simple, le monde spirituel n’a pas d’aspect physique ni de position dans l’espace et le temps. En fait, il est partout et nulle part ou, plus précisément, il est là où se trouvent ce qui constitue sa raison d’être.

Comme vous le comprenez nous entrons dans le domaine de la cosmogonie qui, en ce qui concerne le catharisme, est assez souple pour autant que sa description ne vienne pas contredire les éléments fondamentaux de la foi cathare.

Nous connaissons la cosmogonie judéo-chrétienne qui propose deux zones : le paradis et l’enfer, avec un cas peu clair appelé le purgatoire. La répartition des âmes fait penser à une sorte de gare de triage où chacun est jugé et dirigé vers le lieu adapté à son cas. Je vous invite à ce propos à lire l’inénarrable Curé de Cucugan[2] dans lequel le bon curé audois, imaginé par Alphonse Daudet, visite le paradis, le purgatoire et l’enfer à la recherche de ses anciens paroissiens. La vision populaire imaginait aussi, au début du christianisme et notamment dans le gnosticisme, un empilement de cieux de verre qui allait du moins pur au plus parfait, avec le christ occupant le septième niveau et Dieu le huitième. Paul de Tarse dit avoir été enlevé au troisième ciel qu’il appelle le paradis. De même les cathares médiévaux imaginaient que christ était descendu de son ciel en cachant sa nature (kénose) pour ne pas alerter les forces du Mal qui occupaient la terre et les premiers cieux.

Je vais donc vous donner ma vision du monde spirituel et en préciser la nature et les contours. D’abord, c’est à la philosophie que je m’en remets pour formaliser intellectuellement ce qui ne peut pas l’être. Le monde spirituel est la façon dont nous pouvons « situer » Dieu et son émanation consubstantielle, l’Esprit unique. Or, nous qui sommes « exilés » en ce monde sensible, sommes également parties du monde spirituel, ce qui montre son extrême laxité. La meilleure façon que j’ai pu trouver pour le représenter est tirée du film Interstellar[3] dans lequel le héros se retrouve dans une dimension qu’il assimile à la gravité et qui lui permet de se déplacer et d’agir sur le monde classique qu’il aperçoit au travers des rayonnages de la bibliothèque de sa fille, sans être limité dans le temps, mais sans pouvoir interagir avec elle directement. De la même façon j’entrevois que l’émanation divine est capable de pénétrer dans notre monde physique, sans pour autant y agir sur les éléments mondains ni en être affectée. Notre part spirituelle, prisonnière de notre corps physique et de notre âme mondaine, est donc à la fois contrainte en ce monde et rattachée au monde spirituel. Bien entendu, le monde spirituel n’a pour seule référence que l’Être, au sens ontologique, lequel ne peut s’exprimer que dans le Bien absolu.

Mais me direz-vous, comment situer le Mal dans tout cela ? Je dirais que l’espace d’expression du Mal est à mes yeux sa création : l’univers et tout ce qu’il contient.

L’autre approche est spirituelle et dépend de notre position vis-à-vis de la foi. Pour ma part, depuis l’adolescence, je n’ai cessé de m’interroger sur ce qui est bien ou mal, sur ce que je faisais dans ce monde, sur les raisons de ma naissance et la justification de ma mort, sur la mission qui pourrait justifier tout cela et sur l’orientation que je souhaitais donner à mes choix de vie en fonction de ma conception de l’au-delà. J’en suis arrivé à la conclusion que la morale devait guider ma vie, morale personnelle sur ma conception de ce qui est bien et de ce qui est mal, morale sociale pour définir et appliquer ma morale personnelle à mes échanges sociaux, morale spirituelle pour guider mes choix en fonction de l’idée que je me fais de Dieu.

Le monde intermédiaire

Nous abordons là la partie la plus difficile de ma réflexion. En effet, alors que nous ne disposons d’informations relativement fiables que sur un seul des deux mondes déjà présentés, comment faire pour délimiter ce monde intermédiaire ?

Tout d’abord, je suis partie du principe que ce monde ne devait pas relever du sensible et du démontrable et qu’il devait se situer un cran en dessous de ma conception du monde spirituel. Ainsi, je vois deux domaines qui pourraient relever de ce monde intermédiaire : celui de l’imagination et du rêve et celui de l’extrasensorialité.

Le premier m’est difficilement accessible, n’ayant pas une imagination débordante et n’ayant aucun souvenir de mes rêves et le second m’est encore plus étranger, n’ayant jamais eu de telles expériences. Mais j’ai côtoyé des personnes qui m’ont relaté leurs propres expériences en ce domaine et je lis régulièrement des ouvrages de personnes dont l’imagination dépasse largement la moyenne habituelle.

Comme je viens de le faire à propos du film cité ci-dessus, l’imagination conduit certains d’entre-nous à envisager des possibles permettant de faire un lien entre notre monde et ce qui pourrait relever d’un autre espace dont les dimensions et les lois physiques sont sans aucun rapport avec le monde sensible. Cette imagination hors-norme est-elle le signe d’une interaction entre le monde physique et le monde spirituel ? Je ne peux l’affirmer à tout coup ; cela dépend des conséquences de cette imagination. Ainsi le monde d’Orwell[4] qui nous est présenté dans 1984, met le Mal en évidence, ce qui me semble incompatible avec une origine spirituelle. Pour autant on ne peut ignorer certaines fulgurances dans l’imagination des auteurs de science-fiction. Ainsi, Matrix[5] est clairement plein de références à l’éveil, même s’il est peu probable que ses auteurs en aient eu conscience du point de vue cathare.

J’ai également connu plusieurs personnes ayant affirmé disposer de compétences extra-sensorielles, notamment de type précognition, qui m’ont interrogé sur la nature de ces dons. Là aussi, il faut se poser la question de savoir si ces dons sont uniquement tournés vers le Bien, ce qui semble peu probable pour différentes raisons : leurs détenteurs se trouvent ainsi favorisés par rapport aux autres, ce qui est incompatible avec la Bienveillance divine et l’Esprit unique, et ces dons peuvent être utilisés à des fins mauvaises selon la nature de leurs détenteurs. Il n’est donc pas possible de les considérer comme émanant du Bien.

Enfin, il y a le concept des réminiscences. Là aussi nombres de personnes m’ont raconté avoir eu la « vision » de leurs vies antérieures, notamment celles où elles étaient des cathares revêtus. Il est clair que cela ne peut venir du Bien, car ces visions cherchent à égarer ceux qui les ressentent en leur faisant croire à une forme de supériorité. En outre, si l’on est un cathare revêtu à une époque, on ne doit pas avoir l’occasion de vivre d’autres vies, sauf à s’être déchu de ce statut.

Ainsi, j’en conclus que ce monde intermédiaire est plus proche du monde physique que du monde spirituel. C’est à mon avis l’action de l’âme mondaine qui crée ce monde afin de mieux nous leurrer, et de nous empêcher de tendre, dans notre emprisonnement en ce monde, vers un cheminement entièrement tourné vers notre retour au Père.

Conclusion

Si j’ai pris le temps de vous faire part de mes réflexions sur ces sujets, c’est au cas où vous auriez eu, vous aussi, l’occasion d’y réfléchir et dans l’intention de vous proposer des pistes de réflexions auxquelles vous n’auriez peut-être pas pensé, mais aussi pour vous rappeler que la doctrine cathare est sans ambages sur l’effacement mémoriel qui précède notre transmigration et sur le fait que le Bien ne peut tolérer la moindre trace d’amoindrissement dans ses effets.

Guilhem de Carcassonne, le 11 juin 2023.


[1] Néologisme créé à partir du préfixe géo (la Terre) pour exprimer l’habitude que nous avons de vouloir comparer des « espaces » qui nous sont inconnus avec des références de notre vie sur Terre.

[2] Le curé de Cucugnan in Lettres de mon moulin, par Alphonse Daudet (1869) d’après un sermon recueilli par Auguste Blanchot de Brenas en 1858.

[3] Interstellar, film de Christopher Nolan (2014) réalisé sur la base de plusieurs films de science-fiction et des travaux du physicien Kip Thorne.

[4] Eric Arthur Blair, dit George Orwell, écrivain et journaliste britannique, né le 25/06/1903 en Inde et mort le 21/01/1950 à Londres, est l’auteur de livres fantastiques et philosophiques comme La ferme des animaux et 1984.

[5] Matrix, film des frères Larry (devenu Lana en 2012) et Andy (devenu Lilly en 2016) Wachowski (1999).

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