De l’obscurantisme à la civilisation

Informations du site

1 715 vue(s)

De l’obscurantisme à la civilisation

Nous vivons une période terrible qui va nous pousser à faire des choix dont les conséquences seront durables et risquent même de remettre en cause notre modèle de civilisation, au risque de nous ramener de cinq à quarante mille ans en arrière.

L’humanité et l’évolution

L’humanité est l’exemple même de l’émigration économique et climatique. Depuis nos origines nous n’avons cessé de nous déplacer pour suivre les troupeaux et pour fuir des conditions climatiques défavorables. Si nous devions revendiquer une terre « natale », ce ne pourrait être que la vallée du Rif qui sépare l’Éthiopie du reste de l’Afrique. Ce rappel volontairement extrême ne veut que nous rappeler que la plupart de nos certitudes ne sont basées que sur des analyses biaisées. Entendre les politiques australiens rejeter toute idée d’accueil des réfugiés climatiques tongiens basée sur le droit du sol natal ne peut que faire rire quand on se rappelle qu’il n’y a que quelques centaines d’années que ces occidentaux se sont installés sur ce territoire en y massacrant les habitants légitimes et originaux, les Aborigènes.

Entendre les habitants d’Europe centrale s’opposer à l’accueil des réfugiés de guerre pose la question de leur légitimité quand on sait qu’ils sont eux même des immigrants politiques et économiques, tout comme nous, qui descendons des Vikings, des Francs, des Wisigoths, etc.
Mais la question est de savoir à partir de quand l’homme a réellement évolué. Je l’ai expliqué dans mon livre, c’est quand il s’est trouvé obligé de regrouper les cellules nucléaires pour former des communautés plus larges, seul moyen de mettre en commun les moyens de défense, de chasse et les capacités d’échanges pour progresser dans un monde hostile.

Qui sont les migrants et qui sont les réfugiés ?

Nous entendons souvent parler de migrants économiques et de réfugiés de guerre, afin de les différencier et de justifier le rejet des premiers et l’accueil parcimonieux des seconds.
Mais en fait il s’agit d’un énorme mensonge.

Un migrant économique c’est un français qui, sans autre justification que d’améliorer une situation économique qui n’a rien de vitale, part en Angleterre, en Australie, au Canada ou aux États-Unis par exemple pour y trouver des opportunités encore meilleures et l’espoir d’y faire fortune loin de contraintes nationales qui lui semblent excessives. Et la plupart du temps, ce migrant est bien accueilli.
Quand une personne vit dans un pays où l’économie est tellement désorganisée que la plupart de la population y vit dans état de misère, si elle choisit l’exil pour essayer de trouver des conditions économiques indispensables à sa survie, ce n’est pas un migrant mais un réfugié économique.
Si en plus il s’avère que l’état économique de son pays est la résultante de siècles de politiques économiques basées sur l’exploitation des richesses et de la main d’œuvre locale au profit de nos intérêts et que cela nous a même poussé à favoriser la mise en place de régimes politiques dictatoriaux que nous installés, entretenus et choyés avant de les rejeter d’un air dégouté, quand ils ne sont plus en place, je ne vois pas en quoi ceux qui s’enfuient et qui viennent vers nous pourraient être rejetés. Nous les avons mis dans cette situation par égoïsme et avec le plus profond mépris des règles qui figurent au fronton nos édifices publics, le moins que nous puissions faire est de leur rendre ce que nous leur avons pris.
Les réfugiés de guerre sont eux aussi en droit de nous demander des comptes. En effet, quelles sont ces guerres qui les poussent à fuir ? Ce sont celles que nous avons allumées nous mêmes quand les dictateurs que nous avions installés nous sont devenus infréquentables. Le Moyen Orient est à feu et à sang ? À qui la responsabilité ? Je vous invite à relire vos livres d’histoire sur ce que nous avons fait là-bas. Les frontières tirées au cordeau à partir de cartes sont-elles comme les nôtres issues de siècles d’adaptation, souvent sanglante, ou bien sont-elles le fait du prince occidental méprisant des cultures locales et des ethnies en place depuis des siècles ? Lawrence d’Arabie qui nous fait rêver au cinéma a vainement tenté de contrer ce comportement occidental au profit des peuples du sable. L’affaire de Suez, dans laquelle nous avons largement trempé, est un exemple de notre interventionnisme souvent militaire.
Alors, quand nous avons éliminés les élites locales et les opposants pacifiques, naïvement convaincus qu’ils pouvaient s’opposer à nous sans violence, à l’instar d’un Patrice Lumumba au Congo, apparaissent des extrémistes qui savent que rien ne peut se faire sans violence et hors de l’extrémisme. Cela nous étonne ? Et la Révolution française, elle s’est faite avec des modérés ?
Aujourd’hui nous cumulons donc les effets de nos comportements économiques et politiques à l’encontre du reste du monde et nous en recevons le prix. Des hommes, des femmes et des enfants viennent vers nous, non pas pour nous attaquer et nous rendre la monnaie de notre pièce. Non, ils sont plus civilisés que nous ne l’avons jamais été envers eux. Ils nous demandent simplement de les accueillir et de partager un peu de notre excédent pour combler partiellement leur misère.

Que devons-nous faire ?

Nous avons mis plusieurs siècles à détruire la plus grande partie du monde où vivent les hommes. Attendons-nous à devoir en supporter les conséquences pendant plusieurs décennies.
Il faut conserver la mémoire car c’est elle qui nous empêche de répéter nos erreurs passées. Ce que nous vivons aujourd’hui, d’autres l’ont vécu à peu près de la même façon il y a quelques années. Nos ancêtres ont aussi marché sans but sur les routes et dans les champs, mitraillés par les stukas allemands, à la recherche d’un havre de paix. D’autres sont venus vers nous poussés par un communisme extrémiste ou par un nationalisme fasciste, et nous les avons accueillis. Ils sont parmi nous aujourd’hui et nous en sommes bénéficiaires car, quand on accueille les autres dans leur souffrance, ils nous en sont reconnaissants et ils participent à un meilleur avenir pour tous, eux comme nous.
Il faut retrouver les valeurs du partage. Notre société est devenue individualiste et égoïste. Alors qu’il y a peu nous vivions au sein de grandes familles comportant au moins trois générations et que cette vie simple et dépourvue de fioritures était agréable, nous avions toujours une place à table laissée volontairement libre au cas ou un étranger de passage nous demanderait l’asile et de quoi manger. Aujourd’hui, nous mettons les vieux dehors car nous ne voulons plus les supporter, nous accumulons l’argent pour acheter des choses futiles mais les enfants s’élèvent tous seuls car personne n’est là pour les éduquer.
Soyons lucide, aider les autres c’est nous aider nous mêmes. En effet, si nous laissons une partie du monde sombrer dans la folie et la souffrance, elle viendra nous en demander des comptes et nos armes atomiques ne nous protégeront pas. Nous perdrons tout pour avoir tout voulu conserver. Partageons, apprenons les vertus de la juste suffisance, faisons preuve de solidarité, recommençons ce que nous avons fait il y a plusieurs dizaines de milliers d’années : constituer une masse humaine solidaire et unis pour affronter un monde violent et agressif. Redonnons au mot Civilisation tout son sens et ne replongeons pas dans les ténèbres de l’obscurantisme.

 

Éric Delmas – 17/09/2015

Faites connaître cet article à vos amis !

Informations du site

Contenu soumis aux droits d'auteur.