La grenouille et le scorpion.

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La grenouille et le scorpion.

Une fable d’origine inconnue

Cette fable, dont l’auteur reste inconnu, pourrait trouver son origine chez Ésope, le fabuliste grec qui dans Le laboureur et le serpent gelé reprend le même thème. Il a aussi inspiré Jean de La Fontaine pour deux fables qui inversent le propos final.

Voici la fable telle qu’elle apparaît dans de nombreux médias :
« Un scorpion et une grenouille se trouvèrent cernés par les flammes d’un incendie dans la prairie où ils vivaient. Le feu progressant ils se trouvèrent acculés à la rive d’un ruisseau que la grenouille se préparait à franchir à la nage pour se mettre à l’abri des flammes.
Le scorpion, ne sachant pas nager, lui dit alors : Prends-moi sur ton dos et fais-moi traverser la rivière, car je ne sais pas nager et je vais mourir, soit brûlé vif, soit noyé. La grenouille inquiète lui répondit : Tu es un scorpion et ne penses qu’au mal. Si je te prends sur mon dos, tu vas me piquer et je mourrai alors que je peux me sauver aisément. Le scorpion lui fit remarquer que ce serait stupide de sa part de la tuer puisque sa survie dépend d’elle. Touchée par cet argument et émue du sort qui attendait le scorpion si elle ne l’aidait pas, la grenouille accepta, prit le scorpion sur son dos et commença à nager vers la rive opposée.
Au beau milieu de la rivière, la grenouille ressentit une violente piqure et commença à agoniser. Elle tourna la tête vers le scorpion et lui dit dans un dernier râle : Tu es fou, maintenant nous allons mourir tous les deux ! Le scorpion lui répondit : Je sais, mais je n’y peux rien. C’est ma nature. »

Comment analyser cette fable ?

Cette fable semble bien pessimiste. Ainsi, selon elle, même devant les plus grands périls on ne saurait changer si l’on est habité par le Mal. En effet, la grenouille change d’attitude et va à l’encontre de sa nature suspecte pour respecter sa nature bienveillante. En fait c’est sa nature profonde qui ne change pas, tout comme c’est le cas du scorpion. Ce dernier, vraisemblablement honnête quand il demande à la grenouille de le sauver, est repris par sa nature profonde et se laisse aller à son penchant naturel pour le mal. Même la certitude de sa propre mort ne peut le faire changer d’attitude.
Il n’est pas étonnant qu’Ésope, le grand fabuliste grec, qui aurait vécu vers le 5e ou 6e siècle avant notre ère, soit crédité de la paternité de cette fable au travers de la sienne ou un laboureur sauve un serpent de la mort et se fait mordre à mort par ce dernier dès qu’il retrouve la santé. En effet, ce que nous dit d’abord cette fable c’est que nous ne pouvons pas changer ce qui nous fonde. Or, c’est justement un autre Grec qui va formaliser cette notion dans sa philosophie. Aristote, qui a vécu plus d’un siècle plus tard, fera de la théorie des principes une part importante de sa philosophie que l’on retrouve dans l’ouvrage Métaphysique qui compile des textes épars de son œuvre.

Les causes sont conformes aux principes

Aristote nous explique que les principes sont à l’origine de tout et sont strictement univoques. Cela veut dire qu’un principe ne peut être rattaché à rien qui le précèderait et qu’il ne propose qu’une seule option, sans mélange ni dilution. Ainsi, les causes qui découlent d’un principe sont forcément de même nature que lui et elles ne peuvent rien emprunter à un autre principe, par définition différent voire opposé à celui dont elles découlent.
Ce concept apparaît dans le Nouveau Testament chez Matthieu qui nous dit que le bon arbre ne peut porter que de bons fruits et le mauvais arbre ne peut en porter que de mauvais. C’est très intéressant, car ce concept philosophique est en opposition avec le Judaïsme qui montre que Iahvé peut dispenser tout autant le bien que le mal. C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut apprécier la déviation du Judéo-christianisme qui, malgré son apparente adhésion à la parole de Jésus, ne peut s’empêcher de conserver la conviction juive. Certes, il tentera de concilier les deux en déplaçant la responsabilité du mal sur l’homme afin d’en exonérer Dieu. Il inventera également la notion de libre arbitre pour dégager Dieu de la responsabilité de la « corruption » de l’homme devenu malin.
Pour les cathares, le respect de la parole christique est total. Dieu, perfection dans le Bien, ne peut en aucune façon se voir attribuer la moindre parcelle de Mal. C’est donc un autre principe qui est responsable de tout le mal et incapable du moindre bien. Ce principe du Mal, qui n’a pas les compétences divines, coexiste néanmoins de toute éternité avec le principe du Bien, que nous appelons Dieu, qui lui seul dispose de l’Être, compétence ontologique qui assure l’éternité et la perfection de tout ce qui émane de lui.
Ce qui émane de Dieu ce sont les esprits saints, improprement appelés création, alors que le principe du Mal produit des êtres malins, comme le démiurge que l’on appelle Satan ou Diable, selon les époques. C’est ce dernier qui crée ce monde et qui pour lui donner une apparence d’éternité y enferme une partie de la sphère divine. Nous sommes donc des parcelles de Bien prisonnières d’une prison charnelle créée par le démiurge, serviteur du principe du Mal.

Le Mal ne peut produire du Bien

Une fois posé ce tableau, il convient de bien comprendre en quoi cette fable est révélatrice. Quoi que l’on puisse faire, croire, espérer ou rêver, jamais le Mal ne produira de Bien et jamais le Bien ne pourra transformer le Mal en Bien. La seule chose qu’il soit possible de croire et d’espérer c’est que les parcelles de Bien prisonnières dans la création du Mal, pourront s’échapper et revenir à leur point d’origine. Mais comment être certain que le Mal ne pourra pas les retenir éternellement ?
L’explication en est simple. En nous emprisonnant, le démiurge fait comme le scorpion. Il affecte d’être bon pour endormir notre méfiance. Mais sa nature est plus forte que sa capacité à nous leurrer. En outre, le principe du Bien, s’il ne peut agir sur ce qui relève du principe du Mal, est tout puissant sur ce qui relève de lui. Donc, il nous envoie régulièrement des messagers qui nous aident à comprendre la situation et qui nous montrent la voie à suivre pour échapper à cet enfer. Dans le même temps, le Mal rejette ce qui lui est étranger et, laisse partir des parcelles de Bien prisonnières. Au final, cette création maléfique sera purgée de toute trace de Bien et revenue intégralement à sa nature « principielle » elle s’effondrera, car le Mal n’a pas l’Être et ne peut donc rien maintenir éternellement.

Que nous apprend cette fable ?

Chaque fois que nous voulons croire que le mal peut reculer face au bien dans ce monde, nous sommes en fait victimes de notre mondanité. C’est notre incarnation qui prévaut sur notre spiritualité en nous donnant cet espoir qui nous interdit de nous détacher de ce monde dominé par le Mal. Pour autant, je dois reconnaître qu’il est très difficile de renoncer à tout espoir pour ce monde. En effet, nous ne connaissons objectivement que lui et nous lui sommes attachés. Nous voulons le croire réformable et amendable, car sinon nous le condamnons et nous avec. Notre mental, qui n’est rien d’autre que l’outil utilisé par le démiurge pour maintenir notre part spirituelle inerte, nous force à croire que nous avons le pouvoir d’améliorer les pires situations pour les rendre meilleures. Mais c’est un leurre. Ce monde ira de plus en plus mal et la plupart du bien que nous observons conduit à un mal plus grand ou déplace le mal ailleurs. Les seules parcelles de Bien réelles en ce monde sont le fait de ceux qui agissent sous l’effet de leur spiritualité profonde, mais sont le plus souvent sans effet sur la course diabolique du monde.
Cette vision dramatique, apocalyptique diront certains, est-elle pour autant la démonstration qu’il ne faut rien faire ? Non, car elle nous apprend deux choses : d’abord nous devons accepter cette réalité pour que nous puissions arriver à l’éveil. C’est en laissant mourir le vieil homme — l’Adam — qui est en nous, que pourra émerger le nouvel homme — le Christ — qui nous permettra d’aller vers le salut. Ensuite, informé de notre vraie nature, nous pourrons agir en pleine conscience et dispenser du bien autour de nous, sans pour autant que cela nous aveugle sur l’évolution du monde. Pour faire une sorte d’analogie, je dirai que nous sommes comme des membres d’une famille autour d’un mourant. Si nous pensons l’empêcher de mourir en lui disant qu’il va vivre et que notre amour peut le sauver, nous le leurrons et nous nous leurrons. Au final, quand vivra son dernier instant, il souffrira davantage de nos pieux mensonges et nous serons nous-mêmes pénalisés d’avoir fait ce choix qui nous privera des derniers moments d’amour réels envers notre proche. Si au contraire nous sommes pleins d’amour, nous pourrons lui dire la vérité avec les mots choisis qui lui feront comprendre qu’il peut partir sereinement, entouré d’amour et fournisseur d’amour lui-même. Ainsi, cette agonie sera positive, car chacun y prendra sa part et chacun la vivra de façon apaisée. La première façon de faire induit une inégalité entre ceux qui savent et celui ignore la réalité, ce qui marque l’égoïsme, alors que la seconde est empreinte d’égalité et de respect réciproque, ce qui marque l’altruisme.

Ma conclusion

Jour après jour je vois ce monde s’enfoncer dans le mal, faire les choix qui divisent au lieu de ceux qui unissent et, si cela me désole, cela ne m’étonne plus. Cela ne me révolte pas non plus, car c’est dans la nature d’un monde créé par le Mal d’agir ainsi. L’immense majorité des hommes n’est pas éveillée. Il est donc normal qu’ils agissent ainsi.
Je voudrais que celles et ceux qui, parmi nous, sont éveillés cessent de feindre croire que ce monde peut s’améliorer que s’ils se concentrent plutôt sur le bien qu’ils peuvent dispenser et sur leur propre cheminement vers leur salut. Pour celles et ceux qui hésitent encore à croire ce que je dis, je les invite à se plonger dans l’étude afin de comprendre l’évolution du monde et de mieux intégrer le message de Christ. Ainsi, grâce à cette connaissance fondamentale, ils pourront sans aucun doute accéder eux aussi à l’éveil et suivre la bonne route.

Éric Delmas – 09/11/2016

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